C. DES RELATIONS BILATÉRALES ACTUELLEMENT LIMITÉES, QU'UNE PAIX DURABLE PERMETTRAIT D'ÉTOFFER

C'est l'ensemble des relations entre le Soudan et le monde extérieur qui a été compromise par les dix années d'un pouvoir soudanais dominé par le Font national islamique d'Hassan El-Tourabi (1989-1999).

L'aide européenne au développement a ainsi été suspendue en 1990. Seul le programme ECHO 8 ( * ) , consacré à l'aide humanitaire, a déboursé 114 millions de dollars entre 1994 et 1998. L'éviction du pouvoir, par le Président Béchir, d'Hassan El-Tourabi en décembre 1999, avec la dissolution de l'Assemblée nationale et l'instauration de l'état d'urgence (toujours en vigueur) a permis l'ouverture d'un dialogue « renouvelé » entre l'Union européenne et le Soudan, portant sur les droits de l'homme, la démocratisation et la paix . Pour encourager les réformes annoncées par Khartoum, l'Union européenne a décidé, en décembre 2000, la mise en oeuvre d'un programme humanitaire de 15 millions d'euros. Le 9 ème Fonds européen de développement prévoit d'affecter 155 millions d'euros au Soudan en cas de signature d'un accord de paix global.

Le Soudan souhaite visiblement un rapprochement spécifique avec la France : l'ensemble des entretiens que la délégation a eu à Khartoum convergeaient sur ce point.

1. Les perspectives d'approfondissement du dialogue politique

Depuis la reprise en main du pouvoir par le Général Béchir, en 1999, au détriment d'Hassan El-Tourabi, la France a renoué le contact avec Khartoum : le Soudan a ainsi participé au sommet France-Afrique de Yaoundé en 2001, ainsi qu'au sommet de Paris en février 2003. Le ministre délégué à la coopération du précédent gouvernement, M. Charles Josselin, s'est rendu à Khartoum en août 1998 et octobre 2001 ; et le ministre soudanais des affaires étrangères a, de son côté, effectué deux visites à Paris, en juin 1999, puis en mai 2001.

Tout récemment, le conseiller présidentiel pour la paix, M. Ghazi Salaheddine, s'est également rendu à Paris, le 18 décembre 2002.

Lors de la présence à Paris du Président El Béchir pour le récent sommet France-Afrique, le Président Chirac a manifesté son intérêt et son appui au processus de paix en cours en nommant un représentant spécial pour en suivre les prochaines étapes, répondant ainsi à une demande du Soudan. La France avait déjà envoyé un observateur du cessez-le-feu dans les Monts Nouba.

Notre coopération technique et culturelle est pour l'instant modeste : 0,38 million d'euros en 2001, portés à 0,46 million d'euros en 2002 par l'accroissement du programme de bourses destinées aux étudiants soudanais venant étudier en France.

L'aide humanitaire bilatérale a consisté, en 1999, à la remise de 8 000 tonnes de céréales et à l'affectation de 400 000 francs à la lutte contre la méningite.

Par ailleurs, le Soudan a été intégré en 2002 dans la Zone de Solidarité Prioritaire, mais cette extension est trop récente pour avoir déjà été suivie d'effets. Il faut souligner l'action digne d'éloge du centre culturel français de Khartoum (voir encadré) , que le Gouvernement soudanais a toujours laissé fonctionner, même durant la décennie de pouvoir d'Hassan El-Tourabi .

De nouvelles impulsions pourraient être données aux relations politiques bilatérales en cas de signature d'un accord de paix durable.

Enfin, le Soudan souhaite obtenir le statut d'observateur au sein de l'Organisation International de la Francophonie, notamment pour se rapprocher de ses nombreux voisins qui utilisent cette langue à titre officiel.

LE CENTRE CULTUREL FRANÇAIS

« FRÉDÉRIC CAILLIAUD »

Le centre culturel français de Khartoum est installé au centre de la capitale, dans l'ancienne Chancellerie de France, qui lui a été affectée lors de la mise en service de l'actuelle ambassade.

Ce bâtiment bénéficie ainsi d'une bonne implantation, au centre d'une ville très étendue. Son architecture intérieure est caractéristique de l'inspiration « art-déco » des années 1930, et l'ensemble est vaste et spacieux, même si le succès que rencontre le centre dépasse parfois ses capacités d'accueil.

Des concerts peuvent être organisés sur la terrasse principale, où des répétitions s'effectuaient lors de la visite de la délégation.

Ce centre a pris le nom de Frédéric Cailliaud, explorateur et homme de lettre français, qui publia en 1820 le récit de son exploration du Soudan sous le titre de « Voyage à Méroé, au fleuve blanc, au delà du Fazol, dans le midi du royaume de Sennar, à Syouah et dans cinq autres oasis ».

Outre les cours de français, pour lesquels 900 étudiants étaient inscrits en 2003, le centre culturel français offre la possibilité de consulter des ouvrages -livres et revues- en français et d'assister à des projections cinématographiques. Le programme du mois de février 2003 était le suivant : « La grande illusion » de Jean Renoir, « Une affaire de femmes » de Claude Chabrol, « Le Nil », documentaire de Philippe Cousteau. Ces films étaient sous-titrés en arabe. Il publie également, en édition bilingue, de courts ouvrages de nouvelles d'auteurs français (une biographie de Frédéric Cailliaud) ou soudanais. Il organise également des expositions diverses valorisant la culture soudanaise. Un projet original se propose d'organiser des expositions et des débats sur des thèmes liés à l'environnement, dans la suite des débats du récent sommet de Johannesburg consacré à ces sujets. Les sujets de l'eau, et de l'érosion agricole seront notamment retenus pour illustrer l'impact concret de l'intervention de l'homme sur l'évolution de l'environnement. Une conférence sur « l'énergie et l'environnement au Soudan » figurait ainsi au programme du centre en février 2003.

Dans une région largement affectée par des sécheresses récurrentes, cet élargissement des thèmes hors du champ culturel stricto sensu a semblé particulièrement intéressant à la délégation.

2. Une plus grande coopération économique pourrait s'instaurer en cas d'accord politique entre les factions inter-soudanaises

Nos échanges commerciaux sont, pour l'heure, très réduits. La France était, en 2001, le 9 ème fournisseur du Soudan, avec des exportations d'un montant de 113 millions d'euros, et des importations de 46 millions d'euros. Les arriérés financiers envers la France se chiffraient à 378 millions d'euros. Le ministre de l'agriculture a précisé à la délégation que, dans son domaine, les importations venant de France portent essentiellement sur des produits insecticides, dont la culture de coton est grosse consommatrice. Il a déploré, à ce sujet, les fortes subventions accordées par les Etats-Unis d'Amérique à leurs propres producteurs, qui faussent les conditions du marché mondial.

Le Soudan produit actuellement des fruits, légumes et agrumes de bonne qualité, dont la culture pourrait être sensiblement renforcée avec une extension des terres cultivées, car seules 20 % des terres arables sont aujourd'hui valorisées . Plus largement, le Soudan pourrait, d'après le ministre, être autosuffisant sur le plan alimentaire si les infrastructures permettaient les transferts nécessaires entre régions excédentaires et déficitaires. Le soutien international s'est en effet focalisé sur l'aide alimentaire d'urgence, indispensable pour faire face aux besoins les plus criants. Mais les décideurs soudanais et les organisations qui les appuient souhaitent s'orienter vers les réformes structurelles requises pour assurer une production de meilleure qualité et de plus forte ampleur. Ainsi, la FAO 9 ( * ) apporte un appui à la réforme agraire en cours, qui doit privatiser les terres, comme l'ensemble de l'économie, et permettre ainsi un accès progressif des paysans à la terre et à l'habitat, ainsi qu'une ouverture aux investisseurs étrangers.

Si l'agriculture concourait en 2001 à hauteur de 38 % du PNB, les industries et les mines en représentaient 18 %. Ces derniers secteurs sont, pour l'instant, essentiellement exploités par des capitaux chinois, que ce soit pour les barrages hydroélectriques ou pour l'exploitation des importantes ressources pétrolières localisées au sud du Soudan. Le pays produit actuellement quelque 250 000 barils par jour, et les perspectives en ce domaine sont très prometteuses.

Le groupe français Total Fina Elf possède, d'ores et déjà, une autorisation d'exploitation d'un important gisement, mais n'entend la valoriser qu'au terme de la conclusion d'un accord de paix effectif. Cette attitude d'attente est très appréciée par le gouvernement soudanais. Au total, le Soudan souhaite recevoir l'appui technique et financier de la France, sous forme publique ou privée dans des domaines où la compétence de notre pays est reconnue : valorisation agricole et agro-alimentaire, élevage, travaux hydrauliques permettant l'extension de l'irrigation grâce aux eaux du Nil, développement de l'hydro-électricité et de l'exploitation pétrolière . Tous ces projets sont évidemment suspendus à la conclusion d'un accord de paix durable. Le Soudan dispose de tous les atouts pour devenir une puissance économique régionale, et la France y trouverait de nombreuses occasions d'appui public et d'investissements privés. Mais ce scénario prometteur ne prendra effet que dans le cadre d'une paix civile durable.

* 8 European Community Humanitarian Office

* 9 Food and Agriculture Organization

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page