C. LE FONCTIONNEMENT DES CERCLES ET MAISONS DE JEUX
1. Statuts
a) les cercles sont des associations régies par la loi de 1901
Cette caractéristique a longtemps permis qu'ils soient tolérés puis que leurs activités soient légalisées toujours en vertu de cette qualité.
b) leur objet a un caractère social ou culturel
Noblesse
oblige,
l'objet de l'association doit
être et rester
social
, sportif, artistique ou littéraire.
Les cercles doivent, chaque année, justifier des « aides
réelles » qu'ils ont apporté à l'objet social de
leurs statuts.
Cette contribution est précisée par les textes : elle est de
10 % du produit brut des jeux tel qu'il est après
prélèvement de la taxe sur les spectacles.
Deux exemples :
- le Cercle Haussmann a subventionné en 1998, 57 associations pour
335.000 F et distribué 400.000 F en 2000.
- le Club Anglais, au cours des cinq dernières années, a
versé 1.430.390 F à 49 associations
La liste annuelle des bénéficiaires de ces dons est soumise
à l'approbation du ministère.
On ne peut résister à évoquer un vieux rapport de
juillet 1983 de l'inspection générale de l'administration
qui reconnaissait, parlant de ces dons sociaux, que « c'était
bien le cas...mais au profit d'organismes assez éloignés de
l'objet de l'association ».
A coup sûr, c'était un cas d'exception mais la parution de ce
rapport a provoqué par la suite un désistement volontaire de la
part des OEuvres de la Police qui profitaient de ces largesses.
c) le statut des cercles
Pour ce
qui est de leur vie sociale les cercles ont donc statuts, règlements
intérieurs, conseils d'administration, présidents, bureaux,
Comités de jeux, contrats avec les comités extérieurs....
Il n'existe ni syndicat, ni même une association des cercles, susceptible
de leur assurer une certaine défense face à l'administration.
Toutes les tentatives d'en constituer ont échoué.
La tutelle s'en satisfait peut être. votre Rapporteur, pour sa part, le
regrette en constatant un certain nombre de faits, rapportés plus loin,
qui réclameraient un vrai dialogue entre l'Etat et la Profession.
d) les ressources des cercles
Ce sont
les cotisations des membres, les cagnottes, les produits des restaurants et des
bars.
Les cotisations
sont de l'ordre de 2 000 F par an.
La cagnotte
est constituée par les prélèvements
effectués sur les gains des joueurs par le cercle qui décide lui
même des taux.
Au Cercle Anglais: 5 % au Baccara Chemin de fer
2 % au Baccara Banque à tout va
2 % au Stude Poker
2 % au Poker 21
Au Cercle Haussmann : 10 % au Billard multicolore
5 % au Baccara Chemin de fer
Tandis que les casinos perdent de l'argent systématiquement avec leurs
restaurants
parce qu'ils ont été contraints, pendant les
années de vaches maigres, « d'inviter » les clients
à leurs tables pour les retenir autour de jeux traditionnels en perte de
vitesse, les cercles de jeux ont, dans ce domaine, des résultats
positifs sur lesquels ils comptent d'ailleurs, pour équilibrer leur
gestion.
De l'avis de plusieurs présidents de cercles,
la gestion
financière des cercles est tendue et beaucoup trop tributaire du
rendement des cagnottes.
e) l'accès aux salles de jeux
Il est
exclusivement réservé aux membres, porteur d'une carte
délivrée par le cercle.
Dans les statuts, les conditions d'admission d'un nouveau membre sont
précisées : deux parrains et des délais de plusieurs jours
en attendant la décision du conseil d'administration !
Ces règles ne semblent plus vraiment respectées.
Les deux cercles visités (faute de pouvoir faire davantage) affichent
avec satisfaction non seulement un nombre important d'adhérents
(2 000 à 3 000), mais, plus encore, se réjouissent de
voir ces nombres croître depuis deux ou trois ans (120 à
160 adhésions par mois).
Dans ces deux cercles parisiens voisins, la clientèle est à
75 % asiatique et féminine asiatique. Chacun sait que les
Asiatiques sont joueurs dans l'âme.
L'ambiance dans les salles et autour des tables est on ne peut plus paisible :
les incidents sont rarissimes et, quand ils existent, ne sont pas
forcément liés au jeu lui même.
2. Personnels et « banquiers »
a) le personnel est identique à celui des casinos
Comme
dans les casinos, chaque table de cercle est spécialisée dans un
seul jeu ; tous les postes de spécialistes sont identiques, y compris le
physionomiste ; la discipline intérieure et la surveillance
policière sont les mêmes.
Les cercles fonctionnent 365 jours par an, sept jours sur sept et de
13 h30/14 h à 18 h 30/19 h.
Ce qui nécessite au moins deux équipes.
Dans un cercle ouvert, tout le personnel spécialisé est
embauché par le directeur des jeux.
Suivant les cas, le reste : celui des restaurants, des bars et de l'entretien
est embauché par le président de l'association.
L'agrément du ministère est obligatoire pour toutes les embauches
après enquêtes de moralité et de compétence.
Le Cercle Haussmann emploie 90 personnes, le Cercle Anglais, 50.
Dans ce dernier, on note qu'un tiers des employés sont d'anciens joueurs
qui ont été dans leur vie plus ou moins
« échaudés » par le jeu. Cette notion ressort
bien du rapport que le Club fournit à l'administration.
Partout, comme dans les casinos, la promotion interne est une règle
louable et respectée qui assure compétence et expérience.
La convention collective qui date de 1954 est obsolète et s'efface le
plus souvent devant le Code du travail.
En aucun cas, il ne peut être alloué au personnel des remises sur
le produits des jeux. Pourtant, comme dans les casinos, cet avantage a
longtemps été réclamé. Les pourboires ont une
grande importance dans la rémunération des salariés.
Ils sont soldés chaque fin de mois et répartis selon des
règles précises, partout les mêmes, qui ont
été établies avec le personnel.
b) les « Banquiers »
Personnages essentiels à la vie du Cercle, qu'ils animent et contribuent à faire vivre, les « banquiers » ne sont pas des joueurs comme les autres. En fait, ce sont des joueurs professionnels disposant d'une assise financière solide, souvent « adossés » à des groupes ou « consortium » ; ils donnent incontestablement aux tables de « baccara à tout va » où ils trônent, une assise solide et expérimentée que la plupart des joueurs préfèrent, à tout prendre, à des banquiers de fortune aux réactions incertaines.
3. Les contrôles
La
police des jeux assure, dans les cercles, une présence quasi constante,
quasi quotidienne.
Elle surveille et contrôle les documents imposés par la tutelle,
les cagnottes, les tickets de cagnotte, les interdits de jeux, le
déroulement des opérations et le comportement du personnel.
Elle contrôle les cartes et jetons utilisés, les stocks et la
destruction des sizains réformés.
Cette présence, connue de tout un chacun, à l'intérieur
comme à l'extérieur du Cercle, est très positive ; elle
garantit aux joueurs (et à nous observateurs) que la loi est
respectée, que la morale est sauve et que les établissements de
jeux sont fréquentables ; elle assure que les intérêts de
l'Etat sont respectés ; pour certains, cela serait en outre une garantie
contre les hold up !
En cas de faute grave du cercle ou dans le cercle, le ministre de tutelle a
tout pouvoir pour décréter la fermeture de
l'établissement. Cette sanction est gravissime car elle intervient
immédiatement sans que jamais soit précisée sa
durée.
L'association doit alors déposer une demande de réouverture et
d'abord faire la preuve qu'il a été remédié aux
erreurs qui ont valu la sanction.
On notera qu'il est fait obligation au cercle de payer, pendant la fermeture et
pendant un an maximum, les salaires et les charges sociales de son personnel,
pourtant réduit à l'inactivité même s'il n'est en
rien assuré d'obtenir sa réouverture.
Ces notions sont très présentes dans la tête des
administrateurs.
Un des plus grand cercle de la capitale n'a-t-il pas été
fermé en quelques heures en 1981 et n'a jamais été
réouvert ?
Il est vrai que son propriétaire, corse, qui faisait la pluie et le beau
temps à cette époque, avait eu l'insigne malheur quelques
années auparavant de vivre un violent conflit d'intérêt
privé avec son avocat parisien, destiné (nul ne le savait)
à un très grand avenir politique en France.
Nul doute que les responsables des cercles et des casinos d'aujourd'hui ont
tous gardé en mémoire cet incident spectaculaire, dont votre
Rapporteur se gardera bien de préciser l'identité des
protagonistes.
4. Les intérêts financiers
Le
tableau ci-après montre que le
cumul des cagnottes constitue le
produit brut des jeux des cercles
.
Sur ce produit brut des jeux, est prélevée la taxe sur les
spectacles au taux de 10 % selon un barème progressif dont les
paliers sont les suivants :
de |
0 |
à |
200 000 F |
10 % |
de |
200 000 F |
à |
1 500 000 F |
40 % |
Au dessus de |
1 500 000 F |
|
|
70 % |
Ce
barème date de ....1968 (!) Il n'a bénéficié
d'aucune modification depuis cette date pour tenir compte d'une inflation qui a
pourtant sévi durant 33 ans avec plusieurs années à
deux chiffres !!
On ne s'étonnera donc pas d'apprendre que les cercles formulent comme
les casinos et dans les mêmes termes une demande, pour l'instant
insatisfaite, de revalorisation des barèmes.
Ils sont assujettis à la taxe sur les salaires (dont le taux normal est
de 4,25 %) moyennant l'abattement de 33.470 F (pour les
rémunérations de 2001) dont bénéficient les
associations.
|
CAGNOTTES
|
|
|
PBJ
I
|
-------Taxe Spectacle 10 % |
|
PBJ
II
|
-------Dons sociaux 10 % |
Cotisations- des membres
|
PBJ
III
|
|
|
Recettes totales
|
------Charges d'exploitation ------ Dont TH,TFB,TVA,CSG,CRDS |
|
Résultat
|
------ I S 33,33 % |
|
Résultat définitif
|
-------
Fonds de réserves
|
Le
statut loi 1901 à but non lucratif interdit toute distribution de
bénéfice
et conduit à affecter les résultats
aux fonds de réserves.