II Les incertitudes impliquent une amélioration de la compétitivité
du projet EPR avant de pouvoir envisager une quelconque
construction

Le cadre économique général a été fort bien retracé par M. Mandil, Directeur Général de l'énergie, qui soulignait, lors de l'audition du 4 mars, qu' " actuellement, il y a en France un excédent de capacité de production en base d'environ 5 à 6 gigawatts, c'est-à-dire de l'ordre de quatre tranches. Cela ne veut pas dire que ces tranches sont arrêtées, mais que des tranches qui devraient fonctionner en base fonctionnent en semi-base, ou ne fonctionnent pas autant qu'elles le devraient.

Compte tenu d'un certain nombre d'événements, dans le détail desquels je n'entrerai pas, mais qui sont à l'esprit des personnes ici présentes, compte tenu des nouveaux entrants qui vont se manifester dans le cadre de la suppression de certains monopoles d'électricité de FRANCE, on peut estimer, en faisant abstraction pour l'instant du problème de la fermeture éventuelle des tranches les plus anciennes, que cette sur-capacité devrait être résorbée vers 2020 ....

.... Cependant, cela veut quand même dire que les besoins d'investissement éventuels, dans de nouvelles unités électro-nucléaires, se manifesteront plus vraisemblablement d'abord à l'occasion du renouvellement du parc, c'est-à-dire à l'occasion de l'événement constitué par le déclassement des tranches les plus anciennes. Là, en plus de la question de la date, sur laquelle je reviendrai, se posent deux autres questions dont la première est de nature économique. Est-ce qu'à ce moment, compte tenu de l'ouverture du marché, compte tenu de la mise en concurrence à la production, l'EPR sera compétitif par rapport à d'autres modes de production en base ?

Tout le monde pense essentiellement aux turbines à gaz, ainsi qu'au cycle combiné, mais il peut y avoir d'autres possibilités. Cependant, ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut donner une réponse définitive. On peut simplement dire que si les chiffres qui ont été évoqués ce matin sont tenus, on a toutes les raisons de penser que l'EPR sera compétitif par rapport à d'autres modes de production. Cela dit, il n'y a pas une marge de compétitivité telle qu'il faille relâcher les efforts.

La deuxième question est de nature politique :

Est-ce que le gouvernement de l'époque, est-ce que le parlement de l'époque, est-ce que l'opinion publique de l'époque considéreront qu'il convient de remplacer du nucléaire par du nucléaire ou non ?

Là encore, il est exclu de répondre à la question aujourd'hui, celle-ci se posera plus tard. La seule chose que je puisse dire est quelles sont les instructions que le gouvernement d'aujourd'hui donne à ses fonctionnaires ; celles-ci consistent à faire en sorte que tous les choix soient possibles. Laissons les options ouvertes et préparons-nous, notamment, à ce que l'option nucléaire puisse être approuvée, le moment venu.

Reste à savoir quand.

La date dépend largement des décisions qui seront prises par les autorités de sûreté sur la durée de vie des réacteurs actuels. Je rappelle simplement, pour fixer les idées, que le premier réacteur à eau pressurisée actuellement en fonctionnement a été mis en service en 1977, c'est-à-dire qu'en 2007, cela fera 30 ans. Fonctionnera-t-il 30 ans ? S'il doit fonctionner 30 ans, il faudra le fermer en 2007.

Si les autorités de sûreté - et elles seules seront responsables de cela - décident qu'on peut prolonger la durée de vie de ces réacteurs et la porter à 40 ans, cela renvoie le problème à 2017, et il faudra s'en réjouir ; je comprends que cela posera des problèmes aux industriels, mais ce sera néanmoins une bonne nouvelle que la durée de vie des réacteurs actuels soit portée à 40 ans. En effet, cela voudra dire que la collectivité nationale bénéficiera d'une productivité de son outil de production d'électricité bien plus élevée que prévue.

Voilà où nous en sommes, pour ce qui est du paysage français. Si Fessenheim s'arrête en 2007, compte tenu de la surcapacité, il n'y a pas de raison économique de le remplacer ; s'il s'arrête en 2017, cela tombera à un moment où, la sur-capacité étant proche de la résorption, son remplacement sera nécessaire .... ".


L'amélioration de la compétitivité du projet EPR est donc une nécessité.

Atteindre un prix de revient de l'ordre de 18 centimes du Kw/h implique de modifier le projet EPR tel qu'il est actuellement conçu.

Une modification est stratégique, les autres sont plus techniques.

A) Une modification stratégique : l'abandon du suivi de charge

Le débat sur l'aptitude de l'EPR à assurer le suivi de charge conditionne le bilan énergétique futur de la France.

Un moyen important de réduction des coûts d'investissement et de fonctionnement du projet EPR consiste à abandonner la fonction de suivi de charge pour avoir un fonctionnement de la centrale à pleine capacité en permanence.

En effet, cela permet d'alléger tous les dispositifs liés à la variation de puissance.

Cette réflexion a été évoquée, au cours de l'audition publique, par M. Pierre Daures, Directeur général d'EDF

Elle pourrait impliquer à long terme, au fur et à mesure que les contrôles nucléaires atteindront leur fin de vie, que le nucléaire ne sera pas remplacé à 100 % par du nucléaire, mais cette conclusion m'est propre, les déclarations de M. Daures étant sensiblement plus nuancées :

" L'EPR a fonctionné selon son âge et sa montée progressivement en sortant de l'aval. Dans l'état actuel des connaissances et des prix d'énergie, EPR est la première vague de réacteurs que nous commanderions si la politique énergétique confirmait le choix nucléaire pour l'électricité. Le fonctionnement serait en base, ce qui fait qu'on peut probablement réserver le suivi de charge à leurs confrères qui seront toujours en activité, ou aux confrères qui les suivront.

On peut imaginer qu'il y ait une première génération de réacteurs nucléaires plus simples, uniquement sur la base, et on peut faire le calcul : ceci concernerait 6 à 8 tranches.

Compte tenu des données actuelles, il est clair que tout ce qui est énergie de semi-base devra être fait par d'autres processus que le nucléaire. Cette donnée civique se heurte au fait qu'il continue d'exister des réacteurs amorcés ; il serait donc inutile de procéder à un remplacement anticipé. On utilisera donc les réacteurs existants pour faire l'énergie semi-base pendant encore longtemps. Cependant, s'agissant d'ouvrages nouveaux, nous avons à constituer le parc ; il serait, pour la base, fait de l'EPR et, pour la semi-base, fait d'installations thermiques classiques (charbon propre ou turbine à combustion) ".


Cette vision est cohérente avec les travaux de recherche conduits par EDF sur les centrales à charbon.

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