A. UNE MUTATION PROFONDE DU CORPS DES MAGISTRATS

Au 1 er juillet 2001, le nombre de magistrats professionnels s'élevait à 7.027 11( * ) , parmi lesquels on distinguait 6.846 magistrats exerçant leurs fonctions dans les juridictions et 181 magistrats affectés auprès de l'administration centrale.

L'affirmation selon laquelle ces effectifs demeurent très proches de ceux du milieu du XIXème siècle paraît erronée. En effet, à l'époque, le nombre de magistrats incluait également les juges non professionnels (juges consulaires, juges coloniaux, juges de paix suppléants), qu'on oublie souvent de déduire pour établir cette comparaison.

Avec 13 magistrats pour 100.000 habitants, la France 12( * ) , comme l'Italie et l'Espagne, se situe dans la moyenne de l'Union européenne . Elle se place après l'Allemagne (32 magistrats) et la Belgique (16 magistrats), mais devant le Royaume-Uni situé en fin de classement avec 5,5 magistrats.

Il convient toutefois d'utiliser avec prudence ces comparaisons compte tenu de la diversité de l'organisation judiciaire en Europe. Ainsi, le système judiciaire allemand repose exclusivement sur des magistrats professionnels, tandis que le Royaume-Uni recourt largement à des magistrats non-professionnels (33.945 sur 37.213).

1. Un juge professionnalisé contraint à la mobilité

Le magistrat du XXIème siècle diffère radicalement des anciens juges de paix supprimés en 1958, qui jouissaient d'une autorité morale et d'une situation sociale établies. Elus puis nommés à partir du Consulat, ces derniers étaient désignés parmi les notables locaux et faiblement rémunérés.

Recrutés majoritairement par concours, les magistrats judiciaires sont des agents publics de l'Etat et exercent leur activité à titre professionnel . Comme l'a souligné M. Claude Hanoteau, directeur de l'Ecole nationale de la magistrature à la mission d'information, « on ne s'improvise pas juge ». Les magistrats sont devenus des techniciens du droit très compétents, chargés de l'application et de l'interprétation des textes en vigueur. La magistrature nécessite un niveau de technicité croissant du fait de la complexité des procédures et de l'entrée en vigueur des lois nouvelles.

En outre, l'enracinement local des anciens juges de paix a cédé le pas aux exigences toujours renforcées de mobilité s'imposant aux magistrats.

Avant la réforme issue de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), peu d'obligations de mobilité statutaires s'imposaient aux magistrats 13( * ) .

Toutefois, la pratique du Conseil supérieur de la magistrature a toujours consisté à encourager la mobilité. Ainsi le CSM a conduit à instituer deux règles de principe relatives à la durée d'exercice : la règle des deux ans, destinée à faire en sorte qu'un magistrat demeure dans un même poste au moins deux ans, avant d'obtenir une mutation ou un avancement, et la règle des dix ans, tendant à éviter qu'un magistrat n'exerce ses fonctions plus de dix ans dans la même juridiction.

La loi organique du 25 juin 2001 précitée a donc renforcé les exigences de mobilité statutaires en instituant de nouvelles règles en matière d'avancement, et en imposant une mobilité géographique non seulement aux chefs de juridiction après sept ans d'exercice au sein d'une même juridiction, mais aussi aux juges spécialisés à l'issue de dix années d'exercice dans le même tribunal 14( * ) .

La volonté du législateur était justifiée par le double souci d'enrichir l'exercice des fonctions juridictionnelle s et de se prémunir contre les dérives possibles d'une trop grande implication dans la vie locale .

Elément important de leur positionnement social, la situation matérielle des magistrats , dont le déroulement de carrière n'était pas aligné sur celui des magistrats de l'ordre administratif ni sur celui des magistrats de l'ordre financier, a été substantiellement revalorisée depuis la loi organique du 25 juin 2001 précitée.

L'amélioration des rémunérations n'a toutefois bénéficié qu'aux seuls magistrats situés en haut de la hiérarchie 15( * ) , excluant ainsi les magistrats débutant leur carrière 16( * ) sur lesquels pèsent pourtant des responsabilités et des sujétions souvent lourdes.

Ces derniers n'ont bénéficié d'aucune valorisation spécifique de leur traitement, qui demeure strictement rattaché à la grille indiciaire de la fonction publique, à l'instar des fonctionnaires de catégorie A.

La situation des jeunes magistrats français s'avère cependant plus favorable que celle de la plupart de leurs homologues de l'Union européenne, le traitement perçu en début de carrière étant en effet légèrement supérieur à celui des magistrats allemands, espagnols et belges. L'Italie se distingue par la faiblesse des rémunérations allouées à ses magistrats tandis qu'au Royaume-Uni, le niveau de rémunération est très élevé.

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