III. DE NOUVEAUX MODES DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

A. DES RELATIONS PARFOIS CONFLICTUELLES

La question de la dégradation des relations au sein des juridictions apparaît à bien des égards comme un poncif : quelle communauté n'est pas en proie à des tensions, des frustrations, des rancunes ?

Elle semble pourtant incontournable tant les auditions et les déplacements réalisés par la mission et les enquêtes diligentées par la Chancellerie se rejoignent pour mettre en lumière un manque de dialogue social, une faible implication des magistrats et une association insuffisante des agents des greffes au fonctionnement des juridictions.

1. Le manque de dialogue social : un lieu-commun

Si des dissensions existent entre les différentes catégories de fonctionnaires, elles s'estompent généralement dans des revendications communes face aux magistrats.

Les fonctionnaires des greffes souffrent d'un manque de considération alors qu'ils éprouvent le sentiment, comme l'indiquait l'Union syndicale autonome justice de « faire la carrière des magistrats ». Une greffière rencontrée par la mission lors de l'un de ses déplacements dénonçait ainsi le mépris dans lequel les magistrats tenaient « le personnel » de la juridiction.

Le syndicat C-Justice a toutefois fait observer que les magistrats apportaient une aide aux agents de catégorie C dans leurs relations parfois tendues avec leur encadrement, c'est-à-dire les greffiers en chef et les greffiers.

Le rapport de l'inspection générale des services judiciaires sur la communication et le dialogue social remis à la garde des Sceaux en juin 2001 confirme ces impressions.

Il relève en outre que « le double rattachement fonctionnel et hiérarchique des fonctionnaires des greffes est de plus en plus ressenti comme une difficulté. Les agents expriment leur embarras à être tiraillés entre la loyauté qu'ils doivent à leur supérieur hiérarchique, le greffier en chef, et les exigences d'un magistrat avec lequel ils travaillent quotidiennement ».

A la différence des fonctionnaires des greffes, les magistrats semblent peu impliqués dans la vie de leur juridiction et ne pas souhaiter être davantage associés aux décisions concernant son fonctionnement. Beaucoup considèrent ainsi que leur métier se limite au traitement des affaires dont ils ont la charge .

Cette faible implication, relevée par l'inspection générale des services judiciaires, a été vivement regrettée par l'un des magistrats du pôle économique et financier du tribunal de grande instance de Marseille dans lequel s'est rendue une délégation de la mission.

Ce malaise indéniable puise ses racines dans les méthodes traditionnelles de travail des magistrats, solitaires mais fortement dépendantes des greffes, dans le cloisonnement des corps de fonctionnaires des services judiciaires, dans le rapprochement des niveaux de formation et de diplôme qui rend moins légitime la différence de statut, de rémunération et de pouvoirs, enfin dans l'alourdissement des tâches dû à la montée des contentieux et à la complication des procédures.

La difficile mise en oeuvre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans les juridictions a contribué à aviver ces tensions.

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