II. LA CONSTRUCTION SUR DES HYPOTHÈSES AMBIGUËS
Avec la
création d'un fonds de réserve par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, le Gouvernement affichait que
l'avenir des régimes de retraite par répartition figurait au
nombre de ses préoccupations et que, dans l'attente d'une réforme
concertée, il ne demeurait pas inactif.
Devant l'Assemblée nationale le 27 octobre 1998, Mme Martine Aubry
justifiait de son souci d'assurer "
la pérennisation de nos
régimes de retraite : en mettant en place un fonds de
réserve qui complétera les ressources de notre système de
retraite lorsque son besoin de financement augmentera brutalement à
partir de 2005
(sic)
.
"
4(
*
)
.
Contrairement à cette annonce, le renvoi aux conclusions du rapport de
Jean-Michel Charpin
5(
*
)
pour
la définition d'un " passif " au fonds de réserve ne
sera pas finalement retenu.
Dans sa déclaration du 21 mars 2000
6(
*
)
, le Premier ministre, tout en
prenant ses distances avec le rapport du Commissaire général du
Plan, annonçait les deux axes de sa politique en matière de
retraite : la prolongation de la concertation par le biais d'un conseil
d'orientation des retraites (COR) et le renforcement du fonds de réserve
dont les tenants et les aboutissants semblaient enfin dévoilés.
Or, un an après, les ambiguïtés persistent :
hypothèses économiques valant démonstration par l'absurde,
absence de débat sur le niveau de vie des personnes âgées,
impasse sur la question des régimes de retraite publics sont autant de
points sur lesquels le débat n'a finalement pas eu lieu.
*
* *
A. DES HYPOTHÈSES MACRO-ÉCONOMIQUES À VOCATION PÉDAGOGIQUE
1. Des hypothèses optimistes...
Dans son
discours du 21 mars 2000, le Premier ministre insistait sur la
nécessité de replacer la question des retraites dans "
un
contexte de croissance nouveau
".
Un an plus tard, cet optimisme ne se dément pas comme en témoigne
la réponse de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité au
questionnaire de votre rapporteur
7(
*
)
.
"
La perspective d'un retour au plein emploi dans la décennie
est devenue crédible. C'est pourquoi le Gouvernement fonde ses
prévisions sur l'hypothèse suivante : une baisse du
chômage au cours de la décennie qui permettrait d'atteindre un
taux de chômage de 7 % en 2005 et de 4,5 % à partir de
2010
".
Le choix d'un tel optimisme surprend l'observateur car des mesures
destinées à garantir les régimes de retraite devraient
être fondées sur des hypothèses prudentes.
En effet, l'histoire économique de notre pays incite à cette
prudence. A la fin des années 1980, un rythme de croissance
élevé avait permis une décrue significative du
chômage qui passait alors d'environ 11 % à moins de 9 %.
En 1993, quatre ans plus tard, le taux de chômage était
remonté à plus de 12 %.
Il ne s'agit pas de rentrer ici dans un débat de spécialistes qui
concerne les relations entre cycles économiques, croissance et emploi.
Et il serait vain de prétendre, aujourd'hui affirmer, quel sera le taux
de chômage dans dix ans. Tout au plus peut-on noter que
spontanément, le Commissariat du Plan avait retenu deux scénarii
l'un à 9 %, l'autre à 6 %.
De même, une étude de M. Patrick Artus en date du
9 février 2001
8(
*
)
suggère qu'aujourd'hui
"
l'inadaptation des qualifications entre les chômeurs et les
besoins d'emplois des entreprises est si grande que les flux du marché
du travail ne réagissent plus aux tensions sur ce marché,
(...)
le chômage effectif est peut-être proche du
chômage structurel
".
Si, en effet, le chômage a baissé récemment dans des
proportions importantes, il semble probable que cette décrue ne puisse
se poursuivre aussi rapidement.
Pourquoi, dès lors, le choix d'une telle hypothèse ?
2. ... dont la finalité est de démontrer aux partenaires sociaux que le retour de la croissance ne résoudra pas seul la question des retraites
La
raison du choix de telles hypothèses n'est simplement pas de nature
économique.
Quiconque a pour objectif d'évaluer une recette ou une dépense
future cherchera à fonder cette évaluation sur des
hypothèses vraisemblables.
Or, le Gouvernement a choisi un autre objectif pour sa présentation du
fonds de réserve.
En effet, dans la lettre de mission que lui adressait le Premier ministre le
29 mai 1998, M. Jean-Michel Charpin, Commissaire
général du Plan, se voyait assigner l'objectif
"
d'élaborer un diagnostic aussi partagé que possible par
les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents
régimes
".
9(
*
)
Or, très rapidement, les syndicats de salariés ont pris leurs
distances avec les perpectives de chômage à long terme de 9 %
et 6 %, élaborées par le Commissariat du Plan. Ainsi, la
Confédération générale du travail (CGT)
préconisait d'adosser les perspectives des retraites sur un taux de
chômage de 3 %. Force ouvrière (FO), en guise de conclusion
ou d'avertissement, déclarait "
ce que nous avons combattu avec
succès en novembre-décembre 1995, nous ne saurions l'accepter en
1999 ; c'est cela l'indépendance syndicale
".
Devant la position des partenaires sociaux, le Gouvernement fait le choix d'une
démarche " pédagogique " qui lui permette de
démontrer à ses interlocuteurs qu'un retour à ce qu'il
considère comme le " plein emploi ", soit un taux de
chômage de 4,5 % à l'horizon 2010, ne suffira pas à
lui seul à résoudre les problèmes financiers des
régimes par répartition.
En effet, un mois avant sa déclaration du 21 mars 2000, le Premier
ministre demande au ministère de l'Economie et des Finances une
étude sur les ressources mobilisables pour abonder le Fonds de
réserve.
La note de la Direction de la Prévision en date du
17 février 2000 résume ainsi le contexte de la
demande : "
pour montrer aux partenaires sociaux que le retour de
la croissance ne suffira pas à lui seul à dissiper les
problèmes financiers futurs du système de retraite
(
le
Premier ministre
)
juge opportun de privilégier des
hypothèses macro-économiques optimistes
".
Ainsi, sont décidées les hypothèses sur lesquelles sera
fondé le plan de financement du fonds de réserve.
Pourtant la ministre de l'Emploi et de la Solidarité déclare dans
un communiqué de presse du 26 mars 2001
10(
*
)
: "
ce
scénario
(du fonds de réserve)
repose sur un taux de
chômage ramené à 4,5 % en 2020
(sic)
; les
résultats de la politique économique menée par le
Gouvernement depuis 1997 en matière de lutte contre le chômage
confirme la crédibilité de cette prévision "
.
Ainsi est-on passé d'un scénario " par l'absurde ", qui
avait une vocation pédagogique à l'endroit des partenaires
sociaux, à " une prévision crédible ".
3. Une volonté de pédagogie qui se contredit et aboutit à afficher que le fonds de réserve résout à lui seul la moitié du problème des retraites
a) Des ressources exagérées, des dépenses minorées
Dans la
note précitée du 17 février 2000, la Direction de la
Prévision, sous la rubrique
" les limites de ce
schéma ",
commente le choix de ces hypothèses
" pédagogiques ".
"
Un scénario macro-économique aussi favorable aboutit
cependant à afficher un montant des excédents supérieur
à ceux qui seraient effectivement disponibles pour le fonds de
réserve
".
Et cette note ajoute que cette surévaluation touche "
en
particulier les comptes du fonds de solidarité vieillesse, qui
représentent une part importante des abondements du fonds, et sont
très sensibles à la situation sur le marché du
travail
".
Si les hypothèses présentées par le Premier ministre
tendaient à démontrer aux partenaires sociaux qu'un retour de la
croissance n'éliminait pas la nécessité d'une
réforme, elles aboutissent paradoxalement à gonfler les recettes
disponibles et donc à minorer tant l'effort nécessaire pour
constituer un fonds de réserve, que l'ampleur des déficits des
régimes qu'il faudra couvrir.
Dans ces conditions, le Gouvernement se trouve devant un dilemme : minorer
les recettes évaluées par un scénario artificiel afin de
conserver quelque crédibilité à son objectif
pédagogique, ou, à l'inverse, présenter en l'état
les perspectives rassurantes d'un fonds de réserve constitué sans
effort et couvrant
" la moitié des déficits des
régimes de retraite entre 2020 et 2040 ",
avec pour
conséquence de renforcer les partenaires sociaux dans leur conviction
que l'urgence n'est pas de mise sur la question des retraites.
b) Le choix d'une philosophie optimiste
Le
Gouvernement a choisi cette seconde possibilité : c'est ainsi que
les ministres successifs de l'Emploi et de la Solidarité n'ont eu de
cesse de répéter que le fonds de réserve disposera en 2020
de 1.000 milliards de francs et que "
cette somme correspond
à la moitié des déficits prévisionnels des
régimes de retraite entre 2020 et 2040
".
Il résulte de cette affirmation que les besoins financiers des
régimes de retraite, entre 2020 et 2040, se chiffrent à
2.000 milliards de francs, puisqu'un fonds de réserve doté
de 1.000 milliards couvrirait la moitié de ces déficits.
Cette déclaration est confirmée et précisée par la
ministre de l'Emploi et de la Solidarité
11(
*
)
qui ajoute même que
"
par prudence, les ministres ont évoqué la moitié
alors que l'on pourrait avancer un taux de 60 %
".
En réalité, cette déclaration repose sur une habile
ambiguïté : le fonds de réserve dont les ressources
sont surévaluées par le " scénario
pédagogique " ne traite pas la question des déficits des
régimes publics.
B. DES HYPOTHÈSES QUI LAISSENT DE CÔTÉ LA MOITIÉ DE LA QUESTION DES RETRAITES
1. Une ambiguïté sédative qui ignore les régimes publics
La
ministre de l'Emploi et de la Solidarité précise ainsi la
signification des hypothèses du fonds de réserve
12(
*
)
:
" Le déficit des régimes éligibles selon la loi au
fonds de réserve des retraites entre 2020 et 2040 peut être
estimé, en valeur actualisée 2020, à environ
1.700 milliards de francs. C'est en cela qu'un fonds de réserve de
1.000 milliards de francs correspond à la moitié du
déficit prévisionnel des régimes de retraite entre 2020 et
2040. "
La ministre précise
" l'actuel fonds de réserve est
dédié au régime général des salariés
et aux régimes de non-salariés dits " alignés "
ORGANIC et CANCAVA ".
Les sommes accumulées au sein du fonds de réserve ne concernent
donc que trois régimes et excluent ainsi tout un pan de la gestion des
retraites (constitué par les régimes publics), sans doute le plus
problématique puisqu'aucune réforme n'y a encore eu lieu.
Pour les seuls régimes de fonctionnaires, la ministre de l'Emploi et de
la Solidarité annonce, toujours dans l'hypothèse
" pédagogique " d'un taux de chômage de 4,5 %, des
déficits de l'ordre de 5.000 milliards de francs entre 2020 et 2040.
Déficits cumulés des régimes de fonctionnaires
(2020/2040) en milliards de francs
|
2020 |
2025 |
2030 |
2035 |
2040 |
Fonction publique Etat |
- 120 |
- 740 |
- 1.470 |
- 2.350 |
- 3.380 |
Fonction publique Etat, collectivités locales et hôpitaux |
- 170 |
- 1.050 |
- 2.090 |
- 3.330 |
- 4.780 |
Source : d'après le ministère de
l'Emploi et
de la Solidarité
En outre, ces calculs n'incluent pas les régimes " dits
spéciaux " d'un certain nombre d'entreprises publiques (SNCF, RATP,
Charbonnages de France, etc.) qui, à l'instar des régimes de la
fonction publique, ne se sont pas réformés et sont, de ce fait,
destinés à connaître des déficits importants dans
les prochaines années.
A la lumière de ces masses financières, la somme de 1.000
milliards annoncée au fonds de réserve apparaît peu
conséquente.
La ministre de l'Emploi et de la Solidarité ajoute néanmoins
" comme l'a annoncé le Premier ministre, les autres
régimes de base de l'assurance vieillesse pourront le devenir
(éligibles au fonds) après intervention de leur
réforme "
13(
*
)
.
2. Sans valeur juridique réelle, l'exclusion du fonds des régimes publics a pour objet de les inciter à se réformer
a) Le débat entre ministères
L'ouverture du fonds aux régimes publics est l'un des
sujets
les plus âpres du dialogue entre le ministère de l'Economie, des
Finances et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Une note de la Direction de la Prévision en date du 21 janvier 2000
résume l'état de ce débat :
" Le champ du fonds peut rester circonscrit au périmètre
législatif actuel (régime général et
alignés) ou s'étendre à tous les régimes de base.
Le cabinet du ministre de l'Emploi et de la Solidarité sera sans doute
favorable à la première option, en arguant du fait qu'il est
prévu de verser l'excédent de la CNAV au fonds et que les
partenaires sociaux s'inquiéteraient que cette ressource puisse profiter
à tous les régimes. "
Et la note de poursuivre :
" Mais le fait qu'on alimente le fonds
par des ressources " universelles " (prélèvement sur
les revenus du capital, ressources du FSV, caisses d'épargne, voire
excédents potentiels des branches maladie ou famille) plaide
plutôt pour la seconde solution ".
Pour le ministère de l'Economie et des Finances, la nature des
ressources du fonds de réserve, étant universelle, entraîne
l'ouverture du bénéfice de ce fonds à tous les
régimes de base : l'équité et la
constitutionnalité juridique du fonds sont à ce prix.
La question soulevée est sérieuse : est-il juridiquement
possible et même simplement logique d'exclure d'un fonds financé
largement par l'impôt une part importante des Français ? La
réponse est négative.
b) Un principe consensuel mais dénué de véritable portée juridique : le fonds doit être réservé aux régimes s'étant réformés
Selon le
groupe de travail interministériel présidé par
M. Olivier Davanne, le 2 février 2000
" un principe
général est que le bénéfice du fonds semble devoir
être réservé aux régimes s'étant
réformés ".
En outre, selon le compte rendu des débats de ce même
groupe
14(
*
)
,
" la
Direction de la Sécurité sociale indique que si les
régimes publics devaient devenir bénéficiaires du fonds
avec un certain décalage temporel, il serait nécessaire que les
sommes précédemment encaissées par le fonds restent
cantonnées au bénéfice du régime
général et des régimes alignés ".
Une telle proposition aboutit à introduire un " coût "
au temps passé. En effet, plus ces régimes tardent à se
réformer, moins la partie du fonds de réserve dont ils pourront
être bénéficiaires sera importante.
Il ne semble pas que cette condition n'ait jamais fait l'objet d'un
débat avec les partenaires sociaux représentant ces
régimes.
Toutefois, au regard des arguments avancés par le ministère de
l'Economie et des Finances, à savoir l'inéquité et surtout
l'inconstitutionnalité à réserver un fonds abondé
par des ressources universelles à quelques régimes, ces
restrictions " pédagogiques " ou " incitatives "
à la réforme des régimes publics ne sauraient
présenter de portée crédible.
En revanche, une question essentielle est laissée de côté
par le Premier ministre : si les régimes publics ne peuvent
être écartés du fonds, quelles ressources viendront
compléter celui-ci afin qu'il demeure en mesure de jouer le rôle
de "lissage " que le Gouvernement prétend lui assigner ?
C. DES HYPOTHÈSES QUI SUPPOSENT UNE DÉGRADATION DU NIVEAU DE VIE DES PERSONNES ÂGÉES
1. Des indexations qui ne sont pas favorables au niveau de vie des retraités et des titulaires du minimum vieillesse
a) Les pensions de retraite
L'équilibre des projections sur lesquelles s'appuie le
Premier ministre repose sur une évolution des pensions de retraite sur
les prix.
Cette mesure que le candidat Lionel Jospin dénonçait
auprès du Président de l'Union française des
retraités par une lettre en date du 27 mai 1997, promettant alors
" l'alignement de l'évolution des pensions de retraites sur
celle des salaires "
permet d'afficher des excédents plus
élevés de la CNAVTS sur la période 2000-2007, dont le
Gouvernement attend 100 milliards de francs pour le fonds de
réserve, puis de réduire ensuite le montant des déficits
à couvrir.
Cette projection n'est pas neutre pour les retraités. Comme le constate
M. Patrick Artus
15(
*
)
,
directeur des Etudes de la Caisse des dépôts et consignations,
" la non-indexation des retraites sur l'évolution des salaires
réels des actifs, qui prive les retraites de l'accroissement tendanciel
de la productivité du travail, n'est pas tenable ".
Ainsi, les retraités dont les pensions sont indexées sur ces
seuls prix voient leur pouvoir d'achat stagner alors que le pouvoir d'achat des
actifs augmente de cet accroissement tendanciel de la productivité du
travail.
Sur le temps d'une retraite, qui dépasse à présent en
moyenne une dizaine d'années, le pouvoir d'achat de la pension se
dégrade par rapport au pouvoir d'achat des actifs.
b) Le minimum vieillesse
Ce
minimum social est destiné aux personnes âgées dont les
revenus sont faibles ou inexistants
16(
*
)
.
Le minimum vieillesse constitue environ la moitié des dépenses
" Allocations et majorations " des comptes du Fonds de
solidarité vieillesse (18,7 milliards en 1999).
A terme, le minimum vieillesse sera la dépense essentielle de cette
partie du fonds de solidarité vieillesse
17(
*
)
.
Le Gouvernement fonde ses espoirs d'excédents des comptes du FSV sur la
baisse du nombre de titulaires du minimum vieillesse.
Comme le rappelle le communiqué de presse du ministère de
l'Emploi et de la Solidarité
18(
*
)
,
" les excédents
du FSV, qui constituent la première source de financement du fonds de
réserve des retraites, résultent des dynamiques structurelles des
recettes (CSG pour l'essentiel, qui bénéficie de la croissance
économique) et des dépenses notamment minimum
vieillesse ".
Cette réponse, qui omet habilement le changement de
périmètre des missions du FSV, met le doigt sur un point
important. Comme le confirme le FSV
19(
*
)
lui-même
" les
dépenses du minimum vieillesse (...) baissent de 5,5 % l'an entre
2001 et 2005, puis de 5 % l'an entre 2006 et 2010 et remontent d'un
demi-point à chaque période de cinq ans (après
2010) ".
Si le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse diminue, les
économies qui peuvent être réalisées gonflent les
excédents mobilisables. Toutefois ceux-ci dépendent encore d'un
autre facteur : quelle sera la revalorisation annuelle de ce minimum
social ?
Une simple indexation sur les prix pose la question du pouvoir d'achat du
minimum vieillesse : cette indexation exclut les
bénéficiaires de ce minimum de l'accroissement tendanciel de la
productivité. Et une telle conséquence se pose avec une
acuité accrue pour les titulaires de revenus déjà
très modestes...
Les administrations ont entretenu un débat fluctuant entre indexation
sur l'indice des prix (ministère de l'Economie et des Finances) et
revalorisation sur les prix majorés de 1 % (groupe de travail
interministériel précité).
Les conséquences de chacune de ces indexations sont décrites par
la Direction de la Prévision dans une note du 21 janvier 2000
" Le scénario utilisé par le groupe de travail
interministériel et présenté ici retient une
évolution plus dynamique du minimum vieillesse, en revalorisant la
prestation au-delà de l'inflation ; le cumul des excédents
du FSV en 2020 est ainsi de 284 milliards de francs (hors
intérêts) contre 375 milliards de francs ".
Force est de constater qu'une évolution "
plus
dynamique
" du minimum vieillesse n'est pas cohérente avec le
plan de financement établi en mars 2000 qui fait apparaître un
cumul des excédents du FSV versés au fonds de réserve de
310 milliards de francs (hors intérêts) (
voir
ci-après
).
2. La gestion par " coup de pouce " dégrade fortement les projections et rend impossible la lisibilité nécessaire à la gestion du fonds
La loi
du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraites et à la sauvegarde
de la protection sociale a modifié les modalités de
revalorisation des pensions. Ce mécanisme mis en place en 1993
était provisoire et ne prenait effet en 1994 que pour une durée
de cinq ans. Un nouveau régime d'indexation des pensions devait donc
être décidé en 1999.
L'hypothèse sur laquelle se fonde le Premier ministre le 21 mars
2000 pour tracer les perspectives d'un fonds de réserve destiné
à garantir la pérennité des régimes de retraite est
celle d'une indexation des pensions sur les prix.
Le Gouvernement n'inscrit pas pour autant ce principe dans la loi
20(
*
)
.
Bien au contraire, dès septembre 2000, il annonce une revalorisation des
pensions supérieure aux prix. Cette revalorisation s'est
également appliquée au minimum vieillesse.
Dès lors, le plan de financement du fonds de réserve n'est plus
tenu. Dans une note en date du 2 février 2001, la Direction de la
Prévision rappelle que
" la revalorisation des
pensions "
figure parmi les
" incertitudes
importantes "
pesant
" sur les sommes qui pourront être
in fine accumulées au sein du fonds de réserve ".
La note poursuit en indiquant que
" par rapport aux montants
prévus dans les annonces du Premier ministre du 21 mars 2000 (...) les
montants des excédents de la CNAV versés au fonds de
réserve seraient moindres sur toute la période 2001-2004,
d'environ 20 milliards de francs en cumulé. Cela est dû en
partie à des revalorisations récentes des pensions
supérieures à celles qui avaient été retenues dans
les projections sous-jacentes aux annonces du Premier ministre ".
Et la note d'insister :
" le facteur essentiel est en fait le
rythme de revalorisation des pensions : si les pensions évoluent
plus vite que les prix, le montant des " excédents "
attribuable au fonds de réserve diminuera de manière
conséquente ".
Le Gouvernement pratique ainsi un double langage qui consiste à
rassurer, sans prendre à bras le corps la question de la réforme
des régimes, en minorant les déficits sur le long terme par des
indexations sévères, qui sont immédiatement contredites
par des revalorisations destinées à faire
" participer
les retraités aux fruits de la croissance "
.