B. L'ASSISTANCE TECHNIQUE : UN INSTRUMENT QUI DOIT REDEVENIR PRIORITAIRE

La réforme de la coopération est restée muette sur l'assistance technique. Comment comprendre, cependant, qu'elle ait pu laisser de côté ce qui a constitué l'instrument le pus important et, sans aucun doute, le plus original de l'aide publique française ? Ce silence apparaît d'autant plus inexplicable que l'assistance technique connaît, depuis plusieurs années déjà, d'importantes mutations : une réduction drastique du nombre de postes au cours de la dernière décennie, un raccourcissement de la durée du séjour, le développement, rendu possible dès 2001, de missions d'expertise courtes.

La conjonction de ces différents changements, sans qu'aucune orientation politique claire n'ait été fixée, a laissé planer de nombreux doutes sur l'avenir de l'assistance technique et a créé parmi les coopérants une crise de confiance dont la mission d'information a recueilli de nombreux témoignages au cours de ses déplacements ou de ses entretiens. Il apparaissait donc indispensable que le gouvernement arrête, en cette matière décisive pour notre politique d'aide, un cap clair qui tienne compte de l'avis des intéressés et des acquis indéniables de près de quatre décennies. L'annonce d'une réforme de l'assistance technique, le 11 avril 2001, répond à ces préoccupations même si elle ne dissipe pas toutes les incertitudes.

1. Un avantage comparatif majeur de la coopération français

a) Un dispositif original

Le choix fait par la France de mettre à la disposition des pays bénéficiaires de notre aide, pour une longue durée, des experts dans les disciplines susceptibles de favoriser le développement constitue un trait propre à notre coopération qui n'a pas d'équivalent chez les autres bailleurs de fonds bi ou multilatéraux. Cette orientation trouve son origine dans l'histoire de nos relations avec les Etats africains. Elle s'est traduite par une mobilisation très importante des ressources humaines, ainsi que par la mise en place d'un cadre législatif et réglementaire spécifique.

• Le moyen de préserver des liens historiques

La mise en place d'une assistance technique nombreuse, au lendemain de la décolonisation, s'explique d'abord par la volonté de la France de maintenir des liens privilégiés fondés sur la solidarité avec les pays de son ancien empire colonial. Elle a été facilitée par le déroulement pacifique, dans la plupart des pays d'Afrique noire, du processus d'indépendance. Elle a permis, dans un premier temps, d'assurer la continuité de l'appareil administratif hérité de la période coloniale, avant de se concentrer sur des missions plus spécifiquement orientées vers le conseil, la formation et le développement.

• Un cadre juridique spécifique

L'importance reconnue à ce volet de notre politique de coopération a justifié l'organisation d'un cadre juridique spécifique. Il s'articule autour de trois volets :

- les accords de coopération signés avec les pays bénéficiaires d'une forte présence de coopérants : ils traitent des modalités d'affectation des coopérants, des conditions dans lesquelles ils sont placés sous l'autorité de l'Etat bénéficiaire, des obligations qui peuvent incomber à celui-ci (en particulier la prise en charge d'une partie de la rémunération correspondant au moins au coût du fonctionnaire équivalent dans la fonction publique locale -les Etats bénéficiaires se sont apparemment acquittés de cette obligation jusque dans les années 70). La France pour sa part, au vu des demandes de ses partenaires, propose des candidatures et prend en charge, sur la base d'un contrat auquel l'Etat bénéficiaire n'est pas partie, la rémunération, les frais de voyage, la garantie de la couverture sociale. Elle peut mettre fin à la mission du coopérant à la demande de l'Etat bénéficiaire ou de sa propre initiative.

- les textes législatif et réglementaires :

1° Deux décrets du 2 mai 1961 fixent les règles statutaires et le régime de rémunération propre aux assistants techniques ; ils posent, en particulier, deux principes qui caractériseront pendant une quarantaine d'années le système français : d'une part, une assistance technique fondée sur la mobilisation de fonctionnaires volontaires ; d'autre part, le recours à la position de détachement qui permet au gouvernement français de placer des personnels français auprès de gouvernements étrangers.

Les coopérants gérés par le ministère des affaires étrangères n'étaient pas, quant à eux, soumis au décret de 1961. La rémunération de ceux -les plus nombreux- affectés dans les pays du Maghreb était, en effet, déterminée par les accords de coopération bilatéraux. Celle des agents qui ne relevaient pas de ce type d'accord a été soumise, à partir de 1967, aux dispositions du décret du 28 mars 1967.

Le régime de rémunérations et de congés des coopérants gérés par le ministère de la coopération, fixé en 1961, a été modifié en 1972 (deux décrets du 25 avril 1972) puis, de nouveau, en 1992 . Trois décrets (18 décembre 1992) ont alors introduit trois innovations principales : la définition d'une « mission de coopération » (l'obligation d'établir entre le gouvernement de l'Etat concerné et l'administration française une lettre de mission individuelle), la durée maximale -fixée à six ans dans un même pays-, la flexibilité (possibilité de moduler la durée du contrat entre six mois et trois ans, en fonction de la nature et du contenu de la mission d'assistance technique ; régime de rémunération articulé sur les fonctions effectivement exercées plus que sur la situation statutaire de l'intéressé).

2° La loi du 13 juillet 1972 reconnaît dans la coopération culturelle, scientifique et technique « une responsabilité nouvelle de l'Etat qui présente le caractère d'une véritable mission de service public ». Elle est aussi le premier texte qui ouvre la possibilité d'exercer des missions de coopération à « l'ensemble des secteurs d'activité , en fonction des qualifications recherchées ». Cependant, en la matière, elle se sera bornée à fixer des principes, car l'essentiel de ses dispositions a porté sur un aspect limité de la coopération : les garanties assurées aux personnels « contre les risques particuliers du service en coopération ». Par ailleurs, comme le notait le rapport de M. Jean Nemo 6 ( * ) , « elle se limitait à une seule modalité de l'assistance technique, celle directement gérée par l'Etat au bénéfice d'autres Etats : elle ne permettait pas d'encourager et d'asseoir d'autres modalités, plus indirectes, mais éventuellement plus souples et plus évolutives ».

• Un effort considérable en termes d'effectifs

L'assistance technique française s'est enfin caractérisée par l'importance des effectifs mobilisés , soit quelque 23 000 à leur plus haut niveau au début des années 1980 (hors les enseignants de l'enseignement français à l'étranger). Ces derniers se trouvaient toutefois concentrés dans un nombre limité de pays puisque la moitié des effectifs des pays du champ se regroupaient dans quatre pays et 90 % des coopérants « hors champ » dans les trois pays du Maghreb.

* 6 Jean Nemo - Les appuis en personnel dans les actions de coopération, rapport de mission, mars 2000.

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