A. LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DOIT FAIRE FACE À UN CONTENTIEUX DE MASSE

Le contentieux familial est un contentieux de masse, puisqu'il représente près de la moitié du contentieux civil 201( * ) .

Il s'est longtemps caractérisé par un fractionnement de compétences selon les questions à trancher, entre le tribunal de grande instance, le juge aux affaires matrimoniales, le tribunal d'instance, le juge des tutelles et le juge des référés. Cette dispersion était source de confusions pour le justiciable et de lenteur de la justice.

Le juge aux affaires familiales a donc été créé par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et « instituant le juge aux affaires familiales » pour traiter la plupart des questions relatives à la vie familiale rencontrées par les couples, mariés ou non, et leurs enfants.

Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire, il s'agit d'un juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales. En raison de nombreuses attributions, la plupart des juges aux affaires familiales exercent leurs fonctions à 80 % et ne participent que marginalement aux autres audiences du tribunal.

Le métier de juge aux affaires familiales exige de grandes capacités d'écoute et de solides connaissances juridiques. Les conflits de compétences avec d'autres magistrats demeurent mais sont généralement résolus de manière informelle.

1. « Un métier qui exige de grandes capacités d'écoute »

Le juge aux affaires familiales détient des compétences nombreuses qui ont trait au divorce et à la séparation de corps, à l'autorité parentale, à l'obligation alimentaire, à l'état civil ou encore aux intérêts de la famille.

Il ne peut toutefois intervenir dans les domaines suivants :

- protection des mineurs et des majeurs (tutelles, curatelles), consentement à l'adoption, émancipation des mineurs de 16 ans, qui relèvent du tribunal d'instance ;

- successions, actions relatives à la filiation et à fin de subsides, retrait total ou partiel de l'autorité parentale, qui relèvent du tribunal de grande instance, et régimes matrimoniaux, qui relèvent également du tribunal de grande instance (sauf pour la liquidation du régime matrimonial lié à un divorce sur requête conjointe) ;

- assistance éducative pour les mineurs en danger et délinquance des mineurs, qui relèvent du juge des enfants.

En principe, il statue à juge unique sur les affaires. Toutefois, il peut renvoyer d'office toute affaire de sa compétence devant la formation collégiale du tribunal de grande instance qui regroupe trois magistrats, au sein de laquelle il siège. Ce renvoi peut intervenir à tout moment de la procédure. En matière de divorce, l'un des époux (ou les deux) peut demander que le divorce soit prononcé par la formation collégiale. Le renvoi est alors de droit.

La procédure pour saisir le juge aux affaires familiales varie selon la nature de l'affaire. Selon les cas, la représentation par un avocat est obligatoire ou facultative 202( * ) .

Selon Mmes Catherine Grasset, vice-présidente du tribunal de grande instance d'Evry, et Lucille Bretagne, magistrate de ce tribunal, toutes deux juges aux affaires familiales, « il (le juge aux affaires familiales) présente la particularité d'être à la fois un juge spécialisé et généraliste . »

Le métier exige de la célérité, des contacts personnels avec les justiciables, de l'écoute, de la diplomatie et de la fermeté. La plupart des affaires soumises au juge aux affaires familiales ne présentent aucune difficulté particulière. Toutefois, le magistrat doit maîtriser certains aspects très techniques afin de ne pas être bloqué par un problème juridique.

Mme Lucille Grasset déclarait ainsi à la mission qu'« une part importante du travail du juge aux affaires familiales consiste à s'entretenir avec les gens. Plutôt que d'une spécialisation, il s'agit, à mon avis, d'une capacité d'écoute. Il faut bien sûr de solides bases juridiques pour traiter la masse des dossiers de ce contentieux. Sans cela, le juge risque de se heurter sur chaque dossier à un problème juridique particulier et de perdre du temps à vérifier constamment tel ou tel point de droit .

« Il est important aussi de savoir poser les bonnes questions pour bien cadrer le débat. Même si les avocats se plaignent que les audiences sont parfois trop longues, il est important de permettre aux gens de s'exprimer pour qu'ils ressortent en ayant le sentiment d'avoir été écoutés. Il faut trouver un juste équilibre. L'avocat développera l'aspect juridique, tandis que les personnes concernées aborderont l'aspect concret. Il est important qu'elles puissent s'exprimer. »

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