III. LE FINANCEMENT EXSANGUE
Le
Premier ministre, dans sa déclaration
21(
*
)
du 21 mars 2000, a
justifié la création du fonds de réserve "
par la
volonté de préparer l'avenir
".
Cet objectif ne pouvait à l'évidence être atteint par le
seul versement initial constitué par un produit de 2 milliards de
francs de C3S en 1999.
Aussi, le Premier ministre a-t-il présenté "
un objectif
ambitieux mais réaliste : accumuler 1.000 milliards de francs
en 2020
".
Pour parvenir à ce montant, le Premier ministre entend mobiliser les
ressources suivantes :
Ressources |
Cumul Flux annuels |
Excédent CNAV |
100 |
Excédent C3S et FSV |
400 |
Prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine |
150 |
Produits des parts sociales Caisse Epargne + versement CDC |
20 |
Sous-total |
670 |
Produits Financiers |
330 |
Total estimé en 2020 |
1.000 |
Source : Premier ministre, 21 mars 2000, documents de
presse.
Les excédents de C3S et du FSV représentent à eux seuls
60 % des ressources affectées du fonds de réserve (hors
produits financiers).
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité le reconnaît
bien volontiers : "
les excédents du fonds de
solidarité vieillesse (...) constituent la première source de
financement du fonds de réserve des retraites
"
22(
*
)
.
Constitué pour moitié par les " excédents
vieillesse " (FSV, C3S, CNAV), voire pour les trois quarts si l'on prend
en compte les produits financiers que ces sommes portées au fonds
doivent produire, le fonds de réserve se trouve donc affecté par
toute mesure modifiant les missions ou les finances de la CNAV, du FSV ainsi
que la répartition de C3S.
Ainsi que l'observe le ministère :
" Le chiffrage est
principalement fragilisé par la difficulté de projeter les
dépenses de solidarité prises en charge par le FSV et par
l'absence de financement du déficit du fonds d'allégement de
charges (NB : c'est-à-dire le FOREC) ".
Ou encore, comme le souligne le Conseil d'orientation des retraites lors de sa
séance du 27 septembre 2000, "
les ressources actuelles
d'alimentation du fonds restent incertaines et trop aléatoires car
reposant pour l'essentiel sur des hypothèses d'excédents
tributaires soit de la croissance économique, soit de choix
gouvernementaux
".
En proie à un " effet de dominos " à chaque fois que le
Gouvernement modifie le périmètre du FSV, revalorise les pensions
de retraite au-delà des prix, le fonds de réserve est-il en
mesure de rassembler ces 1.000 milliards de francs en 2020 ?
Par ailleurs, ces 1.000 milliards de francs annoncés
proviendront-ils bien des sources de financements annoncées par le
Premier ministre le 21 mars 2000 ?
Si de très fortes incertitudes pèsent aujourd'hui sur la
première question, il est en revanche possible dès aujourd'hui de
répondre par la négative à la seconde.
A. LE RETARD DANS LE PLAN DE FINANCEMENT : LES ENGAGEMENTS NON TENUS
1. Le flou initial
Le
Gouvernement, qui s'est engagé sur la somme de 1.000 milliards de
francs à terme, est demeuré extrêmement flou sur
l'échéancier des versements.
Tout au plus s'est-il contenté d'indiquer qu'à la fin 2000 les
ressources du fonds pourraient atteindre "
un objectif de 20 à
25 milliards de francs
".
Un plan de financement sur 20 ans a également été
divulgué, sans qu'il soit communiqué des objectifs année
par année.
Estimation du total des ressources
(en milliards de francs)
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2020 |
20 |
170 |
400 |
670 |
1.000 |
Source : Premier ministre, document de presse 21 mars
2000
Sur la période 2000-2005, le fonds devrait accumuler 170 milliards
de francs, soit un total annuel compris entre 30 et 40 milliards de
francs, selon que l'année 2005 soit ou non incluse dans cet
intervalle.
2. Le financement du fonds de réserve structurellement inférieur aux prévisions
Le
Conseil d'orientation des retraites a été institué par le
Gouvernement afin d'"
apprécier les conditions requises pour
assurer la viabilité financière à terme des
régimes
"
23(
*
)
.
Se saisissant de la question du fonds de réserve le 27 septembre 2000,
le Conseil d'orientation des retraites déclarait "
à
raison d'un abondement annuel de 30 à 35 milliards de francs et
partant d'une hypothèse d'un taux de rendement des placements de
4 %, les réserves cumulées atteindront 1.000 milliards
de francs en 2020 "
.
Ce plan de marche aujourd'hui apparaît compromis.
a) Des chiffres éloquents
A partir
des annonces du Premier ministre du 21 mars 2000, il est possible de
reconstituer en linéaire sur les exercices 2000-2005 les sommes devant
abonder le fonds de réserve.
La question de l'intervalle à retenir est laissée en suspens.
Cette interrogation de prime abord anodine soulève pourtant en soi une
difficulté statistique : les 170 milliards de francs
seront-ils atteints début 2005 ou fin 2005
24(
*
)
. De cette réponse
dépend une année de versement. En l'absence de précision,
force est de considérer deux hypothèses.
Plan
de financement du fonds de réserve 2000-2005
Objectif atteint fin
2005
en milliards de francs
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Premier ministre 21 mars 2000 |
20,0 |
50,0 |
80,0 |
120,0 |
150,0 |
170,0 |
Conseil Orientation des retraites |
32,5 |
65,0 |
97,5 |
130,0 |
162,5 |
195,0 |
Loi de financement Sécurité sociale 2001 |
23,2 |
55,0 |
|
|
|
|
Ministère Emploi et Solidarité 26 mars 2001 |
20,0 |
40,0 |
65,0 |
|
|
|
FSV 25( * ) |
20,7 |
38,7 |
|
|
|
|
Source : commission des Affaires sociales
Objectif atteint début 2005
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Premier ministre 21 mars 2000 |
20,0 |
57,5 |
95,0 |
132,5 |
170,0 |
|
Conseil Orientation des retraites |
32,5 |
65,0 |
97,5 |
130,0 |
162,5 |
|
Loi de financement Sécurité sociale 2001 |
23,2 |
55,0 |
|
|
|
|
Ministère Emploi et Solidarité 27 mars 2001 |
20,0 |
40,0 |
65,0 |
|
|
|
FSV 2 |
20,7 |
38,7 |
|
|
|
|
Source : commission des Affaires sociales
Selon les deux interprétations retenues, en l'état actuel des
choses, un déficit de ressources du fonds de réserve sera
constaté au 31 décembre 2001.
A cette date, par rapport aux abondements jugés nécessaires par
le Conseil d'orientation des retraites, le retard approche les
30 milliards de francs. L'écart entre les prévisions du
Gouvernement, selon l'hypothèse retenue, oscille entre 12 et
20 milliards de francs (cf. tableau).
b) Des réponses trahissant l'attitude du Gouvernement à l'égard du fonds
Dans un
communiqué de presse
26(
*
)
, la ministre de l'Emploi et de
la Solidarité déclare " (...)
ce scénario
correspond à environ 40 milliards de francs de réserve
cumulés fin 2001 et 65 milliards de francs fin 2002 ; rien ne
permet de penser que ces objectifs ne seront pas atteints
".
Renonçant ainsi à l'objectif affiché en loi de financement
de la sécurité sociale pour 2001 (soit 55 milliards de
francs), la ministre n'en affiche pas moins de nouvelles projections pour
2002 : 65 milliards de francs.
Cette estimation de 65 milliards pour trois années (2000-2001-2002)
représente, en linéaire, des flux de ressources de l'ordre de 20
ou 21 milliards de francs par an. Ces montants sont de 10 à
15 milliards de francs inférieurs aux exigences posées par
le COR. Au début 2005, sur la base de ces flux, le fonds aurait
encaissé 100 milliards de francs et fin 2005, 120 milliards de
francs. Même en étirant les intervalles au maximum (six
années d'abondement : 2000-2005) le Gouvernement n'atteint pas les
170 milliards de francs (retard entre 50 et 70 milliards de francs).
Certes, il est tentant de prétendre, comme ne manquera pas de le faire
le Gouvernement, qu'un décalage au démarrage n'est pas
significatif dès lors que l'objectif se situe dans le long terme.
Un tel raisonnement fait d'abord peu de cas du principe sur lequel repose un
fonds de réserve, c'est-à-dire l'accumulation de produits
financiers. De fait, ceux-ci doivent représenter le tiers des actifs du
fonds en 2020.
Aussi le respect scrupuleux d'un échéancier est-il fondamental
car
le retard ne se rattrape jamais.
Est-il convenable ensuite que le Gouvernement obère les marges de
manoeuvre financière de ses successeurs en renvoyant sur ceux-ci les
efforts qu'il n'a pas faits ? A ce titre, une telle question est
paradoxale puisque le Gouvernement crée un fonds ayant pour objet de
répartir équitablement sur plusieurs générations la
charge des retraites, alors que lui-même repousse à plus tard la
charge de l'abonder !
Enfin, la nature même des ressources du fonds de réserve et la
conjoncture économique rendent extrêmement peu crédible le
rattrapage de ce retard. En effet, le Gouvernement a abondé le fonds
avec des ressources exceptionnelles (don de la CDC, parts sociales de Caisse
d'épargne) et les excédents de la CNAVTS gonflés par le
niveau exceptionnel de la croissance et une situation démographique
favorable mais transitoire.
D'ici quelques années, la CNAV va enregistrer des déficits
croissants ; est-il crédible que le retard pris dans une
conjoncture extrêmement propice à la constitution de
réserves soit rattrapé dans une période de " vache
maigre " ?
Au total, la crédibilité d'un fonds de réserve repose
sur le respect quasi mécanique d'un plan de marche. Si la philosophie
d'un tel fonds se limite à " mettre de côté quand on
peut " alors il est sûr que d'autres priorités, d'autres
urgences, d'autres besoins apparaîtront année après
année et seront autant de bonnes raisons pour les gouvernements
successifs de se soustraire à leurs obligations de garantir le long
terme.
Avec une franchise brutale, la Direction de la Prévision dans une note
du 17 février 2000 ne dit pas autre chose : "
Un des
intérêts du fonds de réserve, en termes de gestion des
finances publiques, est d'éviter que les excédents sociaux ne
soient dilapidés en supplément de dépenses
".
De fait, les premiers mois du fonds de réserve des retraites illustre
parfaitement la dérive que l'on pouvait craindre.
A peine séchée l'encre du plan de financement du 21 mars 2000, le
Gouvernement s'est employé à ponctionner les ressources
destinées à garantir l'avenir des retraites.
B. LES RESSOURCES DU FSV PONCTIONNÉES
1. Une pierre angulaire à la dimension mal définie
Dans les
projections sur lesquelles s'appuie le Premier ministre le 21 mars 2000,
les excédents du FSV sont appelés à jouer un rôle
déterminant dans le financement du fonds.
Les notes communiquées par le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité d'une part et le ministère de l'Economie et des
Finances d'autre part, laissent perplexes sur la réelle cohérence
de ce financement.
a) Un montant compris entre 300 et 350 milliards de francs en cumulé sur la période 2000-2020
Le
1
er
février 2000, le groupe de travail
interministériel présidé par Olivier Davanne
27(
*
)
concluait que les
excédents du FSV représenteraient
" 338 milliards de
francs en cumulé sur la période 2000-2020
", mais que
pour chiffrer ces excédents, l'hypothèse retenue était
celle d'une indexation du minimum vieillesse sur l'indice des prix
majorée de 1 %.
En effet, une revalorisation
28(
*
)
moins favorable pouvait
difficilement être considérée comme crédible.
Sachant que les excédents de C3S pourraient générer de
l'ordre de 90 milliards de francs
29(
*
)
, le total excédent FSV et
excédent C3S dépasseraient même légèrement
les annonces du Premier ministre évaluées pour ces deux produits
à 400 milliards de francs.
b) La disponibilité incertaine des excédents du FSV
Cette
note
30(
*
)
constate pourtant
immédiatement que :
" la mobilisation de cet
excédent ne semble pas poser de problèmes particuliers. La
Direction de la Sécurité sociale estime cependant difficile de
mettre en réserve plus des deux tiers de celui-ci ".
Sur un montant d'excédents évalué à 338 milliards
de francs, le montant mobilisable selon la Direction de la
Sécurité sociale ne serait donc que de 225 milliards de francs.
Dans cette configuration d'une mobilisation de 225 milliards de francs
d'excédents du FSV, les montants d'excédents FSV-C3S
(315 milliards de francs) seraient significativement inférieurs aux
annonces du Premier ministre du 21 mars 2000 (400 milliards de
francs).
Quel montant de FSV-C3S disponible ?
|
FSV |
C3S |
Total |
Annonce Premier ministre du 21 mars 2000 |
- |
- |
400 |
Groupe de travail interministériel et Direction Sécurité sociale |
225 |
90 |
315 |
Votre
rapporteur ne disposant pas de la note du ministère de l'Emploi et de la
Solidarité évoquée par le groupe de travail
précité, les raisons lui restent inconnues pour lesquelles la
Direction de la Sécurité sociale estime, contrairement à
l'annonce du Premier ministre, que seuls deux tiers des excédents du FSV
sont susceptibles d'être mobilisés pour abonder le fonds de
réserve.
Trois hypothèses peuvent toutefois être avancées pour
justifier cette position :
• le ministère de l'Emploi et de la Solidarité entend
revaloriser le minimum vieillesse à un taux supérieur à
l'hypothèse retenue par le groupe de travail (prix
+ 1 %) ;
• il prévoit d'affecter une partie des fonds du FSV à
d'autres usages que la prise en charge des déficits des régimes
de retraites de base ;
• il souhaite conserver une part de ces ressources pour couvrir
partiellement les déficits que les régimes de retraites
connaîtront avant 2020
31(
*
)
.
De ces trois hypothèses, la seconde est confirmée par les faits
intervenus depuis le début de l'année 2000, sans exclure pourtant
les deux autres...
2. L'utilisation des excédents du FSV à des usages alternatifs
" Les chiffres présentés supposent que les excédents soient parfaitement mobilisables pour le fonds et qu'en particulier aucun autre usage ne soit trouvé ou aucune autre dépense engagée. Il n'existe donc aucune certitude quant à la possibilité d'abonder effectivement le fonds de réserve par les excédents identifiés ci-dessus ".
Direction de la Prévision, note du 17 février 2000.
La
raison d'être du fonds de réserve des retraites annoncée
par la Direction de la Prévision doit être rappelée
ici : le fonds de réserve doit empêcher que les
excédents sociaux soient " dilapidés " en
supplément de dépenses.
Pourtant, très rapidement, le Gouvernement va utiliser les ressources de
la branche vieillesse pour le financement des mesures phares de sa
législature, notamment pour le financement des trente-cinq heures.
En effet, la Direction de la Prévision, dans une note toute
récente du 2 février 2001, rappelle que
" les principales
incertitudes sur le montant des ressources qui seront affectées au fonds
de réserve tiennent (...) aux excédents prévisionnels du
FSV et de la C3S qui seront effectivement affectés au fonds de
réserve pour les retraites. Ceux-ci devraient représenter
60 % des sommes attribuées au fonds de réserve selon les
annonces du Premier ministre. Or ces excédents semblent gagés en
grande partie, car ils pourraient également servir au remboursement pour
le compte de l'Etat des sommes dues au titre du contentieux AGIRC/ARRCO,
à financer le FOREC
32(
*
)
, le BAPSA ou les
dépenses liées à la modernisation de la prise en charge de
la dépendance des personnes âgées...
".
Ce triptyque constitué par le financement des trente-cinq heures de
l'allocation personnalisée à l'autonomie et de la dette
AGIRC-ARRCO, répond à la question posée ici
précédemment. La totalité des excédents du FSV ne
peut être mobilisée car une grande partie de ces excédents
prévisionnels sont destinés à d'autres fins.
a) Le financement des trente-cinq heures : du constat à l'évaluation
Les fortes critiques lancées par les rapporteurs de la commission des Affaires sociales du Sénat contre les " tuyauteries " de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 sont étayées par les constats de l'administration.
(1) Le constat
Dans une
note du 9 mai 2000, soit moins de deux mois après la
déclaration du Premier ministre, la Direction de la
Sécurité sociale constate :
" le résultat du
FSV dans les années à venir dépend largement de la part du
financement du FOREC mise à la charge du FSV
"
.
La Direction de la Prévision constate pour sa part dans une note en date
du 2 février 2001 que, parmi les incertitudes les plus importantes
pesant sur les sommes qui pourront être
in fine
accumulées
au sein du fonds de réserve, figure
" la captation des
excédents de la CNAV et du FSV à d'autres fins "
et
notamment
" le FOREC ".
La recommandation de sanctuarisation des excédents sociaux n'est pas
suivie. Les fonds devant servir à la sauvegarde des retraites par
répartition sont consommés pour financer la réduction du
temps de travail.
Le 21 mars 2000, le Premier ministre indiquait
33(
*
)
: "
Dans ma
déclaration de politique générale devant le Parlement, le
19 juin 1997, j'ai affirmé la volonté de défendre les
retraites des Français, et pour cela, de garantir les régimes par
répartition
".
Le détournement des fonds de la branche vieillesse constitue une
singulière façon de garantir les retraites par
répartition.
(2) L'évaluation
L'évaluation de ce détournement au profit des
trente-cinq heures doit être reconstituée.
•
Les indices donnés par l'administration
Le 21 janvier 2000, une note de la Direction de la Prévision indique
"
le FSV participe à hauteur de 5,5 milliards de francs
à la RTT en 2000 et sa contribution atteint 12 milliards de francs en
2002. A partir de cette date, il reverse en effet l'ensemble de ses droits
alcools. A l'horizon 2020, le FSV a donc contribué pour 244 milliards de
francs au financement de la RTT, montant cumulé hors
intérêt
".
Le transfert des droits sur les alcools est ainsi identifié comme une
perte de 244 milliards de francs à l'horizon 2020.
La même note ajoute
" dans l'hypothèse où la part
de RTT prise en charge par l'Etat reste stable sur toute la période, il
conviendra de trouver d'autres sources de financement pour un montant de
135 milliards de francs en 2020, montant cumulé hors
intérêt ".
Votre rapporteur interprète cette nouvelle constatation ainsi : si
la part des dépenses de trente-cinq heures prise en charge par le budget
de l'Etat n'augmente pas, la part du financement des trente-cinq heures prise
en charge par le FSV devra augmenter, creusant un nouveau manque à
percevoir pour le fonds de réserve de 135 milliards de francs en
2020.
Cette constatation, faite début 2000 par la Direction de la
Prévision, c'est-à-dire en amont des cadrages de la loi de
financement pour 2001, identifie une perte de 135 milliards de francs sur
dix-neuf ans (2001-2020).
La loi de financement pour 2001 va dans le sens de cette interprétation.
•
La participation du FSV au financement des 35 heures
L'énigme des 135 milliards de francs
Ayant identifié un nouveau besoin de financement pour les trente-cinq
heures, le Gouvernement procède à un montage financier permettant
de le combler.
Comme le démontre le schéma suivant et via la Caisse nationale
d'assurance maladie (CNAM), le Gouvernement transfère une part de CSG
affectée au FSV vers le FOREC.
Cette part de CSG (0,15 point, soit 7,5 milliards de francs en 2001),
compense le produit des droits tabacs (7,1 milliards de francs) que la
CNAM cède en même temps au financement des trente-cinq heures.
Source : commission des Affaires sociales
Or, sur
la période 2001-2020, le prélèvement de 7,1 milliards
de francs par an pendant 19 ans aboutit exactement à la somme de
135 milliards de francs, soit le besoin de financement identifié
par le ministère des Finances.
Il était certes difficile d'afficher politiquement, après le
détournement des droits alcools, une nouvelle ponction directe sur le
FSV. Ainsi, par l'entremise de la CNAM, branche structurellement
déficitaire et par là incapable d'une telle contribution sur ses
ressources, le FSV devait assurer à partir de 2001 une tranche
supplémentaire du financement des trente-cinq heures.
•
Cumul de prélèvement
Retracer l'ensemble des ponctions dues au financement des trente-cinq heures
suppose un calcul supplémentaire.
L'absence d'indication sur le dynamisme annuel du produit sur les alcools
oblige à retenir l'évaluation du ministère des Finances,
soit 244 milliards de francs sur la période 2000-2020.
En revanche, comme le confirme la ministre de l'Emploi et de la
Solidarité
34(
*
)
, la
CSG qui
" bénéficie de la croissance
économique "
est une ressource dynamique... La confiscation est
donc elle aussi dynamique !
Le FSV
35(
*
)
, s'appuyant sur
des hypothèses pourtant moins favorables que le Gouvernement, estime
à 2 % la croissance annuelle de la CSG qui lui est affectée,
sur la période 2001-2020.
Sous cette hypothèse, le prélèvement de 7 milliards
de francs doit croître de 2 % chaque année.
On peut donc estimer à 167 milliards et non à 135 milliards
de francs, sur la période 2001-2020, le montant de CSG retiré au
FSV et donc au fonds de réserve.
Prélèvement sur le FSV
au titre du
financement
des trente-cinq heures
en milliards de francs
Droits alcools |
- 244* |
Part de CSG |
- 167 |
Total |
- 411 |
Source : commission des Affaires
sociales
Source : * Direction de la Prévision
Les différentes estimations des excédents du FSV
Dans
deux notes différentes, les 14 et 21 janvier 2000, la direction de la
prévision évalue des excédents du FSV successivement
à 411 et 375 milliards de francs.
Votre rapporteur, pour sa part, a souhaité se rapprocher de
l'évaluation la plus crédible et la plus récente de
l'état des excédents du FSV.
En effet, le 14 décembre 2000, le FSV examinait des projections à
long terme du fonds de réserve.
Ces projections, établies par le fonds lui même, retenait les
hypothèses suivantes:
• un scénario comparable au scénario 2 du rapport Charpin
(taux de chômage ramené à 6 %)
• le périmètre du FSV était actualisé en
fonction de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2001 en instance de promulgation et inclut les transferts au profit
du FOREC, la reprise de la dette AGIRC ARRCO ainsi que la captation des
excédents de la CNAF
• Il n'inclut pas en revanche la ponction CSG en faveur de l'APA
annoncé qu'en mars 2001
Ainsi, en prenant en compte cette dernière ponction, les
excédents disponibles selon le FSV seraient évalué
aujourd'hui à 207 milliards de francs à l'horizon 2020.
Votre rapporteur a considéré que l'ensemble des excédents
du FSV sont affectés au fonds de réserve, ainsi que l'article
L-135-6 du code de la sécurité sociale en dispose, et comme le
laisse entendre la déclaration du Premier ministre.
En conséquence, et selon cette convention, le montant des
excédents prévisionnel du FSV serait composé des 400
milliards annoncés et minorés du produit anticipé de C3S
(90 milliards), soit 310 milliards de francs à l'horizon 2020.
C'est à cet excédent que votre rapporteur applique les
différentes mesures affectant le FSV (montant des
prélèvements partiellement annoncés par les CNAF).
Mais les ponctions sur les excédents du FSV ne s'arrêtent pas
à la seule question des trente-cinq heures.
b) L'allocation personnalisée à l'autonomie : une menace supplémentaire
Lors de
sa conférence de presse le 13 février 2001, la ministre de
l'Emploi et de la Solidarité a annoncé la mise en place d'une
allocation personnalisée à l'autonomie (APA) destinée
à se substituer à l'actuelle prestation spécifique
dépendance (PSD).
Le document remis à la presse le 13 février prévoit un
financement "
de 5 milliards de francs environ par l'affectation d'un
point de CSG actuellement affectée à la sécurité
sociale (FSV)
"
36(
*
)
.
Cette mesure nouvelle, dont le financement est dénoncé comme
" un détournement de l'objet social du FSV
37(
*
)
",
va ponctionner de
5 milliards de francs en 2002 les recettes du FSV.
Ce prélèvement de CSG au profit du nouveau fonds
" ad
hoc "
créé pour centraliser les ressources
destinées à financer l'APA, augmentera à un rythme de
2 % par an
38(
*
)
.
Par ailleurs, le Gouvernement reconnaît lui-même
39(
*
)
que
" le coût en
régime de croisière de la prestation devrait atteindre environ
23 milliards de francs ",
soit 4 à 5 milliards de plus que
ce que le schéma financier actuel prévoit.
Il ajoute qu'"
un bilan financier sera effectué fin 2003 pour
adapter, le cas échéant, les modalités de financement les
années suivantes en fonction de l'évolution des
dépenses
".
Comme la délégation CGT-FO le dénonce avec vigueur
"
les perspectives de financement au-delà de 2003 pourraient
rendre les régimes de retraite et le FSV premiers contributeurs du
financement de l'allocation.
"
40(
*
)
Etant donné les perspectives des régimes de retraite, en
réalité seul le FSV serait en mesure d'assumer le financement de
l'APA pour une nouvelle tranche de 5 milliards de francs.
Dans une note en date du 2 février 2001, la Direction de la
Prévision s'inquiétait de la propension du Gouvernement à
affecter la même ressource à plusieurs dépenses, en
constatant que les "
excédents prévisionnels du FSV et de
la C3S qui seront effectivement affectés au fonds de réserve
(...) semblent gagés en grande partie
".
Dans le dossier de presse précité, la ministre de l'Emploi et de
la Solidarité justifie sa ponction sur le FSV en ces termes :
"
L'affectation d'une partie des ressources du FSV au financement de
l'APA obéit à la prise en compte de l'évolution des
besoins sociaux : le FSV a été créé pour
assurer le financement des avantages de retraite relevant de la
solidarité. Ces derniers sont aujourd'hui peu dynamiques, du fait de
l'amélioration de la situation des personnes âgées. Ainsi,
chaque année, le niveau des allocataires du minimum vieillesse
diminue.
"
Cette justification est identique à l'argument avancé par la
ministre de l'Emploi et de la Solidarité
41(
*
)
, afin de rassurer sur la
capacité du FSV à enregistrer les excédents
nécessaires à l'alimentation du fonds de réserve.
" Les excédents du FSV, qui constituent la première
source de financement du fonds de réserve des retraites,
résultent des dynamiques structurellement différentes des
recettes (CSG pour l'essentiel, qui bénéficie de la croissance
économique) et des dépenses (notamment minimum vieillesse dont le
nombre d'allocataires diminue régulièrement) ".
Si le FSV est amené à dégager des excédents du fait
de la diminution du nombre des allocataires du minimum vieillesse
42(
*
)
, ces excédents ne sont
toutefois pas multipliables à l'infini, contrairement à ce que
suggère la rhétorique du ministère de l'Emploi et de la
Solidarité.
Le manque à gagner des intérêts financiers
Le 21
janvier 2000, une note de la direction de la Prévision indique que
"
le FSV participe à la hauteur de 5,5 milliards de francs
à la RTT en 2000 et sa contribution atteint 12 milliards de francs en
2002. A partir de cette date, il reverse en effet l'ensemble de ses droits
alcools. A l'horizon 2020, le FSV a donc contribué pour 244 milliards de
francs au financement de la RTT, montant cumulé hors
intérêt
".
S'agissant d'un fonds dont l'objet même est d'accumuler des produits
financiers pendant une période d'au moins vingt ans, votre rapporteur a
souhaité estimer le manque à gagner en de tels produits
financiers qu'entraîne la disparition des flux des ressources qui
auraient dû abonder le fonds.
Plusieurs méthodes sont techniquement possibles pour calculer ces
produits financiers sur la période 2000-2020.
Mais, afin d'éviter toute contestation, votre rapporteur retiendra ici
un calcul très simple qui s'appuie sur les projections du Gouvernement.
Dans son annonce du 21 mars 2000, le Premier ministre propose un plan de
financement fondé sur 670 milliards de francs qui doivent
générer eux même 330 milliards de produits financiers.
Selon cette hypothèse fondée sur un taux d'intérêt
de 4 %, les flux de ressources génèrent un montant de produits
financiers égal à la moitié de ces flux.
Ainsi, les sommes prélevées sur les excédents du fonds de
solidarité vieillesse destinés au fonds de réserve
auraient pu générer, sur le modèle du plan de financement
Gouvernemental, des montants de cet ordre :
en milliards de francs
Flux 2000-2020 Produits financiers 2020
Trente-cinq heures - 411 - 205
APA - 115 - 57
AGIRC-ARRCO - 14 - 7
TOTAL
-
540
-
269
L'ampleur des masses financières concernées soit, au total,
près de 800 milliards de francs, montre l'impact
considérable des décisions prises aujourd'hui par le
Gouvernement.
c) La dette de l'Etat à l'égard des régimes de retraite AGIRC-ARRRCO
Par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement entendait faire prendre en charge sa dette ancienne à l'égard des régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.
Le
règlement du contentieux des périodes Fonds national de l'emploi
(FNE)
entre les régimes de retraite complémentaire et
l'Etat.
Un
contentieux opposait depuis 1984 les régimes de retraite
complémentaire ARRCO et AGIRC à l'Etat au sujet du financement
des droits de retraite attribués par ces régimes, pour les
périodes pendant lesquelles les salariés sont indemnisés
au titre du Fonds national de l'emploi ou des autres allocations du
régime de solidarité.
L'Etat s'était engagé en 1984 à rembourser à ces
régimes la charge des allocations correspondant aux point
attribués selon ces modalités.
Si l'inscription des points au profit des préretraités a bien
été effectuée par les régimes, les factures
adressées à l'Etat à ce titre étaient
restées impayées.
Constatant l'absence de contribution de l'Etat, les partenaires sociaux avaient
décidé, pour faire pression, de subordonner l'attribution de
nouveaux droits à compter du 1
er
juillet 1996 à son
engagement explicite de les financer.
Depuis 1998, les rencontres s'étaient multipliées entre les
représentants des régimes et le cabinet de Martine Aubry. Le 23
mars 2000, une convention conclue entre l'Etat, d'une part, l'ARRCO et l'AGIRC,
d'autre part, précise les modalités de règlement du
contentieux.
Le remboursement au titre des cotisations antérieures se monte à
2,025 milliards de francs en faveur de l'AGIRC et 7,425 milliards de
francs en faveur de l'ARRCO. Par ailleurs, les pouvoirs publics prennent en
charge, à partir du 1
er
janvier 1999, 70 % des
cotisations aux régimes complémentaires relatives aux
périodes de préretraite ou de chômage, cotisations
calculées sur la base du salaire de la dernière année
d'activité.
La liquidation de la dette se fera sur plusieurs années, ce qui pose la
question de son impact sur le FSV.
Malgré l'opposition du Sénat, le Gouvernement a maintenu ce
montage qui soulage le budget de l'Etat mais qui alourdit les dépenses
du FSV
43(
*
)
.
Si le Conseil constitutionnel a censuré cet article du projet de loi de
financement, le Gouvernement l'a néanmoins réintroduit dans le
projet de loi de modernisation sociale
44(
*
)
.
En sus des difficultés comptables qu'il présente
45(
*
)
, l'adoption de ce dispositif
aboutirait à transférer une charge de 14 milliards de francs au
FSV sur la période, hors intérêts financiers (20 milliards
de francs intérêts financiers compris).
Les
conséquences comptables de la prise en charge de la dette
AGIRC-ARRCO par le FSV
Par une
lettre en date du 30 novembre 2000, le directeur du FSV alertait le
ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur les
conséquences comptables de cette mise à la charge du fonds de la
dette contractée par l'Etat envers les régimes AGIRC-ARRCO.
" J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur les conséquences
comptables de la prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse
des validations, pour la retraite complémentaire, des périodes de
chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat.
" L'article 22 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 prévoit en effet que le FSV
finance, dans des conditions prévues par la convention du 23 mars 2000
entre l'Etat, d'une part, l'AGIRC et l'ARRCO, d'autre part :
" - les cotisations dues à compter du 1
er
janvier
1999 au titre des périodes de perception de l'ASS, des PRP et des
ASFNE ; la charge annuelle correspondante peut être estimée
à 2,2 milliards de francs ;
" - le remboursement des sommes dues antérieurement au
1
er
janvier 1999, pour la validation des périodes de
perception de ces allocations ; le montant total de la dette est
fixé, dans la convention du 23 mars 2000 précitée,
à 9.450 millions de francs en 2000.
" En application de la convention conclue avec l'Etat, les régimes
complémentaires ont procédé, dans leurs comptes de
l'année 1999, à l'inscription au bilan de la créance au
titre des exercices antérieurs à 1999 et ont
intégré, dans leur compte de résultat 1999, les
cotisations à recevoir au titre des périodes indemnisées
au cours de cet exercice.
" Ainsi, au titre de chaque exercice postérieur à 1999, les
régimes complémentaires seront amenés à constater
dans leur compte de résultat un produit correspondant aux cotisations
dues par le FSV au titre des périodes indemnisées au cours de
l'exercice considéré.
" En conséquence, la constatation des créances des
régimes complémentaires de retraite dans les comptes du FSV,
selon des écritures " miroirs " à celles de l'AGIRC et
de l'ARRCO, devrait amener notre établissement à constater, au
titre de l'exercice 2000, une charge estimée à
13,3 milliards de francs.
" Ce montant correspond, d'une part, à la dette au titre des
exercices antérieurs à 1999, soit 9,45 milliards de francs,
minorée du versement de l'Etat de 0,65 milliard de francs intervenu
à l'été 2000, et, d'autre part, aux cotisations dues par
le FSV au titre des périodes indemnisées en 1999 et 2000, soit
environ 4,5 milliards de francs.
" Pour les exercices postérieurs à l'année 2000, le
FSV constaterait chaque année une charge correspondant aux validations
des périodes d'ASS et de préretraite indemnisées au cours
de l'exercice, selon des modalités similaires à celles d'ores et
déjà appliquées pour la retraite de base.
" La constatation de ces dettes conduirait néanmoins à
rendre négatifs les capitaux propres de la section de solidarité
du FSV dès l'exercice 2000. En effet, les fonds propres de
l'établissement s'élèvent, à fin 1999, à
8.637 millions de francs. Ils s'établiraient autour de
- 4,3 milliards de francs à fin 2000 et de
- 6 milliards de francs à fin 2001.
" L'obligation d'équilibre financier prévue à
l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale ne serait plus
remplie.
"
Dans ce contexte, toute dotation de la section des opérations
de solidarité du FSV au fonds de réserve devrait être
écartée, dans l'attente de la reconstitution des capitaux propres
de cette section.
" Dans la perspective du prochain conseil d'administration du FSV, qui
devrait se tenir le 14 décembre 2000, je vous serais très
obligé de me faire savoir si vous partagez cette analyse et, le cas
échéant, vos précisions sur la traduction comptable des
engagements pris par le FSV au titre de l'article 22 du PLFSS pour 2000.
" En effet, si cette interprétation des textes en vigueur se
confirme, et en accord avec le président du conseil d'administration du
fonds, je serais contraint de proposer au conseil d'administration de constater
l'intégralité des créances des régimes
complémentaires vis-à-vis du FSV.
" Sur les deux exercices 2000 et 2001, les créances des
régimes complémentaires atteignent 15 milliards de
francs.
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour sa part estime
que l'article qui transfère à la charge du fonds cette dette, se
contente de fixer un échéancier et, seules doivent être
prises en compte, à ce titre, les sommes qui seront effectivement
déboursées dans l'année.
La règle des droits constatés suppose que, soient imputées
sur l'année " n " les charges dont la contrepartie est
certaine, même si le décaissement intervient lors d'exercices
ultérieurs.
La position du ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'est en
conséquence pas tenable.
Les charges dues par l'Etat au titre des années antérieures
à 1999 sont réelles et constatées. Comme le rappelle le
directeur du FSV, les organismes AGIRC-ARRCO ont déjà inclus dans
leurs comptes ces créances. Il n'y a donc pas de raison de
prévoir un dispositif spécial aboutissant à introduire,
dans des comptes en droits constatés, des éléments
évalués selon le principe encaissement/décaissement, au
rythme fixé par la convention.
Alors que l'article L. 135-3-4 CSS dispose que les recettes et les
dépenses du fonds sont équilibrées, une telle
interprétation a pour objet de contourner l'obligation
d'équilibre du FSV et pour conséquence d'introduire un
sérieux problème d'insincérité budgétaire.
Le fonds de réserve fait bien évidemment les frais de cette
manipulation comptable comme l'indique le directeur.
3. Les excédents de la CNAF déjà annexés
Par les
transfert évoqués précédemment (financement des
trente-cinq heures et prise en charge de la dette de l'Etat AGIRC-ARRCO),
le
Gouvernement a dégradé les comptes du FSV de plus de 540
milliards sur la période 2000-2020.
Les comptes de ce dernier ne disposent d'ailleurs pas d'une telle somme puisque
les excédents qu'ils étaient susceptibles de réaliser
entre 2000 et 2020 étaient initialement estimés à un peu
plus de 300 milliards de francs.
a) Une double ponction
Aussi, le Gouvernement a-t-il entrepris, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, d'annexer au FSV les excédents de la branche famille selon deux mécanismes : transfert des charges et prélèvement sur recettes.
(1) 375 milliards de francs prélevés par l'affectation à la CNAF d'une charge indue
L'article 22 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 2001 modifie tout d'abord le périmètre des
interventions du FSV en confiant à la branche famille l'une des missions
essentielles de ce fonds : la prise en charge des majorations de pension
de retraite pour les assurés ayant élevé des
enfants
46(
*
)
.
Cette charge de 17 milliards de francs en 2000, dépassant à
terme les 20 milliards de francs par an, sera progressivement
transférée à la CNAF, par tranche annuelle de 15 %,
et allégera ainsi les comptes du FSV au détriment de la branche
famille de 375 milliards de francs sur la période 2001-2020.
(2) 40 milliards de francs cédés par la CNAF au titre d'une perte de recettes
Malgré les premiers prélèvements
réalisés à son profit sur la branche famille,
l'équilibre des comptes du FSV à terme n'était pas
rétabli.
Par cette même loi de financement, les 13 % du produit de la taxe de
2 % sur les revenus du capital que cette branche détenait encore
sont transférés au FSV.
Un rapide calcul permet de déterminer l'étendue de la perte pour
cette branche à l'horizon 2020.
Dans les projections sur lesquelles s'appuie le Premier ministre, la taxe de
2 % sur les revenus du capital est attribuée pour 50 % au
fonds de réserve des retraites, pour lequel ces 50 % doivent
générer un montant de 150 milliards de francs sur la
période 2000-2020.
Ainsi, en reprenant les hypothèses du Premier ministre, 13 % de
cette même taxe renfloueront le FSV de 39 milliards de francs sur la
même période au détriment, encore une fois, de la branche
famille.
Produit de 2 % sur les revenus du capital 2001-2020
en milliards de francs
|
Taux |
Total cumulé |
Part affectée au fonds de réserve par le Premier ministre |
50 % |
150 |
Part retirée à la CNAF pour équilibrer le FSV |
13 % |
39 |
Source : commission des Affaires sociales
Cette
double ponction opérée par la branche famille apparaît
totalement déraisonnable, notamment si on la compare aux
prévisions d'excédents de cette branche.
En effet, selon une note de la Direction de la Prévision en date du
21 janvier 2000, elle estime ces excédents, sous l'hypothèse
d'une croissance des prestations familiales calée sur le PIB, à
162 milliards de francs en cumulé en 2020.
Ce qui voudrait dire que les dépenses nouvelles mises à la charge
de la branche famille et les prélèvements opérés
sur ses recettes conduiraient à mettre cette branche en déficit.
Or chacun se souviendra que les difficultés financières de la
branche, il y a moins de quatre ans, avaient conduit le Gouvernement à
remettre en cause l'universalité des prestations familiales.
Le rapport annexé à l'article premier de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1998
47(
*
)
indiquait ainsi "
le
Gouvernement souhaite
mettre davantage de justice dans les transferts
financiers vers les familles, avec le souci d'une appréhension globale
de la politique familiale et la volonté de restaurer l'équilibre
financier, gravement compromis aujourd'hui, de la branche famille
".
Aussi, les ponctions opérées par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 non seulement privent la branche
famille des moyens d'une politique ambitieuse -faut-il rappeler que les enfants
nés aujourd'hui seront les cotisants de 2020-2040, période du
choc démographique annoncée ?- mais encore risquent de
servir de prétexte à des remises en cause fondamentales au titre
de la restauration des équilibres " gravement compromis ".
b) Un apport pourtant insuffisant
L'évolution du périmètre du FSV en loi de financement de la sécurité sociale laissait à ce fonds un léger déficit, de 10 milliards de francs.
Transfert et compensation sur le FSV
en loi de
financement de
la sécurité sociale pour 2001
en milliards de francs
Trente-cinq heures |
411 |
Transfert à la CNAF de la charge des majorations de pensions |
375 |
Dette AGIRC ARRCO |
14 |
Part du produit de 2 % sur les revenus du capital précédemment affectée à la CNAV |
40 |
Etat des prélèvements programmés fin 2000 |
425 |
Etat des compensations programmées fin 2000 |
415 |
Source : commission des Affaires sociales
Mais, ces transferts ne comprennent pas la partie de CSG cédée par le FSV au profit du nouveau fonds devant financer l'APA, telle qu'annoncée en mars 2001, et qui représente, sur la période 2001-2020, 115 milliards de francs. 48( * )
Transfert et compensation en mars 2001
Trente-cinq heures |
411 |
Transfert majorations de pensions |
375 |
Dette AGIRC-ARRCO |
14 |
Part produit 2 % |
40 |
APA |
115 |
|
|
Total prélèvement |
540 |
Total compensation |
415 |
Source : commission des Affaires sociales
Le
FSV : pierre angulaire du financement ou plaque tournante des
prélèvements ?
Source : commission des Affaires sociales
C'est donc désormais une illusion de prétendre que les excédents du FSV financent le fonds de réserve. Ces excédents (310 milliards de francs) ont été préemptés, et au-delà pour financer les trente-cinq heures.
Prélèvements et compensations : le fonds
de
réserve est perdant
(cumulé 2020)
Montants en milliards de francs
Source : commission des Affaires sociales
Ces
excédents de la branche famille mobilisés (415 milliards de
francs) qui transitent désormais par le FSV :
- complètent ainsi le financement des trente-cinq heures
(100 milliards de francs) ;
- financent l'APA et la dette AGIRC-ARRCO (130 millions de
francs) ;
- et pour le solde contribuent au fonds de réserve sous la rubrique
" excédent du FSV ".
Ou encore, sur une masse d'excédents de 725 milliards de francs,
constitués majoritairement par les excédents de la CNAF
intégrés au FSV, 185 milliards de francs, soit environ le
quart, aboutissent en définitive au fonds de réserve pour les
retraites.
Les pertes en ligne dans l'usine à gaz sont si élevées
qu'à l'évidence la finalité première de cette
tuyauterie ne peut être d'abonder le fonds de réserve.
C. LES EXCÉDENTS DE LA CNAVTS ENTAMÉS
Dans le
plan de financement annoncé par le Premier ministre le 21 mars
2000, les excédents du régime général d'assurance
vieillesse (CNAV) tiennent également une place significative.
Ce plan prévoit en effet que d'ici 2020, la CNAV doit verser
100 milliards de francs d'excédents au fonds de réserve.
Ce montant correspond à 15 % des ressources du fonds (hors produits
financiers).
En effet, la CNAV sera en déficit d'ici 2009. Les 100 milliards de
francs auront donc été versés avant cette date.
Concentrés sur le début de la période, ces versements
doivent générer des produits financiers substantiels à
l'horizon 2020.
1. Des évaluations divergentes, dont la plus optimiste est majorée par le Gouvernement
L'ensemble des administrations ne s'accordent pas sur le montant des excédents que la CNAVTS est susceptible de fournir au fonds de réserve.
a) Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité : 30 milliards de francs sous l'hypothèse d'un chômage à 6 %
Le
ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'a
réalisé aucune projection sur la base d'un taux de chômage
ramené à 4,5 %, dont, pourtant, la
" crédibilité " est affirmée par Mme Elisabeth
Guigou
49(
*
)
.
Selon une note de la Direction de la Sécurité sociale en date du
19 novembre 1999, sous la perspective d'un taux de chômage de
6 % et d'une stricte indexation sur les prix des pensions de retraite, la
CNAV ne serait susceptible de verser au fonds que 26,5 milliards de francs.
Cette évaluation est proche de celle examinée par le
FSV
50(
*
)
le
14 décembre 2000, qui évalue à 30 milliards les
excédents de la CNAV mobilisables pour le fonds de réserve
à l'horizon 2020.
b) Le ministère des Finances : 85 milliards de francs sous l'hypothèse d'un chômage à 4,5 %
Le
ministère des Finances a réalisé quant à lui une
évaluation des excédents mobilisables de la CNAV sur le fondement
du scénario gouvernemental d'un retour à un taux de chômage
de 4,5 %.
Dans cette perspective, la Direction de la Prévision en janvier 2000
estime que 85 milliards de francs pourraient être
transférés de la CNAV au fonds de réserve sur la
période 2000-2020.
Cette hypothèse très favorable suppose un versement de
6,4 milliards de francs au titre de l'exercice 2001, 13,6 milliards
pour 2002 puis des montants de l'ordre de 14 milliards de francs
(15,6 milliards en 2004) annuels jusqu'en 2008.
c) L'hypothèse favorable est " majorée " par le Premier ministre
Le
Premier ministre a majoré de 15 milliards de francs la projection du
ministère des Finances (100 milliards de francs au lieu de
85 milliards de francs).
Le souci d'afficher un " chiffre rond ", de 100 milliards de
francs et au total de 1.000 milliards de francs, afin de rendre les objectifs
du fonds plus lisibles aux yeux des Français, explique probablement ce
" coup de pouce ".
2. Des évaluations immédiatement démenties par une indexation des pensions supérieure aux prix
Force
est de constater que la réalisation de projection sur la base d'une
stricte indexation des pensions sur les prix, démentie dans
l'année, n'est pas crédible.
Six mois après avoir établi ces prévisions, le
Gouvernement s'en écarte par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 au titre de la participation des
retraites aux fruits de la croissance.
Dans une note du 2 février 2001, la Direction de la
Prévision constate qu'une "
différence notable
réside dans le montant des excédents de la CNAV versés au
fonds de réserve
".
Cette note ajoute par ailleurs que ces excédents seraient moindres
"
sur toute la période 2001-2004 d'environ 20 milliards de
francs en cumulé
" et impute ce déficit
"
à des revalorisations récentes des pensions
supérieures à celles qui auraient été retenues dans
les projections sous-jacentes aux annonces du Premier ministre
".
Le constat de la Direction de la Prévision dans la note
précitée du 2 février 2001 est sans appel :
"
si les pensions évoluent plus vite que les prix, le montant
des " excédents " attribuables au fonds de réserve
diminuera de manière conséquente
".
D. LES RESSOURCES ALTERNATIVES INCERTAINES
La
réflexion conduite par les administrations sur les moyens mobilisables
susceptibles d'assurer, partiellement, demain, le comblement des
déficits des régimes de retraite a dépassé le
périmètre des ressources destinées à l'assurance
vieillesse (FSV, CNAV).
Cet exercice d'identification mené par l'Administration elle-même
avait pour vocation initiale la constitution d'un fonds de réserve
beaucoup plus conséquent et mobilisant l'ensemble des excédents
de la sécurité sociale.
Cette initiative a fait long feu : le ministère de l'Emploi et de
la Solidarité s'est opposé à une telle perspective.
Or, deux ans après l'établissement de cette liste, l'essentiel de
ces ressources alternatives n'est plus mobilisable.
1. Les incertitudes du produit de la cession des licences UMTS
a) Un manque de prudence évident
Pour avoir voulu régler le problème des retraites sans effort, le Gouvernement a commis des erreurs qui auraient pourtant pu être évitées.
(1) Histoire d'une bulle ordinaire
Le 11
mai 2000, M. Jean-Michel Hubert, président de l'Autorité de
régulation des télécommunications
51(
*
)
, déclarait :
"
Le 7 mars 2000, nous avons transmis notre proposition au Gouvernement
en vue de sélectionner les quatre opérateurs de
télécoms mobiles de
3
ème
génération. Ce texte comportait le
texte de l'appel à candidatures, fondé sur une méthode de
soumission comparative.
" Il devrait être publié par le Gouvernement, mais le
résultat des enchères britanniques et les perspectives
d'enchères allemandes l'ont conduit à s'interroger sur
l'équilibre financier de ces attributions
".
Cette proposition, transmise par l'ART au ministre de l'Economie et des
Finances
52(
*
)
,
prévoyait une sélection fondée sur " la soumission
comparative ", c'est-à-dire prenant en compte des critères
en termes d'aménagement du territoire et de service public, cette
procédure devant rapporter sur quinze ans une somme de 9 milliards
de francs.
Cette procédure, ainsi que l'a indiqué M. Hubert, ne satisfait
pas le nouveau ministre de l'Economie et des Finances, M. Laurent Fabius, la
procédure des enchères ayant notamment permis au Gouvernement
britannique de récolter des montants bien supérieurs.
Le Gouvernement français cherche alors à concilier ses objectifs
de service public et ses intérêts financiers, en augmentant le
prix global des licences de 9 à 130 milliards de francs, sans pour
autant modifier les obligations dont est assortie la délivrance de ces
autorisations d'exploitation.
Comparaison des obligations assorties à l'attribution de licences
|
Royaume-Uni |
France |
Mode d'attribution |
Enchères |
Soumission comparative |
Durée d'attribution |
20 ans |
15 ans |
Cessibles durant la période |
oui |
non |
Obligation de couverture du territoire |
faibles |
importantes |
Source : commission des Affaires sociales
Cette modification acquise, le prix des licences en France figure parmi les
plus élevés des Etats ayant choisi de sélectionner leurs
candidats par soumission comparative. A titre d'exemple, l'Espagne ne
réclamait que 846 millions de francs par licence. L'Italie qui a
procédé à une double sélection
53(
*
)
a fixé un prix de
15,8 milliards de francs par licences, soit moitié moins que la
France.
Les licences UMTS en Europe : état des lieux
montants en millions de francs
|
Procédure |
Nombre de licences |
Montant global |
Prix par licence |
Date |
Allemagne |
enchères |
6 |
332.000 |
55.000 |
août-00 |
Autriche |
enchères |
6 |
5.450 |
908 |
nov-00 |
Espagne |
soumission comparative |
4 |
3.380 |
846 |
mars-00 |
Finlande |
soumission comparative |
4 |
0 |
0 |
mars-99 |
France |
soumission comparative |
4 |
130.000 |
32.500 |
juin-00 |
Italie |
à deux tours |
5 |
79.250 |
15.850 |
oct-00 |
Norvège |
soumission comparative |
4 |
655 |
163,75 |
nov-00 |
Pays-Bas |
enchères |
5 |
17.550 |
3.510 |
juil-00 |
Portugal |
soumission comparative |
4 |
2.620 |
655 |
déc-00 |
Royaume Uni |
enchères |
5 |
252.175 |
50.400 |
avr-00 |
Suède |
soumission comparative |
4 |
0 |
0 |
janv-01 |
Suisse |
enchères |
4 |
884 |
221 |
déc-00 |
Source : commission des Affaires sociales
Or, au moment où l'ART remet sa proposition au Gouvernement, le
7 mars 2000, la capitalisation boursière des trois
opérateurs de téléphonie mobile
54(
*
)
, candidats à
l'attribution d'une licence, atteint un niveau record.
Dans les trois mois qui séparent la remise de cette proposition des
annonces du ministre de l'Economie et des Finances devant l'Assemblée
nationale le 6 juin 2000, la capitalisation de ces entreprises a fondu de
moitié.
Evolution du cours de l'action des trois entreprises de
téléphonie mobile candidates à l'attribution d'une licence
Source : commission des Affaires sociales
Cette forte symétrie à la hausse, puis à la baisse, n'a pas inquiété le Gouvernement sur les difficultés pour ces opérateurs, en cas de retournement des marchés boursiers, à financer l'acquisition de licences à un prix que le Président directeur général de l'une de ces sociétés 55( * ) qualifie de " très élevé ".
(2) Une affectation précipitée
Le
Gouvernement n'a pas souhaité attendre la remise des dossiers de
candidatures auprès de l'ART pour annoncer l'affectation des produits
d'éventuelles attributions.
Dès le 6 juin 2000, le ministre de l'Economie et des Finances
dévoilait devant l'Assemblée nationale l'usage devant être
fait de ces ressources budgétaires exceptionnelles. Il est vrai que
cette déclaration répondait à un impérieux besoin
d'annonces à destination des marchés financiers
56(
*
)
.
Alors même que les dossiers n'étaient toujours pas
déposés, le Gouvernement a concrétisé ces annonces
dans les lois de financement de la sécurité sociale et dans la
loi de finances pour 2001.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
prévoit qu'en 2001, le fonds de réserve recevra
18,5 milliards de francs au titre des produits UMTS.
Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur
57(
*
)
, la ministre de l'Emploi et de
la Solidarité confirme que, sur la base de la souscription de quatre
opérateurs, les affectations au fonds de réserve de produits UMTS
devaient être de 18,5 milliards de francs en 2001 et de
18,5 milliards de francs en 2002.
L'article 36 de la loi de finances pour 2001 fixe la règle de
répartition du produit de ces licences mais en instaurant un
mécanisme de préemption en faveur de la dette.
(3) Une répartition complexe au détriment des retraites
La loi
de finances dispose en effet qu'en 2001 et 2002, 14 milliards de francs
seront attribués à la Caisse d'amortissement de la dette publique
(CADEP). Le reliquat du produit des licences sera versé au fonds de
réserve.
Or, si avec la cession de quatre licences, le montant des produits
s'élevait en 2001 et 2002 à 32,5 milliards de francs par an,
avec seulement deux licences attribuées, le produit passe de
32,5 milliards de francs à 16,25 milliards de francs en 2001
et en 2002.
Si, dans le cas d'une distribution de quatre licences, le reliquat
affecté au fonds de réserve s'élevait bien à
18,5 milliards de francs (32,5 - 14) dès lors que seules deux
licences sont acquises par des opérateurs, le montant versé au
fonds de réserve tombe de 18,5 à 2,25 milliards de francs
(16,25 - 14).
Au total, le fonds de réserve devait bénéficier en
2001et 2002 de 57 % du produit des licences UMTS. Cette part tombe
désormais à moins 14 %.
A contrario
, la part
affectée à l'amortissement de la dette de l'Etat, initialement de
43 %, est multipliée par deux.
Or, le fonds de réserve a besoin de ces fonds pour tenir son plan de
financement, d'autant plus que des sommes importantes versées en tout
début de période génèrent d'importants produits
financiers. Se trouve posée légitimement la question d'une
modification des règles posées par la loi de finances pour
2001.
(4) La réponse du Gouvernement : une forme d'autisme
Interrogé le 2 février 2001
58(
*
)
sur la perspective d'une
modification de la loi de finances pour 2001 permettant qu'un montant garanti
du produit de ces licences soit affecté au fonds de réserve, le
Gouvernement, par l'intermédiaire du ministre
délégué à la Ville, a tenu la réponse
suivante :
"
M. Alain Vasselle (...)
Or, nous savons bien que, du fait
du désengagement d'un certain nombre de partenaires, le produit des
licences ne sera pas au rendez-vous.
" Ma question est la suivante : Monsieur le ministre, le Gouvernement
compte-t-il modifier la loi de finances pour rétablir l'équilibre
initial entre l'amortissement de la dette publique et l'abondement du fonds de
réserve ?
"
M. Claude Bartolone, ministre délégué
à la ville
. Monsieur le sénateur, vous interrogez le
Gouvernement sur les régimes de retraite.
Puisqu'il s'agit de
questions d'actualité, je vais essayer de répondre à
l'actualité
.
" La première priorité du Gouvernement est de
préserver l'avenir des régimes de retraite par
répartition. Nos concitoyens y sont attachés et ces
régimes ont assuré, depuis cinquante ans, la
sécurité des retraites après une vie de travail.
" Les résultats obtenus par le Gouvernement ont permis
d'améliorer la situation et de nous donner du temps pour négocier
avec les partenaires sociaux afin d'éviter les problèmes que vous
avez pu connaître en soutenant le gouvernement Juppé qui, en
mettant des millions de salariés dans la rue, a retardé toute
évolution de ce dossier.
"
Mais nous nous préoccupons aujourd'hui exclusivement, puisque
nous parlons d'actualité, des retraites complémentaires et non
bien entendu des régimes de base. Il faut être bien clair sur ce
point
.
" Il n'y a pas non plus d'inquiétude à avoir sur la
pérennité de la liquidation des retraites complémentaires
de ceux qui sont déjà à la retraite ou qui y parviendront
d'ici au 31 mars 2001. Ces pensions ne subiront aucune modification, elles
continueront d'être versées comme elles le sont aujourd'hui.
" En revanche, puisque vous me posez cette question, ce qui est en cause,
c'est le niveau des retraites complémentaires de ceux qui partiront
après le 31 mars prochain avant soixante-cinq ans, et le maintien
ou non des prestations que prélève actuellement l'UNEDIC pour le
compte de ce qu'on appelle l'association pour la structure financière,
l'ASF.
" Sur ces deux questions, je ne peux que constater la compétence
première des partenaires sociaux, qui disposent d'une large autonomie
conventionnelle dans ce domaine. Je note que les négociations n'ont pas
abouti à ce jour et que
le MEDEF semble en porter la
responsabilité. Je pense que c'était à lui, dans un
premier temps, compte tenu de l'urgence, que vous auriez dû poser votre
question
! "
Votre rapporteur s'interroge encore sur les raisons pour lesquelles il aurait
dû, selon M. Claude Bartolone, consulter le MEDEF sur l'adaptation
en loi de finances de la clef de répartition des produits des licences
UMTS entre le fonds de réserve des retraites et l'amortissement de la
dette publique. Il observe en outre qu'il n'appartient pas au Gouvernement de
déterminer, lorsqu'il répond au Parlement, ce qui
relèverait ou non de l'" actualité ".
Prenant acte de la réponse manifestement " hors sujet " du
Gouvernement, votre rapporteur a tenté sa chance une seconde fois dans
les mêmes termes
59(
*
)
.
La réponse de Mme Ségolène Royal, ministre
délégué à la Famille à l'Enfance et aux
Personnes handicapées, pour être différente de la
digression de son collègue chargé de la Ville, ne répond
pas davantage à la question :
"
M. Alain Vasselle (...)
Ma question, Madame la ministre, sera
celle que j'avais posée en février dernier à M. Bartolone
et à laquelle il n'a pas daigné répondre :
entendez-vous demander la modification de la loi de finances pour 2001, afin de
prendre en compte ce nouveau manque à gagner ?
"
Mme Royal, ministre déléguée à la
famille et à l'enfance
. Je vous présente les excuses de Mme
Guigou, retenue au Parlement européen.
"
Vous faites état d'un rapport qui n'a pas encore
été communiqué au Gouvernement, ce qui ne me facilite pas
la tâche de vous répondre
. Je le regrette mais ne doute pas un
instant que vous aurez la courtoisie de le transmettre au Gouvernement dans les
jours qui viennent (...)
" Quant aux engagements pris en mars dernier par le Premier ministre, ils
seront tenus : le fonds de réserve sera doté de
65 milliards avant la fin de 2002 et l'abandon de la vente des licences
UMTS ne remet pas en cause ses ressources.
" Enfin, le Gouvernement s'est engagé à présenter un
texte législatif faisant du fonds de réserve pour les retraites
un organisme autonome où les partenaires auront toute leur place et
où, en conséquence, régnera toute la transparence
requise. "
Votre rapporteur n'entendait certainement pas contrevenir à la
courtoisie en interrogeant le Gouvernement sur un rapport non publié et
non encore soumis à la commission des Affaires sociales.
Il n'avait pas davantage considéré qu'un double de ses
correspondances avec Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil
d'orientation des retraites, -car tel est le document auquel se
réfère en réalité la ministre- devait être
systématiquement adressé au Gouvernement. Ce dernier, au
demeurant, est fort bien représenté au sein du COR (quatre
représentants de l'Etat y siègent).
La question de votre rapporteur avait un objet précis et était
identique à celle qu'il avait posée deux mois auparavant, soit
bien avant la mission de contrôle sur le fonds de réserve et
a
fortiori
le courrier adressé au COR le 22 mars 2001.
Aussi, la " tâche de lui répondre " ne semblait pas
hors de portée de Mme Ségolène Royal.
b) Un discours ambigu :sur la prise en compte des licences UMTS
(1) le produit des licences compris dans les 1.000 milliards du fonds
Lors de
sa présentation du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, la ministre de l'Emploi et de la
Solidarité
60(
*
)
déclarait :
"
Le fonds de réserve, créé en 1998, s'est vu
affecter des ressources nouvelles dès 1999 avec les excédents de
la CNAV et du fonds de solidarité vieillesse, la moitié du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, les
contributions des caisses d'épargne et de la Caisse des
dépôts et consignations
auxquels s'ajoute la majeure partie des
produits de la vente des licences de téléphonie mobile de
troisième génération
(...). Le fonds de réserve
disposera ainsi de 50 milliards de francs à la fin de
l'année prochaine. Les ressources du fonds s'accroissent donc
conformément aux engagements pris par le Gouvernement. Avec les sources
de financement actuelles, le fonds de réserve devrait disposer de 1.000
milliards de francs en 2020 dont 300 milliards d'intérêts
financiers
".
Cette déclaration inclut le produit de la cession des UMTS dans les
ressources du fonds de réserve, sans pour autant majorer le montant
final dont le fonds sera doté en 2020, c'est-à-dire 1.000
milliards de francs.
Comment pourrait-il en être autrement quand l'attribution de ces licences
vient compenser les retards importants pris dans l'abondement du fonds de
réserve, du fait des ponctions réalisées sur les
ressources énumérées par le Premier ministre le 21 mars
2000 ?
Ainsi, le fonds devait rassembler entre 30 et 35 milliards de francs par an
pour atteindre ces 1.000 milliards, comme l'a rappelé le Conseil
d'orientation des retraites
61(
*
)
.
Or, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 fixe,
en prévision, le niveau du fonds de réserve.
Impact
de l'UMTS sur les ressources
du fonds de réserve en
2001
(prévision initiale)
en milliards de francs
|
Hors UMTS |
Avec UMTS |
Flux en 2001 |
13,2 |
31,7 |
Solde fin 2001 |
36,5 |
55 |
Source : commission des Affaires sociales
Ainsi, hors licences UMTS, la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 ne prévoit qu'un abondement de 13 milliards de francs,
soit presque trois fois moins que le montant nécessaire.
Ce n'est que par l'intermédiaire du produit de ces licences qu'une somme
de 31 milliards de francs pouvait effectivement être
mobilisée.
Le produit de ces licences, s'il n'avait pas été inclus
initialement parce que le 21 mars 2000 le Premier ministre ignorait le montant
qu'il pouvait en espérer, fait partie intégrale du plan de
financement, dès la loi de financement de la sécurité
sociale, avec pour mission d'en colmater les brèches.
(2) Les licences UMTS ne sont plus comprises dans les 1.000 milliards de francs
Le
Gouvernement, devant le constat des pertes de recettes causées par le
retrait de deux candidats, semble modifier la position retenue lors du
débat sur la loi de financement, par la ministre de l'Emploi et de la
Solidarité.
En effet, le 26 mars 2001
62(
*
)
, celle-ci confirmait que les
licences UMTS n'étaient pas comprises dans le plan de
1.000 milliards de francs en ces termes "
le fait que seulement
deux licences UMTS puissent être attribuées en 2001 ne compromet
nullement l'objectif : les financements prévus pour atteindre
l'objectif annoncé en mars 2000 par le Premier ministre ne comprenaient
pas le produit de la vente des licences UMTS. Ces recettes viendront donc en
surplus
".
Il n'avait pourtant jamais été question de surplus lors de son
discours devant le Sénat ; mais comme le suggère l'heureuse
formule de Georges Orwell
63(
*
)
"
On ne sait jamais de
quoi hier sera fait !
".
Cette gestion du produit des licences UMTS est à l'image de l'ensemble
du fonds de réserve.
Les Français ne doivent pas se préoccuper des
" moyens " car la " fin " est garantie par le Premier
ministre : le fonds de réserve aura ses
1.000 milliards
64(
*
)
de francs.
c) Chiffrage de la perte de recettes
Dans une
note en date du 2 février 2001, la Direction de la Prévision
chiffre la perte de recettes : "
L'affectation prévue du
produit de la cession de quatre licences de téléphonie mobile de
troisième génération (UMTS) aurait augmenté le
montant des fonds accumulés dans le FRR d'environ 160 milliards
de francs en 2020.
" Toute licence non attribuée entraînerait une baisse des
sommes accumulées dans le fonds en 2020 d'environ 55 milliards de
francs
".
La perte de recettes, du double fait du retrait de deux candidats
présumés et du mécanisme de préemption
instauré par la loi de finances en faveur de la Caisse d'amortissement
de la dette publique (CADEP), se concrétise par un abondement au fonds
de réserve, et en l'état de la procédure, à
2,248 milliards
65(
*
)
de francs pour chacune des années 2001 et 2002 au lieu des deux fois
18,5 milliards de francs attendus.
2. Les ressources des privatisations non mobilisables
a) Une possibilité sous réserve des objectifs de la stratégie industrielle du Gouvernement
Dans sa
déclaration du 21 mars 2000, le Premier ministre avait ouvert une
perspective : "
Le principe d'une alimentation du fonds de
réserve par des ressources tirées de la gestion du patrimoine
industriel et financier de l'Etat mérite d'être soigneusement
étudié. Les actifs publics sont bien sûr le patrimoine de
la Nation tout entière.
"
Toutefois, ce Gouvernement a toujours privilégié une
stratégie de développement industriel visant à renforcer
les entreprises publiques dans la compétition mondiale. C'est d'ailleurs
ce qui a permis à ce patrimoine d'acquérir une valeur importante.
Il faut donc s'assurer que ces entreprises puissent continuer à
bénéficier des capitaux nécessaires à leur
développement.
"
C'est pourquoi nous devons concilier nos exigences de
stratégie industrielle avec la possibilité de contribuer à
long terme à la solution du problème des retraites.
"
Dès cette date, le Premier ministre avait évoqué la
possibilité de compléter le fonds de réserve avec des
ressources issues des dividendes de ces entreprises.
Cette possibilité a été très tôt
évoquée par les administrations, mais présente selon elles
des difficultés très importantes.
b) Une disponibilité entravée par un triple obstacle
(1) Un besoin structurel de financement du secteur public
Ce point
est soulevé par les trois directions du ministère de l'Economie
et des Finances, dans une note commune du 10 mai 2000.
"
Pour dégager des disponibilités financières
permettant d'affecter le produit de privatisations au fonds de réserve
pour les retraites, il faudrait à la fois décider de nouvelles
cessions d'entreprises publiques au secteur privé, et financer les
besoins récurrents de recapitalisation des entreprises publiques
directement par le budget de l'Etat.
" Comme le montre le budget prévisionnel du compte d'affectation
spéciale (CAS) pour 2000, le produit des privatisations et cessions de
participations de l'Etat doit être affecté aux besoins en capitaux
des entreprises publiques structurellement déficitaires (...). Les
besoins récurrents (...) sont de l'ordre de 20 milliards de francs
par an, ce qui suppose déjà que des décisions difficiles
soient prises pour assurer l'équilibre financier du CAS
. "
(2) Des actifs inadéquats pour le passif du fonds de réserve
Le
ministère des Finances poursuit.
"
La valeur patrimoniale des actifs détenus par l'Etat est
très difficile à estimer, à l'exception des entreprises
déjà cotées. La valorisation est en effet souvent
dépendante des liens économiques et financiers qui demeurent
entre l'entreprise et l'Etat : obligations statutaires, engagements de
retraites apurés ou non, reprise ou non par l'Etat d'engagements lourds
hors bilan. Sous ces réserves, les estimations courantes de la valeur de
ce patrimoine aboutissent à un montant d'un peu plus de
1.000 milliards de francs dont les deux tiers sont
représentés par EDF et France Télécom.
" L'affectation d'actions d'entreprises publiques au FRR (fonds de
réserve des retraites) aboutit en fait à une privatisation
différée car, dans l'hypothèse d'un fonds de lissage, le
FRR est destiné, à échéance plus ou moins
lointaine, à céder ses actifs.
" L'affectation des revenus de certaines entreprises publiques au FRR
priverait en outre le CAS de ressources, et créerait une charge durable
pour le budget de l'Etat.
" Enfin, l'actif représenté par des entreprises publiques
est peu diversifié et peut être considéré comme plus
risqué qu'un actif réparti sur l'ensemble du marché. De
plus, compte tenu des obligations de service public afférentes à
certaines de ces entreprises et, à moins d'une identification claire
sous forme de subventions publiques, du coût de ces obligations, la
rentabilité de ces actifs est en moyenne probablement inférieure
à celle d'un portefeuille diversifié. Cet actif n'offre donc pas
les meilleures caractéristiques pour figurer au portefeuille d'un fonds
de réserve. "
L'inscription à l'actif du fonds de titres, pour certains
spéculatifs
66(
*
)
et
peu liquides pour d'autres, est en effet hasardeuse.
(3) Un problème de statut
Comme
l'indique en outre le ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie, "
affecter ces titres au fonds de réserve suppose
une privatisation totale à terme qui pourrait être entravée
par des questions statutaires ou soumises à des aléas
politiques
".
Bien plus donc qu'un simple problème de stratégie industrielle,
la cession des entreprises publiques ne peut simplement pas répondre au
problème financier structurel et massif posé aux régimes
de retraite.
E. UNE ORGANISATION JURIDIQUE QUI FAIT PESER DES INCERTITUDES SUR LES PRODUITS FINANCIERS
Sans anticiper les développements consacrés à la gestion du fonds de réserve 67( * ) , deux éléments doivent être constatés ici, car ils sont de nature à peser fortement sur les montants finalement susceptibles d'être accumulés au sein du fonds de réserve.
1. La rentabilité des actifs du fonds : une variable déterminante
Dans le
plan de financement du Premier ministre publié le 21 mars 2000, le fonds
de réserve devra avoir accumulé 330 milliards de francs de
produits financiers sur la période 2000-2020 pour que les
1.000 milliards de francs soient atteints.
Ce montant représente un tiers des actifs du fonds.
Ressources du fonds de réserve en 2020
Source commission des Affaires sociales
Le
Premier ministre cale cette prévision sur une rentabilité des
actifs de 4 % par an.
Ainsi que le constate la Direction de la Prévision le
2 février 2001, les produits financiers susceptibles d'être
accumulés par le Fonds sont très sensibles à la variable
financière car
" un point de rendement inférieur
(3 %) "
à l'hypothèse initiale
" priverait
le fonds de 100 milliards de francs ".
2. Une configuration juridique probablement incapable d'assurer ce rendement de 4 % sur le long terme
Ainsi
que le souligne la note précitée,
" l'organisation
institutionnelle provisoire du fonds de réserve des retraites ne permet
pas un placement optimal des réserves "
, ce qui constitue
" une incertitude importante "
sur le rendement du placement
et donc
" sur les sommes qui pourront être in fine
accumulées au sein du fonds "
.
Cet avertissement est le dernier en date
68(
*
)
d'une longue série
entamée voilà trois ans.
Dès le 8 octobre 1998, une note de la Direction de la Prévision
constatait
" le FSV n'apparaît absolument pas outillé pour
gérer, de manière professionnelle, le placement d'un fonds de
plusieurs milliards de francs sur les marchés financiers ".
Des critiques avaient déjà été portées par
votre rapporteur
sur le manque de visibilité
qui caractérisait la gestion du fonds à long terme
69(
*
)
.
" Votre rapporteur rappelle que le fonds de réserve actuel ne
constitue qu'une section du FSV.
" Certes, le décret 99-898 du 22 octobre 1999 a
précisé les statuts de chacune des sections, a
séparé leurs documents comptables et leurs trésoreries.
" Il n'empêche que le fonds de réserve des retraites, qui
sera appelé à gérer plus de 55 milliards avant la fin
de l'année 2001, ne dispose pas de la personnalité juridique et
demeure géré par l'équipe restreinte du FSV qui compte
moins de 10 personnes.
" A l'occasion de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, le Gouvernement a présenté un pré-projet de loi
de financement qui procédait à la création d'un
établissement public.
" De fait, Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, avait déclaré dès le 12 novembre 1998
" pourquoi avoir inscrit le fonds de réserve au FSV ? Tout
simplement parce que c'est pour nous une position transitoire ".
" Le projet final ne souffle plus mot de cette question. M. Didier
Migaud, rapporteur général de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale, note pourtant dans son rapport
70(
*
)
que "
la réussite
de la mission du fonds de réserve sera difficile tant que certaines
conditions ne seront pas remplies : le fonds de réserve doit
disposer d'une véritable structure distincte (...), les dirigeants du
fonds doivent être clairement identifiés
".
A l'occasion du vote de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001, le Sénat avait adopté un amendement ayant pour
objet la création d'un établissement public.
Or, le Gouvernement avait demandé le retrait de cet amendement, Mme
Dominique Gillot déclarant :
" Le Gouvernement
s'engage
donc à conduire ces travaux dans les meilleurs
délais et
à introduire les dispositions législatives
nécessaires dans le projet de loi de modernisation sociale
qui sera
présenté au Parlement au mois de janvier prochain. Cela vous
laisse deux mois pour vous associer à cette
réflexion "
.
71(
*
)
Le Sénat n'avait pas considéré cet engagement du
Gouvernement comme crédible. De fait, le projet de loi de modernisation
sociale déposé le 24 mai 2000 a été adopté
par l'Assemblée nationale le 11 janvier 2001 sans que le Gouvernement ne
prenne l'initiative d'un amendement relatif au fonds de réserve. Or,
l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001, tel que soumis à l'avis du Conseil d'administration des caisses de
sécurité sociale comportait, en septembre 2000, un dispositif
complet qui a été retiré en définitive du projet de
loi déposé.
A nouveau, le Gouvernement, par la voix du ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, a déclaré, le 26 mars 2001
72(
*
)
:
" Le Gouvernement
confirme qu'il entend constituer le fonds de réserve en organisme
autonome où les partenaires sociaux auront toute leur place. A cet
effet, un projet de texte législatif sera très prochainement
présenté au Parlement ".
Le nombre de projets de loi annoncés comme imminent à de
multiples reprises mais jamais déposés
73(
*
)
autorise toutefois une forme de
scepticisme quant à la perspective de mise en place rapide d'un statut
juridiquement transparent et financièrement efficace pour le fonds de
réserve.
Il semble, en définitive, qu'un projet comportant diverses mesures
sociales et incluant le fonds de réserve sera déposé avant
fin avril.
F. LE REVERS DU FONDS DE RÉSERVE : LA CONSTITUTION SIMULTANÉE D'UN DÉFICIT DE MÊME TAILLE
1. Des déficits occultés
a) Un déficit compris entre 600 et 900 milliards de francs
Selon
les administrations, le déficit prévisionnel cumulé de la
CNAV en 2000 varie entre 600 et 900 millions de francs.
Interrogé par la commission des Affaires sociales, M. Jean-Luc
Cazettes
74(
*
)
,
président de la CNAVTS, prévoyait que, selon les
hypothèses du Gouvernement d'un taux de chômage ramené
à 4,5 %,
" le déficit cumulé de cette caisse
atteindrait 600 milliards de francs en 2020 ".
Cette estimation
ne semble d'ailleurs pas prendre en compte les frais financiers
qu'engendrerait, pour la branche vieillesse, l'accumulation d'un tel
déficit sur la période 2010-2020.
La Direction de la Prévision, le 21 janvier 2000, évalue ce
déficit à 779 milliards de francs avec un taux de
chômage ramené à 6 %.
Le FSV
75(
*
)
a validé
un calcul comprenant en sus les frais financiers liés au financement de
ce déficit, et a estimé ce dernier en cumulé, à
920 milliards de francs pour la seule CNAVTS
76(
*
)
, sur la période 2010-2020
selon l'hypothèse d'un taux de chômage ramené à
6 %.
b) Un déficit sur lequel l'Administration attire l'attention du Gouvernement de manière récurrente
Dans une
note du 17 février 2000, la Direction de la Prévision pose cette
incontournable condition pour constituer un fonds de réserve :
" Outre le caractère très favorable du scénario
macro-économique, la réalisation de cet objectif suppose
évidemment qu'avant 2020, les besoins de financement des
différents régimes soient satisfaits ".
Toute la cohérence du fonds de réserve repose sur cette
condition. Pour qu'il soit financé, mais également pour qu'il
représente, comme le prétend le Gouvernement,
" la
moitié des déficits des régimes de retraite
77(
*
)
entre 2020 et
2040 "
, il est indispensable que les déficits de la
période 2001-2020 soient effacés, et, qu'en quelque sorte, les
régimes de retraites " repartent avec les compteurs à
zéro ".
Ainsi que le suggère la Direction de la Prévision dans la note
précitée du 17 février 2000,
" dans
l'hypothèse où ils ne sont pas utilisés pour alimenter
directement le fonds de réserve, ces excédents potentiels (des
régimes sociaux) devraient au moins faire l'objet d'un recyclage
permettant de retarder l'apparition des déficits au sein des
régimes de retraite ".
Négligeant cet avertissement, le Gouvernement refuse de dévoiler
ses intentions sur le comblement de ces déficits.
2. L'absence de réponse du Gouvernement
a) Un mutisme prolongé...
Interrogé à plusieurs reprises, le Gouvernement n'entend pas aborder ce préalable délicat et se réfugie dans des généralités faisant office de réponses " tout terrain ".
Des réponses " tout terrain " à des questions précises
Question :
Réponse (voir n° 29, p. 92) :
" Compte tenu
des échéances auxquelles apparaîtront les premiers besoins
de financement, le Gouvernement a décidé d'engager une large
concertation sur la réforme de l'ensemble des régimes de base de
retraite, en s'appuyant notamment sur les travaux du Conseil d'orientation des
retraites, afin de déterminer les mesures appropriées à
mettre en oeuvre ".
b) ... lourd de conséquences pour les régimes de retraite
Si rien
n'est fait, la CNAV va enregistrer des déficits croissants dont
l'estimation a été révélée plus haut.
Pour que le fonds de réserve puisse être constitué et jouer
son rôle, il faut que les régimes soient mis à
l'équilibre en 2020.
Or, l'équilibre de ce régime peut être obtenu par des
mesures affectant l'une des trois variables des retraites :
- durée de cotisations,
- taux de cotisation,
- rendement des pensions.
La durée de cotisations des salariés du privé a
déjà fait l'objet d'une augmentation, passant progressivement de
37,5 ans à 40 ans. Cette réforme a
épargné les régimes publics.
Le Premier ministre a déjà indiqué, dans son discours du
21 mars 2000, qu'il ne lui
" semblait pas nécessaire
d'envisager, pour les assurés du régime général, un
allongement supplémentaire de la durée de cotisation "
.
Cette solution est donc
a priori
écartée.
Il n'est guère envisageable de dégrader davantage le rendement
des pensions qui sont déjà alignées sur les prix dans les
projections du Gouvernement. De fait, ce dernier s'écarte de cette
indexation en accordant des " coups de pouce " successifs.
Il ne reste plus guère alors qu'une possibilité :
l'augmentation des taux de cotisations. C'est en quelque sorte cette piste
là que préconise le Premier ministre en déclarant
" le déficit doit être relativisé car il ne
représente que trois points et demi de cotisation "
.
Cette estimation, établie dans le cadre d'un scénario reposant
sur un taux de 4,5 % de chômage, est présentée de
manière anodine par le Premier ministre ; cette hausse de
3 points et demi représente en réalité une hausse de
25 % des cotisations de retraite
78(
*
)
. Elle serait, de surcroît,
de 4 points dans un scénario plus réaliste retenant un taux de
chômage de 6 %.
Cette question apparaît donc cruciale et exige une réponse avant
même l'échéance de 2020.
Elle dément l'affirmation du Premier ministre selon laquelle
"
nous avons le temps
"
79(
*
)
et justifie à elle seule
l'urgence d'une réforme avant même que le fonds de réserve
des retraites -à condition qu'il soit lui-même crédible-
puisse remplir son office.