II. LES DÉPENSES

A. LE BUDGET GÉNÉRAL

Les dépenses du budget général pour 1998 se sont élevées à 1.991,2  milliards de francs, soit une progression de 3,7 % par rapport à 1997 . Cette hausse est supérieure à celle des prix (+ 0,7 %).

Il convient de rappeler que les dépenses du budget général avaient crû de moins de 1 % en 1997.

La progression des dépenses en 1998 est réduite à 1,14 %, hors dégrèvements et remboursements d'impôts.

L'affirmation du gouvernement telle qu'elle figure dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, selon laquelle " l'objectif de stabilisation des dépenses de l'Etat a ainsi été respecté en 1998 " , se trouve démentie par l'analyse de la Cour des comptes.

Dans un courrier en date du 9 juillet 1999, adressé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au secrétaire d'Etat au budget, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Joxe, indiquait que, s'agissant de l'évolution des dépenses, d'éventuels désaccords méthodologiques ne devaient pas " masquer l'essentiel : la progression rapide des dépenses du budget général en 1998 , qui s'établit à 3,6 %, au lieu de 1 % l'année précédente. Elle est ramenée à 1,1 % - ou à 0,8 % compte tenu des " recettes de la dette " - en déduisant les remboursements et dégrèvements d'impôts, qui ont augmenté dans des proportions exceptionnelles et d'ailleurs non totalement élucidées en 1998, et qui, par nature, ne traduisent pas d'action volontariste sur les dépenses ".

Cette analyse a été complétée et affinée dans le rapport de la Cour sur l'exécution des lois de finances pour 1998.

En outre, cette forte progression des dépenses s'est faite au détriment des dépenses d'investissement. En effet, les dépenses de fonctionnement se sont élevées, en 1998, à 1.824,8 milliards de francs, en hausse de 4,5 % par rapport à 1997, tandis que les dépenses en capital ont à nouveau diminué de 5,2 %, s'établissant à 166,4 milliards de francs.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

1. Les dépenses du titre I

Les dépenses du titre I s'établissent, en 1998, à 572,4 milliards de francs, soit une augmentation de plus de 11 % par rapport à 1997, alors que, cette année-là, elles n'avaient progressé que de 2 %.

a) La dette publique

La charge brute de la dette s'élève à 251,5 milliards de francs en 1998, soit une progression de 4,4 % par rapport à l'année précédente. En 1997, elle avait été quasiment stabilisée par rapport à 1996.

Quant à la charge nette de la dette, elle s'établit à 227,9 milliards de francs, au augmentation de 2,4 % par rapport à 1997. Cette progression est le double de celle constatée entre 1996 et 1997 (+ 1,2 %), la forte croissance, de 29,7 %, des recettes en atténuation des charges de la dette et de la trésorerie venant atténuer l'évolution de la dépense brute.

Il convient de relever l'augmentation sensible du service de la dette négociable, qui passe de 228,1 milliards de francs en 1997 à 238,2 milliards de francs en 1998, soit une hausse de 4,4 %. Dans son rapport précité sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes note ainsi : " pour la première fois depuis 1995, le service de la dette progresse de 4,4 % en dépit de la poursuite de la baisse des taux d'intérêt qui avait contribué, les années précédentes, à en ralentir le rythme ".

En fait, l'explication de ce phénomène se trouve dans le renversement de tendance observé sur les intérêts sur bons du Trésor : alors qu'ils avaient nettement diminué au cours des deux années précédentes, ils connaissent en 1998 une progression de 9,7 %.

En revanche, la charge de la dette non négociable tend à se stabiliser, s'établissant à 10,5 milliards de francs.

b) Les dépenses de garantie

Les dépenses liées à la garantie de l'Etat poursuivent leur évolution erratique : elles s'établissent à 1,2 milliard de francs en 1998, après 6,5 milliards de francs en 1997, 1,5 milliard de francs en 1996 et 10 milliards de francs en 1995. Cette évolution est, selon la Cour des comptes, " en général non prévue dans les crédits initiaux ".

c) Les dépenses en atténuation de recettes

Les remboursements et dégrèvements s'établissent en 1998 à 316,92 milliards de francs, contre 265,59 milliards de francs en 1997, soit une forte progression de 19,3 %. Ces dépenses n'avaient augmenté que de 1,9 % en 1997.

Les remboursements et dégrèvements sur contributions directes progressent rapidement, de 14,6 %, pour s'établir à 147,6 milliards de francs en 1998 après 132 milliards de francs en 1997. Le principal facteur de hausse réside dans les restitutions d'impôts sur les sociétés (+ 29,7 %).

Ceux sur produits indirects atteignent un niveau record de 169,1 milliards de francs, soit une augmentation de 26,9 % par rapport à 1997. Les remboursements de TVA augmentent de façon très vive, de 28,1 %, pour s'établir à 165,6 milliards de francs, soit près de 98 % du total. La Cour des comptes note toutefois que cette augmentation " reste cependant largement inexpliquée ".

2. Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses nettes du titre III s'établissent à 767 milliards de francs en 1998, contre 740,5 milliards de francs en 1997, soit une progression de 3,6 %. Elles avaient augmenté deux fois moins rapidement en 1997, soit + 1,8 %.

Ces dépenses se répartissent comme suit :

- 657,5 milliards de francs pour les services civils, soit + 3,7 % au lieu de + 2,3 % en 1997 ;

- 109,5 milliards de francs pour les services militaires, en hausse de 3,1 %, alors qu'elles avaient diminué de 1,1 % en 1997.

a) Les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel représentent plus de 83 % des crédits inscrits au titre III. Elles s'établissent, en 1998, à près de 639 milliards de francs, et progressent de 3,5 % par rapport à 1997 où elles avaient augmenté moins rapidement (+ 2,6 %).

Elles se répartissent en 555 milliards de francs au titre des dépenses de personnel civiles (+ 3,05 %), et en 83,9 milliards de francs au titre des dépenses de personnel militaires (+ 6,3 %).

Les dépenses de personnel civil et militaire, qui recouvrent les trois premières parties du titre III, comportent :

- les rémunérations d'activité : 382,5 milliards de francs (+ 3,1 %) ;

- les pensions et allocations : 177,7 milliards de francs (+ 4,1 %) ;

- les charges sociales : 78,8 milliards de francs (+ 4 %).

Le coût des pensions et des charges sociales évolue donc plus rapidement que celui des rémunérations d'activité.

Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation.

La valeur de l'indice de la fonction publique a été revalorisée à deux reprises en 1998 : le 1 er avril pour 0,8 %, et le 1 er novembre pour 0,5 %, soit une augmentation totale de 1,3 %. Cela a engendré une augmentation des rémunérations de 3,4 milliards de francs, et des pensions de 1,8 milliard de francs. Il convient d'y ajouter les mesures adoptées en faveur des bas salaires, c'est-à-dire l'attribution, au 1 er novembre, d'un ou deux points d'indice nouveau majoré.

En outre, l'augmentation des rémunérations d'activité résulte également des effets du glissement-vieillesse-technicité (GVT), ou du solde des diverses transformations d'emplois.

L'augmentation du nombre de bénéficiaires explique essentiellement la progression des dépenses liées aux pensions, de telle sorte que les dépenses brutes de pensions augmentent plus vite que celles résultant des rémunérations d'activité. Cette évolution est particulièrement préoccupante, car elle annonce, faute de véritables réformes, une explosion programmée du coût des pensions. Or, la Cour des comptes, dans son rapport précité, rappelle que " cette tendance devrait se maintenir par simple effet démographique " .

Enfin, en ce qui concerne les charges sociales, la progression de leur poids provient de l'alourdissement de la charge de compensation et de l'augmentation des dépenses liées à la mise en oeuvre du congé de fin d'activité.

Or, cette évolution engendre une détérioration de la structure de la dépense publique, qui devient de plus en plus rigide.

La Cour des comptes rappelle d'ailleurs que cinq ministères 6( * ) représentent 89,4 % de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par l'Etat en 1998. A eux seuls, les budgets de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur regroupent plus de 50 % des dépenses salariales du budget général et 64,7 % de celles des ministères civils.

b) Les autres dépenses

Le total des autres dépenses, qui recouvrent les crédits inscrits aux parties 4 à 7 du titre III, s'élèvent à 128,1 milliards de francs en 1998, contre 122,9 milliards de francs en 1997, soit une progression de 4,2 %.

Elles se répartissent en :

- 102,4 milliards de francs pour les services civils, soit une augmentation de 7,1 %, alors qu'elles avaient diminué de 0,45 % en 1997 ; cette hausse résulte surtout de la forte croissance, de 11,3 %, des subventions de fonctionnement ;

- 25,6 milliards de francs pour les services militaires (- 6,1 %).

3. Les dépenses d'interventions publiques

Les dépenses du titre IV 7( * ) s'élèvent, en 1998, à près de 481 milliards de francs, contre 485,2 milliards de francs en 1997, soit une diminution de 0,9 %. En 1997, elles avaient augmenté de 1,3 %.

Ces dépenses sont, souligne la Cour des comptes, " dispersées entre divers parties et chapitres selon une logique à la fois historique et administrative qui se prête mal à l'analyse ".

Il est donc indispensable de mettre en oeuvre une réforme de la présentation des documents budgétaires afin de les rendre plus lisibles, et donc plus accessibles à l'analyse. Il convient, à ce propos, de relever que le gouvernement a annoncé l'introduction de mesures destinées à accroître la transparence du budget de l'Etat.


Le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999 devrait ainsi comporter des informations complémentaires. Il sera notamment accompagné des comptes rendus de gestion des ministères, conformément aux dispositions de la circulaire du Premier ministre du 21 février 2000. Lui sera également annexé le Compte général de l'administration des finances, qui comporte d'ores et déjà certaines novations : la prise en compte de la charge de la dette en droits constatés, l'enregistrement des recettes fiscales en droits constatés, la rénovation de la comptabilisation des immobilisations inscrites au bilan ou encore la présentation d'une annexe au bilan retraçant des engagements de l'Etat...

Comme le montre le tableau ci-dessous, cette diminution d'ensemble recoupe des évolutions contrastées :



Deux parties voient leurs crédits diminuer :

- la partie 6 : Action sociale - Assistance et solidarité : - 1,9 % ;

- surtout, la partie 4 : Action économique, encouragements et interventions économiques : - 4,7 %, alors que ces crédits avaient progressé de 4 % en 1997 et de 3,3 % en 1996.

Les cinq autres parties connaissent une augmentation de leurs dotations budgétaires, à l'intérieur d'un éventail assez important : de + 0,2 % pour la partie 2 : Action internationale à + 6,6 % pour la partie 1 : Interventions politiques et administratives.

4. Les dépenses en capital

a) Les autorisations de programme

La loi de finances initiale pour 1998 a ouvert 152,7 milliards de francs en autorisations de programme, soit une diminution de 15,7 % par rapport à l'année précédente.

Elles se répartissent de la façon suivante :

- 71,7 milliards de francs au titre des budgets civils, en forte diminution, de - 22,3 % ;

- 81 milliards de francs au titre du budget militaire, elles aussi en diminution notable, de - 8,7 %.

Surtout, la Cour des comptes, dans son rapport précité sur l'exécution des lois de finances pour 1998, attire l'attention, une fois encore, sur l'insuffisance de la qualité et de la fiabilité des états informatiques établis en matière de comptabilité spéciale des investissements, qui retrace les mouvements affectant les autorisations de programme.

Elle note à ce propos : " en 1998, la Cour n'a toujours pas pu disposer d'une comptabilité fiable et cohérente des autorisations de programme " , estimant qu' " aucune explication ne justifie les défaillances chroniques [...] de cette comptabilité spéciale " .

Elle conclut sur un jugement sévère : " la synthèse comptable de la gestion des investissements publics, fondée sur la dualité autorisations de programme-crédits de paiement, perd, de ce fait, toute pertinence ".

b) Les crédits de paiement

En 1998, les crédits de paiement, civils et militaires, s'établissent à 166,4 milliards de francs, contre 175,5 milliards de francs en 1997, soit une diminution globale de 5,2 %.

Cette réduction de l'effort d'investissement, inquiétante pour l'avenir, concerne en 1998 davantage le budget militaire, 68,9 milliards de francs, soit - 9,3 %, que les budgets civils, 97,4 milliards de francs, soit - 2,1 %. La situation était inverse en 1997.

Il convient, en outre, de noter, en ce qui concerne les dépenses militaires en capital, une évolution extrêmement contrastée entre le titre V, dont les dotations, soit 67,8 milliards de francs, diminuent de 9,7 %, tandis que celles du titre VI progressent de 24,2 %, le niveau des crédits inscrits étant certes beaucoup plus faible, à peine 1,2 milliard de francs.

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