IV. ÉTAT DU TRAFIC : CONGESTION
La valorisation de ce phénomène reste délicate à réaliser. Certaines études peuvent considérer que ce coût est majoritairement, voire intégralement, supporté par les usagers eux-mêmes et de ce fait, le coût externe est jugé négligeable. D'autres études le retienne comme étant un coût externe. Mais, dans ce cas, les écarts d'évaluation du montant de ce coût sont sensibles et peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs clés de différenciation aux premiers rangs desquels nous voyons :
- La méthode d'évaluation du coût retenue : par le coût d'évitement ou le coût du dommage ; valeur tutélaire du temps ou disposition à payer ;
- Le champ des dommages retenus : perte de temps imputée aux usagers eux-mêmes, ou autres usagers n'intervenant pas directement dans les phénomènes de congestion (piétons, cyclistes, usagers des transports en commun routiers, etc.), pertes de temps pour les livraisons ;
- La ou les valeurs retenues pour la définition du temps perdu ;
- La zone pour laquelle l'étude est menée (urbaine, interurbaine, rurale...) ;
- L'année pour laquelle le calcul est réalisé : évolution dans le temps du coût unitaire du dommage subi.
A. DÉFINITION, CHAMP ET ÉLÉMENTS DE CADRAGE GÉNÉRAUX
Selon la définition donnée par la Commission européenne (DGVII « Des redevances équitables pour l'utilisation des infrastructures... », Livre Blanc, 1998), la congestion est une situation où le trafic est plus lent qu'il ne le serait avec des flux de trafic bas (niveau de référence complexe à définir et qui peut être variable d'un pays à l'autre par exemple). Elle survient lorsque le trafic dépasse la capacité des infrastructures et que la circulation baisse. Les coûts de la congestion comprennent les coûts directs liés au temps et au fonctionnement et les coûts indirects (coût d'opportunité lié au temps perdu, coûts supportés par les tiers du fait des retards de livraison des marchandises, coûts liés à l'environnement).
B. PRISE EN COMPTE SUIVANT LES ÉTUDES ET MÉTHODOLOGIES ADOPTÉES
- Dans l'étude de l'INRETS, la méthode retenue consiste à évaluer le coût de la congestion pour les usagers de la route qui ne participent pas directement au trafic. Trois coûts sont calculés à cette fin : les dépenses annuelles supplémentaires imposées au réseau public du fait d'une congestion accrue (source : CETUR / SOFRETU, montant de 1,9 milliard de francs) ; la perte de temps occasionnée aux usagers sur la base d'une valorisation par le salaire horaire (Source : CETUR / SOFRETU, montant de 3,4 milliards de francs en se référant à la moitié du salaire horaire et de 6,8 milliards de francs en le prenant dans son intégralité) ; la perte de temps occasionnée aux piétons et cyclistes en considérant un accroissement des temps de parcours proche de 10 à 20% induit par la congestion du trafic et valorisée selon la base précédente (10 à 20 milliards de francs). Par ailleurs, l'auteur évalue les pertes de temps imposées aux livraisons urbaines tout en décidant de ne pas les prendre en compte car les livraisons contribueraient également à accroître les phénomènes de congestion. Son évaluation est de 7 milliards de francs (valeur basse déduite d'une étude menée par Van der Kolk en 1990 aux Pays-Bas) et 10 milliards de francs en croisant le coût de congestion urbain moyen et le trafic urbain total correspondant aux livraisons et autres services aux consommateurs. Au total l'étude retient un coût de congestion compris entre 15 et 29 milliards de francs.
- Dans l'étude du Conseil Général des Ponts et Chaussées , le coût marginal de congestion est estimé comme étant le coût des pertes de temps imposées par les usagers de la route aux autres usagers (gênes mutuelles). Cette approche consiste à déterminer la perte de temps induite par l'introduction dans le trafic existant d'un véhicule supplémentaire sur un kilomètre. C'est donc l'allongement du temps de parcours qui est mesuré. La méthodologie est basée sur les résultats du premier rapport du CGPC de 1990 (n 91-105) et sur sa mise à jour en 1996. Entre 1990 et 1997, le croisement de l'augmentation de la longueur du réseau autoroutier (+12%), de la stabilité de la longueur des routes nationales encombrées, de la croissance du temps perdu dans les bouchons surtout dans les zones suburbaines de l'Ile-de-France et quelques grandes agglomérations de province (+13%), et des vitesses moyennes (+1% par an) se compensent. Le rapport considère pour cette raison que le stock de temps perdu par l'ensemble des usagers sur un trajet interurbain n'a pas varié depuis l'étude menée en 1990. La monétarisation du temps perdu se fait par l'intermédiaire de la valeur révélée ou comportementale du temps c'est-à-dire celle que les usagers attribuent implicitement à leur temps et qu'ils révèlent au travers de leur comportement (selon le rapport Boiteux, la valeur du temps est de 66 francs pour les véhicules légers et de 174 francs - valeurs 1990). Selon les recommandations du rapport du CGP la valeur révélée du temps est actualisée sur la base de l'indice de consommation finale des ménages par tête. Après calcul, la valeur du temps progresse de 22% sur l'ensemble de la période. Le résultat final est déduit de la multiplication de cette valeur tutélaire du temps par le stock de temps perdu et par le trafic enregistré.
- L'article du CCFA évoque le coût de congestion qui représenterait, sur la base d'une revue des études existantes sur la période 1989-1999, de 15 à 29 milliards de francs, mais ne retient pas ce coût au titre des coûts externes liés à l'automobile. Selon l'auteur, les embouteillages pénalisent au premier chef les automobilistes (il s'agit donc de ce fait d'un coût internalisé) et la notion de temps perdu est toute relative (« temps perdu par rapport à quoi ? ») notamment référence faite au temps passé dans les transports en commun notamment dans les aires urbaines...
- L'étude de l'OICA ne prend pas en compte ces coûts de congestion, pointant que la monétarisation est délicate et les divergences de résultats de méthodes importantes. La littérature est variée en provenance des syndicats, montrant que les coût de congestion sont déjà largement internalisés (les embouteillages pénalisent essentiellement les automobilistes qui supportent donc le temps perdu), d'autant plus que les problèmes de congestion résultent d'un mauvais équipement en infrastructure. Pour ces raisons, les coûts de congestion ne sont pas considérés dans cette étude comme des coûts externes.
- L'étude de l'Infras/IWW se base sur la théorie du bien-être, définissant le temps perdu (et donc le coût induit) par une mauvaise utilisation de l'infrastructure existante. Le coût de congestion est par ailleurs déduit d'une fonction de trafic, et donc imputé au seul transport routier. Pour cette raison, il est traité à part (les autres coûts sont effectivement évalués pour les divers modes de transport : aérien, ferroviaire et maritime). L'étude définit le coût total de congestion théorique et graphique, comme la différence entre le coût social marginal (internalisé par l'usager lui-même et externalisé auprès des autres acteurs économiques) et la disposition à payer des usagers pour un niveau de qualité proche de l'optimum des infrastructures (correspondant à des recettes issues d'un système de taxation). La méthode utilise deux modèles, pour les déplacements interurbain et urbain, incrémentés d'une base de données sur les caractéristiques du trafic et intégrant des variables comme la valeur du temps, propre à chaque type de transport, et le nombre moyen de passagers par voiture. Exemple : la valeur du temps est déduite d'un modèle utilisé par la commission, le modèle ETS (1998). La valeur d'une heure de trajet professionnel est estimé à 21,44 euros. Selon le modèle FISCUS (1999), un déplacement privé ne couvre que 25% de ce montant. D'autres hypothèses sont faites sur la répartition des trajets en fonction de leurs motifs. Au final, le temps perdu dans les trafics en France est estimé à 5,2 milliards d'euros soit 33,8 milliards de francs 1995 . La disposition à payer des usagers correspondrait à des revenus de 37,8 milliards d'euros soit 245,7 milliards de francs 1995 . Le rapport précise que cet écart est extrêmement variable d'un pays à l'autre (rapport de 3.88 pour le Danemark, 8.70 pour la Suisse et 7.30 pour la France).