2. Une image difficile à changer
a) Le développement d'un rôle de conseil
Les
huissiers de justice aiment à se présenter comme des
«
juristes de proximité
».
De fait, ils jouent souvent, particulièrement dans les petites communes,
un rôle de conseil
auprès des particuliers
et accomplissent
pour eux un nombre important d'actes : dresser des états des lieux,
prendre des inscriptions d'hypothèques, déposer des injonctions
de payer, prendre des mesures conservatoires, présenter des
requêtes pour obtenir des ordonnances, procéder au recouvrement de
créances et de pensions, rédiger des actes sous seing
privé, plus généralement fournir une assistance juridique.
La profession souhaite
développer son activité de conseil en
direction des entreprises et des autorités publiques passant des
marchés
.
Me Yves Martin, vice-président de la Chambre nationale des
huissiers de justice, déclarait ainsi à la mission :
«
Aujourd'hui, on essaie de donner une nouvelle image de
l'huissier de justice, que l'on tente d'intégrer au monde de
l'entreprise. De nombreuses mesures conservatoires sont en effet à
prendre dans l'entreprise (...). Nous pensons que l'huissier de justice a sa
place dans la procédure de passation des marchés publics.
Certaines affaires assez scabreuses ont dernièrement fait la une de
l'actualité. Pourquoi ne pas confier à l'huissier de justice
l'anonymat, le port et la réception de plis ainsi que la prise en note
de ce qui est ensuite dit et décidé, non pas pour surveiller
les maires mais pour appuyer la commission de contrôle des marchés
publics
? »
b) Une formation équivalente à celle des autres auxiliaires de justice
Depuis
le 1
er
janvier 1996
187(
*
)
, les huissiers de justice doivent
être titulaires d'une maîtrise en droit ou d'un diplôme
équivalent et avoir accompli un stage de deux ans sanctionné par
un examen professionnel.
Me Yves Martin déclarait ainsi à la mission :
«
Notre profession a suivi une évolution importante.
Heureusement, car nous partions de bien bas !
Dans les années
soixante
, il
suffisait de savoir lire, écrire et d'être
français pour être huissier de justice
.
«
Maintenant
, la maîtrise en droit, qui est
obligatoire, ne suffit pas. Il faut suivre deux - bientôt trois -
années de stage. Elles sont sanctionnées par un examen
professionnel que nous avons le droit de passer quatre fois. Au bout de quatre
échecs, ou bien nous restons employé principal, ou bien nous
changeons de voie.
«
L'évolution est donc flagrante. Depuis quelques
années, nous avons la même formation que les notaires. Nous avons
le
même cursus que les avocats et les
magistrats
. »
c) Une ouverture croissante sur l'Europe et les nouvelles technologies
La
profession est
jeune
, puisque la moyenne d'âge est de 40 ans selon
la Chambre nationale, et l'usage des nouvelles technologies de l'information
est très répandu. Elle fut d'ailleurs l'une des premières,
dans les années 1970, à s'informatiser.
Par ailleurs, les huissiers de justice sont attentifs à
l'évolution du droit européen
.
Le règlement CE n° 1348/2000 du 29 mai 2000 relatif
à la signification et à la notification dans les Etats membres
des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et
commerciale est entré en vigueur le 31 mai 2001. Les
autorités françaises ont décidé de confier aux
huissiers de justice, naturellement compétents en matière de
notification d'actes, la mise en oeuvre de ce texte. Un projet de décret
est en cours d'élaboration pour introduire ce dispositif dans le nouveau
code de procédure civile.
Le Conseil européen a rappelé le 15 janvier 2001 qu'il souhaitait
parvenir, à terme, à la
suppression de
l'
exequatur
188(
*
)
pour tous les domaines couverts par le règlement.
L'Union internationale des huissiers de justice, qui est présidée
par les huissiers français, compte actuellement cinquante-sept pays
adhérents. Elle essaie d'harmoniser les voies d'exécution tout en
permettant à chaque pays de conserver ses règles et ses
habitudes.
d) Une image qui reste négative
Pour
autant, l'huissier de justice reste entouré d'une
image
ambivalente
, pour ne pas dire négative. Il apparaît
tantôt comme le
dernier recours
, tantôt comme la
première menace
. Le caractère coercitif de ses
attributions en est la cause.
Me Yves Martin reconnaissait ainsi que «
l'exécution est
attachée au titre d'huissier, même si cela nous vaut, non
d'être rejetés mais d'être catalogués comme des
spécialistes des constats d'adultères, des expulsions et des
saisies immobilières
. En fait, l'exécution et le
métier d'huissier évoluent. Il n'y a en effet plus grand chose
à saisir chez les gens : même s'ils possèdent un
patrimoine, ils le cachent par des biais au demeurant tout à fait
légaux, par exemple des sociétés civiles
immobilières.
«
Dans certains cas, on sait pertinemment que les gens sont
solvables mais l'on ne parvient pas à déterminer les biens qu'ils
possèdent. Il faudrait faire quelque chose dans ce domaine. Le constat
d'adultère est un acte désuet, et c'est tant mieux (...)
« Ils
(les gens)
sont
doublement mécontents
. Ils
le sont à la fois
de la décision de justice
et
de
l'huissier
, qui est
en première ligne
. Les gens ne vont
jamais voir le juge. Ils s'en prennent toujours à l'huissier. Toutefois,
même si l'on a du mal à changer l'image des huissiers, on y arrive
petit à petit.
Il faudra toujours quelqu'un pour exécuter
les décisions de justice
, qui sont nombreuses. Les huissiers
pourraient les exécuter si on leur en donnait les moyens. »
Ce manque de moyens pour exécuter les décisions de justice et les
contraintes imposées par le service des audiences constituent les
principaux sujets de préoccupations de la profession.