II. LE SOUS-DIMENSIONNEMENT DES ENVELOPPES CONDUIT A L'ESSOUFLEMENT DU SYSTÈME DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
A. UN SYSTEME DE MOINS EN MOINS LISIBLE
1. Le calcul de la DGF : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
L'article L. 1613-1 du code général des
collectivités territoriales dispose que "
la dotation globale de
fonctionnement évolue chaque année en fonction d'un indice
égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de
la moyenne annuelle du prix à la consommation des ménages (hors
tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux
d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année
en cours, sous réserve que celui-ci soit positif
".
Partant de ce principe, pour obtenir le montant de la DGF en 2000, il est
tentant d'appliquer au montant du prélèvement sur les recettes de
l'Etat au titre de la DGF figurant dans le projet de loi de finances pour 1999,
soit 109.788 millions de francs, l'indice pour 2000, soit 2,05 %
13(
*
)
.
109.788 x 1,0205 = 112.038 millions de francs, soit :
une progression de 225 millions de francs (+ 2,04 %)
Toutefois, les choses ne sont pas si simples. Le calcul de la DGF obéit en effet à des règles complexes.
Le calcul du montant de la DGF 2000
Les
articles L.1613-1 et L. 1613-2 du code général des
collectivités territoriales prévoient que, pour obtenir le
montant de la DGF de 2000, il faut :
- appliquer l'indice de 2000 au montant de la DGF de 1999 recalculé
à partir du montant définitif de la DGF de 1998. C'est le
" recalage " de la base de la DGF " ;
- retrancher du montant de la DGF de 2000 le montant du " trop
perçu " en 1998 par les collectivités locales. Ce
" trop perçu " correspond à la différence entre
le montant versé en 1998 et le montant qui aurait du être
versé si les indices définitifs de prix et de taux de croissance
du PIB avaient été connus à l'époque. C'est la
régularisation négative de la DGF.
Le recalage s'applique à la DGF de 1999 hors abondements exceptionnels
(en 1999, la DGF avait été majorée de 500 millions de
francs au profit de la DSU) et avant imputation de la régularisation
négative au titre de 1997 (256 millions de francs).
DGF 1999 hors abondements exceptionnels et avant régularisation négative = 109.788 - 500 + 256 = 109.544 millions de francs
En 2000,
le recalage conduit à minorer de 906 millions de francs le montant de la
DGF de 1999 auquel est appliqué l'indice de progression de la DGF. Le
montant de la régularisation négative au titre de 1998
s'élève à 679 millions de francs.
Par conséquent, l'application en 2000 des articles L. 1613-1 et
L. 1613-2 du code général des collectivités
territoriales aboutit à un montant de DGF en 2000 qui
s'élève à :
( (109.544 - 906) x 1,0205) - 679 = (108.638 x 1,0205) - 679 = 110.865 - 679 = 110.186 millions de francs
La loi de finances pour 1999 prévoit que l'abondement exceptionnel de 500 millions de francs versé en 1999 est reconductible en 2000 et en 2001. Par conséquent, l'application du droit en vigueur en 1999 conduit à un montant de DGF pour 2000 qui s'élève à :
110.186 + 500 = 110.686 millions de francs
soit une progression de 898 millions de francs par rapport à 1999 (+ 0,3
%)
Ce
montant n'est toutefois pas encore celui de la DGF de 2000. En effet, plusieurs
dispositions prévoient d'autres majorations de la DGF :
- la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale dispose que la DGF est
majorée de 500 millions de francs par an entre 2000 et 2004 pour
financer la DGF versée aux nouvelles communautés
d'agglomération ;
- le projet de loi de finances pour 2000, dans sa rédaction issue de la
première lecture par l'Assemblée nationale, majore la DGF de 850
millions de francs (500 au profit de la DSU, 200 au profit de la dotation
d'aménagement et 150 au profit de la DSR).
Au total, le montant de la DGF en 2000 devrait s'élever
à :
(
(109.544 - 906) x 1,0205) - 679 + 500 + 500 + 500+ 200 + 150 =
112.036 millions de francs
soit une progression de 224 millions de francs ( + 2,04 %)
Il apparaît donc que, en 2000, les effets du recalage et de la régularisation négative (- 1585 par rapport à 1999) sont compensés pratiquement au franc près par les différentes majorations de la DGF décidées au cours de l'année 1999 (+ 1350) et par les effets mécaniques de l'indexation.
Progression de la DGF en 2000 sans tenir compte ni du recalage, ni de la régularisation négative, ni des majorations décidées en 1999 |
Progression de la DGF en 2000 après recalage, régularisation négative et majorations décidées en 1999 |
109.788 x 1,0205 = 112.038 milliards de francs |
( (109.544 - 906) x 1,0205) - 679 + 500 + 500 + 500 + 200 + 150 = 112.036 milliards de francs |
+ 2,0494 % |
+ 2,0475 % |
Il
ressort du tableau ci-dessus que :
- la plupart des points de discorde entre le gouvernement et les élus
locaux débattus au cours de l'année 1999 (conséquences de
la régularisation négative, financement des communautés
d'agglomération, modalité de prise en compte des résultats
du recensement, progression des dotations de solidarité) auraient pu
être évitées si la DGF avait progressé
" normalement ", c'est-à-dire en appliquant à son
montant de 1999 l'indice défini par le code général des
collectivités territoriales. En d'autres termes, le jeu du recalage et
de la régularisation négative est la cause de la faible
progression des dotations de l'Etat, et du mécontentement des
élus locaux ;
- les mesures décidées ou acceptées par le gouvernement en
1999, et présentées comme en effort en faveur des
collectivités locales, ne constituent que le " service
minimum ", et permettent simplement de compenser les effets du recalage et
de la régularisation.
2. L'enveloppe normée sert-elle encore à quelque chose ?
Depuis
1996, les principales dotations de l'Etat aux collectivités locales sont
rassemblées au sein d'une enveloppe normée des concours de
l'Etat. Le taux d'évolution de cette enveloppe est fixé pour
trois ans par une loi de finances (article 32 de la loi de finances pour 1996
qui définit le " pacte de stabilité ", article 57 de la
loi de finances pour 1999 qui fixe les modalités du " contrat de
croissance et de solidarité ").
Le montant de l'enveloppe normée constitue un " plafond "
au montant des dotations versées par l'Etat aux collectivités
locales
. Si les dotations qui composent l'enveloppe évoluent plus
rapidement que celle-ci, cela se traduit par une baisse du montant de la
variable d'ajustement de l'enveloppe, la dotation de compensation de la taxe
professionnelle.
L'intérêt du recours à une enveloppe normée
pluriannuelle était double :
- améliorer la maîtrise des finances publiques en évitant
tout dérapage des concours de l'Etat aux collectivités
locales ;
- conférer aux collectivités locales une meilleure
prévisibilité et lisibilité de l'évolution de leurs
dotations.
Aujourd'hui, force est de constater que l'enveloppe normée n'atteint
plus ses objectifs, et que son existence ne contribue en rien à
" dédramatiser " les relations financières entre l'Etat
et les collectivités locales.
La prévisibilité de l'évolution des recettes n'est pas
garantie
La prévisibilité de l'évolution des ressources des
collectivités locales serait assurée si le montant de l'enveloppe
normée au titre d'une année résultait de l'application du
taux de progression de l'enveloppe au montant de l'année
précédente.
Or, du fait du mode de calcul de la DGF, et notamment du recalage de sa base,
réalisé au mois de septembre de chaque année, les
collectivités locales ne peuvent pas, au début de la
période de trois ans, savoir comment leurs ressources vont
évoluer. En 2000, l'application du taux de progression de l'enveloppe au
montant de l'enveloppe dans la loi de finances pour 1999 donnerait un montant
de 167.617 millions de francs, soit une progression de 2.436 millions
de francs. Mais, du fait du recalage de la base de la DGF, le montant de
l'enveloppe normée en 2000 s'élèvera seulement à
166.957 millions de francs, soit une progression de 1.776 millions de
francs.
L'absence de prévisibilité est aggravée par le fait que,
en raison de la faible progression " spontanée " du montant
des dotations, il est maintenant traditionnel que le gouvernement majore le
montant de certaines d'entre elles par des " abondements "
exceptionnels. En conséquence, les élus locaux doivent attendre
la fin de la discussion budgétaire pour connaître
l'évolution du montant de leurs dotations pour l'année à
venir. Par exemple, lors du dépôt du projet de loi de finances
pour 2000, la DGF de 2000 devait progresser de 1.597 millions de francs (+
1,4 %). Après la première lecture à
l'Assemblée nationale, son taux de progression était passé
à 2.248 millions de francs (+ 2,04 %). De même, en 1999,
les communes éligibles à la fraction
" péréquation " de la dotation de solidarité
rurale (" DSR 2 ") ont du attendre la nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale pour savoir que leurs pertes de DCTP entre 1998 et
1999 seraient compensées par le fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).
La lisibilité des concours financiers de l'Etat s'est
dégradée
Le maintien du principe d'une enveloppe normée dans le cadre du contrat
de croissance et de solidarité n'a pas amélioré la
lisibilité du système de financement par l'Etat des
collectivités locales.
Le sous-dimensionnement de l'enveloppe et le maintien des règles de
recalage et de régularisation négative de la DGF obligent le
gouvernement à majorer le montant de certaines dotations, principalement
la DGF mais également, depuis 1999, le fonds national de
péréquation (FNP). Or, afin que l'augmentation des dotations ne
se traduise pas par une baisse encore plus prononcée du montant de la
variable d'ajustement, chacune de ses majorations s'effectue " hors
contrat" : leur montant n'est pas pris en compte dans le calcul de
l'enveloppe, et ne pèse donc pas sur la variable d'ajustement, la DCTP.
Le recours systématique à ces abondements " hors contrat"
conduit à déconnecter de la réalité les montants de
chaque dotation figurant dans l'enveloppe.
Par exemple, le montant de la
DGF inscrit dans l'enveloppe au titre de 1999 était de
109.288 millions de francs, alors que le montant réparti
était de 109.788 millions de francs, soit un écart de
500 millions de francs. L'écart se creuse en 2000 puisque le
montant inscrit dans l'enveloppe est de 110.865 millions de francs alors
que le montant réparti en janvier 2000 s'élèvera
probablement à 112.038 millions de francs. Les dotations tendent
donc à avoir deux montants : un montant inscrit dans l'enveloppe
normée, et un montant inscrit dans les documents budgétaires.
L'objectif de ces abondements, et donc de la perte de lisibilité qui en
résulte, est donc de ne pas pénaliser la variable d'ajustement
plus que ne le font déjà les modalités du contrat. Pour
l'Etat, la lourdeur de gestion d'un système complexe constitue le prix
à payer pour le maintien d'une variable d'ajustement, gage de la
limitation de la progression de ses dépenses en faveur des
collectivités locales.
La déconnexion entre les montants inscrits dans l'enveloppe
normée et les montants inscrits dans les documents budgétaires
est accentuée par les modifications apportées à la
structure de certaines dotations.
Par exemple, le montant de la dotation
spéciale instituteur (DSI) baisse d'année en année pour
tenir compte de l'intégration des instituteurs dans le corps de
professeur des écoles. Cependant, le montant inscrit dans l'enveloppe
normée est un montant à structure constante d'une année
sur l'autre. Il en résulte un écart de 270 millions de
francs entre le montant inscrit dans l'enveloppe et le montant du
prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit de la DSI. De
même, en 2000, la dotation générale de
décentralisation inscrite au budget du ministère de
l'intérieur est minorée de 4,5 milliards de francs pour
tenir compte des dispositions de la loi portant création de la
couverture maladie universelle et de la compensation de la nouvelle baisse des
droits de mutation. Le montant inscrit dans l'enveloppe normée n'en
tient pas compte en 2000.
Ces changements de périmètres dégradent la
lisibilité du dispositif mais pourrait être acceptés s'ils
étaient sans conséquences sur le montant de la variable
d'ajustement du pacte, la DCTP. Or, il semble qu'ils aient un impact puisque
les modifications de périmètre sont prises en compte dans
l'enveloppe normée dès leur deuxième année
d'existence.
Par exemple, en 1999, la majoration de 3,3 milliards de francs du montant
de la DGD au titre de la compensation aux départements de la baisse des
droits de mutation n'a pas été prise en compte dans le montant de
la DGD inscrit dans l'enveloppe. En revanche, le montant en 2000 en tient
compte, et l'augmentation de la DGD qui en résulte minore d'autant celui
de la DCTP. De même, en 2000, le montant de la DGD inscrit dans
l'enveloppe normée ne tient compte ni de la baisse de 9.1 milliards
de francs de son montant au titre de la CMU, ni de son augmentation de
4,6 milliards de francs au titre de la compensation de la nouvelle baisse
des droits de mutation. Mais le montant de la DGD inscrit dans l'enveloppe en
2001 devrait donc prendre en compte le solde de changements de structure, soit
un solde négatif de 4,5 milliards de francs, à l'avantage de
la DCTP cette fois-ci.
Le cumul des abondements " hors contrats " et des changements de
structure conduit donc à la mise en place d'une " double
comptabilité " des dotations de l'Etat aux collectivités
locales
. L'enveloppe normée devient donc une enveloppe de plus en
plus fictive. Le tableau ci-dessous présente l'écart entre les
montants inscrits dans l'enveloppe normée et les montants figurant dans
les documents budgétaires :
Ecart entre le montant des dotations retenu pour calculer l'enveloppe normée en 2000 et les montants inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000
(en millions de francs)
Dotations |
Montant inscrit dans l'enveloppe normée |
Montant inscrit dans les documents budgétaires |
Ecart en francs |
Ecart en % |
DGF |
111.865 |
112.036 |
1.171 |
1,06 |
DSI |
2.623 |
2.353 |
- 270 |
- 10,29 |
FNPTP |
1.644 |
3.370 |
2.076 |
126,28 |
FNP |
675 |
825 |
150 |
22,22 |
Dotation élu local |
275 |
275 |
- |
- |
DGE départements (AP) |
2.839 |
2.839* |
- |
- |
DGE communes (AP) |
2.649 |
2.649** |
- |
- |
DRES (AP) |
3.566 |
3.566*** |
- |
- |
DDEC (AP) |
1.771 |
1.771**** |
- |
- |
DGD |
18.875 |
13.708 |
- 5.167 |
- 27,37 |
DGD Corse |
1.350 |
1.310 |
- 40 |
- 2,96 |
DGD - formation prof. |
7.964 |
7.964 |
- |
- |
DCTP (hors REI) |
11.855 |
11.855 |
- |
- |
Total |
166.951 |
194.871 |
- 2.080 |
- 1,25 |
*
Montant de le DGE des départements en CP : 2.765 millions de francs.
** Le montant en CP de la DGE des communes est identique au montant en AP.
*** Montant de la DRES en CP : 3.464 millions de francs.
**** DDEC en CP : 1.718 millions de francs.
Le système n'a cependant pas encore atteint le degré maximal de
complexité car il est possible que, en 2001, la variable d'ajustement
elle-même ait un montant " hors contrat " et un montant
réel. En effet, la loi du 12 juillet 1999 prévoit que, si
l'abondement de la DGF au titre du financement des nouvelles communautés
d'agglomération est insuffisant pour couvrir la dépense, le
supplément sera prélevé sur la DCTP
14(
*
)
. Si ce cas de figure se produisait,
le montant de la DCTP inscrit dans l'enveloppe serait supérieur à
son montant réel.
La dégradation de la lisibilité permet d'entretenir le mythe
de collectivités locales " dépensières "
Les conséquences sur le montant de la DGF du recalage et de la
régularisation négative, ainsi que l'ampleur des baisses de la
DCTP provoquées par le jeu de l'enveloppe normée, obligent,
chaque année, les élus locaux, toutes tendances confondues,
à protester contre le montant insuffisant des dotations de l'Etat,
entretenant ainsi l'idée selon laquelle l'Etat serait vertueux et que
seules les pressions exercées sur lui par des élus locaux
dispendieux le conduisent à " lâcher " des
crédits supplémentaires en faveur des collectivités
locales.
En réalité, les collectivités locales se montrent plus
vertueuses que l'Etat en matière de gestion de leurs finances et leurs
revendications désormais rituelles sont motivées par le fait que,
compte tenu de l'évolution de leurs charges, il leur apparaît
indispensable que les dotations de l'Etat progressent d'une année sur
l'autre dans les mêmes proportions que ces charges.
Les mode de calcul de la DGF et le jeu d'une enveloppe normée
sous-dimensionnée ont donc des conséquences désastreuses
en terme d'image pour les élus locaux, contraints de quémander
des " rallonges " et de faire de la surenchère pour que le
gouvernement consente à une progression raisonnable du montant de ses
dotations d'une année sur l'autre.
Une dérive qui pourrait être évitée sans mettre
en péril l'équilibre des finances publiques
La dérive du système de l'enveloppe normée,
caractérisée par l'absence de prévisibilité des
ressources des collectivités locales, la dégradation de la
lisibilité du système de financement par l'Etat des
collectivités et les polémiques sur le caractère
" dépensier " des collectivités locales est d'autant
plus fâcheuse qu'elle pourrait être évitée pour un
coût budgétaire inférieur à 1 milliard de
francs.
En effet, en 2000, le gouvernement consacrera à la DGF, outre le
" coût " mécanique de l'indexation de la DGF (environ
200 millions de francs), 1.200
15(
*
)
millions de francs de plus que le
montant inscrit dans l'enveloppe normée, " hors contrat " de
manière à ne pas pénaliser la DCTP. Il abondera,
" hors contrat " également, le FNP de 150 millions de
francs pour compenser les baisses de DCTP des communes
défavorisées. Ces opérations se traduisent par une perte
de prévisibilité et de lisibilité des concours de l'Etat,
et, pour les obtenir, les élus locaux sont obligés de
dépenser beaucoup d'énergie.
Si, en revanche, le recalage de la base de la DGF et sa régularisation
négative étaient supprimés, les abondements à la
DGF n'auraient plus lieu d'être puisque la DGF augmenterait
" spontanément " de 1,4 milliard de francs
16(
*
)
. Si, comme le propose le
Sénat, le taux d'indexation de l'enveloppe prenait en compte 50 %
du taux de croissance du PIB au lieu de 25 % comme le prévoit le
contrat de croissance, la DCTP ne baisserait plus de 422 millions de
francs entre 1999 et 2000 mais progresserait de 575 millions de francs.
L'Etat n'aurait donc plus à abonder le FNP pour lui permettre de
surmonter la baisse de ses recettes liée à la compensation des
baisses de DCTP. Le coût pour l'Etat de la prise en compte de 50 %
du taux de croissance du PIB serait, en 2000, de 422 + 575 - 150 = 847 millions
de francs.
L'Etat semble donc préférer un système de plus en plus
complexe et source de friction avec les élus locaux à un
système lisible, dans lequel, mis à part les conséquences
des changements de structure des dotations, les montants des dotations ne
seraient plus déconnectés de la réalité, et qui
renchérirait en 2000 le montant des dotations de l'Etat aux
collectivités locales de 847 millions de francs.
Pourtant, dans un tel système , l'enveloppe normée serait
mieux dimensionnée et pourrait véritablement jouer son rôle
de " plafond " des dépenses de l'Etat en faveur des
collectivités locales.
B. UN SYSTEME DE PLUS EN PLUS RIGIDE
La
rigidité du système de financement des collectivités
locales se manifeste par l'accroissement des imbrications entre les
différents dispositifs. Les évolutions de ces dispositifs
dépendent désormais autant des modifications qui peuvent leur
être apportées que des modifications d'autres dispositifs.
Cette situation conduit à figer la structure actuelle du financement par
l'Etat des collectivités locales car, désormais, les innovations
ne sont plus possibles qu'à la marge, et conduisent
inévitablement à une dégradation de la lisibilité
de l'ensemble.
1. Le sous-dimensionnement de l'enveloppe normée place les élus devant le fait accompli
La mise
en place en 1996 d'une " enveloppe normée " des concours de
l'Etat a eu pour effet de " solidariser " les évolutions des
principales dotations de l'Etat aux collectivités locales. L'enveloppe
normée étant une enveloppe fermée, toute revalorisation du
montant d'une de ses composantes a pour conséquence de pénaliser
le montant de la variable d'ajustement de l'enveloppe, la DCTP.
Ce principe conduit le gouvernement à multiplier les abondements
" hors contrat " de manière à ne pas pénaliser
la DCTP, avec les conséquences que l'on sait sur la complexification du
système. De même, lorsqu'une dotation change de structure, cette
modification n'est pas prise en compte, du moins la première
année, dans le calcul de l'enveloppe normée.
Il est cependant des cas où les dérogations au " droit
commun " de l'enveloppe normée nécessaires à la
préservation de l'évolution des ressources des
collectivités locales seraient telles qu'elles ne peuvent être
mises en oeuvre.
Par exemple, au sein de l'enveloppe, les concours de l'Etat au fonds national
de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds
national de péréquation (FNP) sont indexés sur les
recettes fiscales nettes de l'Etat. Le taux d'indexation retenu par le projet
de loi de finances pour 2000
17(
*
)
est négatif (- 0,316 %)
car le gouvernement ne tient pas compte du transfert du produit de certains
impôts au financement de la sécurité sociale. A structure
constante, les recettes fiscales de l'Etat progressent de plus de 3 %.
Dans ce cas de figure, les élus locaux sont mis devant le fait accompli
car, même s'il est manifeste que l'évolution des relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale, à
l'origine de la modification du périmètre du budget de l'Etat,
pénalise indûment les ressources du FNPTP et du FNP, il
apparaît toutefois que la contestation du taux d'indexation des dotations
de l'Etat à ces fonds
18(
*
)
serait contre-productive : une
revalorisation de l'indexation des concours de l'Etat au FNPTP et au FNP aurait
pour conséquence de réduire le montant de la DCTP.
En outre, si les dotations de l'Etat au FNPTP et au FNP devaient être
indexées sur l'évolution des recettes fiscales de l'Etat
" hors changement de périmètre du budget de l'Etat en
2000 ", cela aboutirait à la mise en place, non seulement de deux
montants du FNPTP (le montant dans l'enveloppe normée et le montant du
prélèvement sur recettes à son profit, qui tient compte du
prélèvement sur le produit de la fiscalité locale de
France-Télécom et de La Poste) et du FNP (le montant inscrit dans
l'enveloppe normée et le montant après majoration
décidée par la loi de finances pour 1999), mais également
de deux taux d'évolution pour les recettes fiscales nettes de l'Etat. La
schizophrénie a des limites.
Un
exemple de l'enchevêtrement des dispositifs,
et de la
complexification qui résulte du jeu de l'enveloppe normée :
la compensation des baisses de DCTP par le FNPTP
Le
contrat de croissance et de solidarité (article 57 de la loi de finances
pour 1999) prévoit une exonération de 50 % des baisses de DCTP
liées au jeu de l'enveloppe normée enregistrées par les
collectivités locales défavorisées, notamment les communes
éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSR) et
à la dotation de solidarité rurale (DSR). La DCTP étant
une enveloppe fermée, l'exonération de baisse accordée
à certaines collectivités a pour but d'accentuer les baisses
enregistrée par les autres collectivités.
En conséquence, lorsque les députés ont souhaité
exonérer totalement les communes éligibles à la DSU et
à la DSR des baisses de DCTP, il n'a pas été possible de
le faire directement au sein de la DCTP. Un tel choix aurait en effet
exagérément pénalisé les communes qui ne sont pas
éligibles aux deux dotations de solidarité.
Le dispositif retenu a consister à compenser aux communes DSU et DSR
leurs baisses de DCTP par des attributions du fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP (article 58 de
la loi de finances pour 1999).
La compensation des baisses de DCTP entraîne donc une augmentation des
dépenses du FNPTP. Pourtant, pour compenser cette nouvelle charge, ce
n'est pas le FNPTP que le gouvernement a abondé, mais le fonds national
de péréquation, le FNP
(article 129 de la loi de finances
pour 1999). En effet, les ressources du FNP sont principalement
constituées par le solde du FNPTP (les dépenses du FNPTP sont
inférieures à ses ressources).
La compensation intégrale des baisses de DCTP des communes DSU et DSR a
donc été réalisée par deux canaux différents
(FNPTP et DCTP), a nécessité trois articles du projet de loi de
finances (deux en première partie et un en deuxième partie) et a
modifié les règles de fonctionnement de trois concours de l'Etat
aux collectivités locales.
2. Les rigidités s'étendent à l'ensemble du système de financement des collectivités locales
Les
dotations comprises dans l'enveloppe normée ne sont pas les seules
à être " rigidifiées ". La technique qui consiste
à imbriquer les dispositifs ne date pas de la création des
enveloppes normées.
Le régime de la fiscalité locale de France Télécom
constitue à cet égard un exemple parlant, tant sa
complexité limite les marges de manoeuvre des élus locaux dans la
réalisation de leur revendication de voir le produit de cette
fiscalité bénéficier aux budgets locaux.
Le produit de la fiscalité locale de France Télécom est
pour partie affecté au budget général, et pour partie
consacré au FNPTP. Par conséquent, l'assujettissement de France
Télécom au droit commun de la fiscalité locale aurait pour
conséquence de réduire les ressources du fonds. En outre,
l'article 1635
sexies
du code général des impôts
prévoit que la fraction du produit de la fiscalité locale de
France Télécom qui alimente le budget général sert
à financer la DCTP. Cette disposition n'a pas de conséquences
depuis 1996 puisque le montant de la DCTP résulte désormais de la
différence entre le montant des dotations qui composent l'enveloppe
normée et celui de l'enveloppe normée elle-même. Mais, si
le système de l'enveloppe normée disparaissait un jour, un
éventuel assujettissement de France Télécom au droit
commun de la fiscalité locale pourrait avoir des conséquences sur
le montant de la DCTP.
Les évolutions récentes en matière de fiscalité
locale, et notamment le mouvement de remplacement d'impôts perçus
par les collectivités par des dotations de l'Etat indexées sur le
taux de progression de la DGF, conduisent à étendre la
rigidification du système
. Désormais, l'évolution des
anciennes ressources fiscales, qui dépendait auparavant de
l'évolution de l'activité économique, est soumise aux
aléas des règles de calcul de la DGF. Les débats relatifs
aux concours financiers de l'Etat aux collectivités locales
connaîtront ainsi désormais un nouveau point de passage
obligé, celui de la détermination du taux de progression de la
DGF à retenir pour l'indexation des compensations de suppression
d'impôts locaux.
Ainsi, en 2000, la compensation de la réforme de la DGF sera
indexée sur l'indice de la DGF défini par le code
général des collectivités territoriales (2,05 %), et
non sur la taux de progression après recalage de la base et
régularisation de son montant (0,821 %). Pour 2001, il n'est pas
certain que ce choix sera reconduit. Lors de son audition par votre commission
des finances, le 2 novembre 1999, le ministre de l'intérieur a
déclaré que le taux retenu en 2000 n'avait pas vocation à
être reconduit en 2001.
La transformation d'impôts locaux en dotations de l'Etat a donc pour
conséquence indirecte de faire dépendre l'évolution de
ressources " quasi-fiscales ", les compensations, du caractère
plus ou moins exact des indices économiques retenus pour élaborer
les projets de loi de finances pour des exercices antérieurs.
Le mélange entre dotations de l'Etat et compensations de la suppression
d'impôts locaux est renforcé par les dispositions introduites dans
le projet de loi relatif à la prise en compte des résultats du
recensement sur la répartition des dotations de l'Etat lors de sa
première lecture par l'Assemblée nationale, qui tendent à
prendre en compte la compensation de la réforme de la taxe
professionnelle dans le calcul des potentiels fiscaux des collectivités
locales. Comme les montants des dotations de l'Etat inscrits dans l'enveloppe
normée, le potentiel fiscal sera donc lui aussi de plus en plus
fictif.
3. L'unique marge de manoeuvre réside en une application stricte des règles en vigueur
La
complexification actuelle du système en réserve la
compréhension à une minorité de spécialistes, dont
heureusement certains élus locaux. Ces derniers s'attachent, notamment
au sein du comité des finances locales, à contrôler que les
mécanismes qui régissent l'évolution des dotations de
l'Etat aux collectivités locales sont respectés.
Ainsi, à la suite des remarques formulées par plusieurs membres
du comité, qui relevaient que l'indexation en 2000 de la compensation de
la réforme de la taxe professionnelle tiendrait compte des
conséquences sur l'évolution de la DGF de la
régularisation négative au titre d'un exercice antérieur
à l'annonce de la suppression de la part " salaires " de la
taxe professionnelle, le gouvernement a accepté de revaloriser
l'indexation de cette compensation.
Cette " veille " permanente constitue pratiquement la seule marge de
manoeuvre qui reste aux élus locaux pour influer sur le montant des
dotations dont bénéficient les collectivités qu'ils
administrent.