DEUXIÈME PARTIE
SYNTHÈSE ET CONCLUSIONS
Réaliser une étude d'ensemble sur les jeux de
hasard
et d'argent, même limitée à la France, est
assurément une tâche difficile en raison :
- du caractère très évolutif des activités en
cause,
- du manque de données disponibles et d'analyses à leur
sujet,
- enfin, de leur complexité et de celle de la législation et de
la réglementation qui leur sont applicables.
Les situations respectives des principales catégories
d'opérateurs diffèrent sur certains points importants. Mais, sous
d'autres aspects, elles comportent des similitudes ou des convergences
liées à de nouvelles formes de concurrence (chapitre premier).
Il s'agit, d'autre part, d'activités qui, malgré leur importance
et leur croissance, demeurent relativement méconnues (chapitre deux).
La politique actuelle des jeux, enfin, est-elle adaptée aux profondes
mutations, actuelles ou prévisibles, de ce secteur ? (chapitre
trois).
CHAPITRE PREMIER
DIFFÉRENCES ET RESSEMBLANCES ENTRE
ACTEURS
DANS UN CONTEXTE PLUS CONCURRENTIEL
I. LA PERSISTANCE DE DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES ENTRE LES PRINCIPALES CATÉGORIES D'OPÉRATEURS
Les
principales différences entre les trois principaux secteurs
intéressés concernent :
- l'offre et la demande de jeux,
- l'impact de ces activités,
- la situation des opérateurs (statuts et structures, relations
avec l'administration).
A. DES OFFRES SPÉCIFIQUES CORRESPONDANT À DES DEMANDES DISTINCTES
A
l'origine, les offres et la clientèle des trois principales
catégories d'opérateurs de jeux en France étaient
nettement différenciées.
Bien qu'ils tendent depuis quelques années à s'atténuer,
ces clivages continuent cependant d'exister dans une assez large mesure.
1. Des jeux spécialisés
a) des produits monopolistiques
Bien
qu'une certaine diversification des offres et des conditions dans lesquelles
elle sont proposées finissent par les conduire à se concurrencer
quelque peu (voir plus loin), celles-ci conservent la marque de leur
différenciation d'origine, analysée par le conseil de la
concurrence dans sa décision du 5 mars 2001
16(
*
)
. Ce dernier y considère, en
effet, que « les offres de jeux proposées par la
Française des Jeux, le PMU et les casinos ne sont pas substituables
entre elles ».
Le Conseil distingue les jeux de « hasard partiellement
maîtrisé » du PMU de ceux, de « hasard
pur », proposés par les casinos et la Française des
jeux.
Les résultats des paris peuvent être influencés, pour les
premiers, par les connaissances et les analyses des joueurs susceptibles
d'infléchir, dans une certaine mesure, la loi des probabilités.
S'agissant des seconds, la diffusion sur tout le territoire des produits de la
Française des Jeux contraste avec celle, géographiquement
limitée, des activités des casinos qui en sont donc bien
distinctes.
En tout état de cause, le PMU possède le monopole des paris sur
les courses de chevaux, et les casinos (pour le moment) celui de l'exploitation
des machines à sous.
Les paris à cote étant interdits en France, au
bénéfice, exclusif, de systèmes mutualisés, les
seuls jeux relatifs aux courses de chevaux autorisés appartiennent
à la catégorie des jeux de répartition. En revanche, la
majeure partie des jeux traditionnels des casinos sont des jeux de contrepartie
(de cartes, de dés ou, surtout, de roue).
La Française propose les deux sortes de jeu : le Loto (plus d'un
quart des mises en 2000) est un jeu de répartition ; le Keno et le
Rapido (près de 20 % à eux deux) sont des jeux de
contrepartie.
La spécificité de ses offres, dont le renouvellement est
particulièrement rapide, n'en est pas moins marquée (notamment
avec les jeux de grattage, dont elle a l'apanage ou comme Keno et Rapido qui
allient la chance à une certaine réflexion dans la prise de
risque).
Mis à part certains jeux de cartes pratiqués aussi dans les
cercles, les casinos ont également le monopole de leurs produits, tout
comme les sociétés de courses.
b) une attractivité inégale
Une
autre différence, sélective, entre les offres des principaux
opérateurs, peut être constatée au niveau des taux de
redistribution des mises des joueurs.
Différents selon les prix et variant au gré du hasard, pour les
jeux de contrepartie, ceux-ci sont globalement les suivants :
Taux de
redistribution moyen
|
|
FDJ (1) |
59 % |
PMU (1) |
69,57 % |
Casinos (2) : |
|
- Machines à sous |
85 % |
- Boule |
88,9 % |
- Black-jack |
94,1 % |
- Roulette |
97,3 % |
- Baccara |
98,5 % |
(1)
Source : rapport d'activité 2000
(2) Source : syndicat « Casinos de France »
Ces résultats peuvent exercer un effet plus ou moins attractif sur les
joueurs mais ce n'est pas le seul élément qui entre en ligne de
compte : l'espérance de gains dépend de leur fréquence,
elle-même liée à leur montant. A chaque type de jeu (plus
ou moins addictif) correspond un profit de joueur.
2. Des clientèles non identiques
La décision, précitée, du conseil de la concurrence considère que « le profil sociologique des joueurs et le montant moyen des mises conduisent à distinguer entre des catégories de clientèle différentes ».
a) une représentativité variée
- Ainsi, les deux tiers de nos concitoyens jouent aux
jeux de
la Française des jeux.
Les caractéristiques de la clientèle de cette dernière
correspondent grosso modo à celles de la population française.
Leur profil sociologique reflète la diversité sociale du pays
avec une légère sur-représentation des ouvriers et une
proportion de retraités (mais pas des inactifs dans leur ensemble)
légèrement moins élevée.
- Par comparaison, 15 % seulement des Français jouent aux
courses au moins une fois dans l'année, les parieurs étant
à 65 % des hommes âgés de 35 à 49 ans et issus
de milieux socio-professionnels généralement modestes. L'IPSOS,
en 1996, évaluait à 96 % le taux de notoriété
des produits de la Française des jeux
17(
*
)
, contre 53 % pour le
PMU
18(
*
)
.
- Selon le Parisien du 18 août 2001, 45 % des adultes
français ont fréquenté au moins une fois un casino et
41 % des habitués sont des inactifs (sans emploi ou
retraités), proportion nettement plus élevée qu'à
la Française des jeux (24 %).
Concernant les machines à sous, une étude du sociologue
Jean-Pierre Martignoni-Hutin révèle que si le plus gros des
effectifs se situe dans la classe des adultes de 30 à 50 ans
(37 %), les personnes ayant passé la cinquantaine (51-70 ans)
pèsent autant que les moins de trente ans (29 % chacun).
Près de 60 % (59,4 %) exercent une activité
professionnelle et 76 % possèdent un diplôme de niveau
égal ou supérieur aux CAP-BEP ou BEPC.
b) une échelle de mises graduées
Des
écarts importants existent entre les mises moyennes engagées par
les joueurs selon le type de jeu :
- 30 F pour la Française des jeux
- 60 F pour le PMU
19(
*
)
- 250 F pour les machines à sous, dont la clientèle est pourtant
moins huppée que celles des jeux traditionnels des casinos, preuve du
caractère particulièrement addictif de ces engins.
c) des motivations diverses
Les
motivations varient selon les jeux.
L'espoir de gains particulièrement importants fait rêver les uns.
Le nombre de gagnants millionnaires a été en 2000 de :
- 598 pour la Française des Jeux ;
- 187 au PMU.
D'autres préfèrent gagner plus souvent des sommes moins
élevées. C'est possible avec des jeux comme :
• deux-sur-quatre du PMU (250 F de gain moyen pour une mise de
20 F) ;
• banco, morpion et vegas dont un ticket sur quatre, à peu de chose
près, est gagnant ;
• enfin, les machines à sous des casinos, si l'on résiste
à la tentation de réinvestir ses gains, pour tenter sa chance
(très faible) de toucher le « jackpot ».
Votre rapporteur n'a pu recueillir de statistique permettant de mesurer, pour
les trois principales catégories d'opérateurs, la
fréquence et le montant moyen des gains.
Concernant les autres motivations des joueurs figurent le caractère
distrayant et la convivialité (citée par plus de 70 % des
sondés d'une étude du PMU sur le marché des jeux et sa
clientèle tandis que M. Martignoni-Hutin souligne, à propos des
machines à sous, le rôle de la sociabilité et de la famille
dans l'initiation ludique).
La simplicité et la facilité d'accès ont aussi leur
importance. Elles font défaut aux jeux traditionnels des casinos et les
cantonnent à une clientèle restreinte.
L'émotion que provoque le spectacle des courses, vécu en direct
sur les hippodromes ou grâce à la télévision,
constitue un atout particulier pour le PMU.
d) des comportements plus ou moins addictifs
- 34 % seulement des joueurs de la Française
jouent une
fois par semaine ;
- en revanche, 32,5 % des adeptes des machines à sous jouent
plusieurs fois par semaine et 5,7 % tous les jours ;
- quant à la clientèle du PMU, elle comporte 47 % de
joueurs hebdomadaires dont :
22 % qui jouent une fois par semaine
22 % plusieurs fois
et 3 % tous les jours.
Moins de 20 % cependant dépensent plus de 100 F à chaque
fois, or ce pourcentage est de 67 % pour les jeux de casinos !
En définitive, les spécificités des offres et de la
clientèle de chaque opérateur demeurent, ainsi qu'il vient
d'être montré, assez marquées.
D'autres différences ont trait à l'impact de ces diverses
activités.