EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La commission mixte paritaire qui s'est réunie le mercredi 19 janvier
2000 n'est pas parvenue à élaborer un texte commun sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Au cours de la navette législative, les positions des deux
assemblées se sont rapprochées, permettant d'obtenir un consensus
sur les dispositions qui améliorent le service rendu aux citoyens par
nos services publics. Il s'agit notamment de la codification, de la mise en
cohérence des grandes lois relatives à la transparence
administrative : loi " Informatique et libertés ", loi
relative à la communication des documents administratifs et loi sur les
archives. De même, ont donné lieu à un consensus dans les
deux assemblées les mesures de transparence financière,
l'aménagement des procédures administratives, comme la
délivrance d'un accusé de réception aux demandes des
usagers, la transmission d'une demande mal dirigée à
l'administration compétente, la réduction du délai
à l'issue duquel intervient une décision implicite d'acceptation,
ainsi que le renforcement du rôle et des moyens du Médiateur de la
République.
Votre rapporteur regrette cependant que certains malentendus persistants
n'aient pu être levés aux cours des lectures successives de ce
texte. A titre d'exemple, les propos de Mme Claudine Ledoux, rapporteuse pour
l'Assemblée nationale, selon lesquels "
les sénateurs ont
refusé d'inclure dans le principe de levée de l'anonymat les
correspondances adressées par l'administration
"
relèvent d'une méprise regrettable. Dès lors que le
Sénat avait accepté le principe selon lequel les agents des
services publics ne peuvent se retrancher derrière l'anonymat dans leurs
relations
avec les usagers, il était bien entendu que les
correspondances faisaient partie intégrante de ces
" relations ", sans qu'il soit besoin d'en dresser une liste, au
risque de ne pas être exhaustif.
Ces malentendus expliquent sans doute le nombre important des articles restant
en discussion à l'issue de deux lectures dans chaque assemblée et
d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. En effet, alors
que le texte du projet de loi soumis en premier lieu au Sénat comportait
vingt-huit articles, la commission mixte paritaire a été
saisie de
vingt-trois articles restant en discussion
,
quinze articles nouveaux ayant été introduits au cours de la
navette.
Concernant les trois points d'achoppement de la commission mixte paritaire,
votre commission des Lois vous proposera des solutions de compromis.
Lors de la commission mixte paritaire, trois points ont été
présentés d'emblée comme " non
négociables " par Mme Claudine Ledoux, rapporteuse pour
l'Assemblée nationale. Il s'agit des dispositions concernant la lutte
contre les recours abusifs, les maisons des services publics et la
transposition dans la loi de la " jurisprudence Berkani " relative
aux non-titulaires de la fonction publique.
Votre commission des Lois vous propose de reprendre les avancées
proposées par votre rapporteur en commission mixte paritaire.
A l'
article 5 bis
, tendant à la consignation d'une
somme d'argent par les associations déposant un recours devant la
juridiction administrative, deux principes devaient être
conciliés : l'exigence de bonne administration de la justice, d'une
part, l'égal accès des requérants à la justice,
d'autre part.
Le Sénat avait souligné l'intérêt de faire figurer
dans la loi le principe de la lutte contre les recours abusifs qui entravent le
fonctionnement de la justice administrative. Constatant que l'Assemblée
nationale a maintenu en nouvelle lecture la suppression de cet article, votre
commission des Lois vous proposera de
disjoindre cet article
du
présent projet de loi, afin de traiter de cette question à
l'occasion d'un support législatif mieux approprié.
Aux
articles 24 à 26,
relatifs aux maisons des services publics,
bien que les deux assemblées n'aient pas de divergences de fond, elles
s'opposent quant à l'opportunité d'inscrire ces dispositions dans
une loi autonome alors que la loi " aménagement du
territoire " en vigueur traite déjà des maisons des services
publics.
Votre commission des Lois vous proposera d'adopter ces articles dans la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture. Malgré les inconvénients d'une telle rédaction,
votre rapporteur estime possible de rapprocher les positions des deux
assemblées, en limitant le débat aux divergences de fond qui
subsistent en nouvelle lecture.
Ajoutés en cours de navette à l'initiative du Gouvernement, les
articles 26 quater et 26 quinquies,
relatifs aux
conséquences de la jurisprudence " Berkani " du Tribunal des
Conflits pour les agents non-titulaires de l'Etat et de la fonction publique
territoriale, constituaient le
principal enjeu
de la commission mixte
paritaire.
Leurs implications sont en effet considérables pour les employeurs
publics, au premier rang desquels les employeurs locaux. Après que les
sénateurs eurent insisté en commission mixte paritaire sur les
risques qu'allaient engendrer l'embauche massive de ces personnels sous
contrats de droit public à durée indéterminée,
votre rapporteur avait proposé une solution de conciliation
équilibrée et conforme aux principes actuels du droit de la
fonction publique.
Tout en acceptant d'inscrire dans la loi les conséquences de la
jurisprudence " Berkani ", votre rapporteur proposait d'y apporter
deux correctifs importants
:
- ne pas rendre automatique l'attribution d'un contrat de droit public aux
agents concernés, mais en prévoir la simple faculté,
avec
l'accord de l'employeur
;
- conformément au droit commun des contrats de recrutement dans la
fonction publique, remplacer la notion trop imprécise de contrats de
droit public à durée indéterminée par des
contrats de trois ans renouvelables par reconduction expresse
, c'est
à dire avec l'accord de l'employeur.
Bien que la commission mixte paritaire ait adopté cette solution de
conciliation, l'
échec de la commission mixte paritaire
est
intervenu sur la coordination en matière de fonction publique
territoriale.
Considérant que cette rédaction respecte les droits des agents
tout en tenant compte des contraintes pesant sur les employeurs, votre
commission des Lois vous proposera d'
adopter la proposition formulée
en commission mixte paritaire par votre rapporteur
.
Ainsi, sur sept articles représentant trois points
présentés comme " non négociables " par
l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous propose d'en
adopter cinq dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture et vous soumet une rédaction de conciliation pour
les deux autres. Il est souhaitable que cet effort de rapprochement ne soit pas
le seul fait des sénateurs et trouve un écho lors de la lecture
définitive à l'Assemblée nationale.
Les autres dispositions du projet de loi peuvent elles aussi,
a
fortiori
, donner lieu à un consensus dans les deux
assemblées. Votre commission des Lois vous proposera d'adopter onze de
ces seize articles dans la rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
En particulier, elle vous proposera de définir dans la loi la mission de
service public que constitue la mise à disposition et la diffusion des
normes juridiques (article 2).
Pour le reste, elle vous soumet six amendements tendant à reprendre
la position de deuxième lecture du Sénat :
- étendre la levée de l'anonymat des agents des services publics
aux services publics industriels et commerciaux (article 4) ;
- ne pas rendre automatique la communication par une autorité
administrative de documents administratifs qu'elle détient sans en
être l'auteur (articles 8 et 10) ;
- ne pas limiter l'accès des citoyens aux documents fiscaux
(article 8) ;
- prévoir un délai de repentir de quatre mois permettant à
l'administration de retirer une décision implicite d'acceptation
illégale n'ayant fait l'objet d'aucune mesure de publicité
à l'égard des tiers (article 21).
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Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter en nouvelle lecture le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.