B. LE PROTOCOLE DE MACHAKOS : DES ÉLÉMENTS POSITIFS DONT L'APPLICATION CONCRÈTE SERA DÉCISIVE POUR L'AVENIR DU SOUDAN

Signé le 20 juillet 2002 à Machakos, au Kenya, cet accord contient deux éléments majeurs : le premier établit le principe de l'autodétermination du sud Soudan , dont la population s'exprimera par referendum au terme d'une période intérimaire de six ans qui suivra la conclusion d'un accord de paix global ; le second établit une différenciation régionale dans les rapports entre l'Etat et la religion : le nord du pays continuera à vivre sous l'empire de la législation islamique, alors que le sud obtiendra l'application d'un régime laïc de séparation des confessions religieuses et de l'Etat. Cet accord a été conforté par l'adoption, le 15 octobre 2002, du principe d'une cessation des hostilités jusqu'au 31 mars 2003, qui a été reconduit pour permettre à la suite des discussions de s'effectuer dans un climat de moindre tension.

Le 26 octobre 2002, le libre accès à l'aide humanitaire a été établi, ce qui n'avait jamais été obtenu auparavant dans le pays 7 ( * ) . Enfin, le 18 novembre, un accord partiel sur le partage du pouvoir et des ressources économiques a été trouvé.

Les entretiens entre les deux parties ont repris en janvier 2003, dans un climat de relative suspicion, chacune d'entre elles accusant l'autre de violer le cessez-le-feu par milices interposées. Il faut, en effet, souligner que les hostilités se sont rarement déroulées le long d'un front, mais plutôt par des actions de harcèlement menées par des groupes paramilitaires. Ce type d'affrontements a conduit à de multiples déplacements de population, notamment du sud vers le nord du pays, où règne une situation beaucoup plus calme.

Des négociations avaient été ouvertes, de longue date, entre les deux parties sous l'égide de l'IGAD, mais elles ont stagné jusqu'à l'envoi au Soudan, du sénateur américain John DANFORTH, en septembre 2001. La forte pression exercée par ce négociateur, appuyé sur la volonté de Khartoum de rompre son isolement international, a donc porté ses fruits. Cependant, le « Sudan Peace Act », adopté par le Congrès américain en octobre 2002, prévoit l'adoption de nouvelles sanctions américaines -s'ajoutant à l'embargo unilatéral décidé en 1997- si un accord de paix complet n'est pas signé d'ici à la fin du mois de mai 2003.

La poursuite des discussions, et leur conclusion, est donc suspendue au bon vouloir de la SPLA (Soudanise People Liberation Army, dirigée par John Garang), puisque les menaces de sanction pèsent sur le seul gouvernement en place. Il est cependant probable que le négociateur américain a pesé sur les représentants de la faction sudiste pour les amener aux négociations. Cette nécessaire pression s'est cependant relâchée depuis l'intervention militaire américaine en Irak, car cet objectif occulte pour l'instant les autres engagements diplomatiques des Etats-Unis.

La réconciliation nationale sera l'enjeu de la période de transition de six ans, prévue pour suivre l'accord de paix : c'est alors que les Soudanais des deux camps évalueront leur capacité à vivre ensemble, au sein d'un même Etat déjà largement décentralisé, en théorie du moins.

La décision d'autodétermination de la partie sud du pays ne laissera pas indifférents les grands voisins du Soudan ; ainsi l'Egypte a-t-elle officieusement fait connaître son hostilité à une éventuelle partition.

Par ailleurs, les fortes tensions frontalières observées au mois de novembre 2002 avec l'Erythrée sont, également, sources d'inquiétude.

* 7 Le gouvernement de Khartoum a vu son autorité sur la partie sud du pays régulièrement violée par certaines des organisations humanitaires apportant leur aide aux populations touchées par le conflit ; les plus militantes d'entre elles ont, en effet, utilisé les couloirs aériens de l'ONU pour pénétrer au sud Soudan à partir du Kenya. Ces modes d'action ont conduit à un raidissement du gouvernement soudanais envers l'action de l'ensemble des ONG.

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