2. Un effort de clarification des instruments financiers malgré des ambiguïtés récurrentes
L'aide projet est mise en oeuvre par les trois grands acteurs de la politique de coopération :
Le ministère des affaires étrangères -à travers le Fonds de solidarité prioritaire-, le ministère de l'économie et des finances -par le biais des protocoles financiers-, l'Agence française de développement. Jusqu'en 1998, la spécificité des différents intervenants n'apparaissait pas toujours clairement. Ainsi, les protocoles financiers servaient, d'une part, d'aide au développement, en finançant par exemple des projets d'infrastructure de base et, d'autre part, de soutien commercial aux entreprises françaises. La réforme de la coopération s'est accompagnée d'une plus grande spécialisation de ces différents instruments. Le rôle privilégié de l'AFD et du FAC en matière d'aide au développement a été réaffirmé et, dans le même temps, les responsabilités respectives de ces deux organismes ont été mieux précisées. Quant aux protocoles financiers, leur vocation économique apparaît désormais prédominante.
a) Le Fonds de solidarité prioritaire
Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) a pris en 1999 la suite du Fonds d'aide et de coopération créé en 1959. Considéré comme l'instrument « emblématique » de l'aide projet, il a vocation à financer des dépenses d'investissement. Les crédits qui lui sont affectés sont ainsi inscrits au titre VI du budget (subvention d'investissement). Il couvre trois types de projets :
- les projets bilatéraux conclus avec un Etat (avec lequel il est passé une convention de financement) ;
- les projets inter Etats bénéficiant à un groupe d'Etats déterminés réunis dans le cadre d'une organisation internationale ;
- les projets d'intérêt général qui ne sont pas négociés avec un Etat déterminé et peuvent concerner des opérations de développement dans différents domaines (francophonie, thèmes sectoriels transversaux -sida, etc-, financement d'opérations pilotes).
La réforme n'a pas transformé substantiellement ce dispositif. Elle l'a modifié sur deux aspects :
- elle a réduit le périmètre des domaines concernés par le FSP : les infrastructures dans les domaines de l'éducation et la santé ont été confiées à l'AFD ;
- elle a changé, avec l'adoption du décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000, la procédure de décision : le Comité directeur du FAC chargé de statuer sur chacun des projets envisagés par l'administration a laissé place à deux instances distinctes : le Conseil d'orientation stratégique dont le rôle est de formuler des recommandations de caractère général « sur l'utilisation des crédits du Fonds par secteurs d'activité et par zones géographiques » et un Comité de projets appelé à se prononcer au cas par cas sur les opérations.
L'évolution du FSP suscite une certaine préoccupation à cinq titres :
- d'abord, comme le soulignait notre collègue Michel Charasse devant la commission des finances, lors de sa présentation des crédits consacrés à l'aide publique au développement dans le cadre du projet de budget pour 2001, la concentration du FSP sur les secteurs institutionnels et de souveraineté risque d'exposer les crédits afférents à la censure du contrôleur financier, dans la mesure où ils relèvent davantage des dépenses d'intervention du titre IV que des subventions d'investissement du titre VI ;
- ensuite, le pouvoir de contrôle des parlementaires qui s'exerçait auparavant dans le cadre du comité directeur s'est trouvé affaibli : ils sont désormais représentés au sein du comité d'orientation stratégique mais non au sein du comité de projets ;
- surtout, l'évolution de l'enveloppe du FSP ne laisse pas d'inquiéter ; les dotations inscrites en loi de finances connaissent une érosion continue depuis plusieurs années ; en outre, cette enveloppe apparaît la cible privilégiée des mesures de régulation décidées par Bercy en cours d'année : ainsi, en 1999, l'annulation de 250 millions de francs d'autorisations de programme avait ramené la dotation initiale du FSP destinée aux pays de la ZSP à 60 % de sa valeur initiale ; la vocation du FSP à servir de « variable d'ajustement » des économies budgétaires s'est ainsi confirmée au fil des années ;
- cette évolution apparaît d'autant plus préoccupante que les crédits du FSP destinés en principe aux pays de la ZSP peuvent être mobilisés pour des opérations hors de cette zone , en particulier dans le cadre des opérations de reconstruction dans les Balkans 5 ( * ) ;
- enfin, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards ; ainsi, la durée prévue des projets en cours, de l'ordre de 35 mois, se trouve prolongée en moyenne de 11 mois. Ces délais interviennent à plusieurs niveaux : entre la décision du comité directeur et la signature des conventions de financement (cinq à six mois séparent parfois ces deux étapes), mais aussi entre la décision d'attribution des fonds et le déblocage effectif des crédits. L'impéritie des administrations locales ne saurait toujours exonérer notre pays de ses propres responsabilités dans ces retards : évaluation insuffisante des projets, lourdeur du circuit de décision, régulation budgétaire dont les effets conduisent souvent à paralyser une opération. Or, il faut y insister, l'intérêt même d'une intervention peut se trouver compromis lorsque l'exécution prend un retard excessif.
* 5 Le décret du 11 septembre 2000 reconnaît ainsi au FSP la possibilité de « financer à titre exceptionnel des opérations d'aide et de coopération situées, le cas échéant, hors de la ZSP ».