b) Un champ d'action très large pour la coopération
Malgré l'effort affiché pour mieux concentrer notre aide, le champ d'intervention couvre encore un très large spectre d'actions. En effet, les « priorités » définies par notre coopération concernent le développement humain et social (valorisation des ressources humaines, amélioration des services sanitaires, développement social), le développement économique (infrastructures et modernisation des services publics marchands ; filières de production -par exemple pour l'exploitation des crevettes- et organisation du monde rural -notamment à travers le micro-crédit), la modernisation et l'adaptation du cadre institutionnel -justice, sécurité publique, capacité d'action de l'Etat, renforcement de la démocratie, décentralisation).
Le tableau suivant donne la mesure des moyens engagés.
Moyens |
Effectifs |
Coût 2001 |
Assistance technique |
110
(37 enseignants
|
61,8 MF |
FSP |
35 MF |
|
Bourses |
5,6 MF |
|
Appuis logistiques |
10 MF |
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Recherche . Institut Pasteur . CIRAD . IRD |
12 24 |
13,4 MF 6,9 MF 17,5 MF |
SCTIP |
0,8 MF |
|
Coopération militaire |
21 |
32 MF |
En outre, il convient de relever :
- l'encours des concours de l'AFD s'élève à 1,3 milliard de francs ;
- la coopération financière : remise de dettes du club de Paris (120 MF en 1999), aide budgétaire (80 MF en 1997 et 1999), Fonds de contrepartie de l'aide alimentaire (7 MF), annulation de la dette (mesure additionnelle française à compter de 2003 : 40 MF).
Vos rapporteurs insisteront pour leur part sur trois aspects en particulier :
• L'assistance technique
Comme dans les autres pays de l'ancien champ, l'assistance technique a été marquée, au cours de la dernière décennie, par une forte déflation : l'enveloppe financière est ainsi passée de 130 millions de francs en 1991 à 62,5 millions de francs en 2000 et le nombre de postes de 300 -ouverts en programmation 1991- à 135 -pourvus en octobre 1999.
Cette contraction s'est accompagnée d'une réorientation de l'assistance technique : les enseignants hier majoritaires ne représentent plus que 33 % de l'assistance technique et les techniciens sont désormais majoritaires. Cette évolution répond à la volonté affirmée au début des années 90 de mettre fin à la coopération de substitution : techniciens comme enseignants sont aujourd'hui tous investis de missions d'appui, de conseil ou de formation de formateurs.
La réduction des effectifs apparaît aujourd'hui -provisoirement ?- enrayée. Pour vos rapporteurs, le nombre actuel des coopérants constitue un minimum et il doit impérativement être maintenu . Plusieurs observations militent en ce sens ; d'abord, on mesure mieux aujourd'hui, en particulier dans un pays comme Madagascar, la complexité des conditions du développement -et notamment le poids des mentalités et des traditions- le facteur « temps » est donc essentiel tant pour la compréhension des problèmes que pour la mise en oeuvre de l'aide. Les projets de crédit rural et d'aménagement des espaces cultivés en témoignent. C'est pourquoi une présence sur le terrain, inscrite dans une certaine durée est indispensable.
Seule, en second lieu, la France bénéficie d'un tel instrument. Les autres bailleurs de fonds portent une appréciation généralement très positive sur l'assistance technique. Celle-ci constitue une garantie dans la mise en oeuvre de projets cofinancés ; ainsi il a été rapporté à la mission parlementaire que les Japonais cesseraient d'apporter leur aide à un projet sur Majungha si les Français devaient retirer leur assistance technique. Nos coopérants représentent par ailleurs une capacité d'expertise pour des organisations comme l'Union européenne dont les moyens financiers -considérables- dépassent de beaucoup les moyens humains. L'assistance technique peut donc représenter un relais pour des financements multilatéraux. Il y a là un atout que notre pays se doit de cultiver davantage.
Enfin, Madagascar souffre d'un manque de cadres formés . Cette lacune s'accentuera encore avec le départ à la retraite d'une génération qui a pu bénéficier par le passé d'une formation de qualité. Ainsi un effort de formation fondé sur une présence forte de coopérants reste donc nécessaire.
Il apparaît donc souhaitable de donner un coup d'arrêt à la déflation des effectifs mais aussi de redonner confiance à un personnel qui connaît un réel malaise, même si ce sentiment, comme vos rapporteurs ont pu le constater, n'entame en rien leur implication dans les projets dont ils ont la charge.
Des différents témoignages qu'ils ont recueillis sur place, vos rapporteurs ont la conviction que le mode de gestion de l'assistance technique doit profondément évoluer . Sans doute est-il d'abord nécessaire de mieux accorder la durée de la mission des coopérants avec la mise en oeuvre du projet -tout en posant naturellement des garde-fous pour éviter que ne s'instaurent de nouvelles rentes de situation. Surtout, les affectations doivent répondre de manière plus adaptée aux types de projets mis en oeuvre . La définition précise des profils de poste doit devenir systématique. Vos rapporteurs reviendront plus longuement sur ces deux points.
• Développement rural
Le secteur rural -agriculture, élevage, pêche- présente une importance cruciale pour Madagascar. Il emploie 80 % de la population active . Les produits de la pêche représentent, il convient de le souligner, la première source de devises du pays. Les campagnes connaissent toutefois une situation très préoccupante. La faiblesse et la stagnation des rendements (dix fois inférieurs à ceux des pays développés pour le maïs et cinq fois pour le riz) conjuguées à la croissance démographique entraînent depuis une trentaine d'années la réduction de la consommation calorique journalière. Parallèlement, la pression foncière s'accroît et provoque une raréfaction des sols à bon potentiel agricole. L'érosion des terres, liée à un défrichement mal maîtrisé représente aujourd'hui pour Madagascar une véritable catastrophe écologique.
En outre, les productions traditionnelles d'exportation, sources de revenus monétaires en zone côtière, apparaissent en déclin (café, poivre, girofle...). Le secteur privé tend à se cantonner aux activités de commercialisation (collecte et vente des produits) : il ne s'implique pas dans la fonction de relance de la production, ni dans la gestion de la qualité et investit peu.
La coopération française paraît aujourd'hui avoir tiré les leçons des expériences passées : elle privilégie des actions de long terme destinées à surmonter progressivement les blocages structurels au développement. Vos rapporteurs citeront en particulier les projets dont l'objet est de mieux structurer le milieu rural : appui à la création d'institutions privées de microfinance afin de financer de façon décentralisée le développement rural (caisses d'épargne et de crédit agricole mutuel mis en place à Antsirabé grâce à l'appui technique d'ONG françaises) ; transfert aux associations paysannes des fonctions de gestion des infrastructures productives (périmètres irrigués) ; appui au développement technique et organisationnel des filières tournées vers l'exportation afin de remobiliser les opérateurs privés sur la mise en oeuvre de productions de qualité (la délégation a été notamment très favorablement impressionnée par la promotion -grâce à l'appui d'un assistant technique français et un soutien financier de la coopération- de l'approche intégrée des filières exportation). Les financements de projets privés d'investissements productifs agro-industriels dans les secteurs de la pêche et de l'aquaculture- ont été par ailleurs longuement évoqués avec l'AFD.
Une deuxième évolution positive mérite d'être soulignée : l'effort de coordination entre les différents bailleurs de fonds . En effet, les interventions dans le secteur rural s'inscrivent dans le cadre du Plan d'action de développement rural élaboré en concertation avec les autorités malgaches et les différents bailleurs de fonds. Ce cadre commun a favorisé le cofinancement de projets par la coopération française et la délégation de la Commission européenne ainsi que la mise à disposition de coopérants français auprès de projets européens.
La coopération en matière de développement rural rencontre cependant plusieurs difficultés . Les premières sont liées à certains aspects fondamentaux du mode d'organisation rural et, au premier chef, aux limites du cadastrage -qui ne concerne guère plus de 5 % du territoire malgache- et à l'absence de réforme foncière. Les secondes trouvent leur origine dans le caractère encore fragmentaire des projets conduits. Alors même que les méthodes d'action semblent porter leurs fruits au niveau local et répondent aux enjeux globaux du développement agricole à l'échelon national, leur effet sur la croissance du monde rural tarde à se faire sentir. Sans doute faudrait-il une assistance technique renforcée ou, à tout le moins, une certaine continuité dans les actions entreprises, ce que les aléas du budget français de la coopération interdisent malheureusement. C'est pourquoi la priorité accordée à la coordination avec les autres bailleurs de fonds constitue désormais une perspective obligée.
• La coopération militaire
La coopération militaire, reprise à la demande des autorités malgaches en 1993, s'inscrit dans un cadre politique désormais très favorable. Le ministre des forces armées qui avait souhaité accueillir et accompagner la délégation sénatoriale lors de la visite des écoles militaires d'Antsirabé a tenu à marquer par ce geste l'intérêt qu'accorde la partie malgache à notre coopération dans ce domaine. La coopération militaire revêt plusieurs formes : une aide directe, l'assistance technique (21 coopérants militaires dont 18 intégrés dans les états majors et les écoles avec la responsabilité de chefs de projets) ainsi que la participation des forces malgaches à certaines activités de la force stratégique française de l'Océan indien.
Le concept de défense malgache se singularise par l'accent placé sur la sécurité intérieure. D'après les informations recueillies par votre mission, les militaires sont intervenus à l'occasion des différentes manifestations d'une manière très contrôlée. Cette évolution doit sans doute pour une part être portée au crédit de l'effort de formation mis en oeuvre par la coopération.
A l'occasion de sa visite, la mission a pu constater la bonne intégration des coopérants militaires français au sein des forces malgaches, même si elle a regretté la relative brièveté -deux ans- de leur affectation.