C. LE MONDE INDUSTRIEL ET LA RÉFORME DE LA LOI SUR L'EAU
6. Intervention de M. Bruno DETANGER, vice-président de la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l'eau (FENARIVE)
Depuis la création des agences de bassin en 1964, devenues ensuite agences de l'eau, les industriels ont été partie prenante de leur fonctionnement. Les plus pollueurs d'entre eux ont ainsi été parmi les premiers à investir dans des équipements de dépollution. Par ailleurs, dès que les raccordements aux stations d'épuration ont été possibles, les industriels dont la pollution n'exigeait pas une installation autonome ont pu se raccorder aux stations collectives. Du reste, ils continuent aujourd'hui de le faire, tout en respectant bien sûr des conventions de raccordement normalisées.
Consciente des enjeux environnementaux, l'industrie a su très tôt qu'elle devrait améliorer en continu ses performances en matière d'impact environnemental. Sa contribution aux redevances des agences de l'eau a, en effet, été payée de retour puisque la logique de l'équité a régi l'utilisation des aides et a permis de réaliser des investissements nouveaux.
Si l'on se réfère aux rapports publiés par la Cour des Comptes et par le Commissariat au Plan sur le fonctionnement des agences, la situation actuelle ne paraît cependant pas vraiment satisfaisante, notamment en ce qui concerne les relations agences/industries. Le principe " pollueur payeur " ne serait pas correctement appliqué et l'industrie demanderait à tort un équilibre entre le montant de ses redevances et les aides qu'elle reçoit. Un certain nombre de raisons nous empêchent de souscrire à cette dernière analyse.
• Tout d'abord, il est important de rappeler que les agences ont été créées pour aider les investissements concourant à la réduction des pollutions des milieux aquatiques. C'est bien pour atteindre ces objectifs qu'elles ont été autorisées à percevoir des redevances. Il est donc naturel qu'il y ait finalement convergence entre redevances et aides.
• Par ailleurs, les redevances ont toujours été proportionnelles aux pollutions nettes rejetées. Elles n'ont donc jamais constitué une " incitation " à polluer.
• Les investissements réalisés en installations de dépollution correspondent à une dépense globale pour l'industrie quatre fois supérieure aux aides accordées . Du reste, je tiens à préciser que les investissements de dépollution et les réseaux de collecte ont été largement financés par les industriels raccordés à l'équipement collectif. De même, les fonctionnements des installations internes coûtent cher aux industriels.
• L'ensemble des usagers et des collectivités locales ont, enfin, acquis une grande expérience de la conciliation et du consensus. Il est donc vain de vouloir opposer industriels et collectivités. Ils ont compris depuis longtemps que leur prospérité ne pouvait être que solidaire .
L'avenir des entreprises se conçoit uniquement dans un cadre européen sinon mondial. La nécessité de regroupement dans certaines industries induit un mouvement incessant de hausse de la compétition. En conséquence, l'industrie demande que les réformes envisagées par le gouvernement n'aient pas pour effet d'augmenter les charges pesant sur ses activités.
Très attachés aux solidarités qui savent s'exercer au niveau des bassins hydrographiques comme à la nécessité pour chacun d'améliorer ses performances environnementales, les industriels souhaitent que des ajustements puissent permettre d'assurer une meilleure équité tout en préservant leur compétitivité et leur capacité d'investissement dont la dégradation aurait des effets négatifs pour eux-mêmes et pour les collectivités locales, en :
- assurant les ajustements progressivement (remplacement du coefficient de collecte par une redevance réseau) ;
- établissant une bonne planification des objectifs en matière de travaux de collecte et de qualité des eaux ;
- donnant un coup d'arrêt aux prélèvements de toute sorte effectués à l'initiative des pouvoirs publics sur les budgets des agences, prélèvements qui se sont multipliés ces dernières années (alimentation du FNSE, financement du PMPOA, contribution aux emplois jeunes).
Par ailleurs, s'il est acceptable que le Parlement ait à se prononcer sur le programme général des agences, il est souhaitable qu'une large autonomie leur soit conservée et qu'en particulier, la plage de fixation des taux soit suffisamment grande pour que chacune d'entre elles puisse se déterminer en fonction de ses problèmes spécifiques.
Un recentrage des actions des agences permettrait de pallier une baisse des recettes consécutive à une réduction du coefficient de collecte des usagers domestiques sans occasionner une augmentation d'autres redevances. A ce titre, il convient de réexaminer les interventions des agences en l'absence de redevances appropriées (restauration de cours d'eau, gestion des eaux pluviales,...) et la proportion des subventions accordées par rapport aux coûts globaux des projets aidés.
En conclusion, les industriels demandent avec fermeté que la politique française de l'eau reste fidèle aux principes d'équité et d'efficacité qui ont été les siens jusqu'à maintenant.
7. Intervention de M. Joseph EON, attaché environnement, EDF
EDF est devenue un gestionnaire de l'eau important. La fabrication de l'électricité est permise par l'utilisation de cette eau, que ce soit directement comme force motrice ou bien indirectement, comme source de refroidissement, dans le cadre de la production thermique.
Bien entendu, en tant qu'acteur de la gestion de l'eau, EDF est concernée par toutes les évolutions en préparation sur ce secteur. Cependant, en quoi cette entreprise joue-t-elle un rôle actif dans la gestion de l'eau ?
EDF a, tout d'abord, une participation active à l'intérieur des instances de bassin. Nous siégeons dans 5 comités de bassin et tenons à souligner à ce propos l'intérêt de la concertation conduite entre tous les acteurs de l'eau au sein de ces instances. Par ailleurs, l'entreprise contribue à la gestion de l'eau par le versement de redevances à hauteur de 230 millions de francs annuels environ . Ses contributions financières ont un bilan largement positif en faveur du système mutualiste. En effet, le taux de retour dont EDF bénéficie, de l'ordre de 10 à 20 % des redevances acquittées, reste largement inférieur à la contribution qu'elle apporte aux recettes des agences.
EDF participe en outre à la gestion multi-usage de l'eau : certains aménagements hydroélectriques sont prévus dès l'origine pour satisfaire d'autres usages tel que l'irrigation sur la Durance ou la navigation sur le Rhin. EDF s'est également fortement impliquée dans d'élaboration des SDAGE et participe activement aux SAGE nous concernant au sein des CLE.
Le projet de réforme de la politique de l'eau prévoit de nouvelles redevances qui concerneront à la fois les productions d'origine thermique et hydraulique. Les principales assiettes de ces redevances seront la modification du régime des eaux (dérivation, obstacle, stockage, éclusée...), l'imperméabilisation des sols, la réduction des champs d'expansion de crue et les rejets thermiques ou radioactifs. Ce projet aura pour conséquence un alourdissement des charges pesant sur la production d'électricité et , en particulier une augmentation du prix de revient du kWh hydroélectrique déjà taxé à hauteur de 40 %, au moment où EDF affronte un marché européen de l'électricité plus concurrentiel.
Je tiens, au nom de l'entreprise, à réaffirmer quelques principes fondamentaux. EDF tient, tout d'abord, à ce que soit maintenue l'égalité de traitement au regard de la redevance. Par ailleurs, EDF souhaite une représentativité de l'assiette vis-à-vis de l'impact. A ce propos, si le fait générateur de la redevance subsiste, les mesures compensatoires permettant d'annuler son impact devraient être prises en compte et entraîner une suppression de la redevance. Enfin, EDF demande que le volume global des redevances soit maintenu, et non augmenté.