2. La difficile mise en oeuvre des trente-cinq heures
L'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) ont été mis en place dans la fonction publique, et donc dans les juridictions, à partir du 1 er janvier 2002 selon les conditions fixées par le décret n° 2000-815 du 25 août 2000.
a) Des jours de repos supplémentaires en contrepartie d'un élargissement des horaires d'ouverture des juridictions aux usagers
Depuis
le 1
er
janvier 2002, tous les
personnels des greffes
bénéficient d'une
durée annuelle de travail de 1.600
heures
pour un agent à temps complet. Cinq jours de repos annuels
ont été accordés en contrepartie d'un élargissement
des horaires d'ouverture des juridictions aux usagers et d'une organisation du
temps de travail en cycles hebdomadaires.
De leur côté, les
magistrats
de l'ordre judiciaire
exerçant leurs fonctions en juridiction et à l'Ecole nationale
des greffes sont soumis à un
régime forfaitaire de temps de
travail
. Ils bénéficient chaque année de 45 jours
de repos dont 25 jours de congés annuels réglementaires, non
compris les 2 jours de fractionnement, et de 20 jours de réduction
du temps de travail
92(
*
)
.
Comme le soulignait notre regrettée collègue Dinah Derycke dans
son avis sur le projet de loi de finances pour 2002 présenté au
nom de la commission des Lois
93(
*
)
, les organisations syndicales de
fonctionnaires et de magistrats ont estimé insuffisantes les mesures
d'accompagnement prévues
94(
*
)
et déploré tant les
modalités d'application des trente-cinq heures proposées par la
Chancellerie, que la méthode de consultation retenue
95(
*
)
, soulignant le manque de dialogue
social.
La mission a pu constater
au cours de chacun de ses déplacements
que
la mise en oeuvre des trente-cinq heures perturbait le
fonctionnement des juridictions
.
b) Un fonctionnement des juridictions perturbé
Des
chefs de cour et des magistrats ont déploré une
moins grande
disponibilité, un changement d'état d'esprit
des
fonctionnaires dont les yeux seraient désormais rivés sur
l'horloge.
Un premier président de cour d'appel a fait état, dans une
contribution écrite remise à la mission, «
du
décalage qui tend à se créer entre le rythme de travail
respectif des magistrats et des greffiers qui a été encore accru
par la mise en oeuvre de l'ARTT
. »
Les personnels des greffes, quant à eux, se sont plaints des
charges
de travail supplémentaires
induites par l'allongement des heures
d'ouverture des juridictions en contrepartie de congés
supplémentaires.
Dans une contribution écrite aux travaux de la mission,
M. Dominique Matagrin, président de l'Association professionnelle
des magistrats (APM) a relevé que «
l'expérience
dira ce qu'il en est vraiment mais, en dehors de complications liées non
à l'organisation du travail des magistrats mais à celle de leurs
collaborateurs - ce qui n'est pas indifférent pour le service dans son
ensemble, évidemment ! -, les trente-cinq heures ne changent pas
grand chose pour nos collègues qui, à juste titre, ont
été considérés comme relevant des fonctions de
conception et d'encadrement bénéficiant d'une compensation
forfaitaire et qui, de toutes façons, sont bien au-delà des
trente-cinq heures (....).
«
Pour l'immense majorité, l'attribution de jours de
congés supplémentaires ne fait que consacrer des pratiques
anciennes qui permettaient aux magistrats, outre les congés auxquels ils
ont droit comme tout un chacun, de se mettre à jour dans leur travail en
profitant de périodes de service dit allégé
(...)
».
Si elle ne doit pas être dramatisée, la
dégradation des
relations
entre les magistrats et les fonctionnaires au sein des
juridictions semble bien
réelle
et
appelle des réponses
rapides
.