II. DES RÉFORMES IMPORTANTES ET NÉCESSAIRES DANS LE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION
A. LA RÉFORME DE LA CHAÎNE DES CONTRÔLES
La
réforme de la chaîne des contrôles est le corollaire de la
réussite de la LOLF, permettant de s'assurer tant de la
régularité que de la souplesse des procédures.
La LOLF vise à responsabiliser davantage les gestionnaires de
crédits en leur accordant une liberté accrue dans l'affectation
des ressources.
Afin que la culture de responsabilité et de
performance puisse s'ancrer dans l'administration, il apparaît
nécessaire de réformer l'organisation des contrôles
selon deux axes : d'une part, le
développement du contrôle
de
gestion et, de manière générale, des
contrôles internes
: en effet, ils constituent des outils
indispensables pour permettre au gestionnaire de disposer
d'éléments d'information fiables et complets sur la situation de
son budget et les performances de son administration ; d'autre part,
l'allègement des contrôles externes
a priori
, qui
tendent à ralentir les procédures et à encadrer de
manière trop immédiate la responsabilité des
gestionnaires.
1. Le contrôle de gestion, corollaire indispensable de la réforme
Le
développement du contrôle de gestion dans les administrations est
un chantier dont le pilotage revient à la délégation
à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat
(DMGPSE), anciennement délégation interministérielle
à la réforme de l'Etat (DIRE).
La circulaire interministérielle du 21 juin 2001 relative au
contrôle de gestion indiquait que : «
La recherche de
la performance de la gestion publique vise à accroître le
bénéfice que l'action de l'Etat procure à la
société et à optimiser la qualité du service rendu
à l'usager tout en s'inscrivant dans une politique budgétaire
soutenable.
«
Sa réussite passe par un renforcement de l'autonomie et
de la responsabilité des gestionnaires sur la base d'objectifs et de
moyens clairement définis assortis d'engagements sur des
résultats.
«
Elle est inscrite dans les démarches de
budgétisation orientée vers les résultats, de
modernisation de la fonction immobilière et d'élaboration des
plans pluriannuels de modernisation qui ont été mises en oeuvre
depuis plusieurs années.
«
Une telle démarche, qui vise à passer d'une
logique de moyens à une logique de résultats, comporte un volet
interne à chaque administration : la structuration de ses
activités autour des résultats attendus et l'organisation du
dialogue de gestion entre l'administration centrale et les services sur ce
fondement.
«
Au-delà de cette dimension interne, l'orientation de la
gestion vers les résultats vise à mieux éclairer les
décisions de politiques publiques en fournissant des informations
pertinentes sur les coûts et les résultats de chacune d'entre
elles. Elle répond ainsi à une exigence accrue de transparence
qui découle du principe démocratique. Elle s'accompagne d'une
obligation de compte rendu à destination aussi bien du Parlement, qui
décide des politiques publiques et alloue les moyens, que des
différents niveaux d'administration chargés de les mettre en
oeuvre. Elle rend nécessaire la prise en compte des résultats de
l'action dans l'évaluation des personnels d'encadrement.
«
Le comité interministériel à la
réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 a donné une nouvelle
impulsion à cette démarche en faisant de la
généralisation du contrôle de gestion dans les
administrations de l'Etat un des axes centraux de la modernisation de la
gestion publique.
«
Il a inscrit cette démarche dans la perspective de la
réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. L'orientation de la
budgétisation vers les résultats rend en effet indispensable
l'existence au sein des administrations d'un système de contrôle
de gestion permettant le pilotage des services et la restitution des
éléments d'appréciation des résultats des
politiques publiques. Il importe que dès à présent chaque
administration se prépare aux nouvelles règles de gestion
induites par la réforme, en développant et en
généralisant en son sein le contrôle de gestion. (...)
«
Il nous paraît en effet essentiel que les responsables des
services au sein de votre ministère considèrent le contrôle
de gestion non seulement comme une obligation formelle mais comme une
impérieuse nécessité qui requiert leur mobilisation et
s'impose à eux comme le meilleur moyen pour optimiser le pilotage et le
suivi des activités dont ils ont la charge
».
Dans un cahier des charges pour l'élaboration des nouveaux contenus des
budgets ministériels, diffusé auprès des ministères
par la direction du budget le 18 février 2002, il était
précisé que : «
le contrôle de gestion
vise d'abord à piloter les résultats intermédiaires
attendus de l'activité des services ; il est orienté vers le
pilotage des résultats directs des actions plus que vers la mesure de
l'impact final des politiques. Le document budgétaire ne pourra en
général utiliser les matériaux du contrôle de
gestion pour documenter la performance des programmes que moyennant une
sélection, une synthèse et des compléments
».
Le développement du contrôle de gestion dans les administrations
Dans la
préface du document relatif au «
contrôle de gestion
dans les administrations de l'Etat
», édité en juin
2002 par la Délégation interministérielle à la
réforme de l'Etat, M. Jacky Richard, délégué
interministériel à la réforme de l'Etat indique que
«
destiné tant aux managers qu'aux contrôleurs de
gestion, [ce document] est publié à un moment opportun pour deux
raisons. D'une part, les ministères viennent de rédiger leurs
« plans pluriannuels de développement du contrôle de
gestion », comme le CIRE
38(
*
)
2000 le leur avait demandé, et
il s'agit à présent de largement diffuser la démarche.
D'autre part, la loi organique relative aux lois de finances du 1
er
août 2001, qui met en place une budgétisation par objectifs,
nécessite pour son application, comme l'a rappelé le CIRE du 15
novembre 2001, un mode de management des services qui s'articule sur les
objectifs de performance définis au niveau des lois de finances. C'est
ce que permet précisément le contrôle de gestion. La mise
en place du contrôle de gestion pourra ainsi intervenir, j'en forme le
voeu, avec une méthodologie adaptée au service public et
partagée par les acteurs publics
».
Dans ce même document, les liens entre le contrôle de gestion et le
réforme budgétaire sont précisés :
«
Si le développement du contrôle de gestion au
sein des administrations participe d'une démarche générale
d'amélioration de la gestion publique, la réforme
budgétaire décidée par le Parlement exploite cette
dynamique et lui donne une référence calendaire précise
(...)
.
«
La loi organique du 1
er
août 2001 traduit une
évolution majeure de la gestion publique d'une logique de moyens vers
une
logique de performance
. Défini à l'article 7 de la
LOLF, le nouveau cadre d'autorisation budgétaire substitue le vote des
crédits par programme ministériel (éventuellement
regroupés au sein de missions interministérielles) au vote par
nature de dépenses (titres et chapitres budgétaires actuels). Il
ne s'agit pas là d'un simple changement de nomenclature puisque les
programmes regrouperont désormais « les crédits
destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble
cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auxquels
sont associés des objectifs précis, définis en fonction de
finalités d'intérêt général, ainsi que des
résultats attendus et faisant l'objet d'une
évaluation ».
Le développement du contrôle de
gestion dans les administrations permettra cette nouvelle logique de
définition d'objectifs et de mesure
des
réalisations
.
«
Plusieurs autres dispositions de la LOLF impliquent un
renforcement des pratiques de contrôle de gestion. L'article 27 exige de
l'Etat la mise en oeuvre d'une « comptabilité destinée
à analyser les coûts des différentes actions
engagées dans le cadre des programmes », tandis que l'article
30 fait des principes de comptabilité générale la
règle et non plus l'exception (« les règles applicables
à la comptabilité générale de l'Etat ne se
distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des
spécificités de son action »). Enfin, ce même
article consacre l'abandon de la distinction « services
votés/mesures nouvelles » et l'obligation de justification des
crédits au premier euro.
«
L'esprit de la réforme budgétaire tout comme ses
principales dispositions sont donc autant d'incitations au développement
des pratiques de contrôle de gestion dans les administrations. (...)
«
La mise en place d'une « nouvelle discussion
budgétaire et d'un contrôle modernisé, fondé sur des
relations transparentes et confiantes avec
l'administration »
39(
*
)
, est aussi l'un des objectifs majeurs
poursuivis par les promoteurs de cette réforme. Le débat
budgétaire devrait rapidement s'enrichir des documents indispensables
à l'approfondissement de la fonction de décision et de
contrôle exercée par le Parlement. Les «
projets
annuels de performance
» préciseront, lors de l'examen du
projet de loi de finances, les « actions, coûts
associés, objectifs poursuivis, résultats obtenus et attendus
pour les années à venir au moyen d'indicateurs précis dont
le choix est justifié » (article 51-5). Quant au suivi de
l'exécution budgétaire, il sera amélioré par la
lecture des «
rapports annuels de performance
» qui
présenteront les « objectifs, les résultats attendus et
obtenus, les indicateurs et coûts associés » des
programmes
.
«
Dans ce cadre, le contrôle de gestion pourra faciliter le
débat budgétaire en fournissant des indications, aussi
précises que précieuses, sur l'activité des
administrations. La finalité première des indicateurs est certes
le pilotage par les responsables des ministères des activités de
leurs services, mais la matière ainsi fournie par le
développement du contrôle de gestion sera aussi utilement mise au
service de la transparence des relations entre l'administration et la
représentation nationale
».
Les liens entre le contrôle parlementaire et le contrôle de gestion
sont également rappelés :
«
Dans un premier temps, les documents budgétaires
rédigés à l'intention du Parlement ne pourront en
général utiliser les données fournies par le
contrôle de gestion pour renseigner sur la performance des programmes
qu'après avoir fait une synthèse et les avoir
complétées par des enquêtes, notamment des enquêtes
ad hoc portant sur les axes « qualité » et
« impact » de la performance. Il est néanmoins
souhaitable qu'à terme les systèmes d'information puissent
fournir des données exploitables par le Parlement, y compris dans le
domaine de la satisfaction des usagers et des résultats finaux de
l'action de l'Etat, sans avoir recours à des enquêtes
spécifiques ».
Enfin, la dimension culturelle du contrôle de gestion est mise en
exergue :
«
Traditionnellement, la gestion des activités de service
public a privilégié la dimension technique. Bien faire la
tâche à laquelle on est affecté, maîtriser l'aspect
technique du fonctionnement, mobiliser les moyens nécessaires, ont
constitué des préoccupations essentielles. Les
éléments de nature économique étaient souvent
négligés, même au moment de la construction
budgétaire. Les décisions au quotidien n'étaient pas
toujours reliés à des objectifs préétablis.
«
Ces attitudes sont aujourd'hui considérées comme
un frein à l'efficacité de fonctionnement des services publics et
de l'administration. Il faut envisager une autre culture, celle du pilotage par
la performance, la recherche régulière et continue des conditions
d'atteinte des objectifs fixés, conformément au nouveau cadre de
la gestion publique défini notamment par la loi organique relative aux
lois de finances.
«
Il est important de pouvoir mesurer régulièrement
les réalisations, de les analyser et d'en déduire les adaptations
éventuelles qui en découlent. Ainsi, le décideur pourra se
retrouver en situation de mieux gérer l'événementiel.
«
Cet état d'esprit est à développer, ou
à renforcer, voire à généraliser. Ce changement de
culture est fondamental pour assurer la qualité de service et
l'optimisation de l'utilisation des ressources économiques.
«
Il s'appuie également sur un comportement orienté
vers l'usager. La modernisation de la gestion publique impose de prendre en
compte les attentes des utilisateurs et de développer des offres de
services de plus en plus personnalisées.
«
Enfin, il suppose de savoir introduire des modes de travail plus
collectifs et coopératifs qui permettent également de mieux
placer une fonction, une activité à l'intérieur d'un
processus complet de production. Il s'agit d'une condition fondamentale pour
faciliter les échanges entre les acteurs, développer des liens et
des relations qui sont à la base de la performance (...)
».
Les extraits relatifs au contrôle de gestion cités plus haut
soulignent combien il est indispensable que soient définis au
préalable les périmètres de responsabilité de
chacun des acteurs. En ce sens,
le développement du contrôle de
gestion dans les administrations est inséparable des démarches de
contractualisation
(puisqu'il permet le pilotage des services par des
objectifs et la mesure de l'activité et des résultats obtenus)
et de responsabilisation des gestionnaires publics
(puisqu'il permet
d'identifier les sources d'inefficience et tend à développer la
dimension stratégique de la gestion), à l'oeuvre dans
l'administration.
Il doit pleinement s'articuler avec les autres chantiers
de la modernisation de la gestion publique et, en particulier, avec la mise en
oeuvre de la LOLF
.
2. La question du devenir du contrôle financier
Le
contrôle portant sur les finances publiques est essentiellement,
contrairement au contrôle de gestion, un contrôle externe. Il
existe un contrôle
a posteriori
(exercé par les inspections
générales et la Cour des comptes notamment) et un contrôle
a priori
(le contrôle financier), qui s'ajoutent aux
contrôles du comptable public.
La mission du contrôle financier est définie par la loi du 10
août 1922. Pour tout acte émanant d'une autorité
administrative ayant une incidence financière
40(
*
)
, le contrôleur financier doit
vérifier :
- l'imputation budgétaire ;
- la disponibilité des crédits ;
- l'exactitude de l'évaluation de la dépense ;
- le respect des dispositions législatives et réglementaires ;
- les conséquences immédiates ou à terme des mesures
proposées sur les finances publiques.
Extraits de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier
Art. 3 -
La comptabilité des dépenses engagées est tenue suivant
les règles et dans la forme déterminées par un
décret portant règlement d'administration publique rendu sur la
proposition du ministre chargé des finances.
Les résultats de cette comptabilité sont fournis
trimestriellement au ministre des finances et aux ministres
intéressés, ainsi qu'aux commissions financières des deux
chambres.
Cette communication est accompagnée d'un relevé explicatif,
appuyé de tous renseignements utiles, des suppléments et des
annulations de crédits que l'état des engagements pourrait
motiver au cours de l'exercice. (...)
Art. 4 - Les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au
point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de
décrets, d'arrêtés, contrats, mesures ou décisions
soumis au contreseing ou à l'avis du ministre des finances, ainsi que
sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits
additionnels de toute nature des départements ministériels
auxquels ils seront attachés. Ils reçoivent, à cet effet,
communication de tous documents ou renseignements utiles.
Ces avis sont transmis au ministre des finances en même temps que les
projets, propositions ou demandes auxquels ils se rapportent.
Art. 5 - Tous autres décrets, arrêtés, contrats, mesures ou
décisions émanant d'un ministre ou d'un fonctionnaire de
l'administration centrale et ayant pour effet d'engager une dépense sont
soumis au visa préalable du contrôleur des dépenses
engagées.
Le contrôleur les examine au point de vue de l'imputation de la
dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude
de l'évaluation, de l'application des dispositions d'ordre financier des
lois et règlements, de l'exécution du budget en conformité
du vote des chambres et des conséquences que les mesures
proposées peuvent entraîner pour les dépenses publiques. A
cet effet, il reçoit communication de toutes les pièces
justificatives des engagements de dépenses.
Si les mesures proposées lui paraissent entachées
d'irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de
désaccord persistant, il en réfère au ministre des
finances.
Il ne peut être passé outre au refus de visa du contrôleur
que sur avis conforme du ministre des finances. Les ministres et
administrateurs seront personnellement et civilement responsables des
décisions prises sciemment à l'encontre de cette disposition.
Le contrôleur est avisé sans délai de la suite
donnée par le ministre ou ses délégués aux
propositions qui lui ont été soumises.
Art. 6 - Aucune ordonnance de paiement ou de délégation ne peut
être présentée à la signature du ministre
ordonnateur qu'après avoir été soumise au visa du
contrôleur des dépenses engagées. Les ordonnances non
revêtues du visa du contrôleur sont nulles et sans valeur pour les
comptables du Trésor.
Le contrôleur s'assure notamment que les ordonnances soumises à
son visa se rapportent soit à des engagements de dépenses
déjà visés par lui, soit à des états de
prévisions de dépenses dont il a préalablement pris en
charge dans ses écritures, et se maintiennent à la fois dans la
limite de ces engagements ou états de prévisions et dans celles
des crédits. Il reçoit communication de toutes les pièces
justificatives des dépenses, ainsi que des états de liquidation
et des demandes d'ordonnancement. Si les ordonnances lui paraissent
entachées d'irrégularités, le contrôleur les vise
avec observations.
En aucun cas, il ne pourra être procédé au paiement des
ordonnances visées avec observations qu'après autorisation du
ministre des finances.
Les ministres ordonnateurs seront personnellement et civilement responsables
des décisions prises sciemment à l'encontre des prescriptions du
présent article.
Art. 7 - Chaque année, les contrôleurs des dépenses
engagées établissent un rapport d'ensemble relatif au budget du
dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs
opérations et les propositions qu'ils ont à présenter. Ces
rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de
recettes. Ils sont, ainsi que les suites données aux observations et
propositions qui y sont formulées, communiqués par les
contrôleurs des dépenses engagées au ministre des finances
et aux ministres intéressés et, par l'intermédiaire du
ministre des finances, à la Cour des comptes et aux commissions
financières des deux chambres. (...)
Le contrôle financier avait été créé
à la demande du Parlement : le caractère
a priori
et
systématique du contrôle ainsi exercé lui permettait en
effet de s'assurer du respect de son autorisation budgétaire et de la
conformité des actes avec les lois et les règlements
.
L'organisation et la nature du contrôle financier ont
évolué au cours des dernières années, afin
notamment d'accompagner le mouvement de déconcentration de
l'administration engagé au début des années 1990. Le
décret n° 96-629 du 16 juillet 1996 relatif au
contrôle financier déconcentré et l'arrêté du
29 juillet 1996 en définissant les modalités ont largement
modifié le périmètre et l'organisation de ce
contrôle. D'une part, celui-ci ne s'applique plus seulement à la
gestion des crédits, mais également à celle des emplois.
D'autre part, l'arrêté du 29 juillet 1996 dispose que des
dépenses peuvent bénéficier de modalités
allégées de contrôle, et faire l'objet d'un examen global
prenant la forme d'un visa préalable d'un engagement comptable global et
d'un examen des comptes rendus en fin d'exercice, ou encore se limiter à
l'analyse de comptes rendus de gestion.
Le contrôle financier central voit son positionnement remis en cause par
la LOLF et les évolutions, notamment informatiques, qui
l'accompagnent.
La question de son utilité dans le nouveau contexte
créé par la LOLF est même posée
, tant pour des
raisons symboliques (le contrôle financier est généralement
perçu comme un « censeur tatillon » par les
ministères) que pratiques (l'émergence de systèmes
informatiques intégrés tel ACCORD devrait rendre aisé le
contrôle de la disponibilité des crédits; par ailleurs, les
nouvelles missions confiées aux comptables par la LOLF semblent devoir
réduire le champ d'intervention des contrôleurs financiers).
Logique de responsabilité et évolution des contrôles
Le
document intitulé «
contrôle de gestion dans les
administrations de l'Etat
», édité en juin 2002 par
la Délégation interministérielle à la
réforme de l'Etat, rappelle l'articulation du contrôle de gestion
avec les autres formes de contrôle existantes, et notamment, le
contrôle financier :
«
Le système de contrôle est lié au mode de
gestion. Dans une gestion publique où les gestionnaires disposent de peu
d'autonomie, les contrôles sont principalement externes et portent
d'abord sur la régularité des procédures plutôt que
sur la mesure de la performance.
«
Chacun des grands contrôles externes poursuit des
objectifs spécifiques. Les contrôleurs financiers auprès
des ministres vérifient, a priori, que la dépense
envisagée n'excède pas l'autorisation parlementaire. Les autres
contrôles (Cour des comptes, inspections interministérielles,
inspections ministérielles) se font essentiellement a posteriori. Dans
les établissements publics et sociétés nationales, les
contrôleurs d'Etat exercent un contrôle
« concomitant », mais leur rôle principal est
d'assurer, par l'observation et le conseil, une représentation
permanente de l'Etat au sein de l'organisme.
«
Quoi qu'il en soit, la prédominance et la
multiplicité des contrôles externes ne favorisent pas la
responsabilisation du gestionnaire. Cela contribue à expliquer que le
contrôle interne soit aujourd'hui encore peu développé dans
les services de l'Etat. (...)
«
La loi organique relative aux lois de finances modifie le cadre
général de la gestion publique. Le mode de gestion évolue
d'une logique de moyens à une logique de performance et accroît
l'autonomie des gestionnaires, qui s'engagent en contrepartie sur des
objectifs. Les formes de contrôle de la gestion évoluent en
conséquence. A une typologie distinguant contrôle a priori et
contrôle a posteriori pourrait se substituer une classification qui
distingue contrôles internes et contrôles externes.
«
La responsabilisation des gestionnaires et la prise en compte de
la performance conduisent au développement des contrôles
internes : le contrôle interne stricto sensu et le contrôle de
gestion. (...)
«
Le développement des contrôles internes implique
de revoir le rôle des contrôles externes.
«
Le contrôle financier a déjà
évolué. Le décret du 16 juillet 1996 sur le contrôle
financier déconcentré introduit l'idée d'une modulation du
contrôle financier en fonction de la qualité de gestion de
l'ordonnateur. La tendance est à un examen global des dépenses,
plutôt qu'à un visa préalable individuel pour chaque acte
de dépenses. Des réflexions sont en cours sur l'évolution
du rôle du contrôle financier et son rapport au contrôle de
gestion dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux
lois de finances.
« L'accroissement de l'autonomie des gestionnaires justifie
également le développement des audits externes. Organisés
régulièrement, l'objet de ces audits évoluerait d'une
vérification de l'utilisation des moyens vers un contrôle de la
qualité des contrôles internes, dont le contrôle de gestion.
Les inspections interministérielles et les inspections
générales des ministères pourraient exécuter tout
ou partie de ces contrôles
».
A minima
, une évolution de la fonction du contrôle
financier est donc nécessaire, incluant un recentrage de sa mission de
contrôle sur les principaux risques financiers et juridiques liés
à la dépense publique
. Ainsi, le contrôleur financier
se verrait confier un rôle d'alerte et de vigie davantage que celui d'un
censeur garantissant la régularité de chaque opération
ayant une incidence financière. Ce rôle d'alerte pourrait
d'ailleurs s'exercer tant à l'intention de la direction du budget,
qu'à destination de la Cour des comptes et du Parlement.
Dans un courrier en date du 30 décembre 2002 adressé aux
contrôleurs financiers près les ministres raccordés au
progiciel ACCORD et aux comptables assignataires des dépenses des
administrations centrales de ces ministères, M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire rappelait que «
le comité
interministériel pour la réforme de l'Etat a décidé
lors de sa réunion du 15 novembre 2001 qu'il convenait, au regard
des progrès des systèmes de gestion de l'ordonnateur, d'organiser
une forte décroissance du contrôle externe a priori sur les actes
individuels au profit du développement de l'examen
global
». Le décret n° 2003-659 du
9 juillet 2003 qui modifie la loi précitée du 10 août
1922 constitue la mise en oeuvre de cette orientation.
Décret n° 2003-639 du 9 juillet 2003 relatif au contrôle financier au sein des administrations centrales
L'article 1 modifie l'article 6 de la loi du 10 août 1922. Il
prévoit que si les ordonnances de délégation continuent
à être soumises de manière systématique au visa du
contrôleur des dépenses engagées, seulement
« certaines ordonnances de paiement, définies pour chaque
ministère par un arrêté du ministre chargé du
budget, sont soumises, en raison de la nature des dépenses en cause ou
de leur montant particulièrement élevé, au visa
préalable du contrôle financier ».
L'article 2 dispose que «
nonobstant les dispositions du premier
alinéa de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 susvisée,
certains engagements de dépense peuvent être dispensés du
visa préalable du contrôle financier lorsque leur montant s'impute
sur des crédits ayant fait l'objet de la part de l'ordonnateur d'une
réservation globale visée par le contrôle financier.
«
Nonobstant les dispositions du premier alinéa de
l'article 6 de la même loi, certaines ordonnances de
délégation de crédits peuvent être dispensées
du visa préalable du contrôle financier.
«
Les dispositions des deux alinéas qui
précèdent sont applicables jusqu'au 31 décembre 2005 en
vue de préparer la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août
2001 susvisée.
«
Pour chaque ministère, un arrêté du ministre
chargé du budget détermine les engagements et les ordonnances de
délégation de crédits qui bénéficient des
dispenses prévues aux deux premiers alinéas en tenant compte de
la nature et du montant des dépenses ou crédits, ainsi que des
instruments de prévision budgétaire, de suivi des engagements et
de contrôle interne dont dispose l'ordonnateur.
Cet arrêté précise également les modalités de
vérification a posteriori, par le contrôle financier, de la
régularité des actes, telle que définie au deuxième
alinéa de l'article 5 de la loi du 10 août 1922 susvisée,
pour les engagements et les ordonnances dispensés de visa
préalable. Il prévoit les conditions dans lesquelles
l'ordonnateur rend compte au ministre chargé du budget des mesures
d'accompagnement, de suivi et de contrôle prises par lui
».
(...)
Si
l'allègement des modalités du contrôle des
dépenses engagées est indispensable, ne serait-ce que du fait de
son impact psychologique sur les gestionnaires des crédits, la question
même du maintien de ce contrôle est posée par la loi
organique
. Il convient tout de même de noter que l'existence d'un
contrôle des dépenses engagées conservera une
utilité, dès lors qu'elle permet d'éviter qu'un
responsable engage l'Etat au-delà du budget dont il dispose ou des
budgets prévisibles pour les années suivantes. Par ailleurs, les
dispositions de la LOLF relatives aux effectifs et aux crédits de
personnel sont particulièrement contraignantes pour les gestionnaires
des programmes, et il sera nécessaire qu'un contrôle assure le
respect de ces règles destinées à limiter la
création de charges pérennes pour l'Etat. Enfin, l'existence de
contrôleurs financiers placés auprès des ministères
permet au gouvernement de « tenir » l'exécution du
budget, en assurant la mise en oeuvre, en tant que de besoin, des mesures de
régulation.
L'articulation du contrôle des dépenses engagées avec celui
effectué par le comptable public pourrait toutefois être
problématique. Ainsi que le rappelle le numéro 2 de la
«
Lettre de la Moderfie
», paru en février
2003, «
demain, le comptable public travaillera dans le cadre
d'une comptabilité d'exercice. Il interviendra dès la
création d'une recette ou d'une dépense et constatera les droits
ou les obligations de l'Etat, avant même d'effectuer les
opérations de caisse. (...)
«
La mise en oeuvre d'une comptabilité d'exercice
alignée sur celle des entreprises et les nouveaux dispositifs de
contrôle envisagés militent en faveur du rapprochement
géographique des comptables avec les gestionnaires. D'où le
projet de créer dans les ministères un
« département comptable ministériel »
à l'image de l'expérimentation en cours au ministère de
l'intérieur. Toutes les missions dévolues à un comptable
public y seraient exercées : tenue des comptes, paiement de la
dépense et recouvrement de la recette. (...)
«
Une partie des contrôles encore effectuée
aujourd'hui par le comptable n'aura plus lieu d'être. Grâce
à ACCORD, de nombreuses données auront déjà
été entrées dans le système d'information par le
comptable et le gestionnaire. Ce sera le cas, notamment, de l'habilitation des
ordonnateurs ou de la disponibilité des crédits. Avec la
responsabilisation des gestionnaires, de nouvelles modalités d'exercice
des contrôlent interviennent. Les contrôles
hiérarchisés et partenariaux, actuellement en cours
d'expérimentation, préfigurent le nouveau dispositif. Les
contrôles hiérarchisés seront effectués en fonction
des risques liés à la nature de la dépense et des
pratiques des ordonnateurs. Le comptable pourra décider, par exemple, de
ne plus contrôler des dépenses de faibles montants. Les
contrôles partenariaux reposent sur une démarche d'audit
menée conjointement par l'ordonnateur et le comptable. Si la
qualité des procédures se révèle fiable, les
contrôles ne seront plus effectués qu'a posteriori
».
Compte tenu du rapprochement de la fonction comptable du gestionnaire et de
l'orientation générale vers un allégement des
contrôles
a priori
,
il paraît indispensable d'identifier
les contrôles inutiles et répétitifs, préalable
nécessaire pour mieux articuler les contrôles exercés par
les contrôleurs financiers et les comptables publics
. La question du
maintien de deux fonctions de contrôle au sein d'un même
ministère pourra alors être clairement posée.
B. VERS LA CULTURE DE RESPONSABILITÉ ET LA RÉFORME DE L'ETAT
1. Les conditions du développement d'une culture de responsabilité au sein de l'Etat
a) Une responsabilité administrative rehaussée
La LOLF
vise à améliorer la gestion publique en accordant une large
autonomie aux gestionnaires en contrepartie d'une transparence sur les
objectifs, la performance et les moyens consommés.
Le pari du législateur organique est que le desserrement des contraintes
formelles pesant sur les gestionnaires et la
« défragmentation » du budget de l'Etat permettra de
réaliser des économies substantielles, en modernisant les modes
de gestion, en améliorant leur souplesse et donc, leur adaptation aux
circonstances mouvantes de l'action publique. Un tel pari repose sur la
capacité des différents acteurs de la dépense publique
à assumer des responsabilités nouvelles.
L'appropriation d'une
culture de gestion à tous les niveaux de l'administration constitue un
véritable défi pour la réussite de la réforme.
D'importants programmes de formation doivent permettre une sensibilisation des
fonctionnaires à ce nouveau contexte.
La recherche de la performance suppose un « pilotage fin »
de la gestion publique, et donc, une relative professionnalisation des
fonctions financières au sein de l'administration, s'agissant par
exemple du développement et de la définition des systèmes
d'information financière ou du contrôle de gestion. Ces
compétences nouvelles supposeront la reconversion de certains personnels
et le recrutement de spécialistes issus du secteur privé. Par
ailleurs, de nombreuses questions restent posées s'agissant de la
gestion des ressources humaines au sein de l'administration, chantier dont le
pilotage relève pour l'essentiel du ministère de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du
territoire. Les dispositions de la LOLF favorisent en effet la
responsabilisation et l'autonomie des gestionnaires, ce qui n'est pas
nécessairement compatible avec l'organisation actuelle de la fonction
publique, marquée par l'importance des corps et une négociation
globale sur l'évolution des rémunérations.
La recherche de la performance constitue un changement culturel pour le
monde politique comme pour l'administration
. Elle s'accompagnera d'un
changement structurel, s'agissant des relations entre les ministres, mais
également entre les ministres et les administrations dont ils ont la
charge. La loi organique offrira aux gestionnaires plus de liberté
contre plus de responsabilité. Il faudra redéfinir le champ de
cette liberté et de cette responsabilité, puisque l'on passera
d'une responsabilité de conformité - qui consiste à
respecter les règles de droit - à une responsabilité de
performance.
Aujourd'hui, responsabilité politique et responsabilité de
gestion ne sont pas clairement séparées, compte tenu notamment de
l'importance des effectifs des cabinets ministériels, qui sont souvent
composés de hauts fonctionnaires issus de l'administration dont ils sont
chargés d'assurer le pilotage.
Parmi les pays qui ont engagé des réformes de leur gestion
publique au cours des dernières années, certains ont choisi de
créer des agences indépendantes, dirigées par des
personnes disposant d'un mandat précis et limité dans le temps,
favorisant la distinction entre la conception d'une politique, qui revient au
ministre, et sa mise en oeuvre, qui incombe au responsable de l'agence. Ce
dernier est jugé sur la qualité de sa gestion et la
réalisation des objectifs qui lui ont été fixés par
le ministre.
A cet égard, l'exemple de la Nouvelle-Zélande
constitue un cas extrême
puisque le ministre
« achète » en quelque sorte une prestation à
une agence dont il a la tutelle, et dont le gestionnaire est ensuite
responsable du respect du cahier des charges et de l'efficience dont il fera
preuve dans la production de cette prestation.
L'exemple de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique néo-zélandaise
-
• La responsabilité contre la flexibilité
L'introduction d'une relation fournisseur/acheteur permet de focaliser l'analyse sur les 4 critères-clefs du contrat : la qualité, la quantité, les délais et le prix des biens et services rendus. Cette démarche renforce le degré d'exigence dans les relations quotidiennes des administrations entre elles et donne un contenu plus large et plus précis à la simple notion de service fait. Ces critères doivent permettre à terme de comparer la prestation publique avec une prestation du secteur privé.
Après la mise en concurrence des services, la Nouvelle-Zélande a introduit une mise en concurrence sur les emplois.
Les emplois supérieurs du secteur public ( Chief Executives ) ont été ouverts à la concurrence du secteur privé. Chaque poste de direction vacant fait l'objet d'un appel à candidature qui examine tous les candidats quelle que soit leur origine, publique ou privée.
Chaque nouveau Chief Executive , quelle que soit son origine, se voit proposé un contrat selon les termes suivants : il a la liberté totale de gestion de son service selon les règles énoncées ci-dessus, et, en contrepartie, il est jugé sur les objectifs fixés par son contrat et notamment le respect des contrats de fourniture de biens et services déjà cités.
Ainsi, le système se boucle et est équilibré : liberté accrue de gestion et de management contre responsabilité personnelle sur des objectifs, et un rendu de compte négocié et librement accepté.
L'intitulé du contrat passé entre le ministre et chacun de ses Chief Executives - Performance Agreement , accord de performance - est révélateur.
Cette relation bilatérale est encadrée par la State Commission , service qui donne son avis sur chaque contrat dont elle reçoit copie, et dont elle discute avec le ministre concerné. La commission établit un contrat cadre type et veille au maintien d'une cohérence globale des dispositifs.
- • Un cadrage global des relations contractuelles
Ainsi, une charte de l'employeur public a été édictée par la State Commission afin de garantir le respect de nombreux objectifs comme la sécurité des conditions de travail, la promotion, l'impartialité dans le recrutement et les rémunérations, la reconnaissance de la minorité Maori, la parité hommes/femmes, l'emploi des personnes handicapées, etc.
La rémunération et la carrière des Chief Executives , qui sont environ 50, restent sous l'autorité de la commission qui a vocation à leur procurer de nouvelles opportunités afin qu'ils puissent poursuivre leur carrière au sein de l'administration en fonction des résultats obtenus. Le ministre peut décider de rétribuer ses collaborateurs au-delà de la proposition de la commission, par un Political Appointment qui doit simplement être notifié à la commission.
La durée des contrats est de cinq années. Ils sont renouvelables une fois pour trois années supplémentaires. Les premiers contrats ayant été signés en 1993, 15 Chief Executives ont achevé leur premier contrat et l'ont prolongé de trois années, 9 ont changé de direction au bout de cinq années, 8 sont partis à la retraite ou ont démissionné, 8 ont quitté le secteur public.
La réforme du management a été complétée en 1991 par l' Employment Contracts Act . Cette loi n'abolit pas le statut de la fonction publique, mais permet individuellement à chaque fonctionnaire de renoncer à son statut pour choisir une contractualisation de type droit privé avec un contrat basé sur des objectifs et une évaluation de sa performance.
Ce contrat permet une rémunération en fonction des performances. Il se traduit par une majoration salariale pour l'agent qui renonce en contrepartie à la garantie de l'emploi et accepte de relever des prud'hommes pour d'éventuels litiges liés à l'exécution de son contrat de travail.
La neutralité budgétaire de cette mesure est assurée par la globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement. La liberté de recrutement est laissée à la seule discrétion du responsable du service. En contrepartie, la mise sous enveloppe globale et contrainte de ses moyens le conduit à rechercher l'optimisation de ses moyens de production en fonction de ses objectifs contractuels.
Le taux de contractualisation varie fortement selon les services. Il est de l'ordre de 80 % à la State Services Commission , de 90 % à la direction du budget, mais tombe à 40 % pour la sécurité sociale où les syndicats sont encore très puissants et structurés, et le personnel moins qualifié en moyenne. Le contrat individuel emporte moins de succès chez les agents d'exécution, alors que la direction du budget et la commission sont majoritairement composés de cadres.
Source : rapport « Mission comptabilité patrimoniale » de M. Jean-Jacques François, cité par notre collègue Gérard Braun dans son rapport d'information : « La réforme de l'Etat à l'étranger », n° 348, 2000-2001, page 60-61
En France, la loi organique relative aux lois de finances n'est pas allée « aussi loin » que d'autres pays en matière de liberté de gestion. Ainsi, les possibilités de report de crédits restent-elles par exemple assez fortement encadrées, alors que tel n'est pas le cas dans d'autres pays de l'OCDE, qui permettent le report automatique des crédits, mais aussi, quoique plus rarement, la possibilité d'emprunter - dans une certaine mesure - sur des crédits à venir.
La nouvelle procédure budgétaire devrait toutefois produire des rapports plus contractuels entre les ministres et les directeurs d'administration . Ces derniers seront soumis à une réglementation allégée, à laquelle se substitueront des outils de pilotage et de gestion aisément partagés entre les différents acteurs grâce aux systèmes comptables qui permettront des restitutions d'informations beaucoup plus fines et régulières qu'à l'heure actuelle. La mise en oeuvre d'un contrôle de gestion ainsi que la définition d'objectifs et d'indicateurs permettront aux ministres de déléguer plus largement leurs responsabilités aux directeurs d'administration, ce que ne permet pas le système actuel, fondé sur une gestion très réglementée et fragmentée de l'emploi des deniers publics.
On peut voir ainsi se dessiner deux niveaux majeurs de responsabilité : une responsabilité politique, incarnée par le ministre vis-à-vis du Parlement, et une responsabilité de gestion incarnée par le directeur d'administration vis-à-vis de son ministre, ce dernier étant en charge de la définition des orientations stratégiques, tandis que ses directeurs disposeront des moyens pour être de véritables patrons de leur administration.
Dans cette nouvelle organisation des rapports hiérarchiques, on est en droit de s'interroger sur le rôle futur des cabinets ministériels. Il est vraisemblable que le nouveau système de gestion rendra moins nécessaire une telle structure, dès lors que les directeurs seront jugés sur leurs performances globales a posteriori davantage que sur leurs actes administratifs quotidiens. Le maintien des cabinets dans leur forme actuelle, dont le rôle dépasse largement la simple conception des politiques, serait sans doute un mauvais présage pour la réussite de la réforme, puisqu'elle rendrait moins net le partage des responsabilités entre la sphère politique et la sphère administrative. La réforme devrait en effet entraîner une revalorisation des missions des hauts fonctionnaires, les ministres étant entourés, si la réforme porte pleinement ses fruits, de cabinets plus restreints et « politiques ».
b) Une responsabilité politique plus lisible
La loi
organique relative aux lois de finances est marquée par une
volonté de rendre lisible et de fonder sur des critères objectifs
et mesurables le jugement porté par le Parlement sur l'action
gouvernementale. Or, en France, la culture politique est
imprégnée par la fiction d'une responsabilité qui ne
serait pas partagée entre plusieurs niveaux de compétence mais
incarnée par le seul politique.
La reconnaissance d'une responsabilité de gestion incarnée par
le seul politique rend, dans la pratique, inopérante la sanction de la
responsabilité, et par là, son dévoiement
. Au sens de
la loi organique relative aux lois de finances, le gestionnaire des
crédits est le ministre, rendant compte de ses résultats devant
le Parlement, qui autorise ses dépenses et contrôle l'utilisation
de ses crédits. Toutefois, le ministre ne peut être tenu pour le
gestionnaire réel, au sens de celui qui accomplit des actes de gestion
quotidiens.
Aucun ministre n'a été contraint à la démission
à cause d'une mauvaise gestion de son administration au cours de la
période récente. Dans le cadre posé par la loi organique
du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances, les ministres
et les gestionnaires des programmes (appelés aussi
« gouverneurs de crédits ») disposeront d'une
liberté importante en matière d'emploi de leurs crédits.
Peuvent-ils continuer à disposer du même régime
d'immunité au regard de leurs performances de gestionnaire ?
En somme, peut-on concevoir que la liberté de gestion ne s'appuie pas
sur une responsabilité de gestion ? Cela ne reviendrait-il pas
à diluer l'intensité de la responsabilité portée
par le fonctionnaire ou par le ministre en charge de la gestion d'une politique
publique. Dans la plupart des cas, la responsabilité est diluée
à tel point qu'elle est « absorbée » en
quelque sorte par le système institutionnel et contribue au
développement de réactions de rejet de la part des citoyens,
portant indifféremment sur les administrations et les politiques. Une
responsabilité des fonctionnaires incarnée à tous les
niveaux est peu souhaitable, peu efficace, et sans aucun doute, impraticable.
Une responsabilité incarnée au seul sommet de l'organisation
revient en revanche à fonder cette organisation sur une
légitimité unique. La solution réside probablement dans un
compromis entre la responsabilité et la stabilité indispensable
au bon fonctionnement de l'Etat.
Il est concevable d'imaginer que les hauts fonctionnaires en charge des
programmes soient nommés pour une durée déterminée,
impliquant le cas échéant le visa de plusieurs autorités.
Le changement de titulaire des postes ne pourrait être effectué
que selon certaines règles et leur statut devrait leur permettre
d'accomplir une carrière.
Une telle conception est en germe dans la loi organique du
1
er
août 2001 relative aux lois de finances :
une responsabilité exclusivement politique conduirait dans la pratique
à rendre celle-ci soit excessive, soit inexistante. La question porte
sur
la possibilité d'appliquer une sanction à un programme mal
géré, c'est-à-dire dont les objectifs ne seraient pas
accomplis et dont la gestion serait inefficiente ?
Elle reste
posée pour l'avenir.
2. La réforme de l'Etat : un chantier complexe porté notamment par la LOLF
La réforme de l'Etat est un impératif : la dégradation des finances publiques, s'agissant aussi bien du budget de l'Etat que du financement des organismes de sécurité sociale, rend nécessaire la réalisation d'économies structurelles. Plusieurs chantiers y contribuent, ainsi que l'a rappelé récemment le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, dans une circulaire adressé à tous les ministres et secrétaires d'Etat.
Extraits de la circulaire du 25 juin 2003 relative aux stratégies ministérielles de réforme 41( * )
«
La réforme de l'Etat, au niveau
interministériel, repose sur quatre chantiers : la
décentralisation, la réforme budgétaire, la simplification
des procédures administratives et la rénovation de la
prospective. Ces travaux sont engagés. Mais, au-delà de ces
chantiers interministériels, c'est à chacun d'entre vous
qu'il revient de piloter la réforme de son administration.
«
Par lettre du 2 décembre et lors de nos réunions
récentes, je vous ai indiqué que vous présenteriez devant
le Parlement, dès l'automne, les réformes nécessaires de
votre département ministériel. Recentré sur le coeur de
ses missions et s'appuyant sur des structures, une organisation et des
méthodes rénovées, l'Etat doit, au meilleur coût
pour la collectivité, apporter un meilleur service aux Français
et une plus grande satisfaction à ses agents.
«
Les stratégies ministérielles de réforme
que je vous demande de préparer doivent nous permettre d'atteindre ces
objectifs.
« 1. Je vous demande, en premier lieu, de procéder à un
réexamen systématique de vos missions et des structures qui les
servent. Certaines de ces missions peuvent être
déléguées ou abandonnées.
«
D'autres, au contraire, doivent être renforcées ou
exercées différemment. (...)
«
J'insiste tout particulièrement pour que vous vous
attachiez à tirer toutes les conséquences pour votre
administration de la décentralisation et de la mise en oeuvre de la loi
organique relative aux lois de finances.
«
2. Vous vous attacherez, en deuxième lieu, à
développer les démarches qualité. La réforme
renforce la légitimité de l'Etat et la qualité des
services qu'il rend au quotidien aux Français. Nos administrations
doivent aussi redevenir exemplaires en matière de qualité de
service. (...)
«
3. En troisième lieu, il est impératif que l'Etat
renouvelle le pacte qui le lie à ses agents, pour mieux
récompenser leurs efforts, pour simplifier et améliorer le cadre
de leur action et pour mieux mobiliser leur énergie et leurs
compétences.
«
Vos modes de gestion des ressources humaines devront ainsi
évoluer selon les quatre axes suivants :
- la déconcentration : il s'agit de responsabiliser vos cadres,
à qui vous devez assigner des objectifs précis, et de
gérer les hommes et les femmes qui servent l'Etat dans des structures
à taille humaine ;
- la réduction du nombre de corps : il s'agit de sortir d'une
gestion formelle des ressources humaines, pour développer une gestion
plus qualitative et faciliter la mobilité ;
- la reconnaissance du mérite : il s'agit de mieux prendre en
compte l'implication des agents et leurs contributions aux progrès de
leurs services ;
- la gestion prévisionnelle des postes, des emplois et des
carrières : il s'agit d'adapter les emplois, les qualifications et
les recrutements en fonction des besoins de demain.
«
Votre implication personnelle dans l'élaboration de ces
stratégies est nécessaire. Il vous appartient de conduire le
dialogue avec vos agents, puis de présenter au Parlement votre
stratégie de réforme. Elle fera l'objet d'un suivi et d'une
actualisation annuels.
«
En ce qui concerne l'année en cours, vous vous attacherez
d'abord à définir l'évolution de vos missions, car c'est
la clef de voûte de notre démarche. Vous me transmettrez donc pour
le 1
er
octobre 2003 une présentation de l'ensemble de vos
missions et des structures qui les servent, avec vos propositions
d'évolution. (...)
«
J'ai demandé au ministre chargé de la
réforme de l'Etat et au ministre du budget de mener les consultations
avec le Parlement pour préciser le format des documents que vous devrez
remettre.
«
Le mandat donné par nos concitoyens est clair :
mener avec pragmatisme et ténacité les réformes
structurelles qui apporteront à notre pays une croissance durable. Pour
renforcer l'Etat, nous devons conduire avec détermination les
réformes indispensables de vos ministères
».
La réforme de l'Etat comprend plusieurs chantiers, mais la LOLF est
destinée à en constituer l'un des outils les plus pérenne
et puissant, si le Parlement joue son rôle d'aiguillon
en demandant
aux ministres, autant de fois qu'il sera nécessaire, de justifier le
maintien de telle structure ou de telle action dans le périmètre
de l'Etat. Le fait de conduire plusieurs chantiers de front constitue une
tâche difficile pour les administrations, occupées par la gestion
quotidienne de l'action publique. C'est la raison pour laquelle, comme le
rappelle le Premier ministre dans la circulaire précitée,
l'implication
personnelle des ministres dans l'élaboration des
stratégies est nécessaire
, et qu'il revient à chacun
d'entre eux de piloter la réforme de leur administration.
Le vote de la LOLF constitue un événement fondateur pour la
réforme de l'Etat
. On le constate aujourd'hui : de nombreuses
thématiques, autrefois taboues, ont désormais leur place sur la
scène politique et dans le dialogue avec les fonctionnaires :
réduction des effectifs de la fonction publique,
rémunération au mérite, fusion des corps, externalisation
de services... La loi organique peut, compte tenu de la révolution
culturelle qu'elle vise à mettre en oeuvre et des nouveaux outils
d'analyse qu'elle contribue à mettre à la disposition des
différents acteurs, être véritablement
un
« catalyseur » de la réforme de l'Etat
. Ainsi
que l'indiquait M. Alain Lambert, ministre
délégué au budget et à la réforme
budgétaire, à l'occasion de l'installation du comité
interministériel d'audit des programmes, «
ce changement de
modèle de budget fait apparaître la nécessité d'une
réforme du cadre de la gestion publique et plus largement, d'une
réforme de l'Etat. Il ne présuppose pas la réforme de
l'Etat mais l'induit.
«
Si elle ne lance pas le mouvement de réforme de l'Etat
engagé ici ou là dans les services, la réforme
budgétaire lui apporte un cadre
».
Le vote de la LOLF a été marqué par une
quasi-unanimité, et sa mise en oeuvre témoigne de la
continuité de la volonté de réforme après un
changement de majorité. Le thème de la réforme de l'Etat,
sinon dans ses modalités pratiques, du moins dans ses principes, semble
désormais faire l'objet d'un quasi-consensus au sein des principaux
partis politiques. Il convient, dans un tel contexte, pour les hommes
politiques, de faire preuve d'une implication réelle et d'une
volonté sans faille pour faire avancer les chantiers
évoqués plus haut. L'Etat ne se réformera pas de
lui-même sans une véritable mobilisation politique.
La situation des finances publiques rend plus que jamais nécessaire
l'engagement de réformes structurelles, et est de nature à
consolider le consensus que la loi organique du 1
er
août 2001
relative aux lois de finances avait réussi à dégager.
Paradoxalement, cette situation favorise la réforme. Notre
collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des
crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat,
rappelait ainsi dans un rapport d'information consacré à la
réforme de l'Etat à l'étranger
42(
*
)
, «
en
réalité, la réforme de l'Etat ne doit pas être un
thème porteur limité à un affichage politique : elle
a souvent été appliquée de façon pragmatique par
des gouvernements confrontés à une situation critique de laquelle
ils étaient bien décidés à sortir.
«
Il convient en effet de constater que la plupart des pays
industrialisés a mis en oeuvre des réformes touchant à
l'organisation de leur administration ou de leur fonction publique, suite
à une crise économique ayant entraîné une forte
augmentation du chômage et un net déséquilibre de leurs
finances publiques. Plus rarement, la réforme de l'Etat faisait partie
en tant que telle du programme électoral d'une formation politique
accédant au pouvoir.
En fait, elle s'est souvent imposée comme
une solution rendue nécessaire par de graves difficultés
économiques et sociales, plus qu'elle ne résulte d'un choix
politique délibéré
».