CHAPITRE II  :

LES GRANDS ENJEUX À VENIR DE LA LOLF

I. LA DÉFINITION DES MISSIONS, DES PROGRAMMES ET DES ACTIONS : DES EXIGENCES ESSENTIELLES

A. LA DÉFINITION DES MISSIONS : UN ENJEU IMPORTANT POUR LE PARLEMENT

1. La définition des missions ne semble pas être une priorité du gouvernement

L'article 7 de la LOLF dispose qu'une mission relève d'un ou plusieurs ministères et « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». Or, les missions semblent, en quelque sorte, devenues le « parent pauvre » de la LOLF par rapport aux programmes, dont la définition constitue la base de la nouvelle nomenclature budgétaire et des nouvelles modalités de gestion des crédits : la direction du budget, dans une note datée du 18 février 2002 ayant pour objet de présenter le « cahier des charges pour l'élaboration des nouveaux contenus des budgets ministériels », mentionnait les programmes, les actions, les objectifs, et les indicateurs de résultat, mais n'évoquait les missions que pour indiquer que « la réflexion sur ce second niveau de structuration du budget sera engagée une fois avancée celle relative au découpage du budget en programmes ». Il était précisé, à la suite de cette mention, que « une fois validés les projets de programmes et de missions, le Gouvernement consultera les commissions des finances sur l'ensemble de ces projets (...) ».

Cette approche soulevait plusieurs difficultés , relevées par votre commission des finances à l'occasion de son séminaire sur la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances organisé le 10 mars 2003 et par nos collègues députés, dans un rapport d'information paru en avril 2003 31( * ) . Ces derniers indiquaient que : « Ce choix présente plusieurs inconvénients :

« - les programmes risquent d'être construits sans réflexion sur la justification des dépenses de l'Etat et sans remise en cause des structures redondantes (...)

« - la structuration des programmes pourrait ne pas prendre en compte la dimension interministérielle de certaines politiques

« - les programmes risquent d'être surdimensionnés » 32( * ) .

Suite à ces observations, la direction de la réforme budgétaire a décidé de revenir sur son choix initial et de lancer de manière concomitante la réflexion sur les missions et les programmes. Votre commission des finances considère que ce « revirement » était nécessaire. En effet, il permet d'éviter en partie que les missions ne soient conçues que comme une agrégation de programmes sans véritable logique d'ensemble, et ne répondent donc pas à la lettre de la loi organique selon laquelle une mission concourt à une politique publique définie. Toutefois, il ne permet toujours pas de prendre en considération de manière satisfaisante la dimension interministérielle de certaines politiques.

Il convient de rappeler que le législateur organique n'a pas souhaité, dans le cadre de la discussion budgétaire, que le ministère fasse, en tant qu'entité administrative, l'objet d'un vote. Le troisième alinéa de l'article 43 dispose en effet que « la discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par mission ». Il s'agissait ainsi de faire en sorte que la budgétisation par objectifs que le législateur organique appelle de ses voeux ait une résonance forte à l'occasion de la discussion budgétaire, le vote par ministère présentant le défaut de faire porter la discussion sur une structure permanente, et sur sa consommation de moyens.

Il semble aller de soi, dans ces conditions, que les fascicules bleus qui seront annexés au projet de loi de finances initiale devront être présentés par mission plutôt que par ministère.

Il paraît donc important, pour que la budgétisation par objectifs s'inscrive pleinement dans la procédure d'examen des crédits, qu'à chaque ministère, ne corresponde pas une mais plusieurs missions. En effet, si la mission ne se distinguait pas du ministère, le changement souhaité par le législateur organique dans la manière d'aborder le débat budgétaire ne pourrait prendre toute son ampleur, la discussion des crédits d'un organe identifié reprenant sa place au détriment de l'examen des politiques publiques, et des moyens qui leur sont nécessaire pour réaliser les objectifs fixés par le gouvernement .

2. La délicate question des missions interministérielles

Il convient de rappeler que, à l'initiative du Sénat, la LOLF a prévu que les missions peuvent regrouper des crédits relevant « d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères », et ce, afin de permettre une meilleure mise en oeuvre des politiques interministérielles et de contribuer à la simplification de certaines d'entre elles, dont les crédits sont parfois éparpillés dans plusieurs fascicules budgétaires, sans réelle justification autre qu'historique 33( * ) .

La constitution d'une mission interministérielle ne peut, à l'évidence, se concevoir pour l'ensemble des politiques interministérielles : cela impliquerait une fragmentation excessive des programmes la composant, rendant à la fois très hétérogène le volume des crédits figurant sur les programmes d'un même ministère, et peu opérant le principe de fongibilité des crédits souhaité par le législateur organique.

Dans une note d'orientation sur « la loi organique relative aux lois de finances et l'interministérialité » 34( * ) , la direction de la réforme budgétaire indique que « la logique de résultat et de performance et la structuration des programmes ministériels par finalité incitent à la prise en compte d'objectifs ou de politiques publiques dont le périmètre peut dépasser les frontières ministérielles.

« Il existe ainsi des objectifs par nature transversaux, qui concernent les activités de nombreux ministères comme les enjeux liés à la territorialité tels que ceux de la ville, de l'outre-mer, de l'aménagement du territoire ou de l'administration territoriale ou des affaires étrangères et les enjeux partagés entre plusieurs entités administratives (politique de l'eau, de la recherche, de la sécurité routière, de lutte contre la toxicomanie, d'intégration, de lutte contre les exclusions, etc.).

« Les travaux préparatoires de la loi organique ont prévu que le budget soit structuré par un nombre limité de programmes (de 100 à 150) afin qu'ils aient une taille suffisamment importante pour bénéficier notamment de la fongibilité des crédits et afin d'assurer une bonne lisibilité de l'action de l'Etat. Cette contrainte paraît difficilement compatible avec la constitution de programmes transversaux dans l'ensemble des ministères (...)

« Le cas échéant, la mission peut fournir au Parlement une présentation interministérielle rassemblant, parce qu'ils concourent à une politique définie, des programmes relevant de plusieurs ministres. Ainsi, par exemple, une mission « sécurité intérieure » pourrait rapprocher les programmes « police nationale » et « sécurité civile » du ministère de l'intérieur et le programme « gendarmerie nationale » du ministère de la Défense. Dans une telle hypothèse, les modalités selon lesquelles les différents ministres responsables des programmes rassemblés par la mission viendraient présenter la mission au Parlement restent à définir (...)

« En cas de mission interministérielle, le vote des crédits par le Parlement concernerait les différents ministères. La loi organique ne prévoit pas de vote des crédits par ministère (sauf s'il n'y a pas de mission interministérielle) : les crédits d'un ministère pourront être reconstitués en additionnant ses différents programmes, certains relevant de missions ministérielles, certains relevant de missions partagées avec d'autres ministères (...)

« Dans les cas où émergent des pans de politiques de l'Etat aux finalités voisines correspondant à des programmes, leur rapprochement dans une même mission interministérielle peut permettre, le cas échéant, d'améliorer la lisibilité de l'action de l'Etat. Un exemple serait la mission interministérielle « police nationale » - « gendarmerie nationale » - « sécurité civile » qui sont des programmes dotés d'un responsable identifié et qui ont une cohérence suffisante pour lui permettre de tirer parti de la fongibilité des crédits. Ce cas de figure ne devrait pas être très fréquent.

« Ce cas de figure est à distinguer du cas où on découperait au sein d'un grand nombre de ministères comme par exemple, l'Intérieur, l'Education nationale ou l'Equipement, des périmètres de crédits correspondant à des enjeux transversaux ou territoriaux que l'on érigerait en programmes regroupés au sein de missions : ville, outre-mer, sécurité routière, intégration, etc.

« Cette solution reviendrait à considérer que la cohérence des politiques qui justifient la constitution d'un ministère est de second ordre par rapport à ces enjeux transversaux (...)

« Par ailleurs, cette solution des missions interministérielles n'est pas toujours possible car les activités concernées sont rarement dissociables, en terme de crédits et de personnels, des autres activités des ministères

« Enfin, la lisibilité des politiques de ces ministères serait fortement amoindrie : ainsi, par exemple, éclatée en une demi-douzaine de missions, la politique en matière d'éducation serait moins lisible si l'on soustrayait aux possibles programmes « enseignement primaire » ou « enseignement secondaire », des crédits pour les mettre dans un programme « ville », un programme « sécurité routière », un programme «intégration » et un programme « outre-mer » qui rejoindraient chacun leur mission respective. La gestion des crédits et des personnels figurant sur ces petits programmes deviendrait très compliquée puisque les redéploiements entre chacun de ces programmes devraient passer par un décret de virement qui est limité à 2 % des crédits initiaux. L'émiettement des ministères concernés en une série de petits programmes ferait perdre le bénéfice de la fongibilité des crédits (...)

« Pour ces raisons, la constitution de missions interministérielles ne peut concerner qu'un nombre très limité de politiques interministérielles dont les programmes sont d'une taille suffisante, qui identifient une politique sectorielle lisible, qui font l'objet d'une gestion propre et qui ne sont pas la déclinaison territoriale d'une politique sectorielle ».

Votre commission des finances est en plein accord avec cette analyse : les missions interministérielle doivent être l'exception, et non la règle, compte tenu de la fragmentation des programmes qu'elle implique. Toutefois, elle considère que la constitution de telles missions peut être utile, afin de contribuer à améliorer la coordination de certaines politiques dont le pilotage est partagé entre un nombre réduit de ministères . A cet égard, l'exemple le plus naturel de mission interministérielle lui semble être le regroupement des crédits de la police nationale, de la sécurité civile et de la gendarmerie dans une mission consacrée à la sécurité intérieure, compte tenu notamment des rapprochements effectués entre ces acteurs par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

Une autre mission interministérielle pourrait concerner l'action extérieure de la France ou l'aide publique au développement 35( * ) : cette politique voit ses crédits dispersés entre plusieurs ministères, ce qui nuit à sa lisibilité et à son efficacité. La création d'une mission interministérielle permettrait d'assurer une plus grande cohérence à l'action de la France à l'étranger, et d'éviter une trop importante dispersion et discordance de la voix de la France, que l'on constate parfois.

Une troisième mission interministérielle pourrait être envisagée, concernant la recherche, même si, dans ce dernier cas, il est peu probable qu'elle puisse englober la totalité des crédits consacrés à la recherche, compte tenu de la fragmentation excessive des programmes ministériels qui en résulterait.

B. LES PROGRAMMES ET LES ACTIONS : AU CoeUR DE LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE

1. Une exigence de lisibilité, de cohérence et d'homogénéité

Le rapport précité remis par le gouvernement en vertu de l'article 109 de la loi de finances pour 2004 prévoit que « les missions, les programmes et les actions seront finalisées à l'automne 2003 ». Les programmes seront alors soumis à l'examen du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), dont les missions ont été précisées plus haut.

Le guide d'audit initial des programmes, rédigé par le Comité interministériel d'audit des programmes, pose des questions essentielles pour s'assurer que les programmes correspondent bien à l'intention du législateur. L'encadré suivant reproduit quelques-unes de ces questions essentielles :

Extraits du guide d'audit initial des programmes

S'assurer de la clarté et de la lisibilité de la structuration des programmes et de leur décomposition en actions

Le programme correspond-t-il bien à une politique publique définie et intègre-t-il bien les moyens et activités qui y contribuent ?


- A quelle(s) politique(s) publique(s) bien définie(s) le programme répond-t-il ?

- La problématique de l'articulation programmes / organisation a-t-elle bien été identifiée ? A-t-elle conduit à des changements d'organisation ? sinon, les découpages des programmes permettent-ils de définir un programme clair dans sa ou ses finalités, de désigner le responsable et d'identifier de manière exhaustive les services chargés de sa mise en oeuvre au sein de l'organigramme existant ? Des perspectives d'évolution de l'organisation sont-elles envisagées et à quelle échéance ? (...)

Le découpage en actions est-il clair, lisible et cohérent ?

- Les actions envisagées dans le cadre du programme sont-elles cohérentes avec le programme et ses finalités ?

- Toutes les activités des services intégrés dans les actions financées par le programme correspondent-elles bien aux finalités de ce programme ? Certaines activités qui correspondent à ces finalités sont-elles exclues du programme ? Pour quelles raisons ?

Les fonctions assumées par les structures et les personnels concernés sont-elles cohérentes avec les actions envisagées dans le cadre du programme ?

- Les champs de compétences des acteurs du programme (administration centrale, services déconcentrés, établissements publics et autres organismes) sont-ils cohérents avec le périmètre du programme et les actions envisagées ou existe-t-il un hiatus entre ces compétences et le contenu du programme ? (...)

Commentaires :

La LOLF prévoit que les programmes couvrent des ensembles cohérents d'actions qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique publique et qu'ils sont placés sous la responsabilité d'un ministre. Les programmes doivent donc rendre lisibles les politiques de l'Etat en termes, d'une part, de finalités et de résultats, d'autre part, d'identification des acteurs responsables de leur mise en oeuvre.

Ces deux exigences du processus de délimitation des programmes (identification claire des finalités de la politique concernée et désignation des responsables et services chargés de la mise en oeuvre) peuvent entrer en contradiction.

Les audits initiaux viseront à s'assurer que cette difficulté d'articulation des programmes et des organigrammes a bien été prise en compte, que les programmes répondent à cette double préoccupation et que les domaines couverts par chacun des programmes et les actions qu'ils comportent sont cohérents. Ils n'ont pas vocation à porter une appréciation sur les choix politiques qui ont conduit à la définition des programmes.

Leur rôle se borne à s'assurer que le périmètre des programmes est clair et lisible pour l'ensemble des acteurs et que l'articulation avec les programmes associés ou connexes, notamment en terme de périmètres respectifs a bien été prise en compte. (...)

S'assurer que la chaîne de responsabilité est identifiée pour le pilotage et la mise en oeuvre du programme.

Le responsable désigné par le ministre pour le pilotage de la mise en oeuvre du programme est-il identifié ?


- Un responsable chef de file a-t-il été identifié lorsque plusieurs directions d'administration centrale ou plusieurs services déconcentrés relevant de ministères différents participent à un même programme ?

- Comment se présente la chaîne de responsabilité du programme : responsable du programme, responsable d'un programme support concourant au programme, responsable des différentes actions constituant le programme, autres responsables délégués pour le pilotage du programme, opérateurs : rôle du cabinet du ministre, répartition des rôles au sein de l'administration centrale, rôle des préfets de région et de département, rôle des services déconcentrés (régionaux et départementaux), rôle des établissements publics, rôle éventuel des collectivités territoriales et des organismes de droit privé (associations) participant aux programmes ?

- La nature des liens existants au sein de la chaîne de responsabilité est-elle claire = relations hiérarchiques, fonctionnelles, contractuelles, de tutelle... ?

- Dans quelle mesure le programme est-il déconcentré ou sous-traité à des opérateurs extérieurs publics ou privés ? Dans chacun des cas, comment est identifiée la chaîne de responsabilité ?

- Dans le cas où des opérateurs ne se situent pas dans la chaîne hiérarchique, quelles sont les techniques utilisées pour les mobiliser au service du programme ?

De quelle organisation et de quels moyens juridiques, humains et financiers (notamment budgets opérationnels de programme) est doté chaque responsable pour assurer sa mission ? Comment le responsable du programme en assure-t-il le pilotage global ?

Au sein de la chaîne de responsabilité, les gouverneurs de crédits et les responsables des Budgets Opérationnels de Programmes sont-ils identifiés ?

Commentaires :


On définira le responsable du programme comme celui qui s'engage sur les objectifs du programme, qui en rend compte au ministre et qui dispose de la liberté d'affectation des moyens donnés par la fongibilité, assumant ainsi la fonction de gouverneur des crédits. Il supervise directement ou indirectement l'ensemble des opérateurs.

Vis-à-vis du Parlement, le responsable du programme est le ministre mais il est conduit à confier la responsabilité de sa mise en oeuvre à un responsable du programme qui sera le plus souvent un directeur d'administration centrale. Celui-ci pourra à son tour déléguer ses responsabilités au sein des services d'administration centrale, aux préfets ou aux autorités déconcentrées, ou à des directeurs d'établissement public ou d'agence...

Le responsable du programme est chargé de rendre compte au ministre de sa mise en oeuvre. Il assume à ce titre une triple responsabilité : le pilotage global de la mise en oeuvre du programme (explicitation et déclinaison des objectifs et des actions, mise en oeuvre à moyen terme), l'adoption de procédures garantissant l'efficacité des actions et la gestion des crédits qui lui sont affectés, et notamment la mise en jeu de leur fongibilité. Il organise le contrôle interne et le dialogue de gestion avec l'ensemble des opérateurs qui participent au programme. Il arbitre la répartition des moyens entre actions et services.

L'audit devra s'assurer de la cohérence de la chaîne de responsabilité du programme et de sa lisibilité pour l'ensemble des acteurs. (...)

La définition des programmes constitue à la fois un choix politique et un choix de gestion déterminant pour les ministères . En effet, le programme est l'unité de spécialité des crédits, c'est-à-dire l'ensemble au sein duquel le gestionnaire est en mesure - en dehors du cas spécifique des dépenses de personnel auxquels s'applique une fongibilité asymétrique - d'affecter librement, et donc de redéployer des crédits en cours de gestion. Les travaux préparatoires de la LOLF évaluaient entre 150 et 200 le nombre de programmes susceptibles d'être créés, chiffre à mettre en regard des plus de 800 chapitres budgétaires existant à l'heure actuelle.

Plusieurs ministères ont eu la tentation de réaliser des missions mono-programme, afin de profiter au maximum de la fongibilité des crédits prévue par la LOLF. Or, une telle nomenclature serait préjudiciable à l'information du Parlement, puisque les projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances initiale et les rapports annuels de performance annexés aux projets de loi de règlement sont réalisés par programme. Enfin, la création d'un grand nombre de missions mono-programmes témoignerait à l'évidence d'une interprétation réductrice de la logique de la LOLF , selon laquelle la fongibilité des crédits serait le seul apport substantiel dans la nouvelle budgétisation par objectifs souhaitée par le législateur organique.

Il convient au passage de noter que l'extension du droit d'amendement des parlementaires rendrait possible la « scission » d'une telle mission à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances initiale, et la création de plusieurs programmes à partir du programme figurant dans le projet du gouvernement.

Idéalement, il est souhaitable que les programmes correspondant aux différents ministères comprennent un volume sensiblement équivalent de crédits. Compte tenu de l'hétérogénéité des périmètres ministériels et de l'importance de la masse de crédits mobilisée pour financer certaines politiques publiques telles que l'éducation nationale ou la santé et la solidarité, il est pratiquement inévitable que le volume des crédits inscrits sur un programme diffère sensiblement d'une mission à une autre. Afin de pallier les écarts en terme de qualité d'information d'un programme à un autre, il sera nécessaire que les programmes les plus importants comprennent des actions bénéficiant, le cas échéant, d'indicateurs et d'objectifs spécifiques. Dès lors qu'une action d'un programme important pourrait correspondre à un programme d'un autre ministère de moindre importance en terme de volume de crédits, il est souhaitable que l'information y étant associée tende à être équivalente .

Enfin, il convient de souligner qu'il est fondamental que les ministères réfléchissent d'abord à leurs activités et aux buts de celles-ci pour concevoir les programmes plutôt que de calquer des programmes sur leur organisation existante. La budgétisation par objectifs doit en effet conduire à remettre en question la structuration des administrations, et ne pas se limiter à une démarche « cosmétique » .

De ce fait, la plupart des agrégats figurant dans les fascicules « bleus » ne sont pas en mesure de préfigurer les programmes prévus par la LOLF. Ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, « dans environ la moitié des ministères étudiés, les périmètres budgétaires des agrégats ne retracent pas fidèlement les moyens financiers et en personnel correspondant à leurs missions, et les administrations en charge de la gestion des agrégats ne sont pas identifiées ou ne disposent pas de l'ensemble des moyens retracés par les agrégats. Aussi n'est-il pas surprenant de constater que seule la moitié environ des projets de programmes reprend la structure actuelle des agrégats.

Nombreux sont les agrégats qui paraissent en effet peu clairs et ne sauraient constituer une préfiguration valable des programmes. (...)
» 36( * ) .

2. La diffusion de la logique de la LOLF dans les services déconcentrés de l'Etat : une problématique complexe

La diffusion de la culture de gestion de la LOLF dans l'ensemble de l'administration et, en particulier, les services déconcentrés de l'Etat, constitue l'un des enjeux majeurs de la réussite de la réforme .

La logique verticale des programmes prévue par la loi organique a, dans un premier temps, fait « craindre » que l'allègement des contraintes de gestion au niveau des administrations centrales et des gestionnaires de programme allait conduire, a contrario , à des difficultés de gestion accrues pour les services déconcentrés de l'Etat, ceux-ci pouvant se trouver à la congruence de plusieurs programmes nationaux. Une telle situation entraîne en effet l'existence d'un grand nombre d'objectifs et, de manière paradoxale, conduit à une faible fongibilité des crédits, dès lors qu'ils participent à la réalisation d'actions relevant de plusieurs programmes et, donc, relèvent de financements distincts correspondant à chacun d'entre eux. La dichotomie entre la souplesse de gestion au niveau du gestionnaire d'un programme (appelé également « gouverneur de crédits ») et la complexité de la gestion en résultant au niveau déconcentré constitue, à l'évidence, un défi pour la réussite de la réforme.

L'identification de ce problème a conduit la direction de la réforme budgétaire à imaginer des procédés innovants, qui ne découlent pas de manière directe de la rédaction de la LOLF, les budgets opérationnels de programme (BOP). L'encadré suivant reproduit des extraits d'une note d'orientation de la direction de la réforme budgétaire, en date du 4 juillet 2003.

Les budgets opérationnels de programme (BOP)

« (1) Les fonctions des acteurs actuels

Plusieurs acteurs institutionnels interviennent aujourd'hui dans la chaîne de la dépense en fonction de leur positionnement hiérarchique ou fonctionnel : ministre, préfet, ambassadeur, ordonnateur secondaire militaire, contrôleur financier, comptable. La mise en oeuvre de la loi organique ne modifiera pas leur rôle institutionnel ; en revanche, elle fera évoluer leurs fonctions dans un nouveau cadre de gestion. (...)

(2) Les fonctions associées à la mise en place de budgets opérationnels de programme (...)

- Le responsable de programme

Désigné par le ministre, il prépare et assure la mise en oeuvre globale du programme. Il détermine en fonction de compétences géographiques et fonctionnelles les responsables de BOP qui mettront en oeuvre le programme et leur alloue les dotations déterminées en commun pour parvenir aux résultats attendus. Il pilote l'ensemble du dispositif de mise en oeuvre et rend compte des résultats au ministre.

- Le responsable de BOP

Il conçoit la programmation d'actions et de moyens pour mener à bien la part de programme qui lui a été confiée. En fonction de compétences géographiques et fonctionnelles, les responsables d'unités d'exécution sont les acteurs opérationnels de proximité.

- Le responsable d'unité d'exécution

C'est le gestionnaire/ordonnateur. Il exécute la programmation conçue par le responsable de BOP. Pour la part qui lui est attribuée, il est le consommateur des crédits attribués au BOP.

Les fonctions de responsable de BOP et de responsable d'unité d'exécution du même BOP peuvent évidemment se cumuler : le responsable d'un BOP peut être responsable d'unité d'exécution pour tout ou partie du périmètre du BOP.

L'articulation entre ces acteurs ne repose pas nécessairement sur une ligne hiérarchique. En effet, un même responsable peut gérer plusieurs BOP et donc être associé à la mise en oeuvre de plusieurs programmes, y compris des programmes qui ne dépendent pas de son ministère de rattachement. C'est le cas par exemple des services des ministères de l'équipement ou de l'agriculture qui agissent au nom du ministre de l'écologie et du développement durable.

(...)

La diversité des compétences appelées à participer à la mise en oeuvre d'un programme entraîne nécessairement une hétérogénéité des contenus des BOP.

En effet, chaque BOP regroupe, la part des crédits d'un programme à mettre à disposition d'un responsable identifié pour la mise en oeuvre d'une ou plusieurs actions dont il a la charge. Ce responsable correspond généralement à un service. A ce titre, le BOP retrace sa compétence :

-  soit sur un périmètre géographique : l'ensemble du territoire (cas d'un service en administration centrale) ou une partie du territoire (cas d'un service déconcentré) ;

- soit pour mener un type d'activités : informatique, immobilier...

Dans les deux cas, les responsables seront guidés par les objectifs fixés au programme et tenus par les résultats attendus.

En effet, chaque BOP hérite des caractéristiques du programme dont il dépend  - destination (actions, sous-actions) et, nature de dépense (titre, catégorie, voire niveau inférieur), objectifs, indicateurs - pour les segments nécessaires à son domaine de compétence. Notamment sont reprises dans le contenu du BOP les actions et natures de dépenses pertinentes et les objectifs et les indicateurs sont déclinés en fonction des caractéristiques locales.

En tout état de cause, la définition du périmètre du BOP est arrêtée par le responsable de programme avec chaque responsable de budget opérationnel de programme. A cette occasion, il détermine la part du programme confiée au BOP, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et il valide les cibles de résultats. Ce dialogue se déroule en amont de la procédure budgétaire classique et, au plus tard, dans le trimestre qui précède le début de gestion.

Le BOP bénéficie de l'ensemble des ressources budgétaires en crédits et en emplois nécessaires à son exécution. Ce principe n'entraîne pas obligatoirement que l'ensemble de ces ressources sont mises à la disposition du responsable du BOP et gérées par lui. Il existe actuellement des situations dans lesquelles un responsable de services bénéficie de moyens qu'il ne gère pas directement ou pas dans leur totalité. (...)

L'ensemble de la dotation du programme est ventilé en budgets opérationnels de programme. Leurs dotations sont réparties sur la nomenclature de référence du programme en fonction du périmètre budgétaire de chacun.

Pour autant cette ventilation n'est pas tenue d'épuiser la dotation votée : le responsable de programme peut constituer à son niveau une réserve éventuelle pour aléas ou régulation. (...)

Le responsable de BOP répartit son enveloppe prévisionnelle entre les unités d'exécution tout comme le responsable de programme répartit sa dotation entre les BOP. Il peut également conserver par devers lui une réserve non attribuée.

Sur les bases de cette ventilation prévisionnelle, la part de crédits mis à disposition est répartie entre les unités d'exécution.

L'ensemble de ces procédures est dématérialisé. Elles sont équivalentes à l'usage de droits de tirage, limités par les enveloppes définies et mis à la disposition d'entités autorisées. (...)

La mise à disposition des autorisations d'emplois :

Dans la logique de la loi organique, les moyens dont dispose le BOP sont des crédits, assortis lorsqu'ils relèvent du titre II des dépenses de personnel, d'autorisations d'emplois rémunérés, déclinées en catégories à l'instar du plafond indicatif du programme. La dynamique de la loi organique tend à ce que le responsable de BOP dispose de la totalité des moyens.

Dans les cas où la gestion des emplois est actuellement centralisée, alors même que les crédits de rémunérations peuvent être délégués aux services déconcentrés, se pose donc la question de la mise en oeuvre, notamment en termes techniques (outils de suivi) et organisationnels de ce choix de gestion déconcentrée notamment en vue d'articuler la capacité de fongibilité offerte aux gestionnaires avec la gestion statutaire des personnels. (...)

La modification des enveloppes initiales :

En principe ces modifications internes au BOP ne donnent pas lieu à un mouvement si elles n'ont pas d'incidence sur la répartition entre les dotations limitatives en application de la loi organique. Au-delà, le principe de fongibilité assure au gestionnaire une large liberté dans l'imputation des dépenses : la disponibilité sur la ligne n'est plus une condition dirimante pour la consommation des crédits.

Cependant, le responsable de programme peut imposer une limitativité à l'un ou l'autre niveau de la nomenclature, signifiant par là l'attention qu'il porte à la ligne. En ce cas, le gestionnaire ne peut consommer en dépassement et doit trouver une ressource sur d'autres lignes de sa dotation pour couvrir la dépense envisagée. Si les lignes ressources sont porteuses de dépenses identifiées comme obligatoires, le contrôleur financier confirme la faisabilité du mouvement proposé. Éventuellement, le responsable de programme peut souhaiter que le mouvement soit soumis à son autorisation.

Les modifications de la dotation initiale sont au coeur du rapport annuel de performance à fournir au Parlement. Il est rappelé à ce propos que tout acteur, qu'il soit dans une unité d'exécution, responsable d'un BOP ou d'un programme, doit justifier dans son compte rendu d'exécution, des écarts entre la budgétisation initiale et l'exécution.

Le concept de budget opérationnel de programme est le support d'une budgétisation articulée désormais autour de la responsabilisation des gestionnaires et du contrôle de l'efficacité de la dépense publique. Il repose sur un échange : d'un côté les gestionnaires ont plus de liberté grâce à la globalisation et la fongibilité, de l'autre, ils ont la responsabilité des résultats obtenus et en rendront compte.

Les propositions qui sont faites ont essayé de réaménager le rôle de chacun des acteurs et de simplifier les procédures d'allocation des crédits dans un cadre budgétaire profondément rénové par la loi organique tout en laissant chaque ministre maître de l'organisation de gestion la mieux adaptée à la performance recherchée. »

Source : note de la direction de la réforme budgétaire, 4 juillet 2003

3. Les objectifs et les indicateurs de performance : les « pièges » à éviter

La loi organique relative aux lois de finances contraint les administrations à se fixer des objectifs et à mesurer les résultats de leurs actions. Il s'agit de faire en sorte que les ministères s'interrogent sur les finalités de leur action et la mesure de leur performance. Pour le Parlement, les objectifs et les indicateurs permettent d'accéder directement, sur un certain nombre de sujets déterminés, à une information synthétique concernant l'évaluation de paramètres stratégiques pour la mise en oeuvre d'un programme gouvernemental.

Le document relatif au contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat élaboré par la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat en juin 2002 rappelle que « la logique de la LOLF incite à commencer par fixer des objectifs. Ces objectifs doivent refléter les priorités du gestionnaire concerné.

« Les objectifs doivent être mesurables, c'est-à-dire qu'à chaque objectif est associé une cible de résultat, à laquelle la réalisation en fin d'exercice pourra être comparée.

Ces objectifs de performance sont déclinés de manière équilibrée en fonction des axes qui seront retenus pour la définition de la performance, par exemple :

- le résultat final de l'action de l'Etat (ou impact) ;

- la qualité du service rendu à l'usager ;

- l'efficience, c'est-à-dire le rapport entre les moyens et les réalisations.

A chaque objectif doit être associé un indicateur permettant de mesurer effectivement le niveau de performance atteint
».

S'agissant des indicateurs, ceux-ci doivent respecter un certain nombre de critères. Les critères suivants sont issus du rapport du groupe de travail sur l'amélioration de la gestion publique 37( * ) ; ces indicateurs doivent être :

- lisibles, compréhensibles, clairs, immédiatement interprétables ;

- pertinents ;

- disponibles à un coût compatible avec les bénéfices attendus de leur usage ;

- fiables, précis, contrôlables ou « auditables » ;

- disponibles au cours du temps dans les mêmes conditions ;

- être synthétiques et sélectifs.

Il convient de souligner que les indicateurs doivent découler d'une réflexion approfondie sur les objectifs de l'action publique . En effet, un indicateur n'a pas de sens en tant que tel, mais doit être lié à la définition d'une stratégie et de priorités clairement établies.

Ainsi que le souligne M. Patrick Gibert dans le document établi par la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat portant sur « le contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat » de juin 2002, au sujet du contrôle de gestion, « le contrôle de gestion a ses adages. (...)

« Le premier pose qu' « on ne gère que ce que l'on mesure ». Il invite à l'évidence à l'effort d'objectivation des performances, à la quantification des objectifs, au développement des indicateurs, à la propagation dans l'administration de la culture et des chiffres.

« L'autre exprime que « l'on obtient ce que l'on mesure ». Il suggère que le caractère mobilisateur de l'objectif quantifié - ce qui en est d'ailleurs la raison d'être - s'accompagne d'un éventuel effet pervers si l'indicateur retenu n'est pas raisonnablement représentatif du phénomène qu'il représente. Or, le polymorphisme, la plasticité, la volatilité - parfois - des ambitions de l'action publique rendent éminemment délicate la mise sur pied d'indicateurs non biaisés et non réducteurs ».

S'agissant des indicateurs et des objectifs prévus par la LOLF, plusieurs écueils doivent être évités, outre les problèmes de définition soulignés plus haut :

- celui de retenir un trop grand nombre d'objectifs et d'indicateurs, ce qui ne permet pas de mettre en valeur la dimension stratégique de l'action menée ;

- celui de ne focaliser l'action des services que sur la réalisation des objectifs présentés au Parlement, au détriment d'autres pans de l'action publique. En effet, si les objectifs et les indicateurs présentés au Parlement à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances doivent permettre de dégager une stratégie globale et donc, de couvrir l'ensemble des activités des administrations relevant d'un programme, ils constituent une synthèse des activités des différents services. Il conviendra d'éviter ceux des travers qui pourraient être liés à l'affichage d'un nombre limité d'objectifs et d'indicateurs au niveau national, comme l'abandon systématique d'activités annexes qui contribuent à la réalisation d'un objectif sans participer directement au renseignement d'un indicateur national. Il reviendra notamment au Parlement de s'assurer que les gestionnaires de programmes ne cherchent pas à « faire du chiffre », ce qui révélerait une gestion à court terme contraire aux intentions du législateur organique.

Dans cette perspective, la mise en place d'un contrôle de gestion est essentielle pour articuler l'action des différents services dans le cadre d'un programme, autour d'une stratégie cohérente . Par ailleurs, le contrôle de l'action de l'administration, y compris le contrôle exercé par le Parlement et par ses commissions chargées des finances, excédera largement le seul champ des objectifs et des indicateurs présentés à l'occasion de la discussion de la loi de finances. L'exigence de performance ne saurait donc se limiter aux objectifs et aux indicateurs figurant dans les projets annuels de performance et les rapports annuels de performance.

Les avancées en terme d'information contenue dans les fascicules budgétaires avant le vote de la LOLF

Les « bleus budgétaires » ont intégré depuis plusieurs années des éléments pouvant apparaître comme des préfigurations des exigences de la LOLF, avec la définition d'agrégats et d'indicateurs. Ces innovations ont constitué des progrès par rapport à la situation antérieure. Par ailleurs, dans la circulaire du 21 février 2000 relative à l'établissement de rapports d'activité et de comptes rendus de gestion budgétaires ministériels, le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, indiquait :

« 1 - La transparence de la gestion publique constitue une exigence démocratique. Il importe en effet que chaque administration rende compte de la manière la plus claire et la plus aisément accessible de la façon dont elle met en oeuvre les politiques relevant de sa compétence et dont elle utilise les moyens qui lui ont été attribués à cet effet. Ce devoir d'information procède des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen . Il vaut à l'égard de la représentation nationale, mais aussi de chaque citoyen.

« Afin de mieux répondre à cette exigence, je souhaite que, conformément aux orientations retenues par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat en date du 13 juillet 1999, à partir des travaux menés par le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, chaque département ministériel s'engage dans l'élaboration de rapports d'activité annuels. Dans le même esprit, devront être établis des comptes rendus de gestion budgétaire, destinés à être joints au projet de loi de règlement.

« Ces deux types de documents ont naturellement vocation à être établis en utilisant les nouveaux instruments mis au point dans le cadre de la modernisation de la gestion de l'administration, qu'il s'agisse de la politique de pilotage par objectifs ou des indicateurs élaborés pour mettre en oeuvre le contrôle de gestion dans les services. Ils pourront ainsi refléter, et en même temps, soutenir les efforts engagés par les ministères pour moderniser leurs techniques de gestion.

« 2 - A partir d'une définition des orientations de l'action du ministère et des fonctions qu'il exerce, les rapports d'activité devront faire apparaître, de manière claire et objective, un ensemble d'indicateurs permettant de mieux appréhender en quoi a consisté l'activité du ministère durant l'année écoulée, d'apprécier l'évolution des résultats obtenus par rapport aux années précédentes et de comprendre les perspectives adoptées pour les années à venir. On s'attachera tout particulièrement à concilier l'intérêt et la pertinence des informations qui y seront contenues avec les impératifs de clarté et d'accessibilité auxquels doivent répondre des documents destinés à une large diffusion. Ils seront en effet directement accessibles au public au moyen des technologies modernes de l'information ; le Parlement et les organismes paritaires compétents en seront parallèlement destinataires. ( ...)

«  3 - Par ailleurs, chaque ministère élaborera, dès cette année, un compte rendu de gestion budgétaire.


« Ce document permettra d'assortir le compte rendu comptable de la consommation des crédits, tel qu'il ressort de la loi de règlement, d'éléments d'appréciation sur l'efficacité des politiques conduites et sur les efforts faits par les administrations pour améliorer la qualité du service rendu à l'usager. Accompagnant le projet de loi de règlement, dont le dépôt sera lui-même anticipé, il permettra de mieux préparer la discussion du budget de l'exercice à venir grâce à un examen plus approfondi de la gestion écoulée, conformément aux préoccupations récemment exprimées par les députés qui ont animé un groupe de travail sur le thème du contrôle parlementaire et de l'efficacité de la dépense publique ».

Ainsi que le souligne le contenu de cette circulaire, les dispositions de la LOLF relatives au contenu des projets et des rapports annuels de performance étaient « en germe » dès avant le vote de la loi et avaient commencé à produire des effets. Il convient toutefois de mettre l'accent sur le changement d'échelle que provoque la LOLF, dès lors que les indicateurs et les objectifs sont indissociables de la notion de programme : il ne s'agit alors plus seulement d'un exercice de communication et d'explicitation de l'action publique, mais véritablement, d'un affichage des priorités politiques pouvant donner lieu à un contrôle approfondi.

En dépit de la similitude marquée entre les initiatives développées avant le vote de la LOLF et les dispositions de celle-ci, il serait particulièrement malvenu de chercher à plaquer les nouvelles exigences sur l'existant, compte tenu du contexte nouveau ouvert par la LOLF. En effet, il ne s'agit plus d'habiller en quelque sorte une budgétisation par nature, mais de mettre en oeuvre une budgétisation par objectifs, ce qui implique un important travail de réflexion sur le périmètre, les priorités et la mesure de la performance de l'action publique. La démarche souhaitée par le législateur organique implique une mobilisation de l'ensemble des services d'une administration, et en renouvelle profondément les modes de gestion.

4. L'élaboration du budget implique une réflexion approfondie sur les objectifs de l'action de l'Etat

La hiérarchisation des objectifs sera d'autant plus nécessaire dans le nouveau cadre défini par la LOLF, que celui-ci prévoit que les crédits ne seront plus justifiés, d'une part en services votés, d'autre part en mesures nouvelles, mais « au premier euro ».

Ainsi que l'indique le document de la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat portant sur « le contrôle de gestion dans les administrations de l'Etat » de juin 2002, « le budget dit «  base zéro » est établi sans référence à la période précédente (d'où son appellation) et en fonction des stricts besoins de l'exercice budgétaire. Le principe consiste à définir le budget de base correspondant au niveau minimal d'activité, puis à chiffrer les autres composantes du budget en fonction d'un niveau d'activité ou de qualité attendu afin d'aider aux choix, selon des priorités explicitées :

« La méthode repose sur une hiérarchisation des objectifs, condition préalable à la définition et à l'élaboration du budget. (...)

« La mise en oeuvre de la LOLF pourrait donc passer par une analyse détaillée du coût des actions composant les programmes, qui nécessiterait de se référer aux facteurs explicatifs de la dépense, centraux dans le budget base zéro (BBZ). (...)

« La méthode BBZ peut être l'occasion de procéder, lors de sa mise en place, à une réflexion sur l'opportunité ou la valeur ajoutée de tel ou tel type de dépense au regard des objectifs du service et déboucher sur une reconfiguration de la structure des dépenses.

« Par ailleurs, l'évaluation des conséquences d'une non-réalisation d'activités ou d'un niveau d'effort, et en particulier la mesure des économies réelles susceptibles d'être obtenues, doit être réalisée de manière précise.

« Quelques questions peuvent éclairer et aider à la décision :

« - la non-budgétisation d'une activité déjà réalisée par le service induira-t-elle une économie réelle pour la collectivité ?

« - ou bien les coûts seront-ils transférés à un autre service ?

« - ou encore faudra-t-il s'attendre à des surcoûts induits à terme par la suppression d'activités ? (...) ».

Votre commission des finances considère que la suppression de la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles doit mettre fin à un processus de « sédimentation » de l'action de l'Etat, qui constitue un biais favorable à la progression de la dépense publique , la remise en cause des services votés étant présentée comme une exception à une règle de reconduction tacite des dépenses passées. En effet, le système mis en place par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 est fondé sur une logique qui pousse les acteurs concernés à se focaliser sur des mesures marginales, et non sur le coeur de la dépense publique . La budgétisation « au premier euro » et les informations demandées au gouvernement sur les emplois rémunérés par l'Etat tendent à remettre en cause cette logique en réorientant l'élaboration du budget et la discussion budgétaire autour des enjeux essentiels de la dépense publique.

La budgétisation « au premier euro » prévue par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances doit donc conduire à un exercice annuel de remise en cause des dépenses de l'administration et des activités des services . La réforme de la comptabilité de l'Etat, et la mise en oeuvre d'un contrôle de gestion, permettront aux gestionnaires de disposer d'estimations précises et fiables des coûts des différentes activités de l'administration, ce qui rendra plus objectifs les calculs permettant la mise en oeuvre d'une telle budgétisation. La budgétisation « au premier euro » doit, à l'aide des instruments mis en place par la LOLF, permettre de réaliser des économies grâce au croisement des priorités et des coûts de l'action de l'Etat .

L'encadré ci-après reproduit des extraits du guide d'audit initial des programmes concernant les objectifs des programmes.

Extraits du guide d'audit initial des programmes

S'assurer que les objectifs retenus pour le programme sont sélectifs et compréhensibles, et qu'ils reflètent une approche stratégique de la politique publique concernée.

Les objectifs de résultats retenus dans le projet annuel de performance :

- ont-ils été fixés à partir d'une réflexion sur les finalités de la politique publique concernée, sur les résultats antérieurs, sur le contexte et les contraintes dans lesquels cette politique s'exerce et à partir d'une réflexion sur les leviers d'action mobilisables ?

- traduisent-ils les priorités du ministère en termes de résultats attendus et ne sont-ils pas trop nombreux ?

- sont-ils suffisamment synthétiques et/ou transversaux (toutes les actions dont le financement est inscrit au programme contribuent-elles à la réalisation des objectifs) ?

S'il existe des objectifs intermédiaires pour les différentes actions du programme, leur lien logique avec les objectifs finaux de ce dernier est-il aisément démontrable ? Les objectifs retenus traduisent-ils, de façon adaptée à la politique considérée :

- les finalités ultimes de l'action publique : efficacité socio-économique ?

- les modalités de mise en oeuvre de cette action : avec quelle qualité de service ?

- l'économie des moyens en rapport avec les résultats attendus : avec quelle efficience ?

Les objectifs assignés au programme sont-ils compréhensibles et ont-ils du sens pour les personnes les plus concernées par celui-ci, soit :

- les bénéficiaires (entreprises, usagers ou leur représentation) ?

- les opérateurs (les administrations centrales et déconcentrées, les établissements publics...) ?

- les partenaires de l'Etat (collectivités locales, associations, ....) ?

Commentaires :

La LOLF est porteuse des exigences de performance et de transparence qui doivent guider l'Etat pour la définition - concertée avec les auteurs internes et externes de l'action publique - des objectifs qu'il se fixe. Quoique formulés de façon littéraire, les objectifs des programmes et des actions - qui seront présentés au Parlement - doivent être suffisamment :

- précis pour traduire les priorités assignées aux politiques publiques,

- hiérarchisés pour mettre en évidence des lignes d'action claires,

- lisibles pour être compris et partagés par les citoyens comme par les acteurs de leur mise en oeuvre.

La mesure de la performance suppose que les objectifs retenus rendent compte des trois dimensions du résultat de l'action publique que sont l'efficacité socio-économique, la qualité de service et l'efficience. Le poids relatif de chacune de ces dimensions dépend de la nature de la politique mise en oeuvre : une politique d'intervention privilégiera les objectifs d'efficacité socio-économique (c'est-à-dire la finalité ultime de l'action publique), tandis que les objectifs d'une politique visant à assurer une prestation de service ou les objectifs d'une fonction support seront plus centrés sur la notion de qualité et d'efficience dans le cadre d'un arbitrage entre les attentes des bénéficiaires (ou des clients internes) et les ressources mobilisables par l'administration.

La définition d'objectifs d'efficacité socio-économique présente des difficultés particulières dans la mesure où l'impact propre de l'action de l'Etat peut être difficile à isoler.

L'audit initial du programme a notamment pour objet de s'assurer que le ministère, pour l'élaboration des objectifs, s'est appuyé sur un diagnostic préalable et une vision stratégique à moyen terme (3 à 5 ans) des missions permanentes et des politiques publiques qu'il conduit.

S'assurer que les objectifs retenus sont cohérents avec ceux des programmes associés et connexes, ainsi qu'avec les objectifs des autres acteurs.

Mission (ministérielle ou interministérielle) - programmes associés et programmes connexes :

- les objectifs du programme sont-ils cohérents avec ceux des autres programmes inclus dans la même mission (« programmes associés ») ?

- dans le cas d'un programme inclus dans une mission interministérielle ou participant à une politique interministérielle, comment est organisée la coordination des objectifs et des moyens au niveau central et au niveau déconcentré (rôle du Préfet) ?

- est-il possible d'identifier un ou des programmes non inclus dans la même mission (« programmes connexes ») dont la mise en oeuvre est à l'évidence susceptible d'avoir un impact sur le programme audité ? Dans l'affirmative, les objectifs poursuivis par ce ou ces programmes connexes sont-ils complémentaires de ceux du programme audité ?

- une concertation et des échanges d'information sont-ils prévus entre le responsable du programme et ceux des programmes associés et connexes ?

Programmes de l'Etat et objectifs des autres acteurs :

- des acteurs et/ou des ressources externes (ex : collectivités locales, Union européenne, régimes sociaux, associations faisant appel à la générosité publique) contribuent-ils de manière significative aux objectifs du programme ?

- dans l'affirmative

ces acteurs affichent-ils des objectifs ?

ces objectifs et ceux du programme sont-ils cohérents ?

le projet annuel de performance mentionne-t-il d'autres contributions externes non inscrites en loi de finances de l'Etat (ex : loi de financement de la sécurité sociale, fonds européens, collectivités locales) ?

- une concertation, des échanges d'information et une coordination sont-ils prévus entre le responsable du programme et ces acteurs externes ?

Commentaires :

(...) Des programmes sont dits :

- « associés » au programme audité quand ils relèvent formellement d'une même mission ;

- « connexes » quand, sans être formellement intégrés à la même mission, ils sont manifestement susceptibles d'avoir un impact sur les résultats du programme audité en visant des objectifs complémentaires et / ou des publics identiques.

L'analyse des objectifs des programmes associés et connexes doit permettre de vérifier qu'une mise en synergie est en tant que nécessaire organisée pour garantir la cohérence de l'action de l'Etat et du pilotage des programmes.

Afin que la réalisation des objectifs d'un programme puisse être corrélée avec l'ensemble des moyens qui y contribuent, il est important que les « dépenses fiscales », c'est-à-dire les parts de recettes résultant d'exonérations ou de régimes dérogatoires, soient prises en compte.

Il est également important que les concours de toute nature apportés par d'autres collectivités soient mentionnés à titre informatif dans le projet de performance.

S'assurer de la pertinence, de la lisibilité et de la faisabilité des indicateurs de résultats associés au programme et aux actions

Les indicateurs rendent-ils compte des objectifs retenus pour le programme :

- de façon fidèle (lien logique objectif / indicateur) ?

- de façon exhaustive (couverture de l'ensemble des objectifs et, au sein de chaque objectif, de l'ensemble de ses dimensions propres) ?

- de façon synthétique (nombre réduit d'indicateurs et complémentarité des indicateurs entre eux) ?

Des valeurs cibles, assorties d'échéances précises, ont-elles été définies pour les principaux indicateurs ?

Les indicateurs sont-ils compréhensibles pour les personnes qu'ils concernent au premier chef, soit :

- les bénéficiaires (entreprises, usagers ou leur représentation) ?

- les administrations centrales et déconcentrées, les établissements publics ?

- les partenaires de l'Etat (collectivités locales, associations,...) ?

Les indicateurs choisis reposent-ils sur des données disponibles et fiables ?

La méthode de recueil des données et de calcul des indicateurs est-elle définie ? Assure-elle :


- leur faisabilité ?

- leur pérennité et leur homogénéité dans l'espace, pour permettre des comparaisons ?

Commentaires :

Un programme doit présenter, outre les actions et les objectifs poursuivis, les résultats attendus et obtenus mesurés au moyen « d'indicateurs précis dont le choix est justifié ».

Un indicateur doit donc, qu'il soit quantitatif ou qualitatif, être exprimé sous forme numérique (taux d'erreur, par exemple) et permettre :

- de fixer des cibles argumentées traduisant des résultats assortis d'échéances temporelles (court ou moyen terme) ;

- de mesurer les réalisations par rapport à ces cibles, puis de les comprendre et de les analyser ;

- d'orienter les décisions des responsables des programmes dans le but d'améliorer la performance ;

- de nourrir le dialogue de gestion entre les différents échelons administratifs.

Le choix d'un indicateur doit :

- résulter souvent d'un arbitrage entre pertinence et fiabilité (tenant compte notamment du coût : principe de proportionnalité entre l'utilité de l'indicateur et les moyens nécessaires pour en disposer) ;

- prendre en compte et anticiper les effets de comportement qu'il est susceptible d'induire, en s'assurant qu'ils ne seront pas de nature à mettre en péril les objectifs poursuivis par le programme.

(...)

S'assurer que les objectifs du programme sont déclinés au travers d'objectifs spécifiques pour chaque opérateur contribuant significativement à la réalisation du programme.

La contribution attendue de chaque opérateur aux différentes actions du programme est-elle déclinée sous forme d'objectifs spécifiques assortis d'indicateurs de résultats ?

- l'articulation de ces objectifs et indicateurs avec les objectifs et indicateurs du programme apparaît-elle clairement ?

- ces objectifs et indicateurs sont-ils compréhensibles et connus des cadres et des agents concernés ?

- ces objectifs sont-ils fondés sur une analyse des processus de chaque opérateur et d'une appréciation des résultats obtenus dans la période antérieure ?

Ces objectifs spécifiques sont-ils formalisés ?

- existe-t-il des plans d'action pluriannuels ou des contrats d'objectifs ?

- existe-t-il une procédure qui permet d'actualiser chaque année durant la durée du programme, les objectifs assignés aux opérateurs ?

- pour les opérateurs ayant une mission territoriale, existe-t-il une procédure permettant de coordonner ces objectifs avec ceux des autres opérateurs de l'Etat sur le même territoire (ex : projet territorial de l'Etat) ?

Y a-t-il des objectifs du programme qui ne sont pas déclinés en objectifs spécifiques assignés à des opérateurs ?

Commentaires :


La contribution des opérateurs s'organise dans le cadre défini par la chaîne de responsabilité du programme (...). Pour garantir la qualité du programme, des objectifs spécifiques, à caractère intermédiaire, traduisant la contribution de chaque opérateur à la réalisation des objectifs du programme doivent être définis ; ce principe concerne les services centraux et déconcentrés opérateurs du programme, ainsi que les opérateurs externes bénéficiant de subventions pour charges de service public permanentes ; en revanche, la définition d'objectifs n'apparaît pas indispensable pour les opérateurs occasionnels ou ceux qui perçoivent une rémunération correspondant à l'achat par l'Etat d'une prestation de service déterminée.

De même que les objectifs du programme, ces objectifs intermédiaires seront formulés de façon littéraire, mais devront être suffisamment précis, hiérarchisés, et lisibles pour être compris et partagés par les citoyens comme par les acteurs de leur mise en oeuvre. L'audit doit particulièrement s'attacher à vérifier la clarté de l'articulation entre les objectifs des opérateurs et les objectifs du programme, ainsi que l'existence d'indicateurs permettant d'en mesure la réalisation.

Il doit également s'assurer d'une formalisation minimale de ces objectifs, sur la base de documents de référence (les cadres de gestion) dont la forme relève de l'initiative de chaque ministère. (...)

Source : Guide d'audit initial des programmes, Comité interministériel des programmes (CIAP), 17 mars 2003

Page mise à jour le

Partager cette page