2. Le Fonds de modernisation : une mise en place laborieuse
Comme
votre rapporteur l'a rappelé, c'est l'article 62 de la loi de finances
pour 1998 qui a institué un compte d'affectation spéciale
n°902-32 intitulé : "Fonds de modernisation de la presse
quotidienne et assimilée d'information politique et
générale " et l'a alimenté par une taxe de 1 %
sur certaines dépenses de publicité " hors
médias ".
La création de ce fonds procède d'une
initiative
parlementaire
. C'est en effet à la suite d'un amendement de M. Le
Guen que l'Assemblée nationale, a institué une taxe sur la
publicité hors médias.
A la base de cette taxe, il y a une analyse : la pénurie de moyens
dont souffre la presse résulte en partie de ce qu'elle doit faire face
auprès des annonceurs à la concurrence du hors médias,
prospectus distribués sans les boites aux lettres ou journaux
gratuits
.
En taxant le " hors médias " et en l'affectant à des
aides à l'investissement, on ferait d'une pierre deux coups : d'un
côté, on contribue à maîtriser une concurrence
anormale ; de l'autre, on donne des moyens supplémentaires de
modernisation à un secteur qui doit s'adapter à environnement
technologique mouvant et toujours plus concurrentiel.
Sur le plan des intentions, on ne peut que souscrire aux objectifs
affichés par la ministre de la culture et de la communication
lorsqu'elle a déclaré qu'il fallait "
rompre avec la
logique de compensation des charges au profit d'une logique d'incitation
à la modernisation
" et que
" La presse
d'information politique et générale a davantage besoin de
restaurer son esprit entrepreneurial
, ses performances
éditoriales et économiques, plutôt que de se voir appliquer
toujours les mêmes remèdes pour compenser ses
déficits.
"
Mais si l'idée était simple, l'application l'était
beaucoup moins, tant au niveau du prélèvement de la ressource que
des modalités de sa distribution. Cela explique largement le
retard
dans la mise en oeuvre de ce fonds
, comme votre rapporteur l'a
déjà souligné l'année dernière.
Les principales recettes du fonds sont constituées par le produit de la
taxe instituée à l'article 302 bis MA du code
général des impôts, ainsi que, ultérieurement, - et
s'il y a lieu, car les bénéficiaires préfèrent les
subventions aux avances remboursables... - par le remboursement des avances
consenties par le fonds.
Aux termes de l'article 302 bis MA du code général des
impôts, la taxe qui alimente le fonds de modernisation de la presse, est
due par toute personne assujettie à la TVA dont le chiffre d'affaires de
l'année civile précédente est supérieur à 5
000 000 F hors TVA.
Cette taxe, dont le taux est fixé à 1 %, est assise sur les
dépenses hors taxes engagées au cours de l'année civile
précédente et ayant pour objet:
1°) la réalisation ou la distribution d'imprimés
publicitaires
2°) les annonces et insertions dans les journaux mis gratuitement
à la disposition du public.
Sont exclues de l'assiette de la taxe :
a) les dépenses engagées par les associations à but non
lucratif en application des dispositions des articles 256 B et 261 du code
général des impôts ;
b) les dépenses afférentes à la réalisation ou
à la distribution de catalogues adressés, destinés
à des opérations de vente par correspondance ou à distance.
La surestimation de la base taxable, la nécessité de
soustraire certaines activités (ventes par correspondance et
organisations à but non lucratif) expliquent la faiblesse du produit
annoncé.
Avec 139 millions de francs de produit annoncé pour 1998 et entre 155
et 160 millions de francs pour 1999, on est assez loin des espérances
exprimées lors du vote du dispositif, qui se situaient plutôt aux
alentours de 300 à 400 millions de francs.
Les recettes prévues pour 2000 sont maintenues au même niveau de
160 millions de francs, même si les 155 millions de francs
déjà perçus au titre de 1999 laissent espérer un
rendement supérieur proche de 200 millions de francs.
Les bénéficiaires du fonds sont:
a) les entreprises de presse éditrices d'au moins un quotidien ou d'une
publication hebdomadaire régionale ayant obtenu la certification
d'inscription délivrée par la commission paritaire des
publications et agences de presse et relevant de la presse d'information
politique et générale ;
b) les agences de presse inscrites sur la liste prévue à
l'article ler de l'ordonnance n°45-2646 du 2 novembre 1945 portant
réglementation provisoire des agences de presse.
Les aides accordées prennent la forme de subventions, d'avances
remboursables ou de dépenses d'études. Les décisions
d'attribution sont prises par le ministre chargé de la communication
après avis d'un comité d'orientation.
Le décret n° 99-79 du 5 février 1999
relatif au
fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée
d'information politique et générale
, modifié par le
décret n° 99-356 du 7 mai 1999, définit les actions
éligibles et les dépenses prises en compte pour le calcul des
aides.
Ces critères sont présentés comme très ouverts et
permettent tous les projets de modernisation, qu'il s'agisse des
rédactions, des imprimeries, des services commerciaux ou des
réseaux de distribution, à l'exception des investissements de
simple renouvellement.
Le comité d'orientation du fonds s'est réuni pour la
première fois en juin dernier afin d'étudier les premières
demandes au titre du " régime dérogatoire " permettant
d'apporter une aide à des opérations d'investissement
déjà
engagées à la date de la réunion
du comité d'orientation
. Il a été indiqué
à votre rapporteur que d'autres demandes au titre de ce régime
dérogatoire, ainsi que des demandes au titre du régime normal
doivent être examinées au comité d'orientation du mois de
décembre 1999.
A ce jour, la part respective des demandes de subventions et celles des
demandes d'avances remboursables représentent respectivement 95 %
et 5 % des aides du fonds, alors que la proportion attendue était
de 45 % / 55 %.
Il a également été précisé à votre
rapporteur spécial qu'un "
bilan de l'action de ce fonds doit
par ailleurs être réalisé par le comité
lui-même au printemps 2000 pour la gestion de l'année
précédente " et qu'au " titre du régime
dérogatoire environ 150 dossiers ont été
déposés par une centaine d'éditeurs. Les investissements
sont de nature très diverse montrant que les besoins des entreprises de
presse sont eux-mêmes très diversifiés. Une partie des
propositions concernent des actions de numérisation. "
A la connaissance de votre rapporteur aucune n'aide n'a été
encore arrêtée
et a fortiori versée au titre du fonds
de modernisation. Les difficultés déjà signalées au
niveau collecte se doublent de problèmes sur le plan de la distribution.
Il faut en effet bien constater que le volontarisme qui marquait les
premières déclarations semble avoir laissé la place
à une attitude réaliste conduisant les pouvoirs publics à
ratifier au nom de l'urgence et de l'efficacité des projets
déjà lancés du fait du jeu normal de la concurrence.