Proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
BOCANDÉ (Annick)
RAPPORT 475 (1999-2000) - Commission des Affaires sociales
Tableau comparatif au format Acrobat ( 112 Ko )Rapport au format Acrobat ( 252 Ko )
Table des matières
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
-
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL -
TITRE II
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE -
TITRE III
-
DISPOSITIONS TRANSITOIRES - TRAVAUX DE LA COMMISSION
N°
475
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 29
juin 2000
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 septembre
2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ,
Par Mme
Annick BOCANDÉ,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise
Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean
Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel
Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude
Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le
Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges
Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
2132, 2220, 2225
et T.A.
469
.
Sénat
:
258, 347
(1999-2000).
Femmes. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le 7 mars dernier
1(
*
)
, l'Assemblée
nationale adoptait une proposition de loi relative à
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
proposition déposée par Mme Catherine Génisson et ses
collègues du groupe socialiste.
Votre commission des Affaires sociales a été saisie de ce texte
que le Gouvernement a souhaité inscrire à l'ordre du jour
prioritaire de nos travaux. Elle regrette à cet égard que le
Gouvernement ne retienne pas une telle procédure pour les nombreuses
propositions de lois, notamment en matière sociale, adoptées par
le Sénat qui sont en instance d'examen à l'Assemblée
nationale.
Dans la mesure où ce texte vise non seulement le code du travail mais
aussi le statut de la fonction publique, la commission des Lois s'est saisie
pour avis des titres II et III. Aussi, votre commission vous propose, pour les
articles en question, de s'en remettre à l'avis éclairé de
la commission des Lois -et de son rapporteur, M. René Garrec- tout
naturellement compétente en la matière.
Votre commission a également décidé de saisir, le 15 mars
dernier, la Délégation aux droits des femmes et à
l'égalité entre les femmes et les hommes. Son rapport,
présenté par M. Gérard Cornu, a été rendu
public en mai. Bien des constats et bien des recommandations formulés
par la Délégation seront d'ailleurs ici repris par votre
commission.
A titre liminaire, il a semblé utile à votre commission
d'apporter deux précisions.
Auditionnée en commission le 9 mai dernier, Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle, avait alors déclaré que, les partenaires sociaux
s'étant saisis de la question de l'égalité professionnelle
dans le cadre de la " refondation sociale ", il lui semblait
préférable que le rythme du travail législatif soit
parallèle à celui de la négociation afin que les
conclusions des partenaires sociaux puissent être, le cas
échéant, intégrées par voie d'amendement dans la
proposition de loi. Votre commission ne pouvait naturellement que partager
cette position de sagesse, respectueuse du dialogue social.
Or, en inscrivant, dès juin dernier, ce texte à l'ordre du jour
prioritaire du Sénat pour l'ouverture de cette nouvelle session, le
Gouvernement est manifestement revenu sur sa position initiale. Il était
clair, dès le mois de juin, que la négociation entre les
partenaires sociaux ne serait pas achevée pour la rentrée
parlementaire.
Votre commission ne peut alors qu'une nouvelle fois regretter l'attitude du
Gouvernement vis-à-vis du dialogue social. C'est au moment où les
partenaires sociaux expriment leur dynamisme, réaffirment leur force de
propositions et leur sens des responsabilités -qui, certes, semblent
déplaire au Gouvernement- que celui-ci choisit d'imposer la voie
parlementaire pour une question qui relève à l'évidence
avant tout du ressort du dialogue social.
Au manque de considération pour les partenaires sociaux s'ajoute une
certaine désinvolture vis-à-vis du Parlement.
Le Gouvernement a annoncé en juillet sa décision d'amender la
proposition de loi afin d'y adjoindre des dispositions relatives au travail de
nuit des femmes, dispositions déjà incluses pour partie dans le
projet de loi de modernisation sociale présenté en Conseil des
ministres le 24 mai dernier. Votre rapporteur a donc, avec le président
de votre commission, écrit le 5 septembre à Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la
formation professionnelle, pour lui demander de bien vouloir déposer cet
amendement dans les meilleurs délais sur le bureau du Sénat afin
qu'il puisse être examiné en réunion de commission le 19
septembre.
En dépit de cette demande, cet amendement n'a été
déposé que lundi 18 septembre en fin d'après-midi, veille
de la réunion de commission.
Compte tenu de la brièveté des délais, de l'ampleur des
dispositions et de l'importance du sujet et dans la mesure où leur
rédaction a été modifiée par rapport à celle
du projet de loi de modernisation sociale, votre commission des Affaires
sociales n'a pas souhaité l'examiner dans la précipitation, ni
proposer d'éventuels sous-amendements dans ce rapport. Elle regrette en
outre de ne pas avoir pu disposer des délais nécessaires pour
pouvoir entendre sur ce sujet Mme le Ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Pour autant, ces deux mauvais procédés à l'égard
des partenaires sociaux et du Parlement ne doivent pas nuire à la
sérénité du débat sur cette proposition de loi.
L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
constitue un enjeu de société essentiel. Elle mérite en
conséquence une attention particulièrement vigilante de notre
Haute Assemblée.
I. L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE : UNE QUESTION TOUJOURS LÉGITIME
A. DES INÉGALITÉS PERSISTANTES
Votre
commission ne peut hélas que partager ce constat trop souvent
formulé : le travail constitue toujours ce qu'un commentateur a pu
appeler
" le marécage des inégalités
stagnantes "
2(
*
)
.
Dans le monde professionnel, subsistent de fait un certain nombre
d'inégalités qui fragilisent la place des femmes sur le
marché du travail
3(
*
)
.
•
Le poids du chômage
Alors que les femmes représentent 45 % des actifs, elles
constituent 51 % des demandeurs d'emploi. En juin 2000, le taux de
chômage des femmes atteignait 11,5 %. Il n'était que de
8,1 % pour les hommes. Plus souvent au chômage que les hommes, les
femmes le sont aussi plus longtemps.
•
Une exposition forte à la
" précarité "
Ainsi, 31,1 % des femmes actives occupent un emploi à temps partiel
(contre 5,4 % des hommes)
4(
*
)
. On estime
généralement que le temps partiel n'est réellement choisi
que pour les deux-tiers d'entre elles. De la même manière, les
femmes occupent plus souvent des " formes particulières
d'emplois " (stage, contrat à durée
déterminée, intérim, contrats aidés) que les hommes.
•
Les difficultés d'accès à la formation
Les femmes accèdent en moyenne moins souvent aux actions de formation
que les hommes. L'emploi féminin se concentre en effet dans des secteurs
finalement assez peu qualifiés, où l'accès à la
formation n'est pas une priorité. En outre, le temps partiel contribue
à éloigner les femmes de la formation : lorsqu'il est
inférieur à un mi-temps, seulement 8,5 % des femmes ont
suivi une formation contre 26 % des hommes
5(
*
)
.
•
La fragilité des déroulements de
carrières
La probabilité d'occuper un emploi de cadre est systématiquement
plus faible pour les femmes, à diplôme identique et à
niveau d'expérience égal. Et que dire des postes à
responsabilité : une seule femme dirige une entreprise parmi les
200 premiers groupes français.
•
La persistance d'un fort écart salarial
Les salaires féminins sont inférieurs de 23 % à ceux
des hommes
6(
*
)
. Si cet écart
résulte avant tout des différences en matière
d'ancienneté, de formation, d'expérience, de secteur
d'activité, il n'en reste pas moins qu'il subsiste un écart
résiduel de 10 à 15 % qui ne peut qu'être
difficilement expliqué par des facteurs objectifs.
•
La dégradation des conditions de travail
Les femmes sont très fortement représentées dans des
métiers qui exigent une disponibilité horaire importante, comme
les soins aux personnes ou le commerce, et sont fréquemment
confrontées à des amplitudes journalières importantes et
à une irrégularité des horaires.
B. DES ÉVOLUTIONS ENCORE TROP TIMIDES
•
Le renforcement de la place des femmes sur le marché du
travail
Ce diagnostic pour le moins assez sombre ne doit cependant pas occulter
certaines évolutions qui ont permis de conforter la place des femmes
dans le monde du travail.
Les femmes sont ainsi de plus en plus nombreuses à exercer une
activité professionnelle. Le taux d'activité des femmes de 25
à 49 ans est ainsi passé de 44 % en 1968 à 80 %
en 2000. Alors qu'au cours des quinze dernières années l'emploi
masculin se contractait légèrement, l'emploi féminin
progressait de 1,2 million d'emplois supplémentaires.
Et c'est justement parce que les femmes sont de plus en plus présentes
et impliquées dans le monde du travail que les inégalités
persistantes apparaissent de plus en plus insupportables.
•
La construction progressive d'un cadre législatif
conséquent
Pourtant, notre législation a parallèlement cherché
à mieux assurer cette égalité professionnelle.
Déjà, le préambule de la Constitution de 1948 affirmait
que "
la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des
droits égaux à ceux de l'homme
".
Erigé en principe constitutionnel, l'égalité des sexes
s'est progressivement inscrite dans le droit du travail. La
loi n°
83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code
pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre
les femmes et les hommes
marque certainement une étape importante de
ce processus.
Rendue nécessaire pour assurer la conformité de notre
législation au droit européen et s'inspirant pour partie d'un
projet de loi adopté en Conseil des ministres par le
précédent Gouvernement le 16 janvier 1981, la loi
" Roudy " allait organiser le passage d'un cadre législatif
visant principalement la protection de la femme à un système
privilégiant la non-discrimination. Cette nouvelle législation
s'accompagnait de mesures spécifiques tendant au rattrapage des
inégalités de fait constatées dans le monde du travail.
La loi du 13 juillet 1983
Les
principales dispositions de la " loi Roudy " sont les suivantes :
- l'introduction d'un principe général de non-discrimination
(
art. L. 123-1 et L. 123-2 du code du travail
) et des
applications particulières en matière de salaire (
art L.
140-2
) ou d'embauche ;
- la mise en place de garanties reconnues aux salariés pour faire
appliquer ce principe (affichage dans l'entreprise, action syndicales,
protection contre le licenciement, contrôle de l'inspection du travail,
instauration de sanctions pénales) ;
- l'autorisation de mesures temporaires d'embauche, de promotion, de
formation, de salaire en faveur des femmes, pour remédier aux
inégalités de fait (
art. L. 123-3
et
4
et
L. 900-4
) ;
- l'obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la
situation comparée des hommes et des femmes transmis au comité
d'entreprise (
art.
L. 432-3-1
) ;
- la possibilité de négocier avec les syndicats de
l'entreprise un plan d'égalité mettant en oeuvre des mesures en
faveur des femmes (
art. L. 123-4
) ;
- la création d'une aide financière de l'Etat pour aider les
plans d'égalité comportant des " actions
exemplaires " ;
- la possibilité pour les organisations syndicales de se constituer
partie civile pour l'application de la législation sur
l'égalité professionnelle (
art. L. 123-6
) ;
- la création du Conseil supérieur de
l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le Sénat avait alors accompagné ce processus législatif.
Ainsi, M. Pierre Louvot, rapporteur de ce texte pour votre commission,
observait dans son rapport
7(
*
)
:
"
Le projet de loi dont notre Haute Assemblée est saisie
s'inspire d'une volonté puissante et mobilisatrice au
bénéfice de l'égalité professionnelle entre les
hommes et les femmes. Ses intentions sont claires puisqu'il tend vers
l'accélération d'un processus d'évolution progressive que
notre société n'a pu encore accomplir, tant reste fort le poids
des habitudes et des mentalités, tant sont manifestes les
disparités de formation, de qualification et d'accès aux emplois
de rémunération et de formation ainsi que la division d'un
travail inégalement réparti et globalement insuffisant
".
Aujourd'hui, près de vingt ans après, le Parlement est saisi d'un
nouveau texte relatif à l'égalité professionnelle.
II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉPONSE LARGEMENT INADAPTÉE
La
persistance de réelles inégalités professionnelles impose
aujourd'hui une nouvelle réflexion sur les mesures permettant de
garantir, en pratique, une meilleure égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes. C'est à cette aune qu'il importe
d'examiner la présente proposition de loi.
Votre commission considère que la proposition de loi, dans sa
rédaction actuelle, n'est hélas pas à la hauteur des
enjeux. Relevant d'une opportunité incertaine, ce texte n'offre en
définitive qu'un contenu décevant.
A. UNE OPPORTUNITÉ INCERTAINE
La
réalisation effective de l'égalité professionnelle
impose-t-elle aujourd'hui l'adoption d'une nouvelle loi ? Rien n'est moins
sûr.
Un observateur avisé de l'égalité professionnelle
écrivait ainsi l'an passé : "
Sur
l'égalité professionnelle, il ne me semble pas que
l'élaboration d'un nouveau dispositif législatif soit le moyen le
plus indiqué pour modifier en profondeur les réalités
d'aujourd'hui. Tout en n'écartant pas l'éventualité de
mesures spécifiques de nature à offrir de nouvelles garanties,
à rattraper les retards ou à pénaliser les abus, il me
paraît préférable de privilégier les mesures de
droit commun
". Ces lignes sont de Mme Catherine Génisson,
auteur de la proposition de loi
8(
*
)
.
Plus incisif, un député déclarait le 3 mars dernier qu'il
ne voterait pas la proposition de loi, estimant qu'on "
a voulu faire
un affichage simple et brutal qui ne change rien
" et qu'on
"
n'avait pas besoin de faire une nouvelle loi
". Ces
déclarations sont de Mme Yvette Roudy, à l'origine de la loi de
1983 que ce texte modifie.
La pertinence d'un nouveau texte législatif est en effet loin
d'être évidente.
•
Il existe déjà un arsenal législatif
conséquent
La présente proposition de loi vise à compléter la loi du
13 juillet 1983 pour renforcer la législation existante en faveur de
l'égalité professionnelle. Elle repose donc largement sur le
constat d'un bilan très mitigé de la loi " Roudy ".
Il est vrai que le bilan de cette loi apparaît aujourd'hui
médiocre, et en tous cas bien en retrait par rapport aux espoirs qu'elle
avait pu faire naître. Mais cela tient en définitive moins aux
failles éventuelles de la législation qu'à son application
imparfaite.
Les partenaires sociaux ne se sont en effet que faiblement appropriés ce
texte. Ceux-ci n'ont jusqu'à présent qu'imparfaitement
intégré le thème de l'égalité
professionnelle dans le dialogue social alors que la loi les y incitait
fortement.
En témoigne le bilan encore insuffisant de la négociation
collective en cette matière.
Au niveau interprofessionnel, un accord national interprofessionnel sur
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a certes
été signé le 23 novembre 1989. Mais cet accord, qui
invitait les branches professionnelles à établir un constat de la
situation, à définir des objectifs concrets et à favoriser
leur mis en oeuvre est largement resté lettre morte, une seule branche
(celle de la cimenterie) l'ayant repris entièrement.
Au niveau des branches, les progrès ont été plus
significatifs. Il ressort en effet des bilans de la négociation
collective dressés chaque année par les services du
ministère de l'emploi que l'égalité professionnelle est
fréquemment prise en compte lors de la refonte ou de la conclusion de
nouvelles conventions collectives.
Au niveau de l'entreprise, seuls 34 plans d'égalité
professionnelle ont été conclus. Il est vrai que la
complexité de la loi, notamment pour bâtir des plans
d'égalité professionnelle et pour bénéficier
d'aides publiques, semble avoir découragé les meilleures
volontés.
Ces faibles résultats quantitatifs tiennent avant tout à un
contexte, pendant de longues années, peu propice à la
négociation en ce domaine. Les difficultés économiques et
la situation de l'emploi ont en effet conduit les partenaires sociaux à
privilégier d'autres thèmes de négociation.
Il n'en demeure pas moins que ces négociations, même peu
nombreuses, ont initié des démarches innovantes qui tendent peu
à peu à se diffuser et qui font de l'égalité
professionnelle un moyen d'accompagnement du changement dans les entreprises.
Dans ces conditions, ce n'est pas en rendant notre législation plus
contraignante, au moment où les partenaires sociaux commencent à
s'approprier la loi
9(
*
)
, que l'on garantira sa
meilleure application.
•
Il importe de privilégier le dialogue social
Au-delà des progrès constatés dans le cadre des
négociations portant prioritairement sur d'autres sujets, les
partenaires sociaux se sont maintenant saisis du thème de
l'égalité professionnelle dans le cadre de la négociation
interprofessionnelle engagé le 3 février dernier, dite de
" refondation sociale ". L'égalité professionnelle est
l'un des neuf thèmes de négociation. Ce volet devrait être
abordé dès que le dossier de l'UNEDIC sera réglé.
Il est en tout cas enfin inscrit à très brève
échéance sur l'agenda des partenaires sociaux.
Dans ce contexte, il aurait été préférable de
laisser le dialogue social s'engager plutôt que de chercher à
légiférer sur ce thème, au risque de bloquer la
concertation. Il aurait donc été souhaitable de ne chercher
à légiférer qu'en cas de carence de ce dialogue social.
•
La loi ne peut à elle seule faire évoluer les
mentalités
En matière d'égalité professionnelle, c'est moins la loi
qu'il faut faire évoluer que les mentalités. La persistance des
inégalités professionnelles repose avant tout sur des obstacles
culturels.
Votre commission des Affaires sociales insiste ici tout particulièrement
sur la question de l'orientation des jeunes filles. Alors que les jeunes filles
obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons,
elles s'orientent pourtant, par habitude, vers des filières très
féminisées reproduisant alors une certaine forme de
ségrégation professionnelle.
On sait que six groupes professionnels rassemblent aujourd'hui 60 % des
femmes actives alors qu'ils ne représentent que 30 % de l'emploi
total. Il s'agit de l'enseignement, des professions intermédiaires de la
santé et du travail social, des employés, du commerce et des
services aux particuliers. Or, ces groupes d'emplois sont loin d'être
actuellement les plus porteurs en matière d'emploi et de carrière.
Le volontarisme législatif en la matière témoigne en
définitive d'une vision étroite de l'égalité
professionnelle. Ce n'est pas en cherchant à agir sur les seules
manifestations que l'on améliorera la situation des femmes. Il importe
plutôt d'agir en amont sur les causes en accompagnant, par une
démarche pédagogique, l'évolution des mentalités.
Votre commission s'étonne d'autant plus de l'insistance du Gouvernement
à vouloir inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour du
Sénat que Mme Nicole Péry a su prendre, en ce domaine, plusieurs
initiatives intéressantes et novatrices
10(
*
)
.
B. UN CONTENU DÉCEVANT
A cette
opportunité incertaine, s'ajoute un contenu décevant. Cette
proposition de loi réussit en effet l'exploit d'instituer des mesures
très complexes et très contraignantes pour une efficacité
très incertaine, tout en ignorant une dimension fondamentale de la
question.
•
Des dispositions à la fois modestes et
contraignantes
Cette proposition de loi ne prévoit en définitive que trois
mesures nouvelles, pour s'en tenir au titre premier concernant le droit du
travail.
Elle précise tout d'abord le contenu du rapport dit de " situation
comparée " institué par la loi Roudy. Ce rapport,
présenté chaque année par le chef d'entreprise au
comité d'entreprise, dresse un bilan de la situation respective des
femmes et des hommes dans l'entreprise. La proposition de loi prévoit
que ce rapport doit reposer sur des bases chiffrées définies par
décret. Or le projet de décret augure d'une complexité peu
commune, les indicateurs à rassembler étant très
disparates et très nombreux.
La seconde nouvelle disposition concerne l'institution d'obligations de
négocier sur l'égalité professionnelle à la fois
dans l'entreprise -tous les ans- et dans la branche -tous les trois ans. Ces
obligations portent aussi bien sur la mise en place d'une obligation dite
spécifique, ne visant que le thème de l'égalité
professionnelle, que sur l'introduction obligatoire du thème de
l'égalité professionnelle dans les négociations
obligatoires déjà existantes. Il est à noter que la
méconnaissance de cette obligation spécifique de négocier
dans l'entreprise est passible de lourdes sanctions pénales pour
l'employeur.
Enfin, la proposition de loi prévoit d'étendre le champ des
entreprises pouvant bénéficier d'aides publiques en faveur de
l'égalité professionnelle au-delà des seules entreprises
ayant mis en place des plans d'égalité professionnelle. A
l'avenir, toute entreprise ayant signé un accord en la matière
serait éligible.
L'ambition de la proposition est donc bien modeste.
•
Un oubli évident : l'articulation entre vie
familiale et vie professionnelle
En réalité, cette proposition de loi témoigne en
définitive d'une perception très réductrice des
inégalités professionnelles, en se limitant au seul domaine de
l'entreprise. Or, si c'est dans l'entreprise qu'elles se manifestent, c'est
bien souvent hors de l'entreprise qu'elles naissent.
Mme Catherine Génisson souligne ainsi, dans son rapport
" Femmes-hommes : quelle égalité
professionnelle ? "
, que "
les difficultés
rencontrées par les femmes dans le monde du travail vont au-delà
de la sphère professionnelle proprement dite et tiennent :
- à une orientation vers des métiers
" féminins " limités qui ne peuvent pas absorber la
population féminine qui souhaite, dans sa quasi-totalité
travailler ;
- à une répartition des rôles et des tâches dans
la famille qui les écartent de nombreux métiers et postes de
responsabilité.
"
On peut alors regretter qu'elle n'ait pas choisi d'aborder ce volet essentiel
dans sa proposition de loi.
Votre commission des Affaires sociales considère également que ce
sont les difficultés pour les femmes à concilier leur vie
familiale et leur vie professionnelle qui alimentent les
inégalités persistantes que l'on constate.
On observe, en effet -et on peut sûrement le regretter- que
l'organisation de la vie familiale repose principalement sur la femme. La
progression des familles monoparentales ne fait d'ailleurs que renforcer ce
phénomène. Les femmes, compte tenu des insuffisances actuelles
des système de garde d'enfants, sont fréquemment dans
l'obligation d'interrompre leur carrière professionnelle et rencontrent
bien souvent des difficultés pour leur réinsertion sur le
marché du travail.
Dans ces conditions, plutôt que d'imposer un surcroît de
formalités aux entreprises ou d'instituer des négociations qui
risquent d'être bien artificielles, il aurait été
préférable d'agir sur cette question de l'articulation entre la
vie familiale et la vie professionnelle. Votre commission des Affaires sociales
regrette que la proposition de loi ait choisi d'ignorer cette dimension
pourtant essentielle.
Deux pistes très concrètes paraissent ainsi devoir être
prioritairement approfondies.
Il importe d'abord de développer et d'améliorer les
systèmes de garde afin que les femmes ne soient pas dans l'obligation
d'interrompre durablement leur carrière professionnelle pour être
présentes auprès de leurs enfants sauf, bien entendu, si c'est un
choix de leur part. L'un des obstacles majeurs à une réelle
égalité professionnelle est incontestablement les lacunes
actuelles des dispositifs de prise en charge des enfants : les
équipements collectifs (crèches et garderies) sont souvent
saturés, le coût des gardes à domicile n'est que trop
faiblement compensé par les aides actuelles (AGED, AFEAMA,
réduction d'impôt).
Et le Gouvernement n'a fait que renforcer les contraintes existantes :
réduction du montant maximum de l'AGED et mise sous condition de
ressources dans la loi de financement de la sécurité sociale pour
1998, diminution de moitié du montant maximal de la réduction
d'impôt au titre des dépenses effectuées pour l'emploi d'un
salarié à domicile dans la loi de finances pour 1998.
Il est nécessaire ensuite d'accompagner le retour sur le marché
du travail des femmes ayant interrompu leur activité pour élever
leurs enfants. Celles qui souhaitent reprendre une activité
professionnelle rencontrent en effet souvent des difficultés à se
réinsérer dans le monde professionnel. Il importe d'imaginer,
dans ce domaine, de réelles solutions innovantes.
Votre commission souhaite, à cet égard, rappeler
l'intéressante proposition d'un "
contrat parental de libre
choix
" qu'avait formulé le Président de la
République dans son discours du 6 avril dernier à Nantes. Ce
contrat, qui pourrait être aidé par l'Etat, la CNAF ou
l'assurance-chômage, et qui pourrait éventuellement être
assorti d'une période de formation, permettrait d'encourager le
recrutement de femmes ayant cessé leur activité professionnelle
pour élever leurs enfants. Il pourrait par exemple être ouvert
lorsque s'achève la période d'allocation parentale
d'éducation.
Certes, lors de la conférence de la famille du 15 juin dernier, le
Gouvernement a annoncé quelques mesures afin de favoriser la
conciliation entre vie familiale et vie professionnelle :
- le lancement d'un plan de soutien pour le développement des
places dans les établissements d'accueil de la petite enfance,
doté d'une enveloppe de 1,5 milliard de francs
prélevée sur le fonds d'action sociale de la CNAF ;
- la majoration du complément de l'AFEAMA sous conditions de
ressources ;
- la possibilité d'un cumul temporaire de deux mois de l'allocation
parentale d'éducation et d'un revenu d'activité en cas de retour
à l'emploi entre le 18
ème
et le
30
ème
mois de l'enfant.
Pour autant, ces mesures annoncées apparaissent bien modestes et sont
loin de concerner l'ensemble des femmes qui ont choisi de travailler.
En réalité, le Gouvernement donne singulièrement
l'impression d'avoir déserté le domaine de l'articulation entre
vie familiale et vie professionnelle, domaine pourtant de la
responsabilité directe des pouvoirs publics. Il semble en effet
préférer s'immiscer dans le dialogue social et se substituer aux
partenaires sociaux plutôt que d'exercer pleinement les
responsabilités qui lui sont propres en matière
d'égalité professionnelle.
Ainsi, face aux limites de cette proposition de loi, votre commission des
Affaires sociales a jugé nécessaire de la faire évoluer
dans deux directions, sans toutefois en bouleverser l'architecture
générale :
- d'une part, la simplifier et l'assouplir afin de la rendre moins
contraignante pour l'entreprise et plus adaptée à la
réalité du monde du travail et, en définitive,
d'éviter qu'elle ne desserve la cause qu'elle cherche à
défendre ;
- d'autre part, l'enrichir afin qu'elle ne se limite pas à une
vision réductrice de l'égalité professionnelle, question
complexe qui n'apparaît pas seulement aux portes de l'entreprise.
Elle vous propose donc une démarche pragmatique essayant d'ancrer dans
le concret cette proposition de loi finalement très artificielle.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL
Article premier
(art. L. 432-3-1 du code du
travail)
Contenu du rapport de situation comparée
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale dans
le texte des conclusions de la commission des Affaires culturelles, vise
à préciser le contenu du rapport dit de " situation
comparée " présenté chaque année au
comité d'entreprise.
L'article L. 432-3-1 du code du travail prévoit que ce rapport comporte
une
" analyse chiffrée permettant d'apprécier, pour
chacune des catégories professionnelles de l'entreprise, la situation
respective des femmes et des hommes, en matière d'embauche, de
formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification,
de conditions de travail et de rémunération effective ".
Le présent article tend à préciser cette "
analyse
chiffrée
", en renvoyant à un décret la
définition
" d'indicateurs pertinents ".
Il est
néanmoins indiqué que ces "
indicateurs
pertinents
" imposés de manière réglementaire
peuvent être complétés par d'autres indicateurs
" qui tiennent compte de la situation particulière de
l'entreprise ".
A l'origine, ce rapport de situation comparée avait été
institué pour dresser un diagnostic de la situation professionnelle des
femmes dans l'entreprise, ce diagnostic ayant pour vocation de servir de
fondement objectif au dialogue social sur l'égalité
professionnelle dans l'entreprise.
Force est de constater que cet objectif n'a pas été atteint.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, moins de la
moitié des entreprises le réalisent et, même quand il est
disponible, il reste très largement inexploité.
Les partenaires sociaux -employeurs, mais aussi organisations syndicales-
soulignent à cet égard la complexité et la lourdeur de ce
rapport, qui exige une longue procédure de recueil et de traitement de
l'information et qui se surajoute à d'autres rapports aux objectifs
similaires comme le bilan social.
Dans ces conditions, votre commission s'interroge sur l'intérêt de
rigidifier plus encore la réalisation de ce rapport en encadrant
strictement son contenu, son élaboration étant déjà
jugée très contraignante. Ce n'est sans doute pas en
complexifiant ce rapport déjà trop peu réalisé que
l'on favorisera sa publication et son utilisation effective.
En outre, votre commission ne peut qu'exprimer son scepticisme sur la nouvelle
procédure proposée. Ce serait au décret de définir
les "
indicateurs
pertinents
" sur lesquels devrait
reposer le rapport.
Votre rapporteur a pu se faire communiquer le projet de décret
définissant ces fameux "
indicateurs pertinents
".
Il comporterait des données chiffrées, par sexe, sur les points
suivants :
- répartition par catégorie professionnelle selon les
différents contrats de travail ;
- pyramide des âges par catégorie professionnelle ;
- répartition des effectifs selon la durée du travail ;
- répartition des effectifs selon l'organisation du travail ;
- répartition des embauches par catégorie professionnelle et type
de contrat de travail ;
- répartition des départs par catégorie professionnelle et
motifs ;
- répartition des effectifs selon les niveaux d'emplois définis
par les grilles de classification au sens des conventions collectives ;
- répartition des promotions au regard des effectifs de la
catégorie professionnelle concernée,
- nombre de promotions suite à une formation ;
- éventail des rémunérations ;
- rémunération moyenne mensuelle ;
- nombre de femmes dans les dix plus hautes rémunérations ;
- répartition par catégorie professionnelle selon :
. la participation aux actions de formation,
. la répartition par type d'action de formation,
. le nombre moyen d'heures d'actions de formation,
- répartition par poste de travail selon :
. l'exposition à des risques professionnels,
. la pénibilité...
- répartition par catégorie professionnelle selon :
. le nombre et le type de congés dont la durée est
supérieure à six mois.
Cette longue énumération témoigne, à
l'évidence, de la complexité accrue pour la réalisation du
rapport et du caractère à la fois très précis,
très général et en définitive peu utilisable de ces
données.
Aussi votre commission juge préférable de laisser aux acteurs
directement concernés, qui connaissent bien les
spécificités des entreprises et la situation respective des
femmes et des hommes, le soin de fixer en commun ces "
indicateurs
pertinents
". Ils seraient ainsi fixés par un accord de branche
conclu par les partenaires sociaux, le décret n'intervenant qu'à
défaut d'accord. Votre commission vous propose alors d'adopter un
amendement
en ce sens.
Plus adaptés aux réalités des branches et des entreprises,
ces indicateurs définis par le dialogue social seraient alors plus
" pertinents " que les données uniformes fixées dans
les bureaux ministériels.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article premier bis (nouveau)
(art. L. 432-3-1 du code du
travail)
Motivation du rapport de situation comparée
Cet
article est issu d'un amendement déposé par Mme Martine
Lignières-Cassou et Mme Odette Casanova. Il a été
adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement.
Il vise à préciser que l'avis formulé par le comité
d'entreprise sur le rapport de situation comparée est obligatoirement
motivé, Mme Lignières-Cassou ayant observé que
" les organisations syndicales se sont en fait contentées de
(...) parapher (les rapports) sans qu'il y ait eu véritablement
débat au sein du comité d'entreprise ".
Le rapporteur a, lors du débat à l'Assemblée nationale,
fait observer que l'avis du comité d'entreprise était
déjà motivé, en application de l'article L. 432-3-1 du
code du travail.
Votre commission ne partage pas cette analyse. L'article L. 432-3-1, dans sa
rédaction actuelle, n'ouvre en effet qu'une faculté -et non une
obligation- de motivation. C'est au comité d'entreprise
d'apprécier, en opportunité, si son avis doit ou non être
motivé.
Au-delà de cette divergence d'analyse, votre commission vous propose
d'adopter un
amendement
de suppression de cet article.
Le maintien en l'état du droit actuel semble en effet, sur ce point,
préférable. C'est au seul comité d'entreprise qu'il
appartient de juger s'il y a lieu de motiver son avis. Il est donc souhaitable
de lui laisser cette marge de manoeuvre plutôt que d'encadrer par la loi
le détail des conditions dans lesquelles il exerce ses attributions.
Pourquoi, dans la logique de cet article, ne pas alors fixer par la loi les
rubriques que doit comporter cet avis ?
Votre commission vous propose de supprimer cet article par voie
d'amendement.
Art.
2
(art. L. 432-3-1 du code du travail)
Affichage dans l'entreprise
du rapport de situation comparée
Cet
article vise à améliorer l'information des salariés sur la
situation respective des femmes et des hommes dans l'entreprise en instituant
une obligation d'afficher sur les lieux de travail les "
indicateurs
pertinents
" sur lesquels se fonde le rapport de situation
comparée.
Votre commission des Affaires sociales s'interroge sur l'utilité d'une
telle disposition, le code du travail prévoyant déjà que
ce rapport est mis à la disposition de tout salarié qui en fait
la demande.
Toutefois, il n'est peut-être pas inutile de favoriser la diffusion de ce
type d'informations qui peuvent éventuellement participer à une
certaine prise de conscience.
Mais, en tout état de cause, la rédaction proposée
témoigne d'une vision pour le moins archaïque de
l'entreprise : la multiplication des sites d'entreprise, les nouvelles
technologies de l'information (et en particulier le courrier
électronique) rendent caduques les formes traditionnelles d'information.
L'affichage ne peut donc plus être considéré comme le seul
moyen d'information des salariés.
Votre commission vous propose alors d'adopter un
amendement
,
précisant que l'information des salariés passe
" notamment "
par l'affichage sur les lieux de travail.
L'affichage ne doit en effet pas être la voie exclusive d'information.
Celle-ci passe alors par l'affichage, mais aussi par tout autre moyen
jugé plus adapté.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
3
(art. L. 132-27 du code du travail)
Obligation de
négociation spécifique
sur l'égalité
professionnelle dans l'entreprise
Cet
article institue une nouvelle obligation spécifique de négocier
chaque année dans l'entreprise sur "
les objectifs
d'amélioration de la situation de l'entreprise au regard de
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi
que sur les mesures permettant de les atteindre
".
Cette nouvelle obligation de négocier s'ajoute à la
négociation annuelle obligatoire sur les salaires, la durée et
l'organisation du temps de travail, déjà prévue par
l'article L. 132-27 du code du travail.
La nouvelle obligation spécifique de négocier sur
l'égalité professionnelle, dont il est prévu à
l'article 4 ci-après que l'inobservation est passible de sanctions
pénales, relève du même régime que l'actuelle
négociation annuelle obligatoire, qu'il s'agisse de son champ
d'application ou du déroulement de la procédure :
- les entreprises qui y sont soumises sont celles comprenant au moins une
ou plusieurs sections syndicales représentatives ;
- si l'employeur ne prend pas l'initiative d'organiser cette
négociation, celle-ci s'engage de droit à la demande d'une
organisation syndicale représentative dans les quinze jours qui suivent
cette demande.
Deux différences sont toutefois à observer entre cette nouvelle
obligation spécifique de négocier et la négociation
annuelle obligatoire sur les salaires, la durée et l'organisation du
temps de travail.
D'une part, l'organisation de cette négociation est strictement
encadrée, celle-ci devant se fonder sur le rapport de situation
comparée.
D'autre part, la périodicité de la négociation est
portée à trois ans lorsqu'un accord collectif sur
l'égalité professionnelle a été signé dans
l'entreprise. Il convient d'interpréter cette disposition de
manière souple. A l'évidence, les accords ici visés ne se
limitent pas aux seuls accords concernant exclusivement l'égalité
professionnelle, mais englobent également les accords plus
généraux prenant en compte l'égalité
professionnelle. A titre d'exemple, si un accord a été conclu
dans l'entreprise en 2000 sur le temps de travail et comporte des objectifs et
mesures en matière d'égalité professionnelle (il pourrait
s'agir de la suppression de mesures spécifiques aux femmes dans le
domaine du temps de travail ou de l'accès à certains postes de
travail), la prochaine négociation spécifique sur
l'égalité professionnelle est alors reportée à 2003.
Votre commission s'est interrogée sur la nécessité
d'introduire une telle obligation de négocier.
Si elle peut être parfois utile, notamment en cas d'atonie du dialogue
social, cette nouvelle obligation n'en apparaît pas moins contraignante
pour les entreprises, notamment pour les PME, pour lesquelles l'organisation
d'une négociation est incontestablement une tâche lourde et
chronophage.
Le texte même de cet article en témoigne. Il prévoit, en
effet, dans son dernier alinéa, que des mesures tendant à assurer
l'égalité professionnelle peuvent être également
prises dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les
salaires, la durée et l'organisation du temps de travail et donc hors de
la négociation spécifique sur l'égalité
professionnelle. Préjugeant de la complexité de la
procédure, le texte aménage alors des solutions parallèles
aux procédures obligatoires qu'il institue...
En outre, il n'est sans doute pas souhaitable d'alourdir à
l'excès les thèmes soumis à négociation
obligatoire, la fixation des thèmes du dialogue social relevant
prioritairement de la responsabilité propre des partenaires sociaux.
Pour autant, votre commission considère que, compte tenu de l'importance
du sujet et des inégalités encore constatées, le principe
d'une négociation obligatoire peut être maintenu à
condition que son déroulement soit simplifié et que l'autonomie
des partenaires sociaux soit garantie.
C'est pourquoi elle vous propose d'adopter
un amendement
visant
à :
- accroître la marge de manoeuvre des partenaires sociaux dans la
négociation en supprimant l'obligation d'engager nécessairement
la discussion sur la base du rapport de situation comparée. Il semble en
effet excessif d'imposer, par voie législative, un support à la
négociation ;
- alléger la procédure en assouplissant les dispositions
encadrant les éventuels manquements de l'employeur. Sur ce point, votre
commission vous proposera un nouveau dispositif à l'article 4
ci-après qui rend alors inutile l'encadrement trop strict de la
procédure qu'impose le présent article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
4
(art. L. 153-2 du code du travail)
Sanctions pénales en
cas de manquement à
l'obligation spécifique de négocier
dans l'entreprise
Cet
article introduit une nouvelle sanction pénale pour l'employeur en cas
de non-respect de l'obligation spécifique de négocier sur
l'égalité professionnelle instituée à l'article
précédent. Elle est assimilée au délit d'entrave.
Cette sanction est lourde : un an d'emprisonnement et une amende de 25.000
francs ou l'une ou l'autre de ces deux peines.
Votre commission juge une telle peine disproportionnée. En outre, elle
observe que ce n'est pas sans doute en instaurant de nouveaux délits que
l'on fera progresser la cause de l'égalité professionnelle.
Aussi, elle vous propose d'adopter
un amendement
visant à
substituer à cette nouvelle sanction pénale un dispositif plus
souple, plus progressif et moins stigmatisant.
En cas de manquement à l'obligation de négocier sur
l'égalité professionnelle, cette négociation est
automatiquement intégrée à la négociation annuelle
sur les salaires, la durée et l'organisation du temps de travail. Et, si
à cette occasion, le manquement se poursuit, l'employeur serait alors
passible des sanctions pénales déjà prévues
à l'article L. 153-2 du code du travail.
Votre commission cherche, pour ce dispositif, à privilégier une
démarche pragmatique permettant à la fois de garantir
l'efficacité de la négociation sur l'égalité
professionnelle et d'éviter une pénalisation
disproportionnée.
On aboutit en définitive à une architecture simplifiée du
schéma de négociation.
Soit l'ensemble des partenaires est favorable à une négociation
spécifique et celle-ci s'engage normalement. Soit les partenaires ne
manifestent pas une appétence particulière à se lancer
dans un nouveau cycle de négociations et, dans ce cas, le thème
de l'égalité professionnelle est alors examiné de plein
droit à l'occasion de la traditionnelle négociation annuelle
obligatoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
5
(art. L. 132-27-1 nouveau du code du travail)
Prise en compte de
l'égalité professionnelle dans le cadre des négociations
annuelles obligatoires dans l'entreprise sur les salaires,
la durée
et l'organisation du temps de travail
Cet
article, qui crée un nouvel article L. 132-27-1 dans le code du travail,
prévoit que l'objectif d'égalité professionnelle est pris
en compte dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire dans
l'entreprise sur les salaires, la durée et l'organisation du temps de
travail visé à l'article L. 132-27 du code du travail.
A l'obligation " spécifique " de négocier sur
l'égalité professionnelle, il ajoute donc une obligation de
négociation " intégrée " dans le cadre des
négociations déjà existantes.
Votre commission vous propose d'adopter
un amendement
de
cohérence pour tenir compte des modifications apportées au code
du travail par l'article 3 de la présente proposition de loi. En effet,
la nouvelle négociation spécifique sur l'égalité
professionnelle visée au troisième alinéa de
l'article L. 132-27 du code du travail prend déjà en
compte, par définition, l'objectif d'égalité
professionnelle. Il n'est donc pas nécessaire de l'inclure dans le champ
des négociations visées par le présent article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
6
(art. L. 123-1 et L. 132-12 du code du travail)
Obligation de
négociation spécifique
sur l'égalité
professionnelle au niveau de la branche
Le code
du travail prévoit déjà, dans son article L. 123-3-1
introduit par la
loi n° 89-549 du 2 août 1989 relative au
licenciement économique et au droit à la conversion
, la
faculté d'une négociation sur l'égalité
professionnelle au niveau de la branche, cet article se bornant à poser
le principe d'une négociation en cette matière sans en fixer la
périodicité.
Le présent article opère un transfert de ces dispositions de
l'article L. 123-3-1 (chapitre III "
égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes
" du titre II
"
contrat de travail
" du livre premier du code du travail)
vers l'article L. 132-12 (chapitre II "
nature et validité des
conventions et accords collectifs
" du titre III "
conventions
et accords collectifs de travail
" du même livre) qu'il
complète
11(
*
)
.
Il modifie cependant profondément le régime de cette
négociation. Il instaure tout d'abord une réelle obligation de
négocier en fixant une périodicité stricte : cette
négociation doit avoir lieu tous les trois ans. Il précise
ensuite que la négociation se fonde sur un rapport de situation
comparée.
Votre commission vous propose d'adopter
deux amendements
à cet
article.
Le premier amendement, outre une simplification rédactionnelle,
prévoit de réviser la périodicité de
négociation. Plutôt qu'une négociation "
tous les
trois ans
", il est préférable que celle-ci ait lieu
"
au moins une fois tous les cinq ans
". Cela permet en effet
d'aligner cette périodicité sur celles existantes en
matière d'obligation de négocier sur les
classifications
12(
*
)
et la formation
13(
*
)
. Il s'agit là d'une mesure de simplification,
ces négociations pouvant alors se dérouler parallèlement.
Le second amendement vise à supprimer le nouveau rapport de situation
comparée devant servir de fondement à cette négociation.
Votre commission considère en effet que cette nouvelle obligation de
réaliser un rapport est à la fois imprécise et
contraignante. La rédaction actuelle de l'article ne permet pas de
déterminer ni le rédacteur de ce rapport, ni son contenu. Dans
ces conditions, il semble plus opportun de laisser aux partenaires sociaux le
soin de fixer librement le socle de la négociation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
7
(art. L. 132-12-1 nouveau du code du travail)
Prise en compte de
l'égalité professionnelle
dans le cadre des
négociations obligatoires en matière de salaires,
de
classifications et de formation professionnelle au niveau de la branche
Cet
article, qui crée un nouvel article L. 132-12-1 dans le code du travail,
prévoit que l'objectif d'égalité professionnelle est pris
en compte dans le cadre des négociations obligatoires au niveau de la
branche sur les salaires, sur les classifications
14(
*
)
et sur la formation professionnelle
15(
*
)
.
Par parallélisme avec ce que prévoit la proposition de loi au
niveau de l'entreprise, il ajoute donc une obligation de négociation
" intégrée " dans le cadre des négociations
déjà existantes à l'obligation
" spécifique " instituée par le précédent
article.
Votre commission observe que l'article L. 933-2 du code du travail
prévoit déjà que la négociation obligatoire sur la
formation porte sur "
la définition et les conditions de mise en
oeuvre des actions de formation en vue d'assurer l'égalité
d'accès des hommes et des femmes à la formation
professionnelle
". Pour autant, elle considère que la prise en
compte de l'objectif d'égalité professionnelle dans le domaine de
la formation peut être plus large que la seule question de l'accès
à la formation.
Votre commission vous propose d'adopter
un
amendement
de
cohérence, visant à simplifier la lecture du code du travail. Il
apparaît en effet plus logique de rapprocher les dispositions concernant
la prise en compte de l'objectif d'égalité professionnelle en
matière de formation des dispositions relatives à l'obligation de
négocier sur la formation professionnelle que de celles relatives
à l'obligation de négocier sur les salaires et les
classifications.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
8
(art. 18 de la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983
précitée)
Aide financière de l'Etat aux
entreprises
en faveur de l'égalité professionnelle
Cet
article vise à élargir le champ des employeurs pouvant
bénéficier d'aides publiques en faveur de l'égalité
professionnelle.
L'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit en effet que les
entreprises, dans lesquelles ont été conclus des plans
d'égalité professionnelle mentionnés à l'article L.
123-4 du code du travail, peuvent bénéficier d'une aide
financière de l'Etat, dans des conditions fixées par
décret, lorsqu'elles ont mis en oeuvre les "
actions
exemplaires
" en matière d'égalité
professionnelle.
Le présent article modifie les conditions d'éligibilité
à ces aides publiques sur deux points :
- il étend le bénéfice de l'aide aux actions en
faveur de l'égalité professionnelle menées hors des seuls
plans d'égalité professionnelle et conduites dans le cadre d'un
accord collectif ;
- il ouvre le dispositif non plus aux seules entreprises et groupements
d'entreprises, mais aussi à l'ensemble des employeurs visés
à l'article L. 131-2 du code du travail. Peuvent ainsi
être concernées notamment les associations.
Votre commission observe que jusqu'à présent une telle
disposition n'a eu quasiment aucun effet. Depuis 1983, seuls 34 plans
d'égalité professionnelle ont été
négociés et 22 seulement ont pu bénéficier d'une
aide financière de l'Etat.
Dans ces conditions, elle considère qu'une extension du champ des
employeurs éligibles à cette aide n'est pas inopportune. Elle
considère néanmoins qu'une telle mesure ne pourrait être
efficace que si, parallèlement, les formalités demandées
aux entreprises pour obtenir l'aide financière, qui sont définies
par décret et qui atteignent une rare complexité, étaient
aménagées.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après l'article 8
(art. L.
513-1 du
code du travail)
Electorat et éligibilité des conjoints
collaborateurs
d'artisans aux conseils de prud'hommes
Cet
article additionnel vise à rendre les conjoints collaborateurs
d'entreprises artisanales électeurs et donc éligibles aux
conseils de prud'hommes, dans le collège des employeurs.
Le statut de conjoint collaborateur, qui concerne dans les faits
quasi-exclusivement les femmes, reste en effet imparfait. Le manque de
reconnaissance de leur activité professionnelle devient alors source
d'inégalité professionnelle.
Depuis 1999
16(
*
)
, les conjoints collaborateurs
sont désormais électeurs et éligibles aux chambres des
métiers. Mais ils ne le sont toujours pas aux conseils des prud'hommes.
Cet article additionnel prévoit d'y remédier en modifiant
l'article L. 513-1 du code du travail qui définit les conditions
d'électorat aux conseils des prud'hommes.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par
voie d'amendement.
Article additionnel après l'article 8
(art. L.
129-3 du
code du travail)
Aide à la garde d'enfant des
salariés
L'un des
obstacles majeurs à une réelle égalité
professionnelle est incontestablement les lacunes actuelles des dispositifs de
prise en charge des enfants. De nombreuses femmes -beaucoup plus rarement des
hommes- sont en effet contraintes d'interrompre leur activité
professionnelle pour assurer la garde de leurs enfants en bas âge :
les équipements collectifs sont souvent saturés, le coût
des gardes à domicile n'est que trop faiblement compensé par les
aides existantes.
Cette dimension, pourtant fondamentale, est hélas ignorée par la
présente proposition de loi.
Aussi, votre commission a tenu à prendre une initiative en la
matière.
Cet article additionnel prévoit la possibilité de doubler l'aide
maximale prévue à l'article L. 129-3 du code du travail que peut
accorder un comité d'entreprise ou un employeur, en franchise de
cotisations sociales, pour l'emploi d'un salarié à domicile
lorsque ce salarié assure la garde d'un enfant de moins de trois. Cette
aide est actuellement plafonnée à 12.000 francs par an, montant
à l'évidence très insuffisant.
Une telle mesure aurait l'avantage de relancer les titres emplois-services qui
constituent une solution simple, mais encore trop peu développée
pour faciliter la garde d'enfant. Ces titres, qui peuvent être
rapprochés des titres restaurants, sont émis par un organisme
comme les comités d'entreprise et permettent à leur
bénéficiaire de payer des prestations de service à
domicile effectuées par un organisme agréé.
Une telle disposition constitue une première piste. Il est toutefois
évident que l'ampleur du problème exige la mobilisation de
l'ensemble des acteurs concernés qu'il s'agisse des comités
d'entreprise, mais aussi de l'Etat et des caisses d'allocations familiales.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par
voie d'amendement.
Article additionnel après l'article 8
(art. L.
122-28-1
nouveau du code du travail)
Extension du temps partiel choisi
Votre
commission aurait souhaité que le présent texte fasse des
propositions fortes et concrètes pour favoriser la réinsertion
professionnelle des femmes ayant interrompu leur carrière
professionnelle pour élever leurs enfants. Tel n'a pas été
le cas. Votre commission a donc, là encore, tenu à prendre une
initiative.
Cet article additionnel, qui reprend un article de la proposition de loi
relative à la famille déposée en juin 1999 par MM.
Arthuis, Cabanel, Raincourt et Rohan, rapportée par notre
collègue Jean-Louis Lorrain, et adoptée par le Sénat le 15
juin 1999, modifie le régime du temps partiel choisi dans le cadre du
congé parental d'éducation.
En application de l'article L. 122-28-1 du code du travail, il est permis aux
salariés de toutes les entreprises d'obtenir un congé parental ou
de travailler à temps partiel à l'occasion de la naissance ou de
l'arrivée au foyer d'un enfant de moins de 16 ans. L'employeur est
tenu dans tous les cas de faire droit à la demande du salarié si
celle-ci est régulière.
Tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'une
année à la date de la naissance de son enfant ou de
l'arrivée à son foyer d'un enfant de moins de 16 ans
confié en vue de son adoption peut demander :
- soit un congé parental d'éducation ;
- soit une réduction de son temps de travail hebdomadaire qui doit
alors être compris entre seize heures et la durée de travail
applicable dans l'établissement réduite d'un cinquième.
Les droits sont ouverts au père et à la mère (ou aux
adoptants), qui peuvent en bénéficier soit simultanément,
soit successivement.
Le salarié peut décider de recourir au congé parental
d'éducation ou de réduire sa durée de travail à
n'importe quel moment pendant la période qui suit l'expiration d'un
congé de maternité ou d'adoption légal ou conventionnel et
ce, jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant.
Le présent article prévoit d'étendre au plus tard jusqu'au
sixième anniversaire de l'enfant le terme de la période
d'activité à temps partiel, la durée du congé
parental d'éducation restant elle limitée jusqu'au
troisième anniversaire.
Un tel dispositif devrait alors permettre au salarié -qui est dans
99 % des cas une femme- de mieux préparer son retour dans
l'entreprise, sachant qu'il lui est possible de transformer chaque année
son congé en un temps partiel. Ainsi une femme ayant cessé son
activité pendant trois ans pourrait de droit la reprendre d'abord
à temps partiel.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par
voie d'amendement.
Art.
9
(art. L. 122-28-6 du code du travail)
Prise en compte
intégrale de l'ancienneté
pour le congé parental
d'éducation
Cet
article ne figurait initialement pas dans la proposition de loi
déposée par Mme Catherine Génisson et ses collègues
du groupe socialiste. Il a été introduit, sur proposition du
rapporteur, dans les conclusions de la commission des Affaires culturelles.
Lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a
toutefois supprimé cet article, suivant en cela l'avis du Gouvernement.
Cet article visait à permettre aux salariés
bénéficiant d'un congé parental d'éducation de voir
reconnaître, dans leur intégralité, les droits à
ancienneté attachés à cette période. A l'heure
actuelle, en application de l'article L. 122-28-6 du code du travail, seule la
moitié de la durée du congé parental est prise en compte
pour le calcul des droits à ancienneté.
Votre commission considère que, si une telle disposition mérite
d'être étudiée avec la plus grande attention dans le cadre
de la nécessaire modernisation de la politique familiale, elle n'a
guère sa place au sein d'un texte relatif à
l'égalité professionnelle. Elle tend en effet plus à
favoriser un éloignement momentané du marché du travail
des salariés souhaitant assurer l'éducation de leurs enfants
qu'à faciliter le retour des femmes dans le monde professionnel
après une telle période.
En conséquence, votre commission vous demande d'adopter conforme la
suppression de cet article.
TITRE II
-
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION
PUBLIQUE
Votre rapporteur ne commentera que brièvement les articles des titres II et III. Ces dispositions étant relatives à la fonction publique, il vous renvoie à l'avis éclairé de votre commission des Lois.
Art.
10, 11 et 12
(art. 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant
droits et obligations des fonctionnaires)
Coordination
Ces
articles sont des articles de coordination, visant à modifier la loi du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires afin de
prendre en compte les dispositions prévues aux articles 13 et 14 de la
présente proposition de loi.
En première lecture, l'Assemblée nationale a supprimé ces
trois articles.
Votre commission vous propose d'adopter conforme la suppression de ces
articles sous réserve des amendements qui pourront être
proposés par la commission des Lois.
Art.
13
(art. 6 bis nouveau de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
précitée)
Discriminations en raison du sexe
Cet
article prévoit l'insertion d'un article additionnel après
l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, afin d'y rassembler l'ensemble des
dispositions relatives à la non-discrimination entre les fonctionnaires
en raison de leur sexe.
Il a été adopté par l'Assemblée nationale dans le
texte des conclusions de la commission des Affaires culturelles.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
14
(art. 6 ter nouveau de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
précitée)
Abus d'autorité en matière
sexuelle
Cet
article prévoit l'insertion d'un second article additionnel après
l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, afin d'y traiter
spécifiquement des dispositions relatives au harcèlement sexuel.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
14 bis (nouveau)
(art. 6 quater nouveau de la loi n° 83-634 du 13
juillet 1983 précitée)
Institution d'un rapport de
" situation comparée "
dans la fonction publique
Cet
article, introduit par amendement aux conclusions de la commission des Affaires
culturelles, en première lecture à l'Assemblée nationale,
prévoit de substituer un rapport de " situation
comparée " dans la fonction publique, comparable au rapport
obligatoire dans l'entreprise, à l'actuel rapport sur les
"
mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application
du principe d'égalité des sexes
".
Il est à noter que sa périodicité est bi-annuelle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
14 ter (nouveau)
(art. 2-6 du code de procédure pénale, art. 8
de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus
d'autorité en matière sexuelle dans les relations du travail et
modifiant le code du travail et le code de procédure pénale, art.
6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
précitée)
Coordination
Cet
article de coordination avec l'article 14 a été introduit par
amendement aux conclusions de la commission des Affaires culturelles, en
première lecture à l'Assemblée nationale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
14 quater (nouveau)
(art. 21 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'Etat, art. 37 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
art. 34 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière)
Coordination
Cet
article de coordination a été introduit par amendement aux
conclusions de la commission des Affaires culturelles, en première
lecture à l'Assemblée nationale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
15
(art. 12 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée)
Renforcement de la mixité au sein des
organismes consultatifs
de la fonction publique
Cet
article vise à garantir une
" représentation
équilibrée entre les femmes et les hommes "
dans les
organismes consultatifs de la fonction publique (commissions administratives
paritaires, comités techniques paritaires...).
A cette fin, il est prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixe une
proportion minimale de femmes et d'hommes parmi les représentants de
l'administration.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
16
Coordination
Cet
article, qui visait à introduire une mixité pour les
représentants de l'administration dans les comités techniques
paritaires, figurait dans le texte des conclusions de la commission des
Affaires culturelles de l'Assemblée nationale, mais a été
supprimé en première lecture à l'Assemblée
nationale.
Il était en effet satisfait par la nouvelle rédaction
adoptée pour l'article 15.
Votre commission vous propose d'adopter conforme la suppression de cet
article sous réserve des amendements qui pourront être
proposés par la commission des Lois.
Art.
17
(art. 20 bis nouveau de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée)
Renforcement de la mixité dans les
jurys de concours de recrutement
de la fonction publique d'Etat
Cet
article vise à introduire une obligation de mixité dans les jurys
de concours de recrutement pour les membres désignés par
l'administration.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
17 bis
(art. 26 bis nouveau de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée)
Renforcement de la mixité dans les
jurys et les comités de sélection constitués pour la
promotion interne des fonctionnaires
Cet
article, introduit par amendement aux conclusions de la commission des Affaires
culturelles, en première lecture à l'Assemblée nationale,
répond au même objectif que l'article précédent
mais, cette fois, dans le cas des jurys et comités de sélection
constitués pour la promotion interne des fonctionnaires de l'Etat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
18
(art. 58 bis nouveau de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée)
Renforcement de la mixité dans les
jurys et les comités de sélection constitués pour
l'avancement des fonctionnaires
Cet
article vise le même objectif que l'article 17 mais dans le cas des jurys
et comités de sélection constitués pour l'avancement dans
un grade des fonctionnaires de l'Etat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
19
(art. 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée)
Renforcement de la mixité dans les
jurys
de la fonction publique territoriale
Cet
article prévoit que les jurys de la fonction publique territoriale
(jurys de concours de recrutement, jurys d'examen pour la promotion interne,
jurys d'avancement) sont composés de manière à
" concourir à une représentation équilibrée
entre les femmes et les hommes ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
20
(art. 20 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
précitée)
Renforcement de la mixité au sein des
commissions administratives paritaires de la fonction publique
hospitalière
Cet
article introduit une obligation de mixité pour la représentation
des membres de l'administration siégeant au sein des commissions
administratives paritaires de la fonction publique hospitalière.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
20 bis (nouveau)
(art. 23 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
précitée)
Renforcement de la mixité au sein des
comités techniques d'établissement
Cet
article, introduit par amendement aux conclusions de la commission des Affaires
culturelles, en première lecture à l'Assemblée nationale,
prévoit l'institution d'une obligation de mixité pour la
représentation des membres de l'administration siégeant dans les
comités techniques des établissements publics de santé.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
21
(art. 30-1 nouveau de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
précitée)
Renforcement de la mixité pour les
jurys de concours de recrutement
de la fonction publique
hospitalière
Cet
article prévoit que les jurys de recrutement de la fonction publique
hospitalière sont composés de manière à
" concourir à une représentation équilibrée
entre les femmes et les hommes ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
Art.
22
(art. 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
précitée)
Renforcement de la mixité pour les
jurys des examens professionnels
de la fonction publique
hospitalière
Cet
article introduit une obligation de mixité dans les jurys des examens
professionnels de la fonction publique hospitalière.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
TITRE III
-
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Comme pour le titre II, votre rapporteur renvoie, pour ces deux articles, à l'avis de votre commission des Lois.
Art.
23 et 24 (nouveaux)
Modalités d'entrée en vigueur des
dispositions du titre II
Ces deux
articles, introduits par amendement aux conclusions de la commission des
Affaires culturelles, en première lecture à l'Assemblée
nationale, précisent les modalités d'entrée en vigueur des
dispositions du titre II relatives aux commissions administratives
paritaires, aux comités techniques paritaires et à la composition
des jurys.
Votre commission vous propose d'adopter ces articles sans modification sous
réserve des amendements qui pourront être proposés par la
commission des Lois.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME NICOLE PÉRY, SECRÉTAIRE D'ETAT AUX DROITS DES FEMMES ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Réunie le mardi 9 mai 2000, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé
à
l'audition de Mme Nicole Péry, secrétaire
d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur
la proposition de loi n° 258
(1999-2000), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative
à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les projets du
Gouvernement dans le domaine de la formation professionnelle.
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que lorsque la
commission avait programmé cette audition, il était
envisagé que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour
prioritaire des travaux du Sénat de la présente session la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale ; le
projet de loi de modernisation sociale devait en outre être adopté
en conseil des ministres avant la fin avril.
Il a constaté que ladite proposition de loi ne serait inscrite
vraisemblablement qu'à l'automne et que le projet de loi avait
visiblement pris du retard. Il a fait part toutefois de sa conviction que
l'audition de Mme Nicole Péry apporterait à la commission des
informations utiles sur les projets du Gouvernement.
Abordant en premier lieu le thème de la formation professionnelle,
Mme Nicole Péry
a tenu à rappeler que ses projets de
réforme s'inscrivaient dans une démarche définie en accord
avec le Premier ministre : la formation professionnelle étant un
élément essentiel du dialogue social depuis 1971, toute
réforme exige une concertation approfondie avec les partenaires sociaux.
Aussi, les nombreuses rencontres bilatérales qui ont eu lieu depuis
avril 1998 expliquent le temps mis par le secrétariat d'Etat à
formaliser des propositions concrètes mais également
l'évolution de la réflexion du Gouvernement dans ce domaine.
Elle a reconnu que la réforme envisagée comporterait plusieurs
volets distincts, qui ne feront pas l'objet d'une loi unique. A cet
égard, elle a annoncé que deux volets -la réforme de
l'apprentissage et la reconnaissance de l'expérience professionnelle-
seraient inclus dans le projet de loi de modernisation sociale qui serait
présenté en conseil des ministres le 24 mai, ces deux volets
ayant pu être achevés plus rapidement dans la mesure où ils
relèvent plus directement de la compétence de l'Etat.
Elle a précisé que les autres volets de la réforme
continuaient à faire l'objet de discussions entre le secrétariat
d'Etat et les organisations syndicales d'une part, mais aussi entre les
partenaires sociaux dans le cadre de la " refondation sociale ", les
syndicats ayant en effet retenu la formation professionnelle comme thème
de négociation. A cet égard, elle a pris acte de cette
volonté de mettre en oeuvre une démarche multilatérale
qu'elle a affirmé rechercher depuis plusieurs mois.
Elle a précisé que le Premier ministre avait prévu de
comparer, à la fin de l'année 2000, les propositions
formulées par le secrétariat d'Etat et celles issues du dialogue
social avant de déposer un projet de loi sur le sujet.
Présentant le volet du projet de loi de modernisation sociale concernant
la réforme de l'apprentissage, elle a déclaré que son
objectif était de conforter l'apprentissage par une plus grande
transparence et par une plus grande efficacité et de faire en sorte que
les centres de formation des apprentis (CFA) puissent tous voir leurs
ressources augmenter.
Constatant que, pour des CFA de formations et de niveaux comparables, la
disparité des moyens alloués allait de 1 à 10, elle a
jugé nécessaire de corriger ces inégalités.
Après avoir rappelé que les négociations avec les
différentes parties prenantes avaient duré 18 mois, elle a
estimé pouvoir aujourd'hui formuler des propositions retenant une
majorité d'avis favorables.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a alors insisté
sur ses deux propositions principales. La première vise à
définir un minimum de ressources pour chaque CFA, ce minimum
étant à négocier avec les conseils régionaux et
devant éviter la faillite de certains CFA tout en leur permettant de
connaître leur budget suffisamment tôt pour mieux planifier leurs
activités. La seconde tend à définir un niveau maximal de
ressources pour chaque CFA, au-dessus duquel les ressources
excédentaires seraient reversées aux fonds régionaux de
l'apprentissage et de la formation professionnelle continue. A ce propos, elle
a souligné qu'une telle mesure était déjà
prévue par la législation en vigueur, mais que le décret
d'application n'avait pas été publié.
Elle a reconnu que ces mesures avaient fait l'objet de réticences de la
part des régions, mais elle a estimé que la compétence
régionale en matière d'apprentissage impliquait également
une certaine responsabilité financière.
Elle a également souligné que ces mesures relatives à
l'apprentissage seraient, à la demande des parties prenantes, inscrites
dans la loi -même si elles exigeront quelques décrets
d'application- alors qu'il aurait pourtant été possible de
choisir la voie réglementaire.
Abordant le thème de l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes,
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a observé que le bilan de la loi " Roudy " de 1983
était décevant.
Elle a également rappelé l'attachement du Gouvernement à
un renforcement de l'égalité professionnelle, déclarant
qu'elle avait demandé au Conseil supérieur de
l'égalité professionnelle d'étudier les moyens
d'améliorer l'efficacité de la loi de 1983, alors que,
parallèlement, le Premier ministre chargeait Mme Catherine
Génisson d'une mission sur ce même thème, mission qui avait
débouché sur le dépôt d'une proposition de loi.
Faisant part de son soutien à cette proposition de loi, elle a
estimé que son mérite principal était d'introduire une
obligation de négocier sur l'égalité professionnelle, tous
les trois ans, dans chaque branche et dans chaque entreprise.
Rappelant que les partenaires sociaux s'étaient saisis de la question de
l'égalité professionnelle dans le cadre de la " refondation
sociale ", elle a souhaité que le rythme du travail
législatif soit parallèle à celui de la négociation
afin que les conclusions des partenaires puissent éventuellement
être intégrées, par voie d'amendement, dans la proposition
de loi. Elle a alors jugé que le vote définitif de la loi ne
devrait donc pas intervenir avant l'issue des négociations, soulignant
toutefois qu'en l'absence de conclusions la discussion de la proposition de loi
serait poursuivie en l'état au Parlement.
M. Jean Delaneau, président,
s'est alors interrogé sur les
conséquences à tirer de la méthode retenue par le
Gouvernement, observant que, si celui-ci était favorable à un
enrichissement progressif des textes présentés au Parlement
grâce au dialogue social, il n'était donc pas souhaitable de
déclarer l'urgence sur le projet de loi de modernisation sociale.
Mme Nicole Péry
a rappelé qu'elle avait été
favorable à l'urgence sur le projet de loi tendant à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives, mais elle a
déclaré que les textes relatifs à l'égalité
professionnelle et à l'apprentissage suivraient un " cours
normal ".
M. Jean Delaneau, président,
observant que le dispositif relatif
à l'apprentissage était inscrit dans le projet de loi de
modernisation sociale, a pris acte -non sans scepticisme- de l'absence
d'urgence annoncée par la ministre.
Après s'être réjouie que le Gouvernement ait enfin,
semble-t-il, décidé d'attendre l'issue des négociations
entre partenaires sociaux avant de légiférer en matière
d'égalité professionnelle,
Mme Annick Bocandé,
rapporteur pour avis
des crédits de la formation
professionnelle
, s'est inquiétée du " risque maximal de
dérives " menaçant le secteur de la formation
professionnelle souligné par un récent rapport du service central
de prévention de la corruption.
Elle s'est également interrogée sur la réforme du
financement de l'apprentissage, se demandant si l'institution d'une garantie de
ressources pour les CFA, loin d'être une " prime à la
qualité ", n'allait pas se traduire par un certain encouragement
aux CFA les moins dynamiques. Elle a enfin demandé sa position au
secrétaire d'Etat sur la proposition de substituer une obligation de
formation à l'obligation actuelle de financement de la formation que
suggère un récent rapport du Conseil d'analyse économique.
Revenant sur le risque de dérives,
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat,
a estimé qu'il ne fallait pas incriminer
l'ensemble du secteur de la formation, même si certaines dérives
existaient. A ce propos, elle a regretté l'image négative de ce
secteur, considérant que cette image était liée en grande
partie aux accusations de dérives. Elle a donc jugé
nécessaire de " redonner du sens " à la formation
professionnelle en réaffirmant son rôle dans la cohésion
économique et sociale. Elle a cependant jugé qu'il était
possible d'améliorer l'efficacité du système de formation
professionnelle pour le même coût en limitant certains abus. Elle a
rappelé qu'elle avait demandé une vigilance toute
particulière aux inspecteurs du travail en matière de formation
professionnelle, précisant que 2.403 contrôles sur pièces
et sur place avaient été réalisés en 1999 dans ce
secteur (visant 1.533 entreprises, 822 organismes de formation, 33 organismes
collecteurs paritaires et 15 structures d'accueil, d'information et
d'orientation) et s'étaient traduits par des notifications de
redressement à hauteur de 120 millions de francs.
S'agissant de la réforme de l'apprentissage, elle a
déclaré qu'une majorité des conseils régionaux et
des chambres consulaires soutenait son projet de réforme. Elle a
insisté sur le travail remarquable fourni par les CFA les moins
dotés financièrement relevant le plus souvent de l'artisanat.
S'agissant d'un éventuel arbitrage entre obligation de formation et
obligation de financement, elle a rappelé que ce sujet était
inclus dans le champ des négociations entre partenaires sociaux. Elle a
souligné la variété des situations existantes, observant
que l'obligation de formation était déjà une
réalité pour la plupart des grandes entreprises, mais que les
petites et moyennes entreprises (PME) n'étaient majoritairement pas
préparées à l'introduction de cette nouvelle logique. Elle
a en outre considéré que le futur " droit individuel
à la formation tout au long de la vie " permettrait de mettre en
oeuvre une telle obligation de formation, même si ses modalités
définitives n'étaient pas encore arrêtées.
Mme Annick Bocandé
s'est alors interrogée sur les
dispositions relatives à la validation des acquis d'expérience
incluses dans le projet de loi de modernisation sociale.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a expliqué que
ce projet de loi contenait en effet l'affirmation d'un nouveau droit à
la reconnaissance de l'expérience professionnelle, grâce à
la validation des acquis professionnels sous la forme de diplôme.
Rappelant l'ampleur des oppositions qui avaient pu exister entre les tenants de
la suprématie du diplôme issu de la formation initiale et les
partisans de la seule reconnaissance des compétences professionnelles
par l'entreprise, elle a souligné le rapprochement progressif des
différents points de vue. Elle a également rappelé que la
loi du 20 juillet 1992 avait permis une première reconnaissance des
acquis professionnels.
Elle a toutefois reconnu que cette loi restait imparfaite, seules 5.000
validations ayant été réalisées en 1999. Elle a
alors souligné les principales lacunes de cette loi : la validation
ne concerne que les diplômes de l'éducation nationale (et non les
diplômes des autres ministères, les titres délivrés
par les chambres consulaires ou les certifications professionnelles), elle
n'est possible qu'après 5 ans d'expérience, elle ne vise que
l'expérience strictement professionnelle (et ne reconnaît donc pas
les expériences syndicales aux bénévoles).
Rappelant que 40 % de la population active avait un niveau de formation
inférieur ou égal au CAP (contre 20 % en moyenne dans
l'Union européenne), elle a alors considéré qu'une
meilleure validation des savoirs et des savoir-faire serait à la fois
favorable aux salariés et aux entreprises.
Elle a cependant estimé que ce projet, qui modifie sensiblement les
traditions de la formation professionnelle, ne réussirait que si les
acteurs du secteur modifiaient leurs habitudes pour travailler en plus grande
concertation. Elle a insisté sur la nécessité de conclure
des partenariats, précisant que des expérimentations en ce sens
étaient en cours.
M. Jean Delaneau, président,
s'est alors interrogé sur
l'identité des responsables et sur les modalités de cette future
validation.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a
précisé que les expériences professionnelles seraient
validées par un jury constitué d'enseignants et de professionnels.
Elle a en outre rappelé qu'il existait actuellement quelque 3.000
diplômes, titres homologués ou certifications professionnelles
sans qu'il existe pourtant de répertoire national des certifications
professionnelles. Elle a indiqué que le projet de loi de modernisation
sociale allait créer un tel répertoire et qu'il serait
géré par une commission nationale placée directement
auprès du Premier ministre. Précisant que la composition de cette
commission serait fixée par décret, elle s'est engagée
à porter ces décrets à la connaissance des parlementaires
avant la seconde lecture du projet de loi.
Mme Gisèle Printz
s'est interrogée sur la persistance
d'une spécificité sexuée des emplois et sur l'état
d'avancement de la présentation sexuée des statistiques publiques.
M. Roland Muzeau
s'est préoccupé de l'harmonisation entre
le futur dispositif de validation des acquis professionnels et les conventions
collectives prévoyant déjà une reconnaissance de
l'expérience professionnelle.
Exprimant la crainte que le projet de réforme de financement des CFA ne
favorise les centres les moins dynamiques en leur garantissant un minimum de
ressources,
M. André Jourdain
a également
observé que de très nombreuses PME menaient une politique
très active de formation dépassant de très loin les
simples obligations légales et a souligné les risques, notamment
dans les régions frontalières, que les salariés ainsi
formés n'aillent travailler à l'étranger. Soulignant que
le diplôme ne pourrait en aucun cas être le seul critère de
la compétence professionnelle, il a exprimé ses
préoccupations sur la procédure législative de validation
imaginée par le Gouvernement.
M. Guy Fischer
a regretté le manque de lisibilité du
projet de réforme de la formation professionnelle, s'interrogeant sur
les motivations ayant conduit le Gouvernement à choisir des supports
multiples au lieu d'un projet de loi unique.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur les
possibilités d'améliorer l'accès à la formation des
salariés sous contrat précaire. Elle a également
observé que les rapports de situation comparée instituée
par la loi de 1983 sur l'égalité professionnelle étaient
le plus souvent inexploitables et s'est interrogée sur le moyen
d'améliorer leur contenu.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur le statut
des anciens inspecteurs académiques de l'apprentissage.
M. Philippe Nogrix
a souhaité connaître la part des emplois
féminins dans le secteur public et le secteur privé.
En réponse,
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat,
a
déclaré que le projet de loi de modernisation sociale viserait
également à transcrire en droit français une directive
européenne destinée à lutter contre les discriminations,
raciales ou sexuées, au travail. Elle a observé que les
écarts de salaires entre les femmes et les hommes -qui atteignent
27 %- tenaient principalement aux lacunes de l'orientation professionnelle
des jeunes filles, celles-ci choisissant des filières où les
emplois restent peu qualifiés alors que les femmes sont en moyenne plus
diplômées que les hommes.
Elle a rappelé que toutes les statistiques de l'Etat étaient
désormais présentées sous forme sexuée en
application d'une circulaire du Premier ministre.
Elle a également indiqué que les conventions collectives
pourraient prendre en compte le nouveau droit à la validation des acquis
professionnels. Observant qu'il subsistait toujours un écart de
formation entre les grandes et les petites entreprises, elle a
considéré que les chefs d'entreprise restaient très
attentifs aux diplômes, ce qui justifiait alors la validation des acquis.
Reconnaissant qu'il existait bien une alternative entre une réforme
séparée en plusieurs volets et une réforme
législative unique qui aurait pu être présentée au
Parlement au début 2001, elle a justifié le choix du Gouvernement
au nom d'une exigence de rapidité.
S'agissant de la formation des salariés précaires, elle a
précisé que ce point serait abordé à l'occasion de
la préparation du projet de formation tout au long de la vie.
Revenant sur le contenu des rapports de situation comparée, elle a
rappelé que le décret prévu par la loi de 1983, devant
définir les critères objectifs figurant dans le rapport, n'avait
jamais été publié, mais que la proposition de loi
adoptée à l'Assemblée nationale précisait leur
contenu.
S'agissant des inspecteurs académiques de l'apprentissage, elle a
déclaré qu'ils avaient été fondus dans le corps des
inspecteurs d'académie. Elle a toutefois souligné qu'une
réforme était à l'étude, visant à mieux
associer les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale et
les inspecteurs du travail dans le domaine de l'apprentissage et qu'une
expérimentation était actuellement en cours dans certains
régimes.
Elle a enfin rappelé que 80 % des femmes âgées de 25
à 50 ans exerçaient une activité professionnelle et
que la proportion de femmes occupant des postes de direction était
similaire -de l'ordre de 7 à 8 %- dans le privé et le
public.
II. EXAMEN DU RAPPPORT
Réunie le mardi 19 septembre 2000, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
Mme Annick
Bocandé
sur la
proposition de loi n° 258
(1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la presse avait
fait état, au cours de l'été, de l'intention du
Gouvernement d'introduire, par voie d'amendement, à la proposition de
loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes, le dispositif concernant le travail de nuit des femmes figurant
initialement dans le projet de loi de modernisation sociale,
déposé en mai sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il a
indiqué que Mme Annick Bocandé, rapporteur, et lui-même
avaient écrit, début septembre, à Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat à la formation professionnelle et aux droits
des femmes, pour obtenir confirmation de cet écho de presse et, dans
l'affirmative, lui demander de bien vouloir déposer les amendements
annoncés, de sorte que la commission puisse les examiner dans de bonnes
conditions. Il a constaté que le Gouvernement avait déposé
la veille de la réunion de la commission, en fin d'après-midi, un
amendement de trois pages. Il a indiqué que, dans ces conditions, en
accord avec le rapporteur, il avait décidé de faire distribuer
cet amendement qui ne serait toutefois examiné par la commission que
lors de sa réunion prévue le matin même de la séance
publique et consacrée à l'examen des amendements dits
extérieurs. Il a regretté ce dépôt tardif s'agissant
d'une véritable " lettre rectificative ".
Puis,
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la
commission avait décidé de saisir la délégation
sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité
des chances entre les femmes et les hommes de la présente proposition de
loi. Il a souhaité que la commission puisse entendre le rapporteur de la
délégation présenter ses recommandations avant de
procéder à l'examen du rapport de Mme Annick Bocandé.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour la délégation aux
droits des femmes et à l'égalité des chances entre les
femmes et les hommes,
se faisant l'écho des deux principales
questions soulevées au sein de la délégation, s'est tout
d'abord demandé s'il était opportun de légiférer
une nouvelle fois en matière d'égalité professionnelle,
alors que le bilan médiocre de la loi du 13 juillet 1983 s'expliquait
avant tout par la mauvaise application de cette loi. Dans ces conditions, il a
estimé qu'il était préférable de garantir
l'application de la loi en vigueur, plutôt que de légiférer
à nouveau. Il s'est ensuite interrogé sur l'articulation entre la
loi et la négociation collective, indiquant que les partenaires sociaux
avaient décidé de se saisir de la question de
l'égalité professionnelle dans le cadre de la négociation
interprofessionnelle, dite de " refondation sociale ". Il a
jugé qu'il aurait été souhaitable, avant de
légiférer, de laisser le dialogue social s'engager.
Il a ensuite rappelé les principales recommandations adoptées par
la délégation :
- l'instauration d'une sanction pénale en cas de manquement
à l'obligation de négocier sur l'égalité
professionnelle dans l'entreprise semble excessive, la délégation
jugeant plus opportun de retenir un mécanisme de sanction plus
progressif ;
- la délégation préconise également de faire
porter l'effort sur l'orientation scolaire et universitaire des jeunes filles,
afin d'améliorer l'adéquation entre leur formation initiale et
les débouchés du marché du travail ;
- la principale source d'inégalité professionnelle reste
encore trop largement, pour les femmes, la contrainte du temps, ce qui implique
de voir un nouvel examen de la politique familiale afin de permettre une
meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;
- la protection juridique, sociale et financière des conjoints de
travailleurs indépendants doit être également
améliorée ;
- une modulation des crédits de formation accordés par
l'Etat aux syndicats en fonction de leur prise en compte de l'objectif de
mixité pourrait être expérimentée ;
- il serait enfin nécessaire de favoriser une représentation
des femmes dans les comités d'entreprise proportionnelle à leur
effectif dans l'entreprise, de manière à mieux faire appliquer la
législation sur l'égalité professionnelle et à
enrichir le dialogue social.
M. Gérard Cornu
a estimé qu'en définitive
l'intérêt majeur de cette proposition de loi était
d'instituer dans la fonction publique les mêmes obligations en
matière d'égalité professionnelle que dans les
entreprises.
Mme Annick Bocandé, rapporteur,
a rappelé que
l'Assemblée nationale avait adopté, le 7 mars dernier, une
proposition de loi relative à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes, proposition que le Gouvernement a
souhaitée inscrire à l'ordre du jour prioritaire des travaux du
Sénat. Observant que cette proposition visait non seulement le code du
travail, mais aussi, dans ses titres II et III, le statut de la fonction
publique, elle a indiqué qu'elle proposait de s'en remettre à
l'avis éclairé de la commission des lois pour ces titres. Elle a
également rappelé que la commission des affaires sociales avait
décidé de saisir, le 15 mars dernier, la
délégation aux droits des femmes et à
l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle a
précisé que son rapport reprenait bien des constats et bien des
recommandations formulés par la délégation.
Observant que les progrès liés à la loi
" Roudy " du 13 mai 1983 n'avaient pas suffi à garantir une
réelle égalité professionnelle, elle a constaté que
subsistait de fait un certain nombre d'inégalités fragilisant la
place des femmes sur le marché du travail : inégalité
face au chômage, face à la précarité, face à
la formation, dans le déroulement des carrières, face aux
salaires et face aux conditions de travail.
Elle a néanmoins estimé que ce diagnostic relativement sombre ne
devait pas occulter certaines évolutions qui avaient permis de renforcer
la place des femmes dans la sphère professionnelle. A cet égard,
elle a observé que les femmes étaient de plus en plus nombreuses
à exercer une activité professionnelle, le taux d'activité
de 25 à 49 ans étant ainsi passé de 44 % en 1968
à 80 % en 2000. Elle a alors considéré que
c'était parce que les femmes étaient de plus en plus
présentes dans le monde du travail que les inégalités
persistantes apparaissaient de plus en plus insupportables.
Estimant que l'égalité professionnelle constituait un réel
enjeu de société,
Mme Annick Bocandé,
rapporteur,
s'est interrogée pour savoir si la présente
proposition de loi constituait une réponse adaptée. Elle a, sur
ce point, exprimé ses doutes, considérant que la proposition
relevait d'une opportunité incertaine et n'offrait qu'un contenu
décevant.
Elle a ainsi estimé que la pertinence d'un nouveau texte
législatif était loin d'être évidente. Elle a
d'abord rappelé qu'il existait déjà un arsenal
législatif important, estimant que le bilan très mitigé de
la loi " Roudy " tenait moins aux failles de la législation
qu'à son application imparfaite. Elle a considéré,
à cet égard, que la raison fondamentale de cet échec
résidait avant tout dans la très faible appropriation de ce texte
par les partenaires sociaux. Elle a alors jugé que ce n'était pas
en rendant la législation plus contraignante que l'on garantirait sa
meilleure application.
Elle a en outre observé que les partenaires sociaux s'étaient
désormais saisis du thème de l'égalité
professionnelle dans le cadre de la négociation interprofessionnelle
engagée le 3 février dernier, dite de " refondation
sociale ". Elle a jugé que, dans ce contexte, il eût
été préférable de laisser le dialogue social
s'engager plutôt que de chercher à légiférer
hâtivement au risque de bloquer la concertation. Elle a alors
estimé que la loi n'aurait dû intervenir qu'en cas de carence de
ce dialogue social.
Mme Annick Bocandé, rapporteur,
a également jugé
qu'en matière d'égalité professionnelle, il importait plus
de faire évoluer les mentalités que la loi, rappelant que la
persistance des inégalités professionnelles reposait avant tout
sur des obstacles culturels.
Abordant le contenu de la proposition de loi, elle a jugé que celui-ci
restait très limité, ne prévoyant en définitive que
trois mesures nouvelles (alourdissement du rapport dit de " situation
comparée ", institution d'obligations multiples de négocier
sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise et au niveau de
la branche, extension du champ des entreprises pouvant bénéficier
d'aides publiques en faveur de l'égalité professionnelle), mais
qu'il était paradoxalement très contraignant. Elle a ainsi
estimé que l'introduction de sanctions pénales pour l'employeur
en cas de manquement à l'obligation annuelle de négocier lui
apparaissait disproportionnée et que les négociations
obligatoires risquaient d'être largement artificielles, jugeant
préférable d'inciter les partenaires sociaux à
négocier plutôt que de les y forcer.
Elle a considéré que cette proposition de loi témoignait,
en définitive, d'une vision très réductrice des
inégalités professionnelles, observant que, si elles se
manifestaient dans l'entreprise, elles trouvaient souvent leur source en
dehors. Rappelant que les difficultés pour les femmes à concilier
vie familiale et vie professionnelle alimentaient fortement les
inégalités constatées, elle a alors regretté que la
proposition de loi n'ait pas choisi d'aborder cette dimension pourtant
essentielle. Elle a indiqué que, sur ce sujet, deux pistes très
concrètes devaient être approfondies : développer et
améliorer les systèmes de garde d'enfant et favoriser le retour
sur le marché du travail des femmes ayant interrompu leur
activité pour élever leurs enfants, ces femmes rencontrant bien
souvent des difficultés pour leur réinsertion professionnelle.
Elle a précisé qu'elle présenterait des amendements en ce
sens.
Constatant les limites de cette proposition de loi, elle a estimé
nécessaire, sans toutefois en bouleverser l'architecture
générale, de la faire évoluer dans deux directions :
- d'une part, la simplifier et l'assouplir afin de la rendre moins
contraignante pour l'entreprise et plus adaptée à la
réalité du monde du travail ;
- d'autre part, l'enrichir afin qu'elle ne se limite pas à une
vision trop restrictive du thème de l'égalité
professionnelle.
S'agissant de l'adjonction envisagée par le Gouvernement de dispositions
relatives au travail de nuit des femmes,
Mme Annick Bocandé,
rapporteur,
s'est faite l'écho du propos liminaire du
président Delaneau et de la démarche qu'ils avaient entreprise
ensemble. Elle a regretté également que l'amendement du
Gouvernement n'ait été déposé que la veille, en fin
d'après-midi. Elle a alors déclaré que, compte tenu de la
brièveté des délais et de l'ampleur des dispositions qui
prévoient un nouveau cadre juridique pour le travail de nuit en
général, elle n'avait pas souhaité les examiner dans la
précipitation. Aussi, a-t-elle précisé qu'elle ne
présenterait d'éventuels sous-amendements que lors de la
réunion de la commission du 3 octobre.
M. René Garrec, rapporteur pour avis au nom de la commission des
lois,
a indiqué que la commission des lois s'était saisie
pour avis du titre II de la proposition de loi, ce titre concernant la fonction
publique. Il s'est interrogé à son tour sur l'utilité de
légiférer en la matière, observant que la question de
l'égalité professionnelle était déjà bien
couverte par les textes existants. Il s'est en outre interrogé sur la
constitutionnalité de certaines des nouvelles dispositions
proposées.
M. Louis Souvet
, s'interrogeant sur l'utilité d'une nouvelle loi
en la matière, a estimé, à son tour, qu'il était
prioritaire de faire évoluer les mentalités. Il a, en outre,
considéré que l'autorisation du travail de nuit des femmes ne
constituait pas forcément un progrès.
M. Claude Huriet
a estimé nécessaire d'établir une
distinction entre la notion d'inégalité et celle d'injustice,
observant que toute inégalité n'était pas obligatoirement
une injustice. Il a également indiqué qu'il était sans
doute souhaitable de réaliser une évaluation exhaustive de la loi
du 13 juillet 1983 avant de la modifier.
M. Guy Fischer
a jugé qu'il fallait tirer les conséquences
du bilan mitigé de la loi " Roudy ", observant que les
partenaires sociaux étaient demandeurs de nouveaux outils
législatifs pour dynamiser les négociations en matière
d'égalité professionnelle. Il a aussi estimé important de
renforcer le cadre législatif actuel, notamment pour la fonction
publique. Il a enfin souligné l'importance de l'amendement
gouvernemental sur le travail de nuit des femmes, précisant que son
groupe se prononcerait sur ce point le 3 octobre.
M. Francis Giraud
a insisté sur la question de la garde d'enfant,
question intimement liée à celle de l'égalité
professionnelle. Il a estimé, à cet égard, qu'il
était nécessaire de trouver d'autres solutions que la prise en
charge collective pour permettre aux femmes, mais aussi aux hommes,
d'élever leurs enfants.
Mme Gisèle Printz
a, pour sa part, considéré que la
non-application de la loi " Roudy " impliquait l'adoption de la
présente proposition de loi. Elle a également estimé qu'il
importait avant tout de faire évoluer les mentalités, même
si c'était le plus difficile. Elle a jugé nécessaire de
développer les modes de garde collective des enfants. Elle a enfin
estimé qu'il était nécessaire de réfléchir
sérieusement sur le travail de nuit.
M. Lucien Neuwirth
a considéré que la question de
l'égalité professionnelle constituait un phénomène
social essentiel, ce qui ne doit pas inciter à travailler dans la
précipitation. Il a estimé que cela impliquait un
élargissement des perspectives posées par la proposition de loi
et notamment une réflexion nouvelle sur les politiques d'aide à
la famille dans le respect des choix individuels.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est alors interrogée sur la
possibilité d'une audition du Gouvernement par la commission sur ce
point.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Annick
Bocandé, rapporteur,
a tout d'abord rappelé que
l'égalité professionnelle constituait, à ses yeux, un
sujet très important et très sensible sur lequel il importait
d'être à la fois vigilant et constructif. Si l'opportunité
de légiférer à nouveau lui paraissait incertaine, en
raison du contenu décevant de la proposition de loi, elle a
estimé que la proposition pouvait constituer un support utile pour
explorer de nouvelles pistes. Elle a néanmoins souligné qu'il
importait prioritairement de faire évoluer les mentalités et que
la présente proposition de loi n'y suffirait sans doute pas.
Elle a indiqué que, si toutes les inégalités
n'étaient pas des injustices, il existait aussi des
inégalités qui en étaient, prenant pour exemple les
inégalités en matière de carrière ou de salaire, et
qu'il fallait les prendre en compte.
Elle a souligné la complexité de la proposition de loi qui ne
faisait que rajouter de nouvelles obligations très lourdes pour les
entreprises et notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME) pour
une efficacité incertaine. Elle a considéré que la loi
devait avant tout avoir pour objet d'être adaptée aux nouvelles
réalités du monde du travail.
Elle a également insisté sur l'importance de relancer le dialogue
social en matière d'égalité professionnelle, relance
qu'elle a jugée probable compte tenu de l'évolution du contexte
économique et social, et a observé avec satisfaction que les
partenaires sociaux aient choisi de l'inscrire sur leur agenda. Elle a alors
regretté que la loi précède le dialogue social.
Elle a en définitive regretté le côté trop
réducteur de ce texte, déplorant l'absence de prise en compte
d'une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la commission
avait entendu, sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée
nationale, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la
formation professionnelle et aux droits des femmes, le 9 mai 2000. Il a
constaté que le dépôt extrêmement tardif de
l'amendement du Gouvernement sur le travail de nuit des femmes conjugué
à la décision d'inscrire le texte en séance publique
dès le mardi matin 3 octobre, rendait le souhait de Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, au demeurant légitime, fort difficile à satisfaire,
sachant que la dernière semaine de septembre voit s'enchaîner les
journées parlementaires des groupes politiques.
Puis la commission a procédé à l'examen des articles et
des amendements proposés par le rapporteur.
A l'article premier
(contenu du rapport de situation comparée),
la commission a adopté un amendement prévoyant que les
indicateurs sur lesquels se fonde le rapport de situation comparée sont
prioritairement fixés par accord collectif.
A l'article premier bis
(motivation de l'avis du comité
d'entreprise sur le rapport de situation comparée), la commission a
adopté un amendement de suppression de cet article.
A l'article 2
(affichage dans l'entreprise du rapport de situation
comparée), elle a adopté un amendement visant à ne plus
faire de l'affichage la seule voie d'information des salariés.
A l'article 3
(négociation obligatoire dans l'entreprise), elle a
adopté un amendement simplifiant le déroulement de la
négociation spécifique sur l'égalité
professionnelle.
A l'article 4
(sanctions pénales), elle a adopté un
amendement remplaçant la sanction pénale en cas de manquement de
l'employeur à l'obligation de négocier par une intégration
automatique de cette négociation sur l'égalité
professionnelle dans le cadre des négociations annuelles sur les
salaires, l'emploi et le temps de travail.
A l'article 5
(intégration du thème de
l'égalité professionnelle dans la négociation annuelle
obligatoire sur les salaires, l'emploi et le temps de travail), la commission a
adopté un amendement rédactionnel de cohérence.
A l'article 6
(négociation spécifique au niveau de la
branche), elle a adopté un amendement modifiant la
périodicité de la négociation et un amendement supprimant
le rapport de situation comparée devant servir de fondement à
cette négociation.
A l'article 7
(intégration du thème de
l'égalité professionnelle dans la négociation obligatoire
sur les salaires et les classifications au niveau de la branche), elle a
adopté un amendement rédactionnel de cohérence.
Après l'article 8
(éligibilité des entreprises aux
aides publiques), elle a adopté trois amendements portant article
additionnel :
- le premier vise à rendre les conjoints collaborateurs d'artisans
électeurs et éligibles aux conseils de prud'hommes ;
- le deuxième prévoit la possibilité de majorer
l'aide maximale que peut accorder un comité d'entreprise ou un employeur
en franchise de cotisations sociales pour l'emploi d'un salarié à
domicile, lorsque ce salarié assure la garde d'un enfant de moins de
trois ans ;
- le troisième tend à étendre jusqu'au sixième
anniversaire de l'enfant la période d'activité à temps
partiel dans le cadre d'un congé parental d'éducation.
La commission a alors adopté la proposition de loi ainsi
amendée.
1
Veille de la Journée de la
Femme, mais
il faut bien entendu n'y voir qu'une coïncidence...
2
Margaret Maruani, " Travail et emploi des femmes ", La
Découverte, 2000.
3
Votre rapporteur, pour l'analyse des inégalités
professionnelles, vous renvoie à l'analyse de M. Michel Glaude,
" L'égalité entre femmes et hommes : où en
sommes-nous ? " publié dans le 15
ème
rapport
du Conseil d'analyse économique.
4
Source : INSEE, Enquête Emploi, mars 2000.
5
Source : " La formation professionnelle :
diagnostic, défis et enjeux ", secrétariat d'Etat aux droits
des femmes et à la formation professionnelle, mars 1999.
6
Source : Eurostat " enquête sur la structure des
rémunérations ", 1999.
7
Sénat, rapport n° 218, seconde session ordinaire
1982-1983.
8
Rapport " Femmes-hommes : quelle égalité
professionnelle ? ", 1999.
9
En témoigne notamment la meilleure prise en compte de
l'égalité professionnelle dans les accords sur la
réduction du temps de travail.
10
On peut en particulier citer la récente convention
signée entre le Ministre de l'Education nationale, le Ministre de
l'Agriculture et la Secrétaire d'Etat aux droits des femmes en
matière d'orientation des jeunes filles.
11
L'article L. 132-12 du code du travail prévoit une
obligation de négociation au niveau de la branche au moins une fois par
an sur les salaires et au moins une fois tous les cinq ans sur les
classifications.
12
En application de l'article L. 132-12 du code du travail.
13
En application de l'article L. 933-2 du code du travail.
14
En application de l'article L. 132-12 du code du travail.
15
En application de l'article L. 933-2 du code du travail.
16
Décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la
composition des chambres des métiers et à leur
élection.