TITRE III
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DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Comme pour le titre II, votre rapporteur renvoie, pour ces deux articles, à l'avis de votre commission des Lois.
Art.
23 et 24 (nouveaux)
Modalités d'entrée en vigueur des
dispositions du titre II
Ces deux
articles, introduits par amendement aux conclusions de la commission des
Affaires culturelles, en première lecture à l'Assemblée
nationale, précisent les modalités d'entrée en vigueur des
dispositions du titre II relatives aux commissions administratives
paritaires, aux comités techniques paritaires et à la composition
des jurys.
Votre commission vous propose d'adopter ces articles sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME NICOLE PÉRY, SECRÉTAIRE D'ETAT AUX DROITS DES FEMMES ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Réunie le mardi 9 mai 2000, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé
à
l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire
d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur
la proposition de loi n° 258
(1999-2000), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative
à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les projets du
Gouvernement dans le domaine de la formation professionnelle.
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que lorsque la
commission avait programmé cette audition, il était
envisagé que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour
prioritaire des travaux du Sénat de la présente session la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale ; le
projet de loi de modernisation sociale devait en outre être adopté
en conseil des ministres avant la fin avril.
Il a constaté que ladite proposition de loi ne serait inscrite
vraisemblablement qu'à l'automne et que le projet de loi avait
visiblement pris du retard. Il a fait part toutefois de sa conviction que
l'audition de Mme Nicole Péry apporterait à la commission des
informations utiles sur les projets du Gouvernement.
Abordant en premier lieu le thème de la formation professionnelle,
Mme Nicole Péry
a tenu à rappeler que ses projets de
réforme s'inscrivaient dans une démarche définie en accord
avec le Premier ministre : la formation professionnelle étant un
élément essentiel du dialogue social depuis 1971, toute
réforme exige une concertation approfondie avec les partenaires sociaux.
Aussi, les nombreuses rencontres bilatérales qui ont eu lieu depuis
avril 1998 expliquent le temps mis par le secrétariat d'Etat à
formaliser des propositions concrètes mais également
l'évolution de la réflexion du Gouvernement dans ce domaine.
Elle a reconnu que la réforme envisagée comporterait plusieurs
volets distincts, qui ne feront pas l'objet d'une loi unique. A cet
égard, elle a annoncé que deux volets -la réforme de
l'apprentissage et la reconnaissance de l'expérience professionnelle-
seraient inclus dans le projet de loi de modernisation sociale qui serait
présenté en conseil des ministres le 24 mai, ces deux volets
ayant pu être achevés plus rapidement dans la mesure où ils
relèvent plus directement de la compétence de l'Etat.
Elle a précisé que les autres volets de la réforme
continuaient à faire l'objet de discussions entre le secrétariat
d'Etat et les organisations syndicales d'une part, mais aussi entre les
partenaires sociaux dans le cadre de la " refondation sociale ", les
syndicats ayant en effet retenu la formation professionnelle comme thème
de négociation. A cet égard, elle a pris acte de cette
volonté de mettre en oeuvre une démarche multilatérale
qu'elle a affirmé rechercher depuis plusieurs mois.
Elle a précisé que le Premier ministre avait prévu de
comparer, à la fin de l'année 2000, les propositions
formulées par le secrétariat d'Etat et celles issues du dialogue
social avant de déposer un projet de loi sur le sujet.
Présentant le volet du projet de loi de modernisation sociale concernant
la réforme de l'apprentissage, elle a déclaré que son
objectif était de conforter l'apprentissage par une plus grande
transparence et par une plus grande efficacité et de faire en sorte que
les centres de formation des apprentis (CFA) puissent tous voir leurs
ressources augmenter.
Constatant que, pour des CFA de formations et de niveaux comparables, la
disparité des moyens alloués allait de 1 à 10, elle a
jugé nécessaire de corriger ces inégalités.
Après avoir rappelé que les négociations avec les
différentes parties prenantes avaient duré 18 mois, elle a
estimé pouvoir aujourd'hui formuler des propositions retenant une
majorité d'avis favorables.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a alors insisté
sur ses deux propositions principales. La première vise à
définir un minimum de ressources pour chaque CFA, ce minimum
étant à négocier avec les conseils régionaux et
devant éviter la faillite de certains CFA tout en leur permettant de
connaître leur budget suffisamment tôt pour mieux planifier leurs
activités. La seconde tend à définir un niveau maximal de
ressources pour chaque CFA, au-dessus duquel les ressources
excédentaires seraient reversées aux fonds régionaux de
l'apprentissage et de la formation professionnelle continue. A ce propos, elle
a souligné qu'une telle mesure était déjà
prévue par la législation en vigueur, mais que le décret
d'application n'avait pas été publié.
Elle a reconnu que ces mesures avaient fait l'objet de réticences de la
part des régions, mais elle a estimé que la compétence
régionale en matière d'apprentissage impliquait également
une certaine responsabilité financière.
Elle a également souligné que ces mesures relatives à
l'apprentissage seraient, à la demande des parties prenantes, inscrites
dans la loi -même si elles exigeront quelques décrets
d'application- alors qu'il aurait pourtant été possible de
choisir la voie réglementaire.
Abordant le thème de l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes,
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a observé que le bilan de la loi " Roudy " de 1983
était décevant.
Elle a également rappelé l'attachement du Gouvernement à
un renforcement de l'égalité professionnelle, déclarant
qu'elle avait demandé au Conseil supérieur de
l'égalité professionnelle d'étudier les moyens
d'améliorer l'efficacité de la loi de 1983, alors que,
parallèlement, le Premier ministre chargeait Mme Catherine
Génisson d'une mission sur ce même thème, mission qui avait
débouché sur le dépôt d'une proposition de loi.
Faisant part de son soutien à cette proposition de loi, elle a
estimé que son mérite principal était d'introduire une
obligation de négocier sur l'égalité professionnelle, tous
les trois ans, dans chaque branche et dans chaque entreprise.
Rappelant que les partenaires sociaux s'étaient saisis de la question de
l'égalité professionnelle dans le cadre de la " refondation
sociale ", elle a souhaité que le rythme du travail
législatif soit parallèle à celui de la négociation
afin que les conclusions des partenaires puissent éventuellement
être intégrées, par voie d'amendement, dans la proposition
de loi. Elle a alors jugé que le vote définitif de la loi ne
devrait donc pas intervenir avant l'issue des négociations, soulignant
toutefois qu'en l'absence de conclusions la discussion de la proposition de loi
serait poursuivie en l'état au Parlement.
M. Jean Delaneau, président,
s'est alors interrogé sur les
conséquences à tirer de la méthode retenue par le
Gouvernement, observant que, si celui-ci était favorable à un
enrichissement progressif des textes présentés au Parlement
grâce au dialogue social, il n'était donc pas souhaitable de
déclarer l'urgence sur le projet de loi de modernisation sociale.
Mme Nicole Péry
a rappelé qu'elle avait été
favorable à l'urgence sur le projet de loi tendant à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives, mais elle a
déclaré que les textes relatifs à l'égalité
professionnelle et à l'apprentissage suivraient un " cours
normal ".
M. Jean Delaneau, président,
observant que le dispositif relatif
à l'apprentissage était inscrit dans le projet de loi de
modernisation sociale, a pris acte -non sans scepticisme- de l'absence
d'urgence annoncée par la ministre.
Après s'être réjouie que le Gouvernement ait enfin,
semble-t-il, décidé d'attendre l'issue des négociations
entre partenaires sociaux avant de légiférer en matière
d'égalité professionnelle,
Mme Annick Bocandé,
rapporteur pour avis
des crédits de la formation
professionnelle
, s'est inquiétée du " risque maximal de
dérives " menaçant le secteur de la formation
professionnelle souligné par un récent rapport du service central
de prévention de la corruption.
Elle s'est également interrogée sur la réforme du
financement de l'apprentissage, se demandant si l'institution d'une garantie de
ressources pour les CFA, loin d'être une " prime à la
qualité ", n'allait pas se traduire par un certain encouragement
aux CFA les moins dynamiques. Elle a enfin demandé sa position au
secrétaire d'Etat sur la proposition de substituer une obligation de
formation à l'obligation actuelle de financement de la formation que
suggère un récent rapport du Conseil d'analyse économique.
Revenant sur le risque de dérives,
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat,
a estimé qu'il ne fallait pas incriminer
l'ensemble du secteur de la formation, même si certaines dérives
existaient. A ce propos, elle a regretté l'image négative de ce
secteur, considérant que cette image était liée en grande
partie aux accusations de dérives. Elle a donc jugé
nécessaire de " redonner du sens " à la formation
professionnelle en réaffirmant son rôle dans la cohésion
économique et sociale. Elle a cependant jugé qu'il était
possible d'améliorer l'efficacité du système de formation
professionnelle pour le même coût en limitant certains abus. Elle a
rappelé qu'elle avait demandé une vigilance toute
particulière aux inspecteurs du travail en matière de formation
professionnelle, précisant que 2.403 contrôles sur pièces
et sur place avaient été réalisés en 1999 dans ce
secteur (visant 1.533 entreprises, 822 organismes de formation, 33 organismes
collecteurs paritaires et 15 structures d'accueil, d'information et
d'orientation) et s'étaient traduits par des notifications de
redressement à hauteur de 120 millions de francs.
S'agissant de la réforme de l'apprentissage, elle a
déclaré qu'une majorité des conseils régionaux et
des chambres consulaires soutenait son projet de réforme. Elle a
insisté sur le travail remarquable fourni par les CFA les moins
dotés financièrement relevant le plus souvent de l'artisanat.
S'agissant d'un éventuel arbitrage entre obligation de formation et
obligation de financement, elle a rappelé que ce sujet était
inclus dans le champ des négociations entre partenaires sociaux. Elle a
souligné la variété des situations existantes, observant
que l'obligation de formation était déjà une
réalité pour la plupart des grandes entreprises, mais que les
petites et moyennes entreprises (PME) n'étaient majoritairement pas
préparées à l'introduction de cette nouvelle logique. Elle
a en outre considéré que le futur " droit individuel
à la formation tout au long de la vie " permettrait de mettre en
oeuvre une telle obligation de formation, même si ses modalités
définitives n'étaient pas encore arrêtées.
Mme Annick Bocandé
s'est alors interrogée sur les
dispositions relatives à la validation des acquis d'expérience
incluses dans le projet de loi de modernisation sociale.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a expliqué que
ce projet de loi contenait en effet l'affirmation d'un nouveau droit à
la reconnaissance de l'expérience professionnelle, grâce à
la validation des acquis professionnels sous la forme de diplôme.
Rappelant l'ampleur des oppositions qui avaient pu exister entre les tenants de
la suprématie du diplôme issu de la formation initiale et les
partisans de la seule reconnaissance des compétences professionnelles
par l'entreprise, elle a souligné le rapprochement progressif des
différents points de vue. Elle a également rappelé que la
loi du 20 juillet 1992 avait permis une première reconnaissance des
acquis professionnels.
Elle a toutefois reconnu que cette loi restait imparfaite, seules 5.000
validations ayant été réalisées en 1999. Elle a
alors souligné les principales lacunes de cette loi : la validation
ne concerne que les diplômes de l'éducation nationale (et non les
diplômes des autres ministères, les titres délivrés
par les chambres consulaires ou les certifications professionnelles), elle
n'est possible qu'après 5 ans d'expérience, elle ne vise que
l'expérience strictement professionnelle (et ne reconnaît donc pas
les expériences syndicales aux bénévoles).
Rappelant que 40 % de la population active avait un niveau de formation
inférieur ou égal au CAP (contre 20 % en moyenne dans
l'Union européenne), elle a alors considéré qu'une
meilleure validation des savoirs et des savoir-faire serait à la fois
favorable aux salariés et aux entreprises.
Elle a cependant estimé que ce projet, qui modifie sensiblement les
traditions de la formation professionnelle, ne réussirait que si les
acteurs du secteur modifiaient leurs habitudes pour travailler en plus grande
concertation. Elle a insisté sur la nécessité de conclure
des partenariats, précisant que des expérimentations en ce sens
étaient en cours.
M. Jean Delaneau, président,
s'est alors interrogé sur
l'identité des responsables et sur les modalités de cette future
validation.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a
précisé que les expériences professionnelles seraient
validées par un jury constitué d'enseignants et de professionnels.
Elle a en outre rappelé qu'il existait actuellement quelque 3.000
diplômes, titres homologués ou certifications professionnelles
sans qu'il existe pourtant de répertoire national des certifications
professionnelles. Elle a indiqué que le projet de loi de modernisation
sociale allait créer un tel répertoire et qu'il serait
géré par une commission nationale placée directement
auprès du Premier ministre. Précisant que la composition de cette
commission serait fixée par décret, elle s'est engagée
à porter ces décrets à la connaissance des parlementaires
avant la seconde lecture du projet de loi.
Mme Gisèle Printz
s'est interrogée sur la persistance
d'une spécificité sexuée des emplois et sur l'état
d'avancement de la présentation sexuée des statistiques publiques.
M. Roland Muzeau
s'est préoccupé de l'harmonisation entre
le futur dispositif de validation des acquis professionnels et les conventions
collectives prévoyant déjà une reconnaissance de
l'expérience professionnelle.
Exprimant la crainte que le projet de réforme de financement des CFA ne
favorise les centres les moins dynamiques en leur garantissant un minimum de
ressources,
M. André Jourdain
a également
observé que de très nombreuses PME menaient une politique
très active de formation dépassant de très loin les
simples obligations légales et a souligné les risques, notamment
dans les régions frontalières, que les salariés ainsi
formés n'aillent travailler à l'étranger. Soulignant que
le diplôme ne pourrait en aucun cas être le seul critère de
la compétence professionnelle, il a exprimé ses
préoccupations sur la procédure législative de validation
imaginée par le Gouvernement.
M. Guy Fischer
a regretté le manque de lisibilité du
projet de réforme de la formation professionnelle, s'interrogeant sur
les motivations ayant conduit le Gouvernement à choisir des supports
multiples au lieu d'un projet de loi unique.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur les
possibilités d'améliorer l'accès à la formation des
salariés sous contrat précaire. Elle a également
observé que les rapports de situation comparée instituée
par la loi de 1983 sur l'égalité professionnelle étaient
le plus souvent inexploitables et s'est interrogée sur le moyen
d'améliorer leur contenu.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur le statut
des anciens inspecteurs académiques de l'apprentissage.
M. Philippe Nogrix
a souhaité connaître la part des emplois
féminins dans le secteur public et le secteur privé.
En réponse,
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a
déclaré que le projet de loi de modernisation sociale viserait
également à transcrire en droit français une directive
européenne destinée à lutter contre les discriminations,
raciales ou sexuées, au travail. Elle a observé que les
écarts de salaires entre les femmes et les hommes -qui atteignent
27 %- tenaient principalement aux lacunes de l'orientation professionnelle
des jeunes filles, celles-ci choisissant des filières où les
emplois restent peu qualifiés alors que les femmes sont en moyenne plus
diplômées que les hommes.
Elle a rappelé que toutes les statistiques de l'Etat étaient
désormais présentées sous forme sexuée en
application d'une circulaire du Premier ministre.
Elle a également indiqué que les conventions collectives
pourraient prendre en compte le nouveau droit à la validation des acquis
professionnels. Observant qu'il subsistait toujours un écart de
formation entre les grandes et les petites entreprises, elle a
considéré que les chefs d'entreprise restaient très
attentifs aux diplômes, ce qui justifiait alors la validation des acquis.
Reconnaissant qu'il existait bien une alternative entre une réforme
séparée en plusieurs volets et une réforme
législative unique qui aurait pu être présentée au
Parlement au début 2001, elle a justifié le choix du Gouvernement
au nom d'une exigence de rapidité.
S'agissant de la formation des salariés précaires, elle a
précisé que ce point serait abordé à l'occasion de
la préparation du projet de formation tout au long de la vie.
Revenant sur le contenu des rapports de situation comparée, elle a
rappelé que le décret prévu par la loi de 1983, devant
définir les critères objectifs figurant dans le rapport, n'avait
jamais été publié, mais que la proposition de loi
adoptée à l'Assemblée nationale précisait leur
contenu.
S'agissant des inspecteurs académiques de l'apprentissage, elle a
déclaré qu'ils avaient été fondus dans le corps des
inspecteurs d'académie. Elle a toutefois souligné qu'une
réforme était à l'étude, visant à mieux
associer les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale et
les inspecteurs du travail dans le domaine de l'apprentissage et qu'une
expérimentation était actuellement en cours dans certains
régimes.
Elle a enfin rappelé que 80 % des femmes âgées de 25
à 50 ans exerçaient une activité professionnelle et
que la proportion de femmes occupant des postes de direction était
similaire -de l'ordre de 7 à 8 %- dans le privé et le
public.