B. QUELLES TECHNOLOGIES POUR LA MAITRISE DES ÉMISSIONS DE DIOXYDE DE CARBONE ?

On l'a vu, le principal problème causé par l'automobile d'un point de vue environnemental semble être, à long terme, celui de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

Contrairement à la pollution de l'air, les émissions de dioxyde de carbone sont analogues pour les véhicules neufs et les véhicules anciens 77 ( * ) . Les progrès techniques nécessaires à la maîtrise de ces émissions restent donc à réaliser.

Les avantages présentés de ce point de vue par les différents types de motorisation sont indiqués par le graphique ci-après.

Ce graphique, relatif aux véhicules particuliers de taille moyenne produits en l'an 2000 en Europe et équipés de moteurs bénéficiant des technologies avancées, indique les émissions « du puits à la roue », c'est-à-dire en prenant en compte les émissions nécessaires à l'obtention du carburant.

Source : Institut français du pétrole.

La Délégation estime ce graphique intéressant.

En particulier, il ne semble pas possible d'opposer, d'une part, des carburants « classiques » qui contribueraient fortement à l'émission de gaz à effet de serre et, d'autre part, des carburants « alternatifs » qui seraient de ce point de vue plus respectueux de l'environnement.

1. Les carburants issus du pétrole

On peut tout d'abord s'interroger sur l'intérêt respectif des carburants issus du pétrole .

Le gazole, un carburant moins néfaste que l'essence ?

L'information contenue dans le graphique ci-avant allant le plus à l'encontre des idées reçues est que le moteur diesel contribue moins à l'effet de serre que le moteur à essence.

On a vu par ailleurs que les moteurs diesel devraient devenir moins polluants dans les prochaines années, notamment grâce à la généralisation du filtre à particules.

Le GPL, un carburant écologiquement peu intéressant ?

En conséquence, le GPL (gaz de pétrole liquéfié), énergie alternative la plus développée, semble modérément intéressant. Certes, il ne contient ni plomb, ni benzène, ni soufre, et émet peu de particules, de monoxyde de carbone et d'oxydes d'azote. Cependant, il contribue plus à l'effet de serre que le gazole.

Il convient de ce point de vue de souligner que les chiffres indiqués dans le graphique ci-avant concernent des véhicules qui ont été optimisés pour fonctionner au GPL. Les véhicules effectivement en circulation présentent donc un bilan environnemental encore moins favorable.

L'optimisation des moteurs GPL et GNV

Pour les véhicules légers GPL et GPV, les constructeurs ont adapté des moteurs à essence pour répondre rapidement à une demande qui a émergé à partir de 1997 (loi sur l'air, baisse de la TIPP sur le GPL). Ces véhicules ont un seul moteur, mais deux réservoirs : c'est ce qu'on appelle la bicarburation.

Les moteurs ne sont généralement pas optimisés pour le GPL ou le GNV (à cause, en particulier, des dispositifs de préparation du mélange), mais conservent les réglages de base prévus pour l'essence, de sorte que ces moteurs n'ont pas un aussi bon rendement, et ne sont donc pas aussi peu polluants, qu'on pourrait l'envisager.

La prochaine étape sera le développement de moteurs GPL et GNV moins polluants, grâce à leur optimisation pour ces carburants. Cependant, une monocarburation risque d'être gênée par le problème de la densité des stations d'avitaillement, notamment pour le GNV. Une solution pourrait donc être, dans ce dernier cas, une bicarburation GPL avec un mode de secours « essence ».

Selon le comité interministériel pour les véhicules propres, la question est de savoir si les constructeurs vont mettre au point des moteurs spécifiques, ce qui est indispensable pour atteindre les normes EURO IV, mais requerrait des programmes de R & D coûteux, ou s'ils se contenteront de maintenir la présence d'une offre alternative en minimisant les coûts.

Par ailleurs, le GPL est un dérivé du pétrole. Certes, s'agissant d'un mélange de butane et de propane, son prix est moins lié à celui du pétrole brut que celui de l'essence et du gazole. Il n'en contribue pas moins à la dépendance de l'économie française vis-à-vis du pétrole.

L'avenir de ce carburant semble fortement dépendre des aides que l'Etat pourra apporter afin de favoriser son développement - si celui-ci est jugé souhaitable -, ainsi que de la volonté des constructeurs automobiles d'investir sur ce marché.

• Le GPL - dont le parc est le plus important parmi ceux de véhicules « alternatifs », tant au niveau mondial (4,5 millions de véhicules) qu'au niveau national - correspond en France à seulement 150 000 véhicules (soit 3,3 % du total mondial), contre 600 000 aux Pays-Bas et 1,3 million en Italie. Cette filière, constituée essentiellement de véhicules légers, est cependant en plein développement depuis 1997.

Son histoire montre une forte dépendance vis-à-vis de la fiscalité : un allégement de la fiscalité suscite une augmentation de la demande, qui provoque à son tour une augmentation du nombre de stations en assurant la distribution.

Son développement a commencé en 1979, avec la mise en place d'incitations fiscales. En 1986, 1 400 stations-service distribuaient 66 000 tonnes de GPL par an.

Cependant, le marché s'est effondré de 1986 à 1995 , ce qui s'explique en grande partie par l'alourdissement de la fiscalité sur le GPL, dont le prix a atteint celui du gazole. Ainsi, en 1995 il n'existait plus que 650 stations-service, commercialisant environ 25 000 tonnes de GPL par an.

A partir de 1996, la mise en place d'incitations fiscales a de nouveau suscité une augmentation de la demande.

La loi sur l'air de 1996 a prévu plusieurs mesures incitatives en vue de favoriser le développement des véhicules propres, parmi lesquelles une exonération totale de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules fonctionnant exclusivement au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel ou du GPL ; une exonération du quart du montant de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules fonctionnant alternativement au moyen de supercarburant et de GPL ; l'obligation de renouvellement partiel des flottes publiques par des véhicules peu polluants au gaz ou électriques, qui a essentiellement bénéficié aux véhicules GPL. Par ailleurs, les lois de finances successives (pour 1998, 1999 et 2000) ont largement renforcé ce dispositif incitatif, en abaissant la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) appliquée au GPL au niveau plancher défini en 1992 par la réglementation communautaire. Enfin, la loi de finances rectificative pour 2000 a mis en place un crédit d'impôt de 10 000 francs pour les contribuables achetant un véhicule neuf fonctionnant au GPL entre le 1 er janvier 2001 et le 31 décembre 2002. Cette disposition s'applique également aux véhicules dits «  hybrides » (c'est à dire combinant énergie électrique et motorisation à essence ou gazole).

Ainsi, en 1997, 90 000 tonnes de GPL ont été vendues, ce qui représentait un taux de croissance de plus de 100 % sur l'année. En 1998, il existait 1 184 points de vente. La gamme de véhicules proposée par les constructeurs (notamment Renault) est de plus en plus étoffée.

En l'an 2000, les ventes de GPL ont été de 217 000 tonnes, pour 1 774 stations.

• On peut cependant s'interroger sur l'avenir de cette filière.

Tout d'abord, elle a longtemps présenté des problèmes de sécurité , qui ont nui à son développement. En février 1999, une Renault 19 fonctionnant au GPL, qui avait été l'objet d'un incendie criminel, a explosé à Vénissieux, blessant six pompiers. Au mois de septembre de la même année, une conductrice a été tuée lors de l'explosion de sa Peugeot 205, consécutive à un accident de la circulation. Les réservoirs des véhicules concernés n'étaient pas muni d'une soupape de sécurité, devant permettre d'éviter l'explosion du véhicule.

A la suite du premier accident, le Gouvernement a rendu obligatoire l'installation d'une soupape de sécurité sur les véhicules mis en circulation avec un moteur au GPL à partir du 1 er janvier 2000, les véhicules plus anciens n'étant pas concernés 78 ( * ) . Un décret de l'an 2000 a rendu cette transformation obligatoire pour ces derniers avant le 31 décembre 2001, les personnes faisant effectuer cette transformation avant cette date bénéficiant d'une aide de l'Etat 79 ( * ) . Par ailleurs, l'accès aux parcs de stationnement couverts relevant de la réglementation sur les installations classées (parcs de plus de 250 places) a été interdit aux véhicules GPL non munis de la soupape réglementaire 80 ( * ) .

La perte de confiance consécutive à ces accidents, ainsi que le délai d'adaptation nécessaire aux constructeurs pour rendre leurs nouveaux véhicules conformes aux normes, ont entraîné un recul des ventes de véhicules fonctionnant au GPL. Alors que les ventes de voitures neuves avait triplé en 1998, elles ont diminué d'un tiers en 1999, avant de s'effondrer en l'an 2000.

Ensuite, la filière GPL ne présente d'intérêt écologique que si les nouveaux véhicules sont améliorés en permanence afin de rester moins polluants que les véhicules classiques . Ainsi, les véhicules GPL doivent désormais satisfaire à de nouvelles règles d'homologation, liées aux normes Euro 3, qui impliquent notamment la mise en oeuvre d'équipements plus sophistiqués en matière de gestion des moteurs (systèmes à injection gazeuse multipoints). De plus, l'OBD ( On Board Diagnostic ) 81 ( * ) , obligatoire sur tous les véhicules à essence construits après le 1 er janvier 2001, le sera pour la bicarburation (essence/GPL), à partir du 1 er janvier 2003. Or, les constructeurs ne réaliseront pas les investissements nécessaires s'ils estiment que le marché présente des perspectives de développement insuffisantes. Ainsi, selon le rapport de notre collègue de l'Assemblée nationale Mme Annette PEULVAST-BERGEAL 82 ( * ) , si « Les pétroliers ont incontestablement poursuivi depuis quatre ans une politique de développement de leur réseau », « Chez les constructeurs automobiles, le GPL a été diversement apprécié. Renault a incontestablement plus joué cette carte que PSA qui se tournait plutôt vers le véhicule électrique et qui se préoccupait surtout de restaurer l'image très dégradée des automobiles à moteur diesel ». Ainsi, selon ce rapport, « on ne peut pas dire que l'on soit arrivé à une production de masse de tels véhicules », le GPL demeurant « une niche de marché ». Rien ne garantit que les constructeurs n'estimeront pas, d'ici quelques années, avoir intérêt à abandonner cette filière.

Enfin, et surtout, la Délégation s'interroge sur l'utilité de promouvoir une filière qui présente, on l'a vu, le double inconvénient de susciter de fortes émissions de dioxyde de carbone et de maintenir la dépendance des transports vis-à-vis du pétrole.

Le moteur à essence (comme celui au gazole) va réduire ses émissions de dioxyde de carbone : les accords ACEA

Le moteur à essence est certes actuellement peu intéressant du point de vue de la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone, mais cette situation pourrait évoluer.

• Un accord a été conclu en 1998 à ce sujet entre la Commission européenne et les constructeurs européens d'automobiles, réunis au sein de l'Association des Constructeurs Européens d' Automobiles (ACEA) 83 ( * ) .

Cet accord, dit « ACEA », concerne non seulement les voitures à essence, mais aussi celles fonctionnant au gazole.

Le choix de recourir à un engagement contractuel provenait, notamment, de la volonté d'adopter les nouvelles normes avant la conférence de Buenos Aires de novembre 1998 : alors que l'adoption d'une directive réclamait environ cinq ans, la recommandation a demandé « seulement » deux années de travail.

Ces engagements n'imposent pas de cibles précises à chaque constructeur, mais uniquement un objectif global pour l'ensemble des membres de l'ACEA, afin notamment de ne pas fausser la concurrence.

• L'objectif poursuivi par la Commission était qu'en l'an 2005 les voitures neuves commercialisées dans l'Union européenne n'émettent que 120 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre, ce qui correspondait à une consommation de l'ordre de 5 litres d'essence aux 100 kilomètres 84 ( * ) .

L'accord est moins ambitieux : il s'agit de ramener les émissions de dioxyde de carbone de 186 grammes au kilomètre en 1995 à 140 grammes au kilomètre en 2008 , soit une diminution de 25 % , et une consommation d'environ 6 litres (5,3 pour les véhicules diesel) aux 100 kilomètres en l'an 2008.

Néanmoins, cet accord prévoit la disponibilité, dès l'année 2000 , de modèles émettant moins de 120g/km.

En outre, une clause de rendez-vous est programmée en l'an 2003, afin d'évaluer les progrès réalisés par les constructeurs (l'ACEA s'est fixé une zone-cible de 165-170 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre) et d'envisager la possibilité de réductions supplémentaires des émissions de dioxyde de carbone.

• L'application de l'accord devrait couvrir 15 % des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par l'Union européenne à la conférence de Kyoto en décembre 1997.

• Afin de vérifier son application, un règlement adopté en l'an 2000 prévoit le contrôle systématique, lors de l'immatriculation, du niveau d'émission de dioxyde de carbone des véhicules particuliers neufs de l'Union européenne. Les premiers rapports émanant des autorités d'immatriculation des Quinze devaient être transmis à la Commission européenne le 1er juillet 2001, puis le 1 er avril de chaque année.

Deux autres mesures complètent cet accord : le suivi harmonisé des émissions (moyenne annuelle des émissions unitaires des voitures neuves), et la mise en place d'un dispositif d'information des consommateurs, notamment sur les lieux de vente (affiches, guide) en 2001.

Afin que les constructeurs européens ne soient pas pénalisés, des accords analogues ont été conclu en 1999 avec les associations des constructeurs japonais (Jama) et coréens (Kama). Alors que les négociations semblaient s'enliser, le Conseil Environnement a adopté des conclusions invitant la Commission, faute d'accord à la fin du mois de mai 1999, à présenter à la même date une évaluation détaillée des mesures alternatives qu'elle envisageait, y compris, s'il le fallait, des mesures législatives (qui auraient dû, en tout état de cause, pouvoir être acceptées par l'Organisation mondiale du Commerce). Cette menace a vraisemblablement contribué à débloquer les négociations.

• Selon l'ACEA, en l'an 2000, les émissions de dioxyde de carbone ont été ramenées à 169 grammes par kilomètre (contre 174 grammes en 1999). En outre, plus de 20 modèles émettant moins de 120 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre ont été introduits en l'an 2000, ce qui a été permis notamment par l'introduction de systèmes d'injection directe.

• La Délégation s'interroge sur le réalisme des objectifs fixés par ces accords.

En effet, les constructeurs semblent avoir réalisé en priorité les modifications les plus faciles à mettre en oeuvre. Il y a donc un risque que l'objectif de 140 grammes en l'an 2008 ne soit pas respecté, risque reconnu par les responsables de Renault et de PSA rencontrés par votre rapporteur.

En particulier, l'accord ACEA rend nécessaire de réduire la consommation d'essence. Or, les moyens d'atteindre cette objectif restent à déterminer. Les constructeurs étudient actuellement deux pistes. La première est celle de l' « injection directe essence-mélange pauvre » : il s'agirait d'injecter moins de carburant pour une même quantité d'air, grâce à une injection plus précise de l'essence dans le cylindre. Cependant, de tels moteurs présentent l'inconvénient d'émettre plus d'oxydes d'azote que les moteurs classiques. Une autre piste consisterait à gérer électroniquement les soupapes, la difficulté à surmonter étant cette fois un coût élevé.

Comment accélérer la diminution des émissions de dioxyde de carbone par les voitures « classiques » ?

Le programme national de lutte contre le changement climatique prévoit plusieurs instruments afin d'accélérer la réduction des émissions par véhicule dans le cas des voitures « classiques » : amélioration de l'efficacité des auxiliaires (réduction du recours à la climatisation notamment), maîtrise des émissions de dioxyde d'azote liées au pot catalytique des véhicules, recherche d'un accord européen pour limiter la vitesse des véhicules légers.

La Délégation estime que la mise en oeuvre de ces instruments devrait être accélérée.

* 77 Alain SAUVANT, Prévision des émissions de polluants de véhicules particuliers d'ici 2020 , notes de synthèses du SES, juillet-août 2001.

* 78 Arrêté du 4 août 1999 relatif à la réglementation des installations de gaz de pétrole liquéfiés des véhicules à moteur.

* 79 Décret no 2000-873 du 7 septembre 2000 relatif à la mise en sécurité de certains véhicules fonctionnant aux gaz de pétrole liquéfiés et instituant une aide à cet effet.

* 80 Arrêté du 4 avril 2000.

* 81 Le système OBD permet d'informer le conducteur sur des dysfonctionnements de son véhicule suscitant des émissions polluantes, au moyen de données relevées par une quinzaine de capteurs répartis sur le véhicule.

* 82 Annette PEULVAST-BERGEAL, Villes - un air trompeur ? , Rapport d'information n° 3088, Assemblée nationale, 23 mai 2001.

* 83 Membres actuels : BMW AG, DAF TRUCKS NV, DAIMLERCHRYSLER AG, FIAT AUTO SPA, FORD OF EUROPE INC , GENERAL MOTORS EUROPE AG, MAN NUTZFAHRZEUGE AG, Dr. Ing. h.c.F. PORSCHE AG, PSA PEUGEOT CITROEN, RENAULT SA, SCANIA AB, VOLKSWAGEN AG, AB VOLVO.

* 84 Dans ses conclusions autorisant la conclusion de l'accord, le Conseil Environnement a précisé que l'objectif communautaire demeurait celui d'atteindre un niveau moyen de 120 g/km en 2005 ou en 2010 au plus tard.

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