2. Les carburants alternatifs
Trois types de carburant peuvent permettre de réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole : le gaz naturel, les biocarburants et l'hydrogène.
Comme l'indique le tableau ci-après, le parc de véhicules « alternatifs » (y compris ceux fonctionnant au GPL, étudié dans le sous-titre précédent) est actuellement peu développé.
Flottes de véhicules légers « alternatifs » (décembre 1999)
Carburant |
Gaz de pétrole liquéfié |
Gaz naturel de ville |
Electricité |
France |
150 000 |
3 000 |
5 000 |
Dont : |
|||
EDF |
- |
- |
1200 |
GDF+régies locales |
- |
2 400 |
- |
La Poste |
1 400 |
5 |
400 (+ 50 en commande) |
Pays étrangers : |
|||
Italie |
1 300 000 |
300 000 |
800 |
Allemagne |
- |
5 000 |
2 700 |
Etats-Unis |
390 000 |
70 000 |
6 000 |
Autres |
Pays-Bas 600 000 |
Argentine 450 000 |
- |
Total monde |
4 500 000 |
1 200 000 |
14 000 (1) |
Parc français, en % du parc mondial |
3,3 |
0,25 |
36 (2) |
(1) UE-Norvège-Suisse-Etats-Unis
(2) en % du parc UE-Norvège-Suisse-Etats-Unis
Source : Comité interministériel pour les véhicules propres, Véhicules propres fonctionnant au GPL, GNV et à l'électricité - Etat des filières et propositions de politiques publiques d'accompagnement , avril 2000.
Le gaz naturel : un marché limité aux véhicules captifs
Le gaz naturel pour véhicules (GNV) génère au kilomètre moins de dioxyde de carbone que les carburants « classiques ».
En outre, il ne dégage ni fumées ni particules, et produit moins d'oxydes d'azote.
Cependant, son marché concerne essentiellement les véhicules captifs, et en particulier les véhicules lourds, pour deux raisons. Tout d'abord, il exige la présence de réservoirs au poids important. Ensuite, le ravitaillement des véhicules ne peut pas s'effectuer dans des stations-service simplement adaptées (comme pour le GPL) mais implique la mise en place d'installations soumises à d'importantes contraintes réglementaires et auprix élevé (tel est en particulier le cas des stations nécessaires au remplissage rapide). En conséquence, l'offre des constructeurs automobiles est peu étoffée.
Ainsi, il existe en France seulement 3 000 véhicules fonctionnant au GNV. Ce chiffre est plus faible que celui observé dans d'autres pays, comme l'Argentine (450 000 véhicules) ou l'Italie (300 000 véhicules). Au total, la France ne possède que 0,25 % du parc mondial de véhicules fonctionnant au GNV (contre 3,3 % pour les véhicules fonctionnant au GPL).
Ainsi, GDF possède la quasi-totalité des véhicules légers au GNV.
En fait, la filière GNV n'a véritablement réussi à se développer que dans le cas des bus , qui devraient être au nombre d'environ 700 à la fin de l'année 2001.
• Ce succès relatif s'explique, notamment, par la création en mai 1994, à l'initiative du Secrétariat d'Etat à l'industrie, du Gaz de France et des constructeurs automobiles français, de l'Association Française du Gaz Naturel pour véhicules (AFGNV), qui s'efforce de promouvoir l'utilisation de véhicules au gaz naturel, en particulier pour les transports en commun urbains. Cette action se place dans le cadre d'un protocole, signé entre les partenaires fondateurs le 16 juin 1994, puis renouvelé avec l'Union française des industries pétrolières en novembre 1999.
Par ailleurs, l'ADEME octroie une aide de 50 000 francs pour l'achat, par une collectivité ou un exploitant de transports publics, d'un bus fonctionnant au GNV.
Les biocarburants : un problème de prix
Les biocarburants diffèrent selon qu'ils ont vocation à se substituer à l'essence ou au gazole.
Dans le premier cas, il s'agit d'alcools, en particulier d'éthanol (produit à partir de blé ou de betterave). Selon l'Institut français du pétrole, l'ETBE 85 ( * ) émettrait plus de dioxyde de carbone que le gazole (moteur diesel), même en prenant en compte le recyclage du carbone par la photosynthèse (cf. graphique page 81 ). En revanche, l'éthanol (produit à partir de blé ou de betterave) serait parmi les carburants les plus intéressants du point de vue de la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone.
Les biocarburants pour véhicules diesel semblent également intéressants du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique. Tel est en particulier le cas des EMHV 86 ( * ) (produits à partir d'oléagineux).
Les biocarburants n'ont pas vocation à remplacer les carburants actuels. En particulier, leur caractère corrosif impose de les utiliser comme simples additifs, à un taux de 15 % au maximum.
L'obstacle principal à leur utilisation est le différentiel de prix avec le carburant fossile. Selon la Commission européenne, celui-ci varie pour l'instant de 1,5 (biodiesel) à 4 pour les produits hors taxes.
La Commission européenne doit bientôt proposer un plan d'action en faveur des biocarburants, comprenant notamment deux directives : l'une visant à permettre l'accès des biocarburants à de nouvelles exonérations fiscales, l'autre établissant un pourcentage minimal de biocarburant dans les carburants vendus.
Les différents types de véhicule électrique : un intérêt inégal
Les voitures électriques « classiques » : la France est en avance dans cette filière « zéro émission », qui pourrait connaître un saut qualitatif dans les prochaines années
Le moteur électrique apparaît, depuis la naissance de l'automobile, comme la principale alternative au moteur thermique. Ainsi, le premier véhicule à atteindre la vitesse de 100 km/h, en 1899, la « Jamais contente », était mû par un moteur électrique. De même, des taxis électriques ont circulé dans Paris dans les années 1910 et pendant la seconde guerre mondiale.
• La voiture électrique présente des avantages importants, pour la collectivité et, dans une moindre mesure, pour l'utilisateur.
Le premier avantage pour la collectivité est de réduire presque totalement les émissions polluantes et de gaz à effet de serre. Il s'agit donc de l'unique véhicule que l'on puisse qualifier de « zéro émission », la pollution se réduisant aux déchets radioactifs en amont et aux batteries usagées en aval. Il convient par ailleurs de souligner que la voiture électrique ne susciterait pas d'augmentation significative de la production d'électricité (en particulier nucléaire). En effet, la consommation annuelle d'un véhicule électrique est de l'ordre de celle d'un chauffe-eau électrique.
Ensuite, le véhicule électrique « classique » constitue pour l'instant le moyen de conserver l'avance acquise dans la conception, l'industrialisation et la mise en oeuvre des technologies liées à la propulsion électrique.
Enfin, à partir d'une distance parcourue de 8 000 kilomètres par an, la voiture électrique coûte moins cher qu'une voiture fonctionnant à l'essence ou au diesel. En effet, le prix à l'achat et la location de la batterie sont plus que compensés par le faible coût de l'électricité (une recharge de 10 francs permet de parcourir une centaine de kilomètres) et le faible entretien exigé par un tel véhicule.
• Il semble difficile de porter un jugement totalement positif sur l'état de développement actuel de la filière.
Certes, la France se caractérise par un nombre élevé de véhicules légers électriques (5 000), presque égal à celui des véhicules légers électriques en circulation aux Etats-Unis, et correspondant à plus de la moitié de celui des véhicules électriques en circulation en Europe. Depuis 1996, le nombre de ventes annuel est de l'ordre de 1000 véhicules, dont 400 légers.
Ce développement a fait l'objet d'accords cadres signés en 1992 et 1995 entre l'Etat, EDF et les constructeurs automobiles français, qui se sont engagés à produire des véhicules en série. Ainsi, depuis 1995, PSA et Renault proposent un véhicule électrique dans leur gamme. Dans le même temps, EDF a installé dans les principales villes françaises des bornes de recharge, aujourd'hui au nombre de 400 (dont 200 à Paris).
Cependant, comme le souligne le comité interministériel pour les véhicules propres, la politique de développement du véhicule électrique est donc un échec relatif, si on compare les résultats obtenus avec l'objectif fixé par l'accord-cadre de 1995, de 100 000 unités à l'horizon 1999/2000.
• Ce demi-succès ne doit pas faire perdre de vue les limites de cette filière. En effet, les véhicules électriques présentent actuellement des inconvénients importants.
Tout d'abord, ils fonctionnent aujourd'hui avec des batteries nickel-cadmium, qui leur autorisent une autonomie de seulement 80-90 km , pour un temps de charge de 4 à 5 heures.
Ensuite, les véhicules électriques ont un coût élevé . Du fait notamment de la production en petite série résultant de ces inconvénients (de l'ordre de 100 unités par mois), le prix d'acquisition de ces véhicules est en effet élevé. Ainsi, le coût de production d'un véhicule électrique dépasse de 20 000 à 30 000 francs celui d'un véhicule thermique.
Du fait de ces inconvénients, EDF et La Poste possèdent le quart de ces véhicules.
• Il convient en outre de souligner que la technologie de la motorisation électrique est, pour les véhicules automobiles, encore peu avancée.
Ainsi, selon le directeur de la recherche de Renault, le fait que cette technologie ne soit actuellement efficace que pour les trains et les paquebots viendrait non de problèmes spécifiques à l'automobile, mais d'un effort de recherche insuffisant.
Des progrès techniques actuellement en cours doivent cependant permettre d'accroître l'autonomie des véhicules. Tout d'abord, il est possible de recourir à la technologie du « prolongateur d'autonomie » (« range extender »), petit moteur thermique permettant de recharger les batteries, et qui devrait bientôt faire son apparition sur le marché français 87 ( * ) . Ensuite, les nouvelles batteries au lithium-ion, utilisées sur les téléphones portables, permettent une autonomie deux fois supérieure. Cette filière a été choisie en France par le deuxième PREDIT (programme de recherche et développement pour l'innovation technologique dans les transports) (2002-2006), et est étudiée par les principaux constructeurs 88 ( * ) . L'autonomie serait ainsi portée à plus de 200 kilomètres, ce qui serait suffisant pour les trajets périurbains. Ce saut qualitatif de la technologie de la voiture électrique pourrait en accroître significativement la demande, en particulier pour les petits véhicules de livraison.
Les véhicules hybrides : une solution de transition, envisageable à l'échéance de 10 ans ?
Par « voiture hybride », on entend généralement une voiture utilisant la technique de l'hybride « parallèle » 89 ( * ) , qui repose sur deux sources de motorisations indépendantes (électrique et à essence) pouvant chacune agir sur les roues. Ces véhicules présentent l'intérêt, par rapport à un véhicule électrique « classique », de disposer d'une autonomie et de performances accrues, tout en émettant moins de polluants et de dioxyde de carbone que les voitures à essence. Cet avantage environnemental est significatif, mais relativement modeste . Ainsi, le directeur de la recherche de Renault, auditionné par votre rapporteur, a estimé que, en ce qui concerne la consommation, et donc l'émission de dioxyde de carbone, le gain maximum envisageable par rapport à un moteur classique perfectionné actuel était de l'ordre de 30 %.
Les principaux constructeurs, notamment Renault et PSA, sont capables aujourd'hui de construire des voitures hybrides. Cependant, à ce jour seuls Toyota et Honda sont passés au stade de la production en série, avec respectivement la Prius et l' Insight (cette dernière n'étant pas commercialisée en Europe). Ces véhicules fonctionnent à l'essence, qu'ils utilisent pour faire fonctionner un moteur thermique classique ou pour recharger la batterie (aucune prise électrique n'est donc nécessaire).
Selon les personnalités auditionnées, ces véhicules ne semblent pas témoigner d'une avance technologique des constructeurs japonais sur leurs concurrents. Ainsi, les véhicules hybrides présentent actuellement le double inconvénient d'être considérablement plus chers que les véhicules classiques, pour des performances environnementales qui ne sont pas forcément supérieures 90 ( * ) .
Les défauts des véhicules hybrides actuels s'expliquent par un double phénomène. Tout d'abord, la technologie de la propulsion électrique est, on l'a vu, encore peu avancée pour l'automobile, ce qui oblige à donner au moteur électrique un rôle limité. Ensuite, la nécessité de fabriquer deux moteurs au lieu d'un seul est un facteur de surcoût important.
Cependant, le directeur de la recherche de Renault n'a pas exclu l'éventualité que la voiture hybride ne se développe pas suffisamment vite pour être compétitive , tant d'un point de vue environnemental que du point de vue du prix, par rapport à des véhicules thermiques émettant de moins en moins de dioxyde de carbone.
La pile à combustible
A long terme, l'hydrogène peut se substituer aux carburants fossiles, grâce à la pile à combustible.
• Cette dernière fonctionne selon le principe inversé de l'électrolyse : la production d'eau à partir d'hydrogène et d'oxygène (puisé dans l'air ambiant) génère de l'électricité, que l'on peut utiliser pour actionner un moteur. Ainsi, un tel moteur ne rejette que de l'eau.
La pile à combustible a été utilisée par la NASA à partir les années 1960.
En 1983, elle a pour la première fois été utilisée dans le cas d'un véhicule terrestre (un bus en l'occurrence), par la société canadienne Ballard , désormais leader mondial dans le domaine de la pile à combustible pour véhicules. Dans leur récent rapport sur la pile à combustible, réalisé au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques 91 ( * ) , nos collègues députés Robert Galley et Claude Gatignol qualifient cette entreprise de « centre du monde » de la pile à combustible, ses piles équipant tous les principaux prototypes de véhicules utilisant cette technologie.
Le premier véhicule léger fonctionnant avec une pile à combustible a été construit par Daimler Benz (devenu depuis Daimler Chrysler) en 1994. En l'an 2000, Daimler Chrysler a annoncé son intention de se lancer dans la fabrication industrielle de voitures à pile à combustible dès l'année 2004.
• L'intérêt de la pile à combustible doit cependant être nuancé. Il dépend en effet de la manière dont l'hydrogène est produit, et de la forme sous laquelle il est utilisé (cf. graphique page 81 ).
Tout d'abord, l'hydrogène serait vraisemblablement produit à partir de gaz naturel, en utilisant de l'électricité. L'intérêt écologique de la pile à combustible dépend donc en grande partie du mode de production de l'électricité.
Ensuite, l'hydrogène peut être utilisé sous deux formes : liquide (cryogénique) ou comprimée. Dans le premier cas, la consommation d'électricité est plus élevée, ce qui accroît les émissions globales de dioxyde de carbone.
Au total, la pile à combustible présenterait donc un intérêt écologique extrêmement variable : du point de vue de la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone, elle serait soit le carburant le moins intéressant (hydrogène liquide et électricité européenne), soit l'un des plus intéressants (hydrogène comprimé et électricité EDF). Le recours à l'électricité européenne telle qu'elle est actuellement produite lui ferait perdre une grande partie de son intérêt .
Ces chiffres doivent naturellement être considérés avec précaution. Ils suggèrent cependant que le mode de production d'électricité en Europe devra évoluer pour que la pile à combustible contribue pleinement à la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone.
Compte tenu de l'absence de réseau de distribution d'hydrogène, il est envisageable, à titre transitoire , que les véhicules n'utilisent pas directement de l'hydrogène, mais le produisent à partir d'un carburant à l'état liquide à pression ordinaire , riche en hydrogène et pauvre en carbone. Ce carburant présenterait l'intérêt d'être plus facilement et plus économiquement transportable que l'hydrogène, qui, du fait de sa faible densité, exige des réservoirs volumineux. Cette technologie, dite GTL ( Gaz to Liquid ), intéresse les constructeurs (comme Renault) et les compagnies pétrolières. Elle serait cependant plus émettrice de dioxyde de carbone que l'utilisation directe d'hydrogène.
• Il convient de souligner que la commercialisation de voitures particulières fonctionnant grâce à une pile à combustible exige des progrès technologiques importants, comme l'indique un récent rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) 92 ( * ) .
Les premiers véhicules à en être équipés pourraient être les véhicules de transport en commun, du fait notamment de la place disponible pour installer à bord de ce type de véhicule une pile à combustible.
En revanche, selon l'OPECST, « il faudra certainement un gain d'un facteur dix en coût de revient pour que les piles à combustible puissent être utilisées dans l'automobile. La production en série ne devrait pas suffire pour abaisser de façon significative les prix de revient actuels. Il faudra pour cela certainement encore réaliser des progrès techniques importants ».
* 85 Ethyl-tertio-butyl-éther.
* 86 Esters méthyliques d'huiles végétales.
*
87
Renault
doit prochainement produire un Kangoo utilisant cette technologie.
* 88 Le groupe Ford a présenté en l'an 2000 un prototype de Ford Ka électrique, atteignant avec ces batteries une vitesse de pointe de 130 km/h, pour une autonomie de 200 kilomètres à 80 km/h. Renault et PSA étudient ces batteries sur leurs prototypes VE2000 et VEDELIC, et doivent bientôt commencer une expérimentation sur flotte.
* 89 Cette technique se distingue de celle de l'hybride « série », qui consiste à utiliser un groupe électrogène pour produire l'électricité et alimenter les batteries.
* 90 La Toyota Prius, vendue au prix d'environ 150 000 francs, émet 120 grammes de dioxyde de carbone aux 100 kilomètres, contre 80 grammes pour l'Audi A2 diesel, de taille équivalente et vendue 40 000 francs de moins. De même, si la Honda Insight (de seulement deux places), vendue aux Etats-Unis pour un prix proche de celui de la Prius, émet 80 grammes, contre plus de 125 pour l'Opel Corsa diesel, de taille équivalente et avec quatre places, c'est pour un prix deux fois plus élevé. Source : Leonardo, le magazine des transports et de l'environnement , magazine de l'association suisse Transports et environnement, numéro spécial, mai 2001.
* 91 MM. Robert GALLEY et Claude GATIGNOL, députés, Rapport sur les perspectives offertes par la technologie de la pile à combustible , OPECST, rapport n° 3216 (Assemblée nationale) et 426 (Sénat), 2000-2001.
* 92 MM. Robert GALLEY et Claude GATIGNOL, députés, Rapport sur les perspectives offertes par la technologie de la pile à combustible , OPECST, rapport n° 3216 (Assemblée nationale) et 426 (Sénat), 2000-2001.