B. DISCUSSION CRITIQUE
La thermolyse a certainement une place à prendre parmi les techniques de traitement des déchets ménagers. Un certain nombre de réserves doivent cependant être levées au préalable.
1. Les inconvénients
Il ne faut pas nier que la thermolyse souffre d'un certain nombre de handicaps.
a) Des premiers pas hésitants
En
premier lieu, il convient de rappeler qu'
il
ne s'agit pas à
proprement parler, d'un " nouvelle technologie "
. On aurait
même quelques difficultés à présenter comme
innovante une technologie qui n'est, en vérité, pas autre chose
que celle du charbon de bois... Il faut cependant souligner que la thermolyse
ne constitue pas un traitement total des déchets, mais un traitement
partiel qui débouche sur un combustible solide. La thermolyse doit donc
être conçue en amont d'une unité industrielle existante
capable d'utiliser ce combustible.
En second lieu,
quelques expériences en Europe n'ont
guère été concluantes.
Sauf quelques exceptions, la
plupart des réalisations en Europe soit ont du mal à
démarrer (le procédé Siemens sur le site industriel
Fürth), soit sont encore au stade expérimental. Certes, le
marché semble s'ébranler. Le marché japonais semble le
plus prometteur, avec un parc de 800 incinérateurs de petite
capacité à rénover ou changer. Thide, ainsi que plusieurs
sociétés allemandes ont vendu leurs licences à quelques
grands opérateurs japonais. De nouvelles installations sont
programmées ou ont démarré en 1998/1999, en Allemagne et
en Hongrie, notamment.
Encadré n° 18
Les raisons de l'échec du procédé PTR de Siemens à Fürth
Siemens
a installé en 1998 une thermolyse de grande capacité (150.000
tonnes/an) à Fürth, en Allemagne. Cette installation a
été interrompue à plusieurs reprises. Plusieurs
dysfonctionnements de parties de l'installation sont en effet apparus.
Tout d'abord, Siemens semble avoir extrapolé à grande
échelle un pilote industriel installé à Ulm, sans tenir
compte des caractéristiques techniques différentes des
déchets traités sur le site de Fürth.
Ensuite, le prétraitement des déchets (avant entrée
dans le four) était manifestement mal adapté aux
caractéristiques spécifiques de la technologie innovante de
Siemens (avec des tuyaux de chauffage incorporés dans le four et non
à l'extérieur de celui-ci). La présence de ferrailles,
insuffisamment broyées, a entraîné des dysfonctionnements
manifestes.
Enfin, la technologie du traitement des solides issus de thermolyse
n'était pas suffisamment performante.
Cette expérience doit inciter à multiplier les
précautions : tests sur déchets réels
in situ
,
modalités techniques éprouvées...
En troisième lieu
, les premières expériences en
France sont hésitantes
. Il est même certain que la technique a
connu des échecs. L'une des premières usines a été
installée à Créteil en 1977 à partir d'un
procédé américain complexe qui combinait pyrolyse et
fusion à haute température avec production de carbone.
Après plusieurs déboires et modifications successives, l'usine ne
traite plus que les déchets hospitaliers, difficiles à
éliminer par incinération.
Aujourd'hui, les principaux constructeurs sont les sociétés Nexus
(procédé
Softer
avec réacteur horizontal fixe),
Thide (procédé
Eddith
avec réacteur horizontal
tournant) et Traidec (spécialisé sur les déchets
spéciaux). Les sociétés ne disposent encore que de pilotes
industriels de taille modeste. Les recherches et investissements ont
été lourds et pratiquement sans subventions... et sans commande
jusqu'à l'année dernière.
En France, là aussi, le marché semble mûr pour le
changement. Outre l'opération japonaise, Thide est en lice pour
installer un réacteur de thermolyse à Arras. Le marché
devrait se conclure avant la fin 1999. Nexus a également
été sélectionné en 1998 pour une thermolyse de
30.000 tonnes par an à Digny, en Eure-et-Loir. La construction devrait
démarrer en septembre 1999. On observera toutefois que, d'une part, le
syndicat ne s'est engagé à fournir que la moitié de la
capacité du four, et que, d'autre part, un nouvel incinérateur de
80.000 tonnes est également en construction dans le même
département, ce qui n'est pas de nature à faciliter le
succès de l'opération. D'autres départements
réfléchissent activement à des installations de thermolyse
(Lot, Cher).
En quatrième lieu, l'
expectative
des
décideurs
ne peut être que renforcée par les brocards,
pour ne pas dire plus, des conseilleurs habituels et par les réticences,
pour ne pas dire plus, des financeurs. Il y a certes le soutien de l'ADEME (de
l'ordre de 20 % de l'investissement), mais les banques, elles, sont
absentes. Trop d'inconnues, donc trop de risques. Trop de risques, donc pas
d'argent. On retrouve là l'une des caractéristiques, hélas
bien connue, du système bancaire français.
Dernier inconvénient, et non des moindres, l'installation d'usines
de traitement différentes, sans pollution, même de taille beaucoup
plus modestes que les incinérateurs, ne va pas sans
difficultés sur le terrain
. Les unités de thermolyse
paraissent particulièrement adaptées pour traiter les petits
gisements. Mais, dans l'hypothèse où il faut deux, voire trois
usines pour traiter l'équivalent d'une grosse usine
d'incinération, les difficultés d'implantation sont, elles aussi,
multipliées par deux ou trois. Même si, comme on le verra, la
plupart des critiques (portées aux incinérateurs) ne s'appliquent
pas à la thermolyse (voir ci-après), dans tous les cas, une telle
installation ne peut intervenir qu'après une longue phase de
préparation et d'explications.
En conclusion. Ça et là quelques signes apparaissent. Mais ils
sont souvent trop fragiles pour en tirer des conclusions ou un optimiste
exagéré. Une ébauche, peut-être, un engouement,
certainement pas.
Peu d'innovation, peu d'expériences, trop de risques et pas d'argent...
La thermolyse part incontestablement avec quelques handicaps.
b) L'utilisation des résidus carbonés
Le résidu de thermolyse
Le résidu carboné se présente sous la forme d'une poudre
de charbon noire, homogène, constituée d'éléments
de quelques millimètres. Son pouvoir calorifique dépend
évidemment des déchets entrants. Le résidu issu de
déchets ménagers standard a un pouvoir calorifique de 18/20
MJ/kg, ce qui le situe dans la catégorie des charbons cendreux maigres.
Il s'agit donc d'un combustible. C'est pourquoi, la thermolyse est parfois
présentée comme une technique de prétraitement des
déchets, puisque la fabrication de ce résidu carboné doit
normalement être complétée par son élimination.
Appréciation
Ce combustible présente des avantages : un combustible de
substitution renouvelable à l'infini, au pouvoir calorifique important,
avec des possibilités de consommation étalées dans le
temps, puisqu'il peut être stocké avant une utilisation future,
correspondant à une pointe de consommation (stations estivales...).
Mais, force est de reconnaître que, jusque là, cette valorisation
énergétique s'est heurtée à plusieurs obstacles.
technique
, tout d'abord, puisqu'il s'agit d'un semi-coke. Il faut
donc des installations qui utilisent ou peuvent utiliser ce type de charbons,
de qualité moyenne de surcroît ;
juridique
, ensuite. Le combustible issu de la thermolyse est-il un
déchet ? Il l'est, au vu de la réglementation actuelle, bien
qu'il ait des caractéristiques physico-chimiques de certains charbons
qui, eux, n'en sont pas. Les installations qui brûlent le résidu
carboné doivent donc respecter les normes des installations qui traitent
les déchets, et les cendres provenant de sa combustion seraient
aujourd'hui stockées en décharges de classe I, et doivent
être stabilisées pour pouvoir être stockées en
décharge de classe II, ce qui ajoute au coût.
La situation paraît,
a priori
, quelque peu bloquée, puisque
personne n'est prêt à s'engager sur l'utilisation d'un combustible
de second rang qui, pour l'instant, n'a pas été produit en
quantité et avec une régularité suffisantes pour qu'il
soit parfaitement caractérisé et testé industriellement et
pour que sa compatibilité avec l'usage recherché soit
vérifiée. Ainsi, en Allemagne, quelque usines stockent leurs
résidus carbonés en décharge, faute d'avoir trouvé
des utilisations ou des preneurs.
Certaines pistes et ouvertures méritent cependant d'être
évoquées
Le combustible solide peut intéresser des industriels
équipés, et grands consommateurs d'énergie,
désireux d'augmenter les taux de substitution de leurs autres
combustibles. Les utilisations en métallurgie et en centrale
électrique sont à l'étude. Mais, surtout, les utilisations
en cimenterie constituent la meilleure piste aujourd'hui.
Les contacts que nous avons pu établir à l'occasion de la visite
des Cimenteries Calcia, permettent d'affirmer que, s'il est bien évident
que les cimentiers ne veulent pas être transformés en usines de
traitement de déchets, ils sont ouverts à toute proposition
visant à élargir leurs sources d'énergie. Le choix final
devant intégrer les volumes produits, la régularité des
quantités produites, la qualité des résidus, et le prix.
Le prix de reprise du combustible solide en thermolyse est évidemment un
élément majeur à considérer. Il peut être
positif, nul ou négatif, en fonction des impuretés contenues dans
les produits, des économies réalisables sur les autres
combustibles et des distances.
L'important est de rappeler que l'utilisation en cimenteries supprimerait tous
les résidus solides ultimes en incorporant les matières
minérales contenues dans le coke dans les composants du ciment.
La question du débouché du résidu carboné
est fondamentale
S'il faut le mettre en décharge (de classe I de surcroît), le
coût devient prohibitif. L'économie réalisée sur le
coût de collecte et le coût de traitement des petits volumes est
alors totalement annulée par le surcoût de mise en
décharge. La solution de la décharge interne, adoptée par
quelques usines en Allemagne, n'est pas une solution adaptée.
Malgré ses avantages (voir ci-après), M. le Professeur
André Fontana et Mme Gisèle Jung estimaient qu'ils
" ne pourraient conseiller ce type de traitement à une
collectivité seulement lorsque la réalité d'un contrat de
reprise du combustible solide sera acquise "
.
2. Les avantages
Ces handicaps, réels et sérieux, peuvent être surmontés en prenant en compte certains éléments.
a) Premier argument : le marché
Il existe vraisemblablement un marché privilégié pour la thermolyse qui est celui des petites unités, pour des petits gisements, de faible tonnage. En dessous d'un certain seuil, que l'on peut estimer à 50.000 tonnes/an, l'incinération classique est moins performante et représente des coûts élevés. Certes, de nombreux modes d'incinération à fours fluidisés permettent d'abaisser les seuils de rentabilité, mais ne vont apparemment pas jusqu'aux unités de moins de 30.000 tonnes. Le marché de la thermolyse n'est, en réalité, nullement concurrent du marché de l'incinération, mais parfaitement complémentaire. Il permet également de délester les décharges sans être contraints au transport continue vers de grosses unités d'incinération.
b) Deuxième argument : la technique
La
technique de la thermolyse se caractérise par une grande souplesse de
fonctionnement (multimatériaux, multicapacités...), et produit
moins de résidus ultimes et moins de pollution. Cet argument aura de
plus en plus d'importance.
Une grande souplesse d'utilisation
D'une part, contrairement à l'incinération qui a un seuil
d'efficacité en deçà duquel la rentabilité
financière et même le fonctionnement technique sont compromis, le
four de thermolyse peut fonctionner à 50 % de sa capacité
sans difficultés, car alors, l'énergie nécessaire pour
maintenir le four à température est réduite.
D'autre part, la thermolyse permet de traiter des déchets variés,
quelle que soit leur valeur calorifique ou énergétique (pneus
usagés, plastiques, déchets dangereux, peintures, boues des
stations d'épuration...).
Plusieurs technologies, et Thide, ont ainsi testé les traitements des
déchets suivants :
ordures ménagères,
pneus,
plastiques,
déchets spéciaux (peinture...),
boues des stations d'épuration,
boues des papeteries,
boues de revalorisation des plastiques,
fientes de volailles,
résidus de broyage automobile,
refus de compostage,
refus de traitement mécano-biologique.
Le bilan matière et énergie varie cependant nettement selon la
nature des déchets.
Bilan matière et PCI 1 selon les déchets traités en thermolyse |
|||||
|
Ordures ménagères |
Pneus |
RBA 2 |
Plastiques |
Boues |
Gaz (kilos/tonne) |
480 |
560 |
450 |
680 |
660 |
Potentiel énergétique PCI |
17 MJ/kg |
40 MJ/kg |
12 MJ/kg |
28 MJ/kg |
n.p. |
Semi-coke (kg/tonne) |
300 |
330 |
300 |
280 |
340 |
Métaux/inertes (kg/tonne) |
100 :120 |
150 |
100 :150 |
40 |
-- |
Potentiel énergétique du semi-coke |
18 MJ/kg |
29 MJ/kg |
7 MJ/kg |
5 MJ/kg |
7 MJ/kg |
1
PCI de 1 kg de charbon = 30 MJ/kg
|
|||||
Source : Université libre de Bruxelles |
Une excellente récupération des
métaux
Les températures de traitement étant faibles, et la thermolyse
étant réalisée sans oxygène, les métaux
lourds
97(
*
)
ne sont ni
oxydés, ni volatilisés (à l'exception du mercure, du
cadmium dont les émissions sont inférieures aux normes), ce qui
facilite leur récupération et leur élimination
98(
*
)
.
c) Troisième argument : une technique propre
La
thermolyse ne génère que très peu de pollution. Tout
d'abord, puisqu'il n'y a pas de combustion de déchets, mais seulement
combustion de gaz, le volume des fumées est réduit (baisse de
50 % environ par rapport à l'incinération). Mais, surtout,
le système permet une parfaite captation du chlore par lavage du solide
carboné.
Le chlore
Le chlore est initialement présent dans les déchets entrants sous
forme minérale (sel) ou organique (plastiques, PVC notamment). Au cours
de la décomposition thermique, le chlore se retrouve soit capté
par le résidu solide (on a vu que c'est même l'une des
caractéristiques principales du carbone) sous forme de chlorures
lixiviables, soit dans les gaz de la thermolyse sous forme d'acide
chlorhydrique (HCl). La répartition du chlore entre le gaz et le solide
dépend de la nature et, en particulier, du rapport cellulose/lignine du
déchet entrant. Sans apport particulier, on estime que la
répartition moyenne après traitement d'ordures
ménagères est de 70 %dans le gaz/30 % dans le
semi-coke. Cette proportion peut être modifiée par l'adjonction
d'autres matériaux " inertants " (calcaire) destinés
à entraîner une augmentation de la rétention du chlore dans
le semi-coke (au détriment des gaz). La répartition du chlore est
alors modifiée jusqu'à 2 % (dans le gaz), 98 % (dans le
coke). Le chlore peut ensuite être purgé par simple lavage
(dechloruration). Le chlore est capté par l'eau qui peut alors
être traitée sans difficulté. Dans le procédé
Thide, le chlore récupéré représente environ
10 kg/tonne.
Exemple de destruction de contaminants par thermolyse : mélange avec organochlorés |
|||
|
Contaminants entrants |
Destruction |
|
|
ug/kg 1 |
mg/h 2 |
après thermolyse |
Dioxines (PCDD) |
21,1 |
22,8 |
87 % |
Furanes (PCDF) |
111,9 |
128,8 |
90 % |
Sous total PCDD + PCDF |
133,0 |
151,6 |
89 % |
Polychlorobiphénil (PCBS) |
20.200 |
22.700 |
75 % |
Chlorobenzènes |
3.500 |
4.000 |
68 % |
1
ug/kg = microgrammes/kilogramme
|
|||
Source : Test Noell |
La dioxine
Encadré n° 19
Pourquoi la thermolyse ne génère-t-elle pas de
dioxine ?
___
Pour
fabriquer de la dioxine, il faut trois conditions : du chlore, de
l'oxygène, une certaine température (de l'ordre de 300 à
400° C).
En incinération, la dioxine est d'abord détruite par la chaleur
pour se reformer au moment du refroidissement.
En thermolyse, les conditions ne sont donc pas réunies, puisque, s'il y
a bien du chlore, il n'y a pas d'oxygène (c'est le principe même
de la thermolyse).
Quand on brûle le gaz, ou qu'on brûle ou gazéifie le
combustible solide, on retrouve les conditions qui pourraient permettre la
reformation des dioxines, puisqu'on brûle avec de l'oxygène. Cette
reformation n'apparaît cependant pratiquement pas, car on capte
facilement le chlore dans le solide qui peut également être
facilement lavé pour enlever le chlore et, dès lors, il manque la
première condition pour fabriquer la dioxine.
Le solde éventuel (puisque le chlore n'est pas totalement
éliminé) peut être filtré par charbon actif lors du
traitement des fumées.
d) Quatrième argument : un coût de traitement compétitif
En
dessous d'un certain seuil, que la plupart des observateurs fixent à 50
ou 80.000 tonnes/an, l'incinération traditionnelle est moins attractive
et a des difficultés à rentrer dans les appels d'offre. Les
nouvelles techniques de fours à lit fluidisé permettent
d'abaisser le seuil de rentabilité, mais les investissements restent
lourds. Il n'y a en vérité que très peu de traitements
adaptés aux créneaux des moyennes (50 /80.000 tonnes/an) et
plus encore des petites capacités (inférieures à 50.000
tonnes/an), notamment lorsque l'habitat est dispersé, car la collecte
impose des coûts de transport prohibitifs.
C'est précisément sur ce créneau de petits tonnages, et
dans les régions à l'habitat dispersé, que peut intervenir
la thermolyse avec des coûts de traitement parfaitement
compétitifs.
Comparaison des coûts de traitement |
||||||
|
Incinération 200.000 t |
Thermolyse 200.000 t |
Incinération 50.000 t 2 |
Thermolyse intégrée 50.000 t |
Thermolyse non intégrée 50.000 t 3 |
|
Investissement MF 1 |
790 |
630 - 730 |
130 |
240 |
100 |
200 |
Amortissement F /t |
330 |
275 - 290 |
300 |
380 |
130 |
300 |
Coût opérations F/t |
220 |
140 - 240 |
270 |
310 |
200 |
275 |
Coût traitement F/t |
550 |
430 - 315 |
570 |
690 |
340 |
575 |
1
MF : millions de francs
|
||||||
Source : Prof. André Fontana, Université libre de Bruxelles |
L'évolution de ces coûts dépend de
plusieurs
facteurs.
De la récupération des métaux.
Métaux
ferreux et non ferreux en sortie de thermolyse ont une qualité
incomparable avec celle des métaux en sortie d'incinération (il
ne sont pas mélangés aux déchets), et même meilleure
que celle des métaux récupérés en centre de tri
(puisqu'ils sont débarrassés de tout élément
complémentaire (plastique, peinture, eau...). Le prix de reprise devrait
donc être élevé. Il ne s'agit que d'une recette potentielle
qui dépend de la récupération (courant magnétique,
courant de Foucault...). Il peut donc y avoir un intérêt :
mélanger les déchets traités avec des DIB afin
d'accroître la part valorisable et justifier ainsi une installation de
tri complémentaire. Ces coûts n'ont pas été inclus
dans le tableau précédent.
Du sort réservé aux résidus.
Si le
résidu carboné doit être mis en décharge de classe
I, le coût est alors prohibitif. Si le résidu doit être
transporté dans une cimenterie très éloignée du
four de thermolyse, l'avantage et l'économie réalisées sur
la collecte en amont est alors annulée par le surcoût en aval, si
le résidu doit être stocké en décharge interne
(comme dans certains centres en Allemagne), le problème n'est que
reporté, et la solution n'est, de toute évidence, pas
satisfaisante.
Ainsi, l'utilisation de ce résidu carboné est un
élément clef dans le calcul des coûts. Il peut
néanmoins être réglé soit par une combustion
associée (choix de Nexus, procédé
Softer
), soit par
des contrats de reprise qui ne sont pas encore conclus, mais qui ne sont
désormais plus exclus, notamment par les cimenteries.
e) Cinquième argument : le temps
Il faut
surtout appréhender le marché auquel s'adresse la thermolyse dans
le nouveau contexte formé par l'échéance de 2002, date
à partir de laquelle la mise en décharge cessera d'être un
mode de " traitement " courant.
L'échéance de 2002 crée un vide et une interrogation. Que
faire des déchets qui, jusqu'alors, étaient mis en
décharge ? L'incinération, dont le seuil minimum de
rentabilité est en général fixé à 80.000
tonnes/an, ne couvre pas toutes les situations locales ou imposerait des
collectes de plus en plus éloignées.
La thermolyse est une solution efficace et raisonnable lorsque la mise en
décharge est exclue et que l'incinération n'est pas
adaptée.
Ainsi, d'une part il y a un vide et une attente, d'autre part, il y a une
possibilité technique qui comblent l'une et l'autre, mais qui n'est ni
perçue comme telle, ni
a fortiori
, utilisée.
Nous sommes persuadés que cette situation est provisoire, et que la fin
des échéances modifiera les comportements. La plupart des
blocages seront levés... quand on ne pourra plus faire autrement.
Euro/thermolyse.
Mêmes échéances, même
période transitoire.
La comparaison est osée, et pourtant instructive, car nous sommes
persuadés que dans les deux cas il faudra attendre la fin des
échéances pour constater un changement d'attitude.
La monnaie unique a été décidée en 1992, et existe
depuis le 1° janvier 1999. Mais, hormis les financiers, peu de
personnes ont changé leurs habitudes et utilisent l'euro dans leur vie
quotidienne. Chacun fait comme s'il avait le temps. Tout
s'accélérera en 2002 lorsqu'on ne pourra plus faire autrement,
puisqu'à compter du 1° janvier 2002, les pièces et billets
en euros seront mis en circulation et que le 1
er
juillet 2002, les
francs seront définitivement retirés.
La même échéance conduit aux mêmes
conséquences et au même comportement. La fin de la mise en
décharge comme mode de traitement courant a été
décidée en 1992, et est programmée, elle aussi, pour le
1
er
juillet 2002. Jusque là, on s'interroge, mais
on conserve ses habitudes. Tout se passe comme s'il y avait le temps. Certains
mêmes pronostiquent et espèrent un report de
l'échéance qui donnerait une marge supplémentaire... Mais,
là encore, tout s'accélérera en 2002 lorsqu'on sera au
pied du mur. Que faire des déchets jusque là mis en
décharge ? La thermolyse trouvera alors sa place et son
créneau.
3. Thermolyse et incinération
Encadré n° 20
Quelles sont les différences entre thermolyse et
incinération ?
___
Bien
qu'elles soient parfois confondues, puisqu'il s'agit, dans les deux cas, de
traitement thermique des déchets, les deux techniques sont radicalement
différentes.
Les principes sont différents
L'incinération consiste à éliminer un déchet
en le brûlant (température supérieure à
850° C).
La thermolyse consiste à décomposer un déchet en le
chauffant dans un four sans oxygène (température comprise entre
450 et 750° C).
Les marchés sont différents
L'incinération est adaptée aux gros gisements, aux grosses
capacités (150.000 tonnes/an).
La thermolyse est adaptée aux gisements moyens ou petits (-
50.000 tonnes/an).
Les risques de pollution sont différents
L'incinération génère un volume important de
fumées polluées qui doivent être traitées.
La thermolyse génère un volume de fumées moins
important et moins pollué, puisque le chlore est capté en sortie
de four. Le potentiel de reformation de dioxine est réduit.
Les installations sont différentes
Les usines d'incinération de grosses capacités sont
toujours de grandes unités visibles nécessitant des
investissements lourds avec des cheminées très hautes
(20/25 mètres).
Les installations de thermolyse de petite capacité sont de taille
modeste avec des cheminées de 12/15 mètres. Elles peuvent
être installées sans inconvénient à proximité
de zones d'habitation.
Les coûts sont différents ou plutôt les coûts
sont adaptés à chaque cas
Les coûts des usines d'incinération sont plus
élevés pour des installations de moins de 50.000 tonnes que pour
des unités de thermolyse de même capacité.
Pour les grosses unités, l'incinération paraît plus
compétitive que n'importe quelle autre forme de traitement.
Les logiques politiques qui les sous-tendent sont
différentes
Le choix de l'incinération se justifie sur certains
créneaux pour des raisons de coût de traitement, mais est aussi
fondé sur le poids des habitudes, le prestige et l'influence des grands
groupes qui la soutiennent.
La thermolyse est un traitement de proximité qui s'inscrit dans
une logique de réduction des coûts de transport, de multiplication
des emplois de proximité et d'aménagement du territoire.
Conclusion
Thermolyse et incinération sont parfaitement complémentaires.
Encadré n° 21
Dix
questions au Professeur André FONTANA
___
1. A
quel marché s'adresse la thermolyse ?
La thermolyse, qui consiste en un traitement partiel du déchet, est
particulièrement bien adaptée au traitement des déchets
dans des unités de faibles capacités (5.000 -
10.000 tonnes/an), selon le principe de proximité pour les
gisements dispersés de déchets. Cette technique se
présente comme alternative à l'enfouissement technique et au
regroupement des déchets et à leur transport vers des
unités d'incinération de plus grandes capacités.
2. Quel est l'avantage de la thermolyse par rapport à
l'incinération ?
Les coûts d'investissements et de traitement par thermolyse non
intégrée dans des unités de faibles capacités
(5.000 - 50.000 tonnes/an) sont nettement inférieurs à ce qui
peut être pratiqué par incinération dans cette gamme de
capacité. De plus, par rapport à l'incinération en
capacité moyenne, le traitement selon le principe de proximité
permet de réaliser des économies au niveau du transport du
déchet brut.
La thermolyse produit un combustible solide qui peut être
valorisé de manière différée dans l'espace et le
temps en tant que combustible de substitution. La thermolyse ne
dégradant pas les métaux, permet de les recycler directement. La
thermolyse permet de réduire la quantité de résidus
ultimes.
3. Quel est l'avantage de l'incinération par rapport à la
thermolyse ?
L'incinération permet de traiter les déchets de manière
économique dans des unités de plus de 50.000 tonnes/an. Lorsque
les mâchefers ont subi un traitement adéquat, ils peuvent
être utilisés en construction routière ou dans la
construction de digues.
4. Quels sont les avantages environnementaux de la thermolyse ?
Sur le site de traitement, seuls les gaz de thermolyse sont
brûlés, de sorte que les émissions de fumées sont
réduites de près de la moitié par rapport à
l'incinération directe. Il en résulte un traitement de
fumées d'autant simplifié que les dioxines initialement
présentes dans les déchets sont détruites au cours de ce
traitement.
Le lavage du solide issu de la thermolyse permet d'éliminer une part
importante du chlore, des inertes et des métaux contenus qui ne se
retrouveront donc pas dans les résidus.
L'implantation d'une unité de thermolyse devrait être
idéalement située à proximité d'un utilisateur
d'énergie fossile (valorisation des gaz de thermolyse). Le combustible
solide de thermolyse est idéalement utilisé en tant que
combustible de substitution en cimenterie
Si le combustible solide de thermolyse est utilisé en cimenterie, il
n'y a que très peu de résidus ultimes. En outre, par rapport
à l'incinération avec production d'énergie
électrique, il y a réduction des émissions de dioxyde de
carbone.
5. Pourquoi un four de thermolyse peut-il fonctionner en sous
capacité et traiter une gamme plus large de produits que
l'incinération ?
La fonction chauffage du four étant régulée
indépendamment de la quantité et de la nature de la charge
entrante, ce procédé est très souple au niveau des
conditions opératoires.
6. Si le combustible est brûlé après la thermolyse,
alors quelle est la différence avec l'incinération ?
Globalement parlant, il n'y a bien sûr pas de différence
fondamentale. Comme la thermolyse est un traitement partiel du déchet
qui produit deux combustibles (gazeux et solide), ceux-ci peuvent être
brûlés dans des conditions plus régulières que le
déchet brut en incinération directe. L'air nécessaire
à la combustion peut donc être plus faible et
générer un débit de fumées nettement
inférieur. En outre, le criblage du solide de thermolyse permet
d'éliminer très facilement les matières minérales,
les métaux de bien meilleure qualité que dans les mâchefers
d'incinération. De plus, le chlore peut être éliminé
par lavage ce qui réduit ainsi considérablement le potentiel de
formation de dioxines.
Enfin, si le combustible solide de thermolyse est utilisé en tant que
combustible de substitution en cimenterie, le volume de fumées
émises lors du traitement du déchet est celui qui correspond
à la combustion des gaz de thermolyse. Il en résulte donc un
volume d'émissions nettement inférieur qu'en incinération
directe (moins de 3.000 Nm3/tonne contre 6.000 Nm3/tonne en
incinération). Les quantités totales de polluants émises
sont beaucoup plus faibles tout en respectant les normes de concentration.
7. Si la clef de la thermolyse est le combustible carboné, pourquoi
ce résidu ne trouve-t-il pas preneur, s'il est aussi bon que vous le
dites ?
Ce combustible s'apparente à un charbon de qualité
médiocre. Il contient une certaine quantité de cendres qui
peuvent contenir des métaux lourds. Il doit donc être
utilisé en tant que combustible de substitution dans une installation
industrielle pourvue d'unités de traitement de fumées
performantes. Tel est précisément le cas des centrales thermiques
et des fours de cimenteries. Pour ces dernières installations, grosses
consommatrices d'énergie, il y a place pour une substitution partielle
sans inconvénients pour le processus de fabrication. Des études
effectuées en France et en Belgique ont conduit à une acceptation
de principe de ce combustible.
Jusqu'à ce jour, les industriels candidats repreneurs ne disposaient
pas de suffisamment de ce combustible pour leur permettre de le tester à
grande échelle dans leurs installations. Aujourd'hui, c'est chose faite,
les pilotes industriels de thermolyse sont entrés en phase de production
(500 kg/h), et des lots de plusieurs dizaines de tonnes de ce combustible de
substitution sont actuellement testés à grande échelle.
Nous prévoyons un débouché à court terme.
8. Comment expliquer que les premiers contrats de reprise du combustible
solide de thermolyse envisagent un prix de reprise négatif ?
L'utilisation du combustible solide de thermolyse en cimenterie
nécessite des investissements au niveau réception et manutention
de ce nouveau produit. De plus, malgré le bénéfice
lié à l'économie potentielle d'énergie, il est
prévu des pénalités dans le cas où les
concentrations de certains polluants dépasseraient certaines limites
(excès d'humidité, chlore, métaux lourds, ...). De plus,
il faut prévoir des coûts liés au contrôle de la
composition à la réception de ce combustible.
9. Si des métaux lourds sont ainsi incorporés au ciment, ne
peut-on pas craindre de déplacer le problème ?
Les conditions physico-chimiques qui prévalent au niveau de la flamme
d'un four de cimenterie (1800 - 1900°C) conduit à une vitrification
des cendres et leur "inertage" lors de l'incorporation du
clinker
.
10. Quel est l'avenir de la thermolyse ?
Aujourd'hui, la thermolyse, comprise comme un traitement partiel du
déchet, présente une solution complémentaire à
l'incinération pour les gisements de déchets
particulièrement bien adaptés au traitement de faible
capacité selon le principe de proximité, en alternative à
l'enfouissement technique.
Certaines technologie ont aujourd'hui fait leurs preuves, et
l'acceptabilité du combustible solide est prête d'aboutir. Cette
solution est économiquement attrayante pour les collectivités,
avec récupération locale d'énergie.