D. LES MODES DE VALORISATION LIÉS À L'INCINÉRATION
L'incinération génère trois types de
production :
de la
chaleur
et de la vapeur ;
des
mâchefers
, résidus solides de la combustion des
déchets, restant en sortie basse de four (on les appelle aussi les MIOM
-mâchefers d'incinération d'ordures
ménagères-) ;
des
poussières
, cendres volantes et résidus de
traitement des gaz, récupérés en sortie haute de four (on
les appelle les REFIOM -résidus de l'épuration des fumées
de l'incinération des ordures ménagères-).
Dans ces deux derniers cas, les quantités produites sont très
importantes : 1 tonne de déchets incinérés
génère 275 à 300 kg de mâchefers, 2 à
5 kg de REFIOM, soit, pour un peu plus de 10 millions de tonnes
incinérées, environ 3 millions de tonnes de mâchefers.
Chacun de ces éléments est susceptible d'être
valorisé.
1. La valorisation énergétique
a) Rappels
Contrairement aux allégations
répétées, martelées, l'incinération est un
système d'
élimination
des déchets. La valorisation
énergétique n'est qu'une
conséquence
possible
-souhaitable-, mais qui n'est pas systématique.
En 1997, 80 incinérateurs étaient équipés. On
observera ainsi que les trois quarts des incinérateurs, toutes tailles
confondues, ne disposent pas de récupération d'énergie, et
que, même parmi les incinérateurs les plus importants,
supérieurs à 3 tonnes/heure, seulement 72 % d'entre eux
étaient équipés, en 1997, de dispositifs de
récupération d'énergie. Il s'agit du plus mauvais
résultat de tous les pays d'Europe (à l'exception de la
Grèce et de l'Islande dont les résultats n'ont pas
été communiqués). Dans neuf pays sur quinze États
membres de l'Union européenne, 100 % des incinérateurs sont
équipés.
Ce retard français est peu explicable, et peu admissible.
D'où vient la valorisation énergétique ?
Dans ce domaine, l'évidence est trompeuse. On pourrait penser, en effet,
que la valorisation énergétique provient du simple fait que la
matière brûlée à haute température
génère une chaleur qui peut être
récupérée. D'autant plus que la matière
déchet a un pouvoir calorifique élevé. On mesure ce
pouvoir calorifique par le PCI
71(
*
)
. Le pouvoir calorifique est en moyenne
de 7.828 kJ/kg, soit 1.870 kcal/kg (on dit que le PCI est de 1.870).
L'équivalent énergétique d'une tonne d'ordures
ménagères correspond à environ 150 litres de fuel.
En fait, le potentiel de récupération de chaleur provient moins
de la chaleur dégagée par le four, que du processus de
refroidissement des gaz. Les gaz, qui en chambre de combustion sont à
800/1100°, doivent être refroidis à 250/300° pour
être traités par les procédés appropriés
(filtres électrostatiques, filtres à charbon...). Le
refroidissement a lieu à l'aide de tubes de refroidissement sur lesquels
coulent de grandes quantités d'eau qui se transforme en vapeur, par le
contact avec la chaleur du four (d'où les fameux panaches de
fumée blanche, en sortie de cheminée).
Encadré n° 16
Les
performances de l'incinération
sont-elles sensibles à la collecte sélective ?
___
On a pu craindre à un moment que la collecte sélective ne modifie sensiblement le PCI (pouvoir calorifique inférieur) des déchets incinérés, et perturbe les combustions, notamment la maintenance des grilles. On a noté en effet une hausse du PCI , puisque le PCI moyen serait aujourd'hui de l'ordre de 2.000 à 2.100 contre 1.800 il y a cinq ans, sous l'effet notamment du retrait du verre et des déchets verts, qui ont un pouvoir calorifique faible. Cette hausse est toutefois compensée par une baisse induite par le retrait d'autres matériaux qui, eux, ont un pouvoir calorifique élevé (les plastiques par exemple). Ainsi, les deux mouvements, hausse et baisse du PCI, se neutralisent-ils en partie. Il est indiqué, d'une part que la hausse récente devrait se stabiliser, d'autre part qu'à ce niveau, elle n'a que très peu d'incidence sur les conditions de combustion actuelles. Il est cependant certain qu'une hausse continue et massive du PCI poserait des problèmes , si elle devait se poursuivre.
b) La valorisation énergétique
Les modes de valorisation
La valorisation énergétique peut prendre la voie de la
valorisation thermique et/ou de la valorisation électrique. La vapeur,
condensée, passe dans une turbine et un alternateur qui transforme
l'énergie en énergie électrique. Le choix entre les deux
formules, ou parfois les deux formules combinées (on parle alors de
co-génération), dépend avant tout des conditions locales.
Concernant la
valorisation thermique
, il faut tout simplement savoir si
la chaleur peut être utilisée à proximité de l'usine
(présence d'une demande et d'un réseau), et si les tarifs sont
attractifs. Le client qui achète une énergie thermique, quelle
que soit son origine (en l'espèce une valorisation thermique
d'incinération), raisonne en termes de substitution : il a le choix
entre le fuel, le gaz ou la chaleur du four. Cela dépend en fait des
prix des autres. En revanche, le rendement initial est bon : de l'ordre de
85 % à 90 % par rapport à l'énergie initiale.
Les pertes sont cependant rapides (pertes en réseau,
échangeurs...).
Dans le cas de l'
énergie
électrique
, le rendement
est très sensiblement inférieur, et ne dépasse pas 25
à 30 %. Mais l'énergie électrique est plus facile
à transporter. Là encore, tout va dépendre du prix des
combustibles à un moment donné.
La co-génération qui mixte les deux valorisations donne les
meilleurs résultats.
Les avantages de cette valorisation
Cette valorisation a plusieurs avantages. Elle est directement
utile
: une tonne d'ordures ménagères
génère 2,2 Mwh, ; une UIOM de 10 t/h est équivalente
à un générateur de 22 MW ; les UIOM ont produit
environ 0,8 million de MWh électrique et commercialisé
7,5 millions de MWh thermique dans des réseaux de chaleur ou des
entreprises industrielles
72(
*
)
.
La valorisation énergétique entraîne une
économie
de combustibles nobles (gaz, fuel...), même s'il
faut rappeler que 80 % de l'électricité produite en France
est d'origine nucléaire. Aujourd'hui, seule une partie des
déchets (10 millions de tonnes) est valorisée sous forme
d'énergie thermique et/ou électrique. Selon Novergie
" l'ensemble des déchets des collectivités
(33 millions de tonnes) représenterait un gisement potentiel de 6
à 7 millions de tonnes d'équivalent pétrole
".
Enfin, elle a permis, par la vente de l'énergie de
diminuer
de
20 % le prix du traitement des déchets urbains.
Encadré n° 17
Les
tarifs de rachat
de l'électricité produite par les incinérateurs
___
Électricité de France (EDF) a l'obligation de racheter
l'électricité produite en France d'où qu'elle vienne.
Cette règle ne sera vraisemblablement pas remise en cause par la
dérégulation prochaine. Le tarif de rachat, dit " tarif
vert ", est applicable à la plupart des productions industrielles
ou particulières (production hydraulique de la SNCF, production
thermique privée...), et compris entre 25 et 30 centimes. Il existe un
tarif légèrement supérieur en cas de
co-génération.
Les incinérateurs ont pu regretter que ce tarif soit si modeste, et
surtout inférieur à celui mis en place pour certaines autres
énergies renouvelables (éolienne, petite hydraulique). Ces tarifs
seraient également, -semble-t-il- les plus bas d'Europe.
Pour EDF,
" les tarifs ne sont pas fait pour être
incitatifs "
, ils sont le reflet des coûts et des courbes de
charge. D'ailleurs, des tarifs majorés sont appliqués lors de
certaines pointes, en hiver, qui ne peuvent être que de quelques heures,
mais qui peuvent représenter des sommes très importantes
(jusqu'à 2,50 F, soit près de dix fois le tarif normal). Les
UIOM qui ne sont pas en sous capacité peuvent utiliser cette
particularité grâce à leurs fosses de stockage (en stockant
à l'automne, et en brûlant en hiver, au moment des pointes).
EDF observe également que le système des primes au rachat
d'électricité d'UIOM, comme cela se pratique en Belgique,
entraîne une augmentation des dépenses pour le distributeur qui
est compensée ailleurs, sur les consommateurs, et qu'il y a seulement un
transfert de charges.
Néanmoins, des ouvertures ne semblent pas exclues pour une
évolution des tarifs appliqués à l'énergie produite
par les sources thermiques (incinération, méthanisation), sur la
base de tarifs majorés appliqués à la
co-génération.
2. La valorisation des mâchefers
a) Les mâchefers issus d'incinération
Les mâchefers issus d'incinération des
ordures
ménagères (MIOM)
sont des scories solides résultant de
l'incinération des ordures ménagères. Ils se
présentent sous la forme de granules de couleur grise, mélange de
métaux, de verre, de silice, d'alumine, de calcaire, de chaux,
d'imbrûlés et d'eau.
Depuis 1991
73(
*
)
, les
mâchefers doivent être traités séparément des
autres résidus des combustions (les REFIOM), car la toxicité de
ces derniers empêcherait toute éventuelle utilisation des
mâchefers.
Les masses sont très importantes. Une tonne d'ordures
ménagères génère 275 à 300 kg de
mâchefers.
Que faire de ces mâchefers ? Deux possibilités sont offertes
aux gestionnaires d'UIOM : soit les mettre en décharge de classe
II, soit les retraiter, les stocker provisoirement, et les diriger vers une
plate-forme de traitement, pour une valorisation matière.
L'alternative est subordonnée aux conditions économiques des deux
filières (la valorisation matière est moins chère que la
mise en décharge, mais suppose des débouchés
locaux
74(
*
)
), et aux
caractéristiques techniques des mâchefers, en fonction de leur
potentiel polluant.
Selon une estimation Novergie
75(
*
)
, en 1997, 60 % des
mâchefers étaient mis en décharge, 30 % étaient
valorisés, dont 10 % par l'intermédiaire d'une plate-forme,
10 % étaient stockés sur site (décharges internes
d'usines d'incinération).
L'analyse chimique des mâchefers avant valorisation.
Les
mâchefers sont classés en fonction de leur potentiel polluant.
Depuis 1994
76(
*
)
, les
mâchefers doivent subir un test de lixiviation qui va déterminer
leur possibilité de valorisation en technique routière et
permettre un classement. Ce test consiste à mettre en contact un
échantillon de cent grammes de mâchefers avec un litre d'eau, afin
d'évaluer les quantités de polluants solubilisés. Ce test
est appliqué une première fois pour un tiers dans l'usine d'UIOM,
pendant la campagne de caractérisation du mâchefer, puis de
façon régulière par un tiers ou en autocontrôle par
la suite.
L'application de ce test
77(
*
)
conduit à classer les mâchefers dans l'une des trois
catégories suivantes :
" V " : valorisable directement
" M " : valorisable après maturation
" S " : stockable en centre d'enfouissement de classe
II.
b) Le traitement des mâchefers
Le prétraitement en UIOM
En sortie de four, les mâchefers subissent plusieurs traitements. Ils
sont tout d'abord refroidis, le plus souvent par lavage à l'eau. La
teneur en eau monte alors jusqu'à 25 %. Ensuite, les grosses
pièces imbrûlées sont éliminées par criblage
(passage des mâchefers sur des grilles qui " filtrent " les
éléments inférieurs à 200 mm, les
éléments plus volumineux sont alors retirés). Un premier
déferraillage, par tri magnétique, peut également
intervenir selon la qualité du mâchefer. Quand il n'est pas
opéré en sortie de four, le déferraillage est
réalisé ultérieurement, dans les plates-formes de
traitement des mâchefers.
Après ce premier traitement, les mâchefers sont stockés
dans l'attente d'une évacuation vers des installations de traitement,
dites " installations de maturation et d'élaboration " (IME).
La maturation et l'élaboration des mâchefers valorisables
en IME
Les IME sont des installations de plein air classées au titre de la
protection de l'environnement, destinées à traiter le
mâchefer des usines d'incinération d'ordures
ménagères. L'aménagement,
l'étanchéité, la collecte des eaux de ruissellement, de
même que le traitement de chaque lot, sont étroitement
réglementés. Les lots de mâchefers d'UIOM sont
stockés par lots, identifiés par usine de production.
Deux opérations interviennent : la maturation et
l'élaboration du mâchefer valorisable.
La maturation.
Pendant la durée du stockage, qui
peut être de trois mois à une année, une maturation
intervient qui permet de stabiliser les caractéristiques
chimiques : oxydation naturelle du mâchefer, carbonation de la
chaux, baisse du potentiel d'hydrogène (pH
4
)
78(
*
)
réduisant ainsi le potentiel
polluant du mâchefer.
L'élaboration
, ou la préparation proprement
dite, qui a pour but de donner une homogénéité au
mâchefer et de retirer, soit les éléments
indésirables, soit au contraire les éléments valorisables.
Plusieurs opérations interviennent :
le tri aéraulique pour éliminer les imbrûlés
légers (plastiques, papiers
79(
*
)
),
le tri magnétique pour éliminer les métaux
ferreux
80(
*
)
,
le tri par induction pour éliminer l'aluminium
81(
*
)
.
A l'issue de ces différentes opérations, le mâchefer
présente les caractéristiques suivantes :
|
Silice et alumine |
62 % |
|
Calcaire et chaux |
18 % |
|
Eau |
15 % |
|
Sels |
2 % |
|
Imbrûlés |
2 % |
|
Métaux lourds |
1 % |
Après traitement en IME, une part des MIOM classés en " M " peut alors passer en " V ". Les MIOM qui, après un an, ne correspondent pas aux exigences du " V ", sont alors éliminées et stockées en décharge.
c) La valorisation des mâchefers
La valorisation par la revente des métaux
Le double tri magnétique et par induction (courant de Foucault) permet
d'isoler les métaux ferreux, notamment l'acier et l'aluminium. Ces deux
métaux sont ensuite rachetés par les filières
correspondantes.
Le prix de vente de l'acier issu du mâchefer peut être
estimé à 40 F/tonne, ce qui assure 1 F de recette par
tonne de déchets incinérés. Le prix de vente de
l'aluminium issu du mâchefer est de l'ordre de 1.500 F/tonne, ce qui
assure 3 F de recettes par tonne de déchets incinérés.
On observera que la récupération de l'acier et de l'aluminium
obéissent à deux logiques distinctes. La
récupération de l'acier vise essentiellement à
déferrailler le mâchefer pour lui donner une composition
homogène, et lui permettre ainsi d'être éventuellement
utilisé. La récupération de l'aluminium a aussi un
objectif financier : bien qu'elle concerne des volumes beaucoup plus
faibles, elle rapporte aussi davantage (l'aluminium représente trois
fois moins en masse, mais rapporte trois fois plus que l'acier).
La valorisation en technique routière
Il s'agit là du véritable enjeu de la valorisation des
mâchefers. La récupération des métaux ne porte que
sur des petits gisements. Une fois les imbrûlés et les
métaux enlevés, il reste encore 90 % de la masse, soit
près de 250 kg par tonne incinérée...
Les caractéristiques physiques du mâchefer, composé de
particules scoriacées, à texture granuleuse, presque anguleuse
(notamment les micro-particules de verre ou d'éléments
métalliques), lui confèrent un frottement élevé et,
par conséquent, une bonne portance, qui peut être utilisée
en technique routière. Cette utilisation est expressément
prévue par le
Guide technique pour la réalisation de
terrassements (GTR)
qui distingue à son tour les mâchefers
valorisables (de la catégorie " V "), en fonction de la
durée de stockage, des dates de production, de la teneur en eau, du
chargement en éléments toxiques
82(
*
)
.
Les principales utilisations concernent : les remblais (soubassements
d'ouvrages d'art ou de routes), les couches de forme (sous-couches de voirie ou
de parking), la chaussée (fondations de chaussées à faible
trafic).
Les conditions d'utilisation sont précisées dans chaque cas
(épaisseur, couvertures par un enduit, largeur des couches de terre sur
les flancs...), avec un certain nombre d'interdictions (zones inondables,
proximité de cours d'eau, distance minimum des canalisations
métalliques pour éviter les risques de corrosion...). Le
problème principal est, en effet, celui de la sensibilité
à l'eau. D'une part, l'eau réduit la capacité de portance
en créant un effet " matelassage " de la couche, d'autre part,
l'eau peut se charger en éléments polluants
83(
*
)
.
Les mâchefers sont utilisés dans les grands chantiers de travaux
publics. 21.000 tonnes ont été utilisées pour le Stade de
France (12.000 tonnes en remblai du quai de la gare SNCF, 9.000 tonnes en
sous-couches pour la liaison gare/RN) ; 117.000 tonnes ont
été utilisées pour le chantier d'Euro-Disney.
d) Perspectives : Des potentialités de développement importantes
La
valorisation des mâchefers paraît possible en prenant en compte des
arguments économiques, techniques et financiers.
Il faut tout d'abord partir du
marché
. La situation est,
sur ce point, paradoxale, puisqu'il existe une demande de matériaux qui
n'est pas toujours satisfaite, et une offre de matériaux qui ne trouve
pas toujours preneur.
En BTP, l'offre de matériaux traditionnels, notamment de granulats, sera
affectée par la difficulté grandissante d'obtenir l'ouverture de
nouvelles carrières ou d'extraire des granulats alluvionnaires. On ne
peut donc écarter l'hypothèse de difficultés
d'approvisionnement pour les matériaux de base.
A contrario
,
l'offre de matériaux recyclables va augmenter avec la limitation de
l'accès aux décharges et, par conséquent, une augmentation
prévisible de l'incinération et des mâchefers. Il s'agit
d'un gisement très important et, de surcroît, renouvelable. On
prévoit, pour les seuls mâchefers, une production de
15 millions de tonnes dans les dix prochaines années. On estime que
60 % du gisement (soit 3 millions de tonnes) pourrait être
valorisable.
Cette évolution sera facilitée par une évolution technique
et une analyse des coûts.
Sur le
plan technique
, tous les mâchefers d'UIOM ne sont pas
valorisables aujourd'hui. Il faut, en effet, une qualité minimum, une
régularité et une quantité suffisantes pour que le
mâchefer puisse être valorisé, que les petites unités
d'UIOM n'offrent pas toujours. Mais l'amélioration technique (diminution
des imbrûlés, récupération des métaux...), et
les possibles regroupements d'usines vers des unités de taille plus
importante, devraient permettre de satisfaire l'une et l'autre.
Par ailleurs, des recherches sont conduites pour envisager l'utilisation des
MIOM combinées avec d'autres matériaux, notamment avec des liants
(bitumes, goudrons...) adaptés selon les caractéristiques de
chaque mâchefer.
Des conditions financières attractives.
Sur le plan
financier, l'analyse des coûts montre que la valorisation matière
des mâchefers est une solution économique avantageuse, dès
lors qu'il existe des débouchés.
Le coût de stockage des mâchefers en décharge est de l'ordre
de 200 à 250 F la tonne, et peut même aller jusqu'à
300 F la tonne pour les petits centres
84(
*
)
. Cependant, le coût est
extrêmement sensible à la distance entre le lieu de production
(l'UIOM) et la décharge. Le coût peut monter jusqu'à
440 F la tonne stockée, lorsque le CET est situé à
200 km de l'UIOM.
Le coût de traitement en plate-forme est au moins deux fois moins
important. Selon l'étude SOFRES/AMF/ADEME,
" la valorisation des
mâchefers permet de réduire le coût de gestion des
mâchefers d'un facteur de 2 à 4 selon la distance du CET, soit
d'environ 7 à 15 % du coût d'incinération, et
d'environ 2 à 5 % du coût de gestion des ordures
ménagères. "
Comparaison du coût du traitement des mâchefers |
||||
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CET classe II |
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IME |
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Mise en décharge |
|
Valorisation |
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(CET - classe 2) |
|
(IME) |
|
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Le coût du stockage des mâchefers est de l'ordre de 200/250 F/tonne, soit 50 F la tonne incinérée. |
|
Le coût du traitement des mâchefers en IME est de l'ordre de 120 F/tonne, soit 30 F la tonne incinérée. |
|
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|
Il existe une grande dépendance à l'égard de la distance. |
|
Il existe une grande dépendance à l'égard des débouchés locaux. |
|
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|
|
Le coût peut monter jusqu'à 440 F la tonne traitée, soit 110 F la tonne incinéré lorsque le CET est à plus de 200 km. |
|
En l'absence de débouchés, le mâchefer traité va alors en décharge et les coûts sont alors cumulés. |
|
|
|
|
|
|
Source : Étude SOFRES/ADEME/AMF, op. Cit. |
Il est vraisemblable que cet écart de coûts se maintienne, voire s'amplifie, en fonction des contraintes apportées aux centres d'enfouissement et, surtout, de la raréfaction de l'offre (les capacités des centres ne sont pas illimitées, et les ouvertures de nouvelles décharges seront rares).
e) Perspectives : un accompagnement nécessaire
Des précautions nécessaires
Avant une utilisation généralisée des mâchefers en
génie civil, certaines précautions doivent être prises,
tant dans le domaine écologique que dans le domaine économique.
Les
précautions d'ordre écologique
. Le principal
problème que pose l'utilisation des mâchefers est celui de son
comportement face aux écoulements d'eau, qu'il s'agisse du ruissellement
des eaux de pluie, mais surtout des eaux souterraines. Les
phénomènes de variation des niveaux de la nappe phréatique
et de remontée des eaux par capillarité doivent retenir
l'attention. Or, l'eau est le facteur principal de diffusion des polluants.
Elle peut, par conséquent, se charger en métaux lourds, avant
d'alimenter les eaux souterraines. La question se pose en particulier pour le
plomb. Les normes françaises sont moins rigoureuses que les normes
d'autres pays, ce qui suscite des interrogations.
Aujourd'hui, les tests de lixiviation permettent de caractériser le
potentiel polluant d'un déchet, mais ne donnent guère de
précisions sur les modes de diffusion des polluants
in situ
, en
fonction des sols. Il est très important d'améliorer la recherche
sur la traçabilité qui permet de suivre le parcours des
pollutions et, par conséquent, d'évaluer les risques en fonction
des conditions géologiques.
Une amélioration des tests de lixiviation paraît
nécessaire. D'autres progrès (protocole d'échantillonnage
des mâchefers, limitation ou encadrement des auto-contrôles...) ont
également pour objectif d'obtenir une réelle
caractérisation des matériaux.
Sur le
plan économique
, plusieurs problèmes doivent
être posés. Tout d'abord, les UIOM et la plate-forme de traitement
doivent s'engager sur un contrat qualité qui n'est pas évident.
La nature des déchets et, par conséquent, des mâchefers,
change selon les mois, voire même selon les semaines. Il n'est pas
question d'avoir des mâchefers irréguliers en fonction des
fêtes de fin d'année ! Seule une gestion en amont des
différents déchets, des différentes sources (ordures
ménagères / déchets industriels banals...)
permettra d'obtenir cette régularité indispensable.
Ensuite, il convient d'arbitrer entre deux solutions techniques : ou bien
diluer les mâchefers valorisables en petites quantités dans de
nombreux sites, ou bien concentrer les utilisations sur quelques points, ce qui
permet une meilleure surveillance, mais, à l'inverse, ne permet pas
d'assurer un écoulement régulier des matériaux.
Enfin, il n'est pas question d'arriver dans trois ou cinq ans avec
3 millions de tonnes de mâchefers valorisables que la profession
serait incapable d'absorber, faute de marché, faute de
préparation et de concertation
85(
*
)
. C'est à cette occasion que
peuvent intervenir les collectivités locales.
Une nouvelle place pour les collectivités locales
" Les collectivités locales sont concernées au double
titre de maître d'ouvrage et de responsables directs ou indirects de la
gestion des déchets ménagers ou industriels. Ce double statut
pourrait permettre aux collectivités locales d'assumer à terme un
rôle moteur dans le développement des matériaux de
substitution. "
86(
*
)
Les mâchefers qui étaient mis en décharge de façon
quasi systématique il y a encore dix ans, sont devenus une
matière première secondaire à part entière. Encore
faut-il qu'il y ait une plate forme de traitement et, sinon des incitations, du
moins une meilleure connaissance de la part des prescripteurs et de leurs
conseillers, notamment les directions départementales de
l'équipement. Les mâchefers ne sont qu'un des matériaux
valorisable en génie civil. Il en existe bien d'autres : les pneus,
le verre, les gravats. Mais leur seule évocation suffit parfois à
provoquer des réactions de défiance et de rejet.
On regrettera une fois encore que l'ADEME, bras financier du ministère
de l'Environnement, n'ait pas consacré plus de moyens à la
recherche, afin de valider certaines options, et de mieux caractériser
les produits et matériaux de seconde vie, qui représentent des
gisements considérables.
Ces rejets s'expliquent souvent moins par réticence expresse, que par
méconnaissance. Une action d'information, de pédagogie
d'envergure, est vivement souhaitable à partir des chantiers pilote et
des chantiers de démonstration, avec la participation des prescripteurs,
des constructeurs, des utilisateurs, des institutionnels, des scientifiques et
des associations.
Les collectivités locales peuvent être le lieu de cette nouvelle
impulsion.
3. La valorisation des REFIOM
a) Les REFIOM
L'incinération des déchets ménagers
génère des résidus solides et gazeux dont une partie est
récupérée en partie basse de four (les mâchefers) et
dont l'autre partie est récupérée lors des
différentes phases d'épuration des fumées : les
résidus d'épuration de fumées d'incinération des
ordures ménagères (REFIOM).
Le traitement des fumées
peut prendre trois voies
distinctes.
Il existe tout d'abord un dépoussiérage par
électro-filtres : les poussières se collent sur des
espèces de fils électriques placés dans la chambre de
dépoussiérage, puis sont récupérées par
gravité.
Il existe ensuite un traitement par filtres humides. La neutralisation des gaz
acides et la captation des métaux lourds s'opèrent par une sorte
de " douche ". C'est ce qu'on appelle le " lavage des
fumées " qui explique les panaches de fumées blanches en
sortie de cheminée. Ces fumées sont composées à
99 % de vapeur d'eau. Les poussières
récupérées forment le " gâteau de
filtration ", sorte de pâte humide qui récupère les
poussières toxiques.
Il existe, enfin, le traitement par filtres sec, ou " traitement par
charbon actif ". Le carbone a pour principale caractéristique
d'absorber des quantités de gaz, tant qu'il n'a pas été
mis à l'air. Les gaz les plus solubles dans l'eau sont également
les plus facilement absorbables par le carbone. Il s'agit, par ordre
décroissant, de l'ammoniaque, l'acide chlorhydrique, l'anhydride
sulfureux, l'acide sulfurique, le bioxyde d'azote... Cette
caractéristique est fondamentale puisqu'elle va permettre de
piéger les différents gaz toxiques issus de
l'incinération. Un charbon actif est un carbone qui a subi un traitement
à hautes températures pour le rendre très poreux. Les
propriétés du carbone connu pour ses possibilités de
capter les gaz sont alors renforcées.
Les REFIOM
Sous le terme de REFIOM est regroupé l'ensemble des résidus
résultant des traitements des fumées d'incinération,
à savoir les cendres sous chaudes, les cendres volantes et les
" gâteaux de filtration ". Ils sont constitués d'une
part de substances minérales dépourvues de nocivité
(silice, calcaire), qui constituent la majeure partie de ces résidus
(jusqu'à 90 %), d'autre part de métaux, notamment de
métaux lourds
87(
*
)
. Ils
concentrent ainsi les polluants contenus dans les déchets
incinérés, à savoir les métaux lourds volatiles,
ainsi que le chlore les dioxines et les furanes. Les cendres volantes
contiennent 100 fois plus de dioxines que l'air émis à la sortie
de la chambre de combustion.
Compte tenu de leurs caractéristiques polluantes, notamment de leur
forte teneur en métaux lourds aisément entraînables dans
les lixiviats, les REFIOM ne sont pas mélangés aux
mâchefers, et obéissent à un régime
spécifique. Ils sont classés dans la catégorie des
" déchets industriels spéciaux " assimilés
à des déchets ultimes. Ils sont tout d'abord stockés,
avant enfouissement en décharge pour les stabiliser et réduire
ainsi leur fraction lixiviable. Ils sont ensuite évacués en
centres de stockage des déchets ultimes (CSDU) de classe I. Ils
sont réceptionnés en silos, mélangés à des
liants hydrauliques (béton). Le béton obtenu, qui constitue un
prégage pour les éléments polluants, est coulé dans
des alvéoles spécifiques.
Une tonne d'ordures ménagères produit en moyenne 3 % de
REFIOM par tonne incinérée, avec une plage courante d'oscillation
comprise entre 2 et 5 %. La France produit chaque année 300
à 400.000 tonnes de REFIOM qui rejoignent les déchets industriels
spéciaux dans les décharges de classe I. Le stockage ultime
représente un coût de 1.500 F/tonne.
b) La valorisation des REFIOM ?
Jusqu'à ces dernières années, la seule
voie
possible pour éliminer les REFIOM était la mise en
décharge, les REFIOM étant considérés comme des
déchets ultimes en fin du processus d'incinération. Mais comme on
l'a vu, la notion de déchet ultime est associée à
l'évolution technologique qui, dans ce domaine, a été
très rapide.
L'une des dernières avancées consiste dans la vitrification des
REFIOM, c'est à dire la fusion des cendres à haute
température, qui, non seulement garantit la destruction des polluants,
mais rend le produit final éventuellement valorisable. Ce
procédé vise au " zéro déchet ".
Les techniques
Plusieurs procédés sont en cours d'expérimentation, dont
le principal est la
vitrification par torche à plasma
. Cette
technologie fait l'objet d'importants travaux, notamment de la part
d'Électricité de France (EDF), d'Aérospatiale
(étude des comportements d'entrée des missiles nucléaires
dans l'atmosphère) et d'Europlasma, société
constituée d'anciens collaborateurs de cette société qui
développe également une technologie à partir de brevets de
celle-ci.
Les cendres sont introduites dans un four dans lequel se trouvent deux
électrodes générant un arc électrique chauffant un
gaz (l'air) à haute température (1.300 à 1.700°).
L'air est insufflé par une torchère. C'est le principe de la
torche à plasma
88(
*
)
.
L'écoulement d'air plasmagène génère des
réactions thermochimiques et porte en fusion les produits à
traiter qui refroidissent brutalement se transformant alors en un granulat
vitreux, opaque, noir, très dur. C'est par ce passage d'une très
haute température à une basse température que
s'opère la vitrification. Ce procédé est
développé par la société Europlasma, près de
Bordeaux (voir ci après).
Le vitrificat représente environ 90 % de la masse traitée
(900 kg), mais le volume ne représente que 15 % du volume
initial. Le vitrificat ainsi réalisé est inerte. Il peut alors
être soit stocké en décharge de classe III, - variante
dite de banalisation-, soit valorisé en technique routière -
variante dite de valorisation-. Les REFIOM inertes peuvent en effet servir
comme matériaux de soubassement routier, ballast de voies
ferrées, granulats pour parking, bordures de trottoir...
Le coût de traitement annoncé est de l'ordre de 2.500 francs
la tonne traitée (Des estimations supérieures ont toutefois
été données en auditions). Ce coût important doit
être comparé au coût de mise en décharge de
classe I, frais de transport inclus.
D'autres procédés visant à inerter les déchets
toxiques sont possibles ou en cours d'expérimentation. La vitrification
par arc électrique (sans projection d'air) ; le traitement dit
" à froid " (par opposition au traitement thermique haute
température comme la torche à plasma), utilisant des liants
hydrauliques qui permettent de solidifier les REFIOM.(Les filiales de Vivendi
et de la SITA étudient ce procédé) ; le traitement
par vaporisation. Mis en contact avec de l'acide chlorhydrique gazeux dans un
lit fluidisé, les métaux lourds se transforment en sels
métalliques qui se vaporisent, c'est à dire passent à
l'état de vapeur, s'ils sont portés à haute
température (environ 900°; à température plus
élevée, les substances minérales se vitrifient et l'on
retombe sur l'autre procédé). La vapeur est
entraînée par le flux de gaz, puis refroidie et condensée.
Cette technique permet d'isoler la plus grande partie des métaux lourds
et de les séparer des substances minérales non toxiques. Cette
partie peut alors être utilisée sans difficulté.
Perspectives
Sur le plan
technique
, une étude dite " Vivaldi " est
en cours pour caractériser le vitrificat de l'usine de Cenon (voir ci
après). Une première phase s'est récemment achevée
pour évaluer le comportement du vitrificat à long terme. Une
seconde phase porte sur les voies de valorisation en BTP et sous-couches
routières.
Sur le plan
commercial
, pour le moment, le marché de la
vitrification se trouve principalement au Japon, où la dioxine vient
d'être officiellement désignée comme substance toxique. La
fusion des cendres est la technique privilégiée au Japon. Le
nombre d'installations est passé de 21 en 1994 à 38 en 1997.
Selon les responsables d'Europlasma,
" le marché européen
reste encore à créer ".
L'unité de vitrification
industrielle de Bordeaux-Cenon est une première européenne.
L'usine est destinée à traiter les REFIOM de l'usine
d'incinération de Cenon qui traite les déchets de la
communauté urbaine de Bordeaux. Auparavant, les REFIOM étaient
dirigés dans les centres de déchets ultimes de Bellegarde, dans
le Gard, ou au nord de Paris (respectivement 450 et 650 km du site de
production). Le Sytcom a lancé un appel d'offre portant sur la
vitrification des REFIOM de l'incinérateur de Saint-Ouen.