D. LA NON SINCÉRITÉ DU BUDGET DE LA SANTÉ ET DE LA SOLIDARITÉ
Deux
certitudes et une incertitude viennent altérer gravement la
sincérité du budget de la santé et de la solidarité
en sous-estimant ses dépenses réelles d'environ 6 milliards de
francs.
La première certitude a été annoncée par le Premier
ministre lors de la conférence de la famille le 7 juillet 1999 et
concerne la pérennisation de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire (ARS).
L'ARS est une prestation familiale délivrée par la Caisse
nationale de allocations familiales (CNAF). Depuis plusieurs années,
elle bénéficie d'une majoration exceptionnelle
systématiquement reconduite, à la charge de l'Etat, figurant dans
la loi de finances rectificative de l'année, et avancée par la
CNAF. Le montant de la majoration était de 6,8 milliards de francs en
1999.
Le secrétariat d'Etat au budget a toujours refusé d'inscrire en
loi de finances initiale cette majoration en raison de son caractère
potentiel : il n'était pas certain que l'Etat déciderait de
majorer l'ARS. Or cette année, lors de la conférence de la
famille, le Premier ministre a annoncé que cette majoration serait
pérennisée et prise en charge progressivement par la CNAF. La
ministre de l'emploi et de la solidarité et le rapport de la commission
des comptes de la Sécurité sociale ont repris cet engagement qui
s'est traduit par la prévision d'une dépense de 2,5 milliards de
francs en 2000 à la charge de la CNAF à ce titre. Le solde (4,7
milliards de francs au moins) devrait donc en toute logique figurer dans le
projet de loi de finances pour 2000. Il n'en est rien.
L'argument avancé jusqu'alors ne peut plus tenir puisque les annonces
ont été faites officiellement et que les premières
conséquences ont été tirées pour les comptes de la
branche famille. On peut donc estimer que cette non inscription altère
gravement la sincérité du budget de l'emploi et de la
solidarité si le Gouvernement respecte les engagements du Premier
ministre.
La seconde certitude rejoint cette question. Lors de la conférence de la
famille, le Premier ministre a annoncé que l'Etat verserait à la
CNAF une subvention d'un milliard de francs couvrant les dépenses
qu'elle engage pour le Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés
et de leurs familles.
La ministre de l'emploi et de la solidarité a
répété cet engagement lors de la présentation du
projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il figure
également dans le rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999. Cependant, ce transfert d'un
milliard de francs ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2000.
Mme Aubry a annoncé le 10 novembre à votre commission des
finances que cela figurerait dans le collectif 2000.
Ces deux annonces montrent bien que la sincérité du projet de
loi de finances pour 2000 est gravement altérée
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*
)
. Le Gouvernement reconnaît
qu'une dépense de 5,7 milliards de francs interviendra en 2000, mais ne
l'inscrit pas dans le projet de loi de finances contrairement aux dispositions
du quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2
janvier 1959 :
" La loi de finances de l'année
prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des
ressources et des charges de l'Etat. "
Enfin, l'équilibre du budget de la santé et de la
solidarité est menacé par la forte incertitude, qui tend à
se renouveler chaque année, sur les crédits ouverts au titre des
minima sociaux. De ce point de vue, l'inscription à hauteur de seulement
7 milliards de francs de la subvention de l'Etat au fonds de financement de la
CMU est déjà en contradiction avec le prévisions du
Gouvernement d'un besoin d'au moins 7,2 milliards de francs.
Ce sont donc environ 6 milliards de francs qui d'ores et déjà
devraient s'inscrire dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000,
auxquels s'ajouteront les sous-estimations, devenues habituelles, de
crédits.
*
Ainsi, la forte hausse du budget de la santé et de la solidarité doit-elle être relativisée par la progression encore plus rapide du poids des minima sociaux. Dans le même temps, ce budget ne peut être considéré comme sincère puisqu'il néglige 5,7 milliards de francs de dépenses, correspondant pourtant à des engagements du Premier ministre, et qu'il sous-estime les crédits nécessaires à la couverture maladie universelle.