CHAPITRE VIII
-
Développement de la négociation des allégements de cotisations sociales

Art. 11
Allégement de cotisations sociales et réduction du temps de travail

Cet article vise à préciser les conditions dans lesquelles la négociation collective se déroulera, et les conditions nécessaires pour bénéficier de l'allégement de cotisations sociales.

I- le dispositif proposé

Le paragraphe I lie le bénéfice de l'allégement de cotisations sociales créé à l'article 12 du projet de loi à la conclusion d'un accord collectif précisant que la durée collective du travail est fixée au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1600 heures sur l'année.

Le paragraphe II indique que la durée collective du travail est fixée dans les entreprises dont l'effectif est au moins égal à cinquante salariés par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement. Pour les entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés, la durée est fixée par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou en application d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord conclu dans les conditions définies à l'article L. 132-30 du code du travail.

Le dernier alinéa du paragraphe II énonce les dispositions obligatoires communes à la convention ou à l'accord. La convention ou l'accord devront fixer la durée du travail, préciser les catégories de salariés concernés, les modalités d'organisation et de décompte du temps de travail, les incidences sur la rémunération de la réduction du temps de travail, les conditions de mise en place des horaires à temps partiel ainsi que les modalités de suivi de l'application de l'accord.

Le paragraphe III indique que l'accord d'entreprise doit préciser le nombre des emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail.

L'accord d'entreprise, pour ouvrir droit à l'allégement, doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Dans le cas où ces organisations syndicales n'atteignent pas la majorité des suffrages exprimés, une consultation du personnel peut être organisée. Seule une ou plusieurs organisations syndicales signataires peut demander une telle consultation. L'accord ouvre droit à l'allégement lorsqu'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Le paragraphe IV prévoit le cas où une entreprise est dépourvue de représentation syndicale. Un salarié peut être mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau national. Le mandat est expressément lié à la négociation d'un accord sur la réduction du temps de travail. Un accord signé par un salarié mandaté doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Le paragraphe V concerne les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvus de délégués syndicaux, lorsqu'aucune convention ou accord de branche étendu n'a été conclu, et en l'absence d'un mandatement. Les délégués du personnel peuvent alors négocier un accord collectif d'entreprise. L'accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, mais également validé par une commission paritaire nationale de branche ou une commission paritaire locale.

Le paragraphe VI concerne le cas des entreprises de moins de onze salariés, qui ne disposent pas de délégués du personnel, en l'absence d'une convention ou d'un accord de branche étendu et d'un mandatement. Ces entreprises peuvent -pour bénéficier de l'allégement- faire approuver par la majorité de leurs salariés, par une consultation, un document précisant les modalités selon lesquelles la durée du travail est fixée dans les limites définies au I (35 heures hebdomadaires ou 1.600 heures annuelles). Cette possibilité ne sera offerte qu'à compter du 1er janvier 2002.

Le paragraphe VII ouvre le bénéfice de l'allégement de cotisations aux entreprises ayant déjà réduit la durée du travail par une convention ou un accord conclu sur le fondement de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 ou d'une convention ou d'un accord ayant réduit la durée du travail dans les conditions fixées au I.

Le paragraphe VIII donne le droit à l'allégement, même en l'absence d'accords sur les trente-cinq heures, aux entreprises employant des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu, à condition que la durée de travail n'excède pas, en moyenne annuelle, 35 heures par semaine.

Le paragraphe IX prévoit une période transitoire d'une année en faveur des entreprises nouvelles ; elles bénéficient de l'allégement dès leur création, sous réserve de déclarer se conformer aux conditions prévues au I. Le maintien de ces aides est ensuite subordonné à la conclusion d'un accord collectif, à compter d'un an après que des salariés peuvent être élus ou désignés représentants du personnel.

Le premier alinéa du paragraphe X précise les formalités que doit remplir l'employeur auprès des URSSAF pour bénéficier de l'allégement : une déclaration précisant la durée du travail applicable dans l'entreprise, accompagnée, le cas échéant, de l'accord d'entreprise ainsi que du document attestant de l'approbation des salariés. Le deuxième alinéa du X indique la date d'entrée en vigueur du dispositif d'allégement.

Le paragraphe XI précise les modalités de calcul de l'effectif de l'entreprise, en faisant référence aux règles applicables pour l'élection des délégués du personnel : le nombre de salariés occupés pendant douze mois consécutifs sur les trente-six derniers mois.

Le paragraphe XII met en place dans des dispositions identiques à celles définies par le VIII de l'article 3 de la loi n°98-461 du 13 juin 1998 une aide de l'Etat à la formation des salariés mandatés. L'aide bénéficie aux organisations syndicales mandantes.

Le paragraphe XIII reprend un dispositif mis en place par la loi du 13 juin 1998, celui de l'appui conseil. Les dépenses résultant de cet appui conseil, au niveau de la branche ou au niveau de l'entreprise, peuvent faire l'objet d'une participation par les régions et par l'Etat.

Le paragraphe XIV énonce les cas et les modalités de suspension ou de suppression du bénéfice de l'allégement. Le bénéfice de l'allégement est supprimé en cas de fausse déclaration ou en cas de dénonciation d'une convention ou d'un accord non suivie d'une nouvelle convention ou d'un nouvel accord dans un délai d'un an.

Le bénéfice de l'allégement est suspendu de manière individuelle pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures supplémentaires au contingent prévu.

L'URSSAF doit prendre l'avis de l'autorité administrative désignée par décret pour suspendre ou supprimer le bénéfice de l'allégement. La décision de l'URSSAF est assortie le cas échéant du remboursement du montant de l'allégement.

Le paragraphe XV est relatif aux dispositions réglementaires nécessaires à l'application de cet article : un décret en Conseil d'Etat pour les modalités de suspension ou de suppression du bénéfice de l'allégement, ainsi que pour les modalités de consultation du personnel par l'employeur ; un décret simple pour les autres dispositions d'application.

Le paragraphe XVI précise que le financement de cet allégement de charges est pris en charge par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, dont la création est prévue par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Le deuxième alinéa précise que l'Etat, les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural, ainsi que l'UNEDIC, contribuent à ce fonds. La contribution est déterminée à partir du surcroît de recettes et des économies de dépenses induits par la réduction du temps de travail pour l'Etat et les organismes précités.

Les règles plus précises de calcul du montant de ces contributions et de leur évolution sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat, pris après consultation de la commission des comptes de la sécurité sociale.

Le paragraphe XVII prévoit l'application du présent article à compter du premier janvier 2000, à l'exception des dispositions du VI.

II- Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée Nationale a adopté un amendement qui modifie le paragraphe I en mentionnant la création ou la préservation d'emploi comme critère cumulatif à la signature d'un accord de réduction du temps de travail pour qu'une entreprise puisse bénéficier de l'allégement de cotisations sociales prévu à l'article L. 241-13-1 du code du travail. Elle a également adopté un amendement qui, selon Mme Martine Aubry, " tire toutes les conséquences " de l'adoption du premier amendement adopté sur cet article.

Cet amendement prévoit notamment que l'accord doit prévoir les modalités de passage du temps partiel au temps complet, l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, les modalités de consultation du personnel. Par ailleurs, cet amendement a prévu que les embauches prévues dans l'accord devaient être effectuées dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail.

On peut s'interroger sur la portée de cette condition d'embauche pour bénéficier de l'allégement de cotisations sociales. Les engagements ne sont pas développés et de plus le délai d'un an ne court qu'après la réduction effective du temps de travail. Cela signifie à nouveau, comme dans le cadre de la loi du 13 juin 1998, que les engagements ne constitueront que des promesses d'embauche qui devraient correspondre essentiellement à des effets d'aubaine.

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement présenté par la commission qui permet à une organisation minoritaire disposée à signer un accord de soumettre au préalable l'accord à la consultation du personnel. L'accord signé dans ces conditions par un syndicat minoritaire ouvrirait droit au bénéfice de l'allégement de cotisations sociales.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui prévoit que la consultation du personnel doit être organisée selon des modalités définies d'un commun accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Un amendement a prévu une disposition similaire concernant le chef d'entreprise et le salarié mandaté.

Un amendement a donné une compétence au salarié mandaté pour assurer le suivi de l'accord.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui assimile le temps passé par le salarié mandaté à négocier à du temps de travail. Un amendement a aligné la protection des salariés mandatés sur celle des délégués syndicaux.

Un amendement a fixé un délai de trois mois à la commission paritaire nationale de branche pour examiner un accord négocié par les délégués du personnel et approuvé par les salariés.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit que les dispositions acceptées par les salariés dans les entreprises de moins de onze salariés doivent être validées par une commission paritaire nationale de branche ou par une commission paritaire locale.

Deux amendements ont permis aux entreprises de 20 salariés au plus qui passeraient aux 35 heures au 1 er janvier 2000 de bénéficier à la fois de l'aide incitative à la réduction du temps de travail et de l'allégement structurel.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale a prévu un seuil d'éligibilité à l'allégement structurel inférieur à 35 heures pour les salariés en travail posté.

Un amendement a prévu le principe d'une aide financière de l'Etat à la formation des salariés mandatés.

Un amendement a précisé les modalités d'application du dispositif d'appui-conseil qui accompagne le passage aux 35 heures.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale précisé les conditions de suspension de l'allégement de cotisations sociales lorsque l'entreprise n'est pas passée à 35 heures ou n'a pas réalisé les embauches auxquelles elle s'était engagée.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui renforce le droit d'appel des salariés qui constatent qu'un accord n'est pas respecté.

III - Les propositions de votre commission

Votre commission considère que cet article pose de nombreux problèmes notamment au regard de l'équité et de l'efficacité.

Au regard de l'équité, on peut s'interroger sur la justification d'un allégement de cotisations sociales pérenne ne bénéficiant qu'aux entreprises ayant signé un accord de réduction du temps de travail.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, reconnaît que sur les 65 milliards de francs que devrait coûter ce supplément d'allégement de cotisations, 40 milliards de francs devraient correspondre à la compensation du surcoût occasionné par la réduction du temps de travail et 25 milliards de francs devraient constituer un abaissement " pur " du coût du travail. Si l'on peut comprendre que le Gouvernement souhaite compenser les surcoûts importants qu'il occasionne aux entreprises du fait de l'abaissement de la durée légale du travail, rien ne justifie que les entreprises bénéficient de surcroît d'un allégement correspondant à un abaissement du coût du travail... à moins de considérer que les créations d'emplois auxquelles doit s'engager l'entreprise bénéficiaire sont la conséquence de cet abaissement du coût du travail et non de la réduction du temps de travail.

Au regard de l'efficacité, de nombreux observateurs, comme l'association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP), considèrent que les entreprises qui avaient intérêt à réduire le temps de travail l'avaient déjà fait à travers la loi du 11 juin 1996, ou même à travers celle du 13 juin 1998. Dans ces conditions, les 40 milliards de francs consacrés à la compensation des coûts occasionnés par la réduction du temps de travail n'auraient-ils pas été mieux employés s'ils avaient été consacrés à un abaissement généralisé du coût du travail dans la logique de la proposition de loi " Poncelet " relative à l'allégement des charges sur les bas salaires ?

Enfin, le paragraphe XVI qui prévoit la prise en charge du financement de ce dispositif par un fonds financé par les régimes de protection sociale et de l'assurance chômage pose un problème tout particulier de constitutionnalité. Outre le fait que ces régimes n'acceptent pas le principe même de cette contribution, le renvoi de la fixation du montant de ces contributions à un décret en Conseil d'Etat pose problème au regard des règles du droit fiscal.

La contribution ayant le caractère d'une imposition de toute nature au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il appartient au Parlement, sauf à méconnaître sa compétence, de déterminer " avec une précision suffisante " son taux, son assiette et ses modalités de recouvrement.

Le Gouvernement a annoncé le 25 octobre qu'il renonçait au principe d'une contribution des régimes sociaux et de l'assurance chômage au financement du fonds.

Les " mesures de rechange " annoncées reposent en outre sur une double contradiction :

- en privant le fonds de solidarité vieillesse d'une partie du droit sur les alcools, les 35 heures assèchent l'un des modes d'alimentation du fonds de réserve pour les retraites, ce fonds étant pourtant la seule mesure que le Gouvernement a annoncée au titre de la réforme des retraites ;

- en faisant reposer désormais le financement des 35 heures sur la taxation des heures supplémentaires, c'est un système incohérent qui est mis en place : plus nombreuses seront les entreprises qui passent à 35 heures, plus les aides seront élevées mais plus faible sera le produit de la taxation des heures supplémentaires car ne sont taxées que les heures supplémentaires des salariés appartenant à des entreprises qui sont à plus de 35 heures. Ainsi plus la dépense croît, plus la recette se dérobe.

En réalité, le projet de loi n'est pas financé sauf à alourdir encore les impôts nouveaux que crée la loi de financement (TGAP et contribution sociale sur les bénéfices) ou à taxer, indirectement cette fois, la sécurité sociale et l'UNEDIC qui, initialement, devaient apporter plus de la moitié du surcoût du projet de loi dès 2000 et plus des trois quarts " à terme ".

Par ailleurs, si le Gouvernement a d'ores et déjà décidé de renoncer au principe de la contribution sur les régimes sociaux et l'assurance chômage, le paragraphe XVI demeure, dans le texte que doit examiner le Sénat.

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements de suppression de cet article 11 afin que la Haute Assemblée puisse se prononcer spécifiquement sur la suppression du paragraphe XVI de cet article qui, à lui seul, aurait pu, sans doute, justifier le vote d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Votre commission vous propose d'adopter trois amendements de suppression de cet article.

Art. 11 bis
Allégement de cotisations sociales pour les entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi

I - le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de MM. Gaëtan Gorce, rapporteur, Yves Cochet et Maxime Gremetz, prévoit que les entreprises créées après la promulgation de la loi pourront bénéficier des aides et allégements de charges sociales liés à la réduction du temps de travail, à la condition de garantir un niveau de rémunération mensuelle minimale égale au niveau du SMIC calculé sous le régime des 39 heures.

L'article 16 infra prévoit en effet le maintien du pouvoir d'achat des salariés au SMIC lors du passage aux 35 heures par le versement d'un complément différentiel de salaire (CDS), qui viendra s'ajouter à la rémunération mensuelle, calculé sur la base du SMIC horaire pour 35 heures de travail hebdomadaire.

Toutefois, le dispositif de l'article 16 n'est pas applicable aux salariés des entreprises nouvellement créées pour lesquelles le niveau du salaire mensuel de base est strictement calculé sur la base de 35 heures, soit 151,67 heures par mois.

Cet article a pour objet d'inciter les entreprises à prévoir un niveau de salaire mensuel minimum qui soit au moins égal à celui du SMIC mensuel minimum calculé sur 39 heures.

Le paragraphe I de cet article porte sur le régime de l'aide. L'aide en question, dans la mesure où l'entreprise aura nécessairement été créée après le 1 er janvier 2000, ne pourra que correspondre au montant de l'aide structurelle, soit 4.000 francs par salarié, résultant de l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 précitée.

Quatre conditions sont posées pour le maintien de l'aide :

- la durée collective de travail est fixée à 35 heures hebdomadaires ou à 1.600 heures par an, (premier alinéa) ,

- l'entreprise s'engage à verser à ses salariés une rémunération minimale correspondant au niveau du SMIC mensuel calculé pour 169 heures de travail mensuel. Le montant du SMIC horaire à prendre en compte est celui en vigueur à la date de l'embauche et non pas de la promulgation de la loi (premier alinéa),

- la durée collective du travail et le niveau de rémunération minimale doivent figurer dans l'accord collectif auquel se réfère le contrat de travail ou, à défaut, dans le contrat de travail lui-même,

- l'entreprise doit, dans un délai de deux ans, conclure un accord collectif ouvrant droit au bénéfice de l'allégement de cotisations sociales prévu par ce projet de loi (deuxième alinéa du I) ,

- l'entreprise doit revaloriser le montant du CDS versé au salarié en respectant les règles d'indexation prévues à l'article 16 pour les salariés ayant bénéficié de la réduction du temps de travail (troisième alinéa) .

Enfin, il est précisé que le dispositif est applicable aux entreprises qui appliquent une durée de travail inférieure aux 35 heures hebdomadaires ou à 1.600 heures par an : le montant de la rémunération minimale doit être calculé alors au prorata de la durée effective de travail par rapport aux 35 heures.

Le paragraphe II de cet article porte sur le nouveau régime d'allégement dégressif des cotisations sociales pour les salaires allant jusqu'à 1,8 SMIC prévu par les articles 11 et 12 du projet de loi.

Il est important de souligner que ce nouveau dispositif, qui devrait remplacer l'actuelle ristourne dégressive mise en place par le gouvernement de M. Alain Juppé, n'a pas vocation à s'appliquer aux entreprises nouvellement créées, même si ces dernières appliquent la durée légale de 35 heures. En effet, le VIII de cet article dispose bien que le dispositif s'applique aux entreprises qui ont " réduit leur durée du travail " dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif.

Il ressort du II de cet article que les entreprises créées après le 1 er janvier 2000 pourront bénéficier du nouvel allégement dégressif à la condition qu'elles aient accepté le calcul du salaire minimum par référence au SMIC calculé pour 39 heures.

Il est prévu toutefois que, pour l'application du mécanisme d'allégement qui comprend une partie forfaitaire de 4.000 francs et une partie dégressive, il pourra bien être procédé à la minoration de la partie forfaitaire dans les conditions prévues par décret.

Une entreprise nouvelle qui choisit de rémunérer ses salariés sur la base de 169 heures mensuelles :

- bénéficie immédiatement de l'aide structurelle de 4.000 francs au titre de l'article 3, la durée de versement est limitée à deux ans si l'entreprise ne signe pas d'accord collectif,

- à la signature de l'accord collectif ad hoc , bénéficie de l'allégement de cotisations sociales prévu à l'article L. 241-13-1 du code du travail (la partie forfaitaire de cet allégement étant réduite à due proportion du montant de l'aide structurelle).

II - Les propositions de votre commission

Le dispositif prévu par cet article est paradoxal : il consiste à prévoir le versement d'une aide destinée en principe aux entreprises qui ont réduit leur durée de travail, à une entreprise nouvellement créée, laquelle, en toute logique, n'avait fait que respecter l'obligation légale de durée du travail qui s'imposait à elle. Pour bénéficier de cette aide toutefois, l'entreprise devra s'engager à accorder à ses salariés un salaire minimum qui correspondra au niveau du SMIC qui aurait dû être versé pour 39 heures de travail hebdomadaire.

La logique de ce dispositif est de fortement inciter les entreprises à majorer le montant des salaires minimum.

En effet, une entreprise qui vient de se créer et employant de nombreux salariés au SMIC aura le choix entre deux hypothèses :

- soit rémunérer les salariés au niveau du SMIC mensuel calculé sur 35 heures : dans ce cas, l'entreprise doit renoncer à bénéficier d'une aide structurelle de 4.000 francs ainsi que de tout dispositif de ristourne dégressive sur les bas salaires ;

- soit rémunérer les salariés sur la base du SMIC calculé pour 39 heures : dans ce cas, l'entreprise peut bénéficier de l'aide structurelle ainsi que, à la signature d'un accord collectif, de l'allégement forfaitaire sur les bas salaires de ce projet de loi.

Le mécanisme mis en place recherche moins l'allégement des charges sur les bas salaires que la réussite de la réduction du temps de travail conçue comme un objectif en soi.

Dans la mesure où il se rattache au dispositif de réduction obligatoire du temps de travail, votre commission vous propose un amendement de suppression de cet article.

Art. 12
Allégement de cotisations sociales

Cet article définit le nouvel allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail opérée dans les conditions fixées à l'article 11.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I insère au sein du code de la sécurité sociale, au livre II (organisation du régime général), titre IV (ressources), chapitre premier (généralités), section 4 (dispositions communes), un article L. 241-13-1 nouveau portant création d'un allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail.

Cet allégement comprend à la fois l'aide forfaitaire et l'aide dégressive jusqu'à un niveau de 1,8 fois le SMIC.

L'article L. 241-13-1 comprend trois paragraphes.

Le paragraphe I de l'article L. 241-13-1 nouveau du code de la sécurité sociale réserve en principe le droit à allégement aux cotisations sociales patronales créé par le présent article aux entreprises participant à la réduction négociée du temps de travail.

L'entreprise doit respecter la fixation de la durée collective de travail au plus à 35 heures par semaine ou 1.600 heures par an selon l'une des modalités suivantes :

- signature d'une convention ou d'un accord portant réduction du temps de travail selon les modalités prévues aux paragraphes II à VI de l'article 11 ;

- signature avant l'entrée en vigueur de la présente loi d'une convention ou d'un accord respectant ces limites, et notamment ceux conclus sur le fondement de la loi du 13 juin 1998 ;

- organisation du travail en équipes successives selon un cycle continu en application de l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail.

Le paragraphe I précise également la nature des cotisations concernées par l'allégement : il s'agit des cotisations sociales à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles ; les cotisations aux régimes complémentaires de retraite et au régime de l'assurance chômage ne sont pas concernées.

Le paragraphe II de l'article L. 241-13-1 nouveau du code de la sécurité sociale détermine le périmètre des entreprises pouvant bénéficier de ce mécanisme d'allégement de charges. Au champ d'application de la durée légale du travail s'ajoutent les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et les établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs ou exploitant des chemins de fer secondaires ou des foies ferrées d'intérêt local et les entreprises d'armement maritime. La RATP et la SNCF, auxquelles ne s'applique pas la durée légale du travail, sont logiquement exclues du dispositif d'allégement.

Les organismes publics dépendant de l'Etat, dont certaines des activités présentent un caractère monopolistique ou qui dépendent financièrement des concours de l'Etat, sont exclus du dispositif d'allégement. La liste est fixée par décret. D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, la Banque de France, l'Opéra de Paris, les chambres professionnelles et consulaires, les ports autonomes de Bordeaux et Strasbourg, feraient partie de cette liste.

Les particuliers employeurs et l'ensemble des fonctions publiques ne peuvent bénéficier, a contrario , du dispositif d'allégement.

Le paragraphe III de l'article L. 241-13-1 nouveau du code de la sécurité sociale définit les modalités d'application de l'allégement. Cet allégement est un droit lié au salarié ; une entreprise pourrait bénéficier de cet allégement pour certains salariés, dont la durée de travail respecte les limites de 35 heures par semaine ou de 1.600 heures par an, mais ne pourrait pas en bénéficier pour d'autres dont les stipulations du contrat de travail ne respecteraient pas ces limites.

Le montant de l'allégement est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié, en fonction décroissante de la rémunération et dans la limite d'un minimum, selon un barème déterminé par décret. Le minimum correspond à une aide forfaitaire de 4.000 francs. Le barème a été communiqué par le Gouvernement ; il correspond à une aide dégressive de 1 à 1,8 SMIC, englobant la ristourne " bas salaires " mise en place par le gouvernement de M. Alain Juppé ( cf. exposé général ).

Le paragraphe IV du nouvel article définit les rapports entre durée individuelle du travail, durée collective du travail et montant de l'allégement.

Le nouvel allégement sera calculé au prorata de la durée collective applicable dans l'entreprise et au prorata de la durée légale, afin de ne pas minorer le montant de l'allégement si la durée collective est inférieure à 35 heures.

Mais les salariés employés pour une durée inférieure à la moitié de la durée collective applicable n'ouvrent pas droit au nouvel allégement.

Le paragraphe V du nouvel article précise les conditions de cumul du nouvel allégement avec les dispositions existantes.

Le bénéfice de l'allégement est cumulable avec les aides octroyées aux entreprises signataires d'une convention ou d'un accord conclu sur le fondement de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. Ce cumul s'éteindra à l'expiration de l'aide incitative (cinq ans après la date d'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord).

Le bénéfice de l'allégement est cumulable avec les aides perçues par les entreprises signataires d'un accord conclu sur le fondement de la loi Robien. Le montant de l'allégement est alors minoré d'un montant forfaitaire fixé par décret, qui serait identique au montant minimal de l'allégement forfaitaire de 4.000 francs.

Le bénéfice du nouvel allégement est cumulable avec la réduction forfaitaire de cotisations sociales prévue par l'article L. 244-14 du code de la sécurité sociale au titre de l'obligation de nourriture dans les professions pour lesquelles le SMIC est calculé sur une base différente de 169 heures (SMIC hôtelier).

Le cinquième alinéa du paragraphe V prévoit un plafond des exonérations de cotisations qui ne peut excéder le montant total des cotisations dues par l'employeur ; il n'y a pas de possibilité de " report " de cotisations ou de " crédit ".

Le dernier alinéa du paragraphe V précise que le bénéfice du nouvel allégement n'est cumulable avec aucun autre dispositif d'allégement que ceux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas. En conséquence, le nouvel allégement de charges se substitue au dispositif de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, pour les entreprises passées aux trente-cinq heures par voie d'accord collectif.

Le paragraphe II de l'article abroge le VI de l'article 9 de la loi du 13 juin 1998 qui ouvrait droit à l'abattement spécifique aux salariés à temps partiel de cotisations sociales patronales pour les entreprises ayant réduit conventionnellement la durée du travail pour leurs salariés employés sous contrat à durée déterminée, dont la durée de travail est par contrat fixée entre 28 heures et 32 heures.

Le paragraphe III précise que le nouvel allégement ne donne pas droit à d'autres allégements de cotisations.

Il prévoit cependant que l'abattement spécifique temps partiel continue de s'appliquer dès lors que le contrat de travail est antérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Le paragraphe IV précise que les dispositions de l'article sont applicables dès le 1 er janvier 2000.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, sur proposition de M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a adopté un amendement rédactionnel sur le troisième alinéa de l'article 12 (paragraphe II de l'article L. 241-13-1 nouveau du code de la sécurité sociale).

Elle a adopté, sur proposition de M. Gaëtan Gorce, rapporteur, et de M. Jean Pontier, un amendement permettant aux groupements d'employeurs prévus à l'article L. 127-1 de bénéficier de l'allégement des cotisations sociales patronales.

Elle a adopté un amendement de MM. Terrier, Rome et des membres du groupe socialiste, sous-amendé par le Gouvernement, permettant de donner le droit à l'allégement pour les salariés cadres ou itinérants dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait dans les conditions prévues à l'article L. 212-15-3 du code (cf. art. 5), lorsque cette convention répond aux limites de 35 heures par semaine ou de 1.600 heures par an.

Sur proposition de M. Jacques Rebillard, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que, dans les zones de revitalisation rurale qui bénéficient actuellement d'une majoration de la ristourne Juppé, l'allégement serait majoré.

Sur proposition de M. Yves Cochet, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que l'allégement de cotisations sociales serait majoré d'un montant forfaitaire fixé par décret dans les entreprises où la durée du travail est inférieure soit à 32 heures hebdomadaires, soit à 1.460 heures sur l'année.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que l'allégement serait revalorisé en se calant sur l'évolution du SMIC.

Sur proposition du Gouvernement, elle a adopté un amendement mentionnant le cas des salariés cotisant aux caisses de congés payés du bâtiment et majorant l'allégement applicable et un amendement insérant dans le code de la sécurité sociale un article L. 711-13-1 nouveau prévoyant l'application des allégements de charges aux régimes spéciaux de sécurité sociale ainsi qu'aux salariés du régime spécial des clercs et employés de notaires.

III - Les propositions de votre commission

L'allégement de charges supplémentaire ne s'explique que par la volonté de compenser la hausse du coût salarial, résultant de 35 heures imposées et non pas négociées.

Cet allégement supplémentaire de charges est coûteux. Son financement est incertain dès lors que le Gouvernement a renoncé à imposer aux organismes sociaux une contribution inacceptable. Tout au plus peut-on dire qu'il repose pour partie sur deux nouveaux prélèvements pesant sur les entreprises, la TGAP et la contribution sociale sur les bénéfices ( cf. exposé général ). Autant votre commission n'entend pas revenir sur les aides incitatives prévues par la loi du 13 juin 1998, autant est-elle défavorable au dispositif pérenne du présent article qui vise à compenser pour partie les conséquences d'une baisse générale et autoritaire du temps de travail, sachant de surcroît qu'il est impossible aujourd'hui de dire qui supportera en définitive la charge ... de cet allégement de charges.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 12 bis
(art. 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998)
Application de la réduction de la durée du temps de travail aux groupements d'employeurs

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Gaëtan Gorce, Jean Pontier, Yves Rome et Yves Cochet, a pour objet d'intégrer les groupements d'employeurs dans le champ des entreprises et organismes relevant de la loi du 13 juin 1998 précitée.

Les groupements d'employeurs, régis par les articles L. 127-1 et suivants du code du travail, ont pour objet de mettre à la disposition des entreprises qui en font partie, des salariés qui sont liés au groupement par un contrat de travail. Chaque membre du groupement est donc allégé des charges afférentes à la démarche d'embauche ou à la gestion de contrats à temps partiel. En outre, le groupement permet de partager l'activité d'un salarié entre plusieurs entreprises membres du groupement.

Il convient de préciser que le régime de groupements locaux d'employeurs fait l'objet de quelques modifications techniques à l'article 13 (infra).

Si les groupements d'employeurs ont bien vocation à appliquer une mesure de réduction du temps de travail, on ne peut que regretter qu'ils n'aient pas été inclus plus tôt dans le champ de la loi afin de leur permettre de bénéficier, le cas échéant, des aides majorées.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission n'entend pas revenir sur les dispositions incitatives de la loi du 13 juin 1998. Elle est favorable par ailleurs au développement des groupements d'employeurs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 12 ter
Réduction anticipée de la durée du travail
dans les entreprises de vingt salariés au plus

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par la commission et défendu par M. Jacques Rebillard, qui précise dans quelles conditions les entreprises de vingt salariés au plus peuvent bénéficier d'aides ou d'allégements de charges en cas de passage anticipé aux 35 heures.

Cet article prévoit notamment que " dans les entreprises dont l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, la réduction (du temps de travail) peut être organisée en trois étapes au maximum, sous réserve de porter l'horaire de travail au maximum de la durée légale ".

Cet article prévoit également que ces entreprises pourront bénéficier de l'aide prévue à l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 au prorata de la réduction du temps de travail effectivement réalisé par rapport à celle prévue par l'accord.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission observe que cet article a pour objet d'assouplir les conditions d'application de la loi du 13 juin 1998 pour les entreprises de moins de vingt salariés en prévoyant la possibilité de réduire la durée du travail par étapes. Cette disposition peut être utile pour l'artisanat et le commerce en particulier. C'est pourquoi votre commission vous proposera d'amender cet article, de manière à supprimer la référence à la durée légale qui n'a plus de sens compte tenu du fait que votre commission vous a proposé de la laisser au niveau actuel de 39 heures. Le dispositif deviendra de ce fait un dispositif purement incitatif à la disposition des petites entreprises.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 12 quater
(art. 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée)
Allégement des formalités administratives des entreprises de vingt salariés ou moins pour bénéficier de l'aide financière à la réduction
du temps de travail dans le cadre d'un accord offensif

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale par voie d'amendement, cet amendement ayant été présenté par MM. Gaëtan Gorce, rapporteur, Jean Pontier, Yves Rome et Yves Cochet.

Il vise à alléger, pour les entreprises de vingt salariés ou moins, les formalités administratives nécessaires pour obtenir une aide financière octroyée pour une réduction du temps de travail conclue dans le cadre de la loi " Aubry I " dans le seul cas des " accords offensifs ".

Il modifie ainsi le paragraphe IV de l'article 3 de la loi du 3 juin 1998 précité qui définit le régime de l'aide financière à la réduction du temps de travail à 35 heures.

Actuellement, dans le cadre d'un accord offensif, l'aide financière est accordée sur le fondement d'une convention entre l'entreprise et l'Etat, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.

Le présent article modifie cette procédure pour les seules entreprises de vingt salariés ou moins. L'aide serait alors attribuée non plus sur le fondement d'une convention, mais sur la base d'une simple déclaration de l'employeur précisant notamment la durée de travail applicable dans l'entreprise et le nombre d'emplois créés.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission se félicite que l'Assemblée nationale prenne acte, avec certes un peu de retard, des critiques émises par votre rapporteur lors de la discussion du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail au printemps 1998. Il estimait à l'époque que " le dispositif incitatif prévu par le projet de loi est particulièrement complexe " 203( * ) .

Mais votre commission observe également que cet allégement des formalités pour les entreprises de vingt salariés ou moins ne concerne que les accords offensifs. Elle s'interroge sur le motif de l'exclusion des accords défensifs, lesquels nécessiteraient tout autant une simplification des démarches administratives.

Aussi, votre commission vous propose d'améliorer, par voie d' amendement , le texte adopté à l'Assemblée nationale en étendant cet allégement des formalités aux entreprises de vingt salariés ou moins qui ont signé un accord défensif de réduction du temps de travail.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 12 quinquies
(art. 8-2 nouveau de l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales)
Adaptation de certaines dispositions du projet de loi à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement présenté par le Gouvernement. Il vise à adapter les dispositions du présent projet de loi à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans cette perspective, le présent article introduit un nouvel article 8-2 dans l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales.

Ce nouvel article 8-2 comporte une double adaptation rendue nécessaire par la spécificité du régime de sécurité sociale local.

Le premier alinéa de ce nouvel article 8-2 prévoit que l'allégement de cotisations sociales lié à la réduction du temps de travail mentionné à l'article 12 du présent projet de loi est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les conditions prévues à l'article 7-1 de l'ordonnance du 26 septembre 1977, cet article 7-1 prévoyant une assiette et une répartition des cotisations sociales distinctes de celles de la métropole.

Le second alinéa de ce nouvel article 8-2 de l'ordonnance prévoit que la contribution supplémentaire de 10 % sur les quatre premières heures supplémentaires prévue à l'article 2 du projet de loi pour les salariés du régime général et à l'article 17 pour les salariés du régime agricole est recouvrée selon les règles spécifiques applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon définies à l'article 8-1 de l'ordonnance du 26 septembre 1977.

II - Les propositions de votre commission

Votre commission observe que le principe de " l'assimilation législative " s'applique à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les lois métropolitaines y sont donc applicables de plein droit. Toutefois, celles-ci peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par la situation particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon.

C'est notamment le cas en matière de protection sociale. Depuis l'ordonnance du 26 septembre 1977, le régime de sécurité sociale y est organisé de manière particulière. Les règles de répartition et de recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont ainsi distinctes de celles de métropole.

Aussi, l'adoption des articles 2, 12 et 17 du projet de loi exigerait des mesures particulières d'adaptation pour Saint-Pierre-et-Miquelon en matière d'allégement des cotisations sociales liées à la réduction du temps de travail et de recouvrement de la contribution sur les heures supplémentaires.

Votre commission estime pourtant que la rédaction du présent article ne permettra pas, si l'on devait s'inscrire dans la logique proposée par le Gouvernement, l'adaptation du projet de loi aux collectivités territoriales d'outre-mer.

D'une part, le présent article ignore la situation de Mayotte . Or, en application de l'article L. 212-1 du code du travail applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, la durée légale de travail effectif des salariés est fixée à 39 heures par semaine. Mayotte étant régi par le principe de la " spécialité législative ", l'application des lois métropolitaines y est subordonnée à une disposition expresse d'extension. Dès lors, après le vote de la loi, la durée légale de travail resterait fixée à 39 heures à Mayotte, ce qui ferait de Mayotte une seule exception sur le territoire national.

D'autre part, s'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, le présent article souffre d'une rédaction très imparfaite . Il fait en effet référence à la contribution prévue à l'article 992-2 du code rural. Or, l'article 992-2 ne prévoit aucune contribution. Certes, celle-ci devait être instituée par le présent projet de loi dans son article 17. Mais dans la rédaction de l'article 17 adoptée à l'Assemblée nationale, il n'est plus fait référence à une quelconque modification de l'article 992-2 du code rural pour y introduire une contribution sur les heures supplémentaires. Dans sa rédaction actuelle, le présent article est donc incohérent avec la logique proposée par le Gouvernement.

En outre, cet article vise à adapter à Saint-Pierre-et-Miquelon les allégements de cotisations sociales et la contribution sur les heures supplémentaires. Votre commission s'étant par ailleurs prononcée contre ces deux dispositions, elle ne peut chercher à les adapter à la situation spécifique de Saint-Pierre-et-Miquelon .

Par cohérence, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 13
Dispositions relatives aux accords inter-entreprises
et aux groupements d'employeurs

I - Le dispositif proposé

Cet article vise, selon l'exposé des motifs du projet de loi, " à favoriser le développement de la négociation locale " en réformant les dispositions du code du travail relatives aux accords inter-entreprises et aux groupements d'employeurs.

Le paragraphe I de cet article modifie l'intitulé de la section IV du chapitre II du titre III du livre premier du code du travail qui devient : " Dispositions particulières aux entreprises de moins de cinquante salariés " et non plus " Dispositions particulières aux entreprises de moins de onze salariés ".

Il s'agit en réalité d'une simple coordination de l'intitulé de cette section avec le contenu de l'article unique qu'elle comporte, l'article L. 132-30. L'article 110 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 a en effet étendu aux entreprises de moins de cinquante salariés la possibilité offerte aux entreprises de moins de onze salariés de conclure des accords inter-entreprises au plan local ou départemental, professionnel ou interprofessionnel.

Le 1° du paragraphe II relève d'un même souci de " nettoyage législatif " puisqu'il remplace les mots : " les entreprises occupant moins de onze salariés, ainsi que celle occupant moins de cinquante salariés " par les mots : " les entreprises occupant moins de cinquante salariés ".

Le 2° du paragraphe II complète le premier alinéa de l'article L. 132-30 du code du travail en ouvrant aux entreprises membres d'un groupement d'employeurs constitué dans les formes prévues à l'article L. 127-1 la faculté de conclure dans le périmètre de celui-ci des accords inter-entreprises, sans que le seuil de cinquante salariés leur soit opposable.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 127-1 du code du travail, les groupements d'employeurs ont pour vocation de regrouper des personnes physiques ou morales entrant dans le champ d'application d'une même convention collective dans le but exclusif de mettre à la disposition de leurs membres des salariés liés à ces groupements par un contrat de travail. Ces groupements constituent par conséquent un terrain particulièrement propice à la conclusion des accords inter-entreprises prévus à l'article L. 132-30.

Le deuxième alinéa de l'article L. 132-30 prévoit que ces accords inter-entreprises instituent des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles qui concourent à l'élaboration et à l'application de conventions ou accords collectifs de travail ainsi qu'à l'examen des réclamations individuelles et collectives et de toute autre question relative aux conditions d'emploi et de travail des salariés intéressés.

Le 3° du paragraphe II du présent article complète cet alinéa en précisant que les accords conclus dans le cadre des commissions locales peuvent prendre la forme d'accords professionnels, interprofessionnels ou d'accords inter-entreprises signés par chacun des chefs des entreprises visées par ces accords. Ces accords inter-entreprises sont assimilés à des conventions ou accords collectifs d'entreprise et sont donc soumis au même régime juridique.

Des accords inter-entreprises conclus au sein des commissions locales peuvent par conséquent définir les modalités de la réduction du temps de travail dans des conditions identiques à celles du droit commun. Cette disposition vise à permettre aux entreprises les plus petites de négocier de façon mutualisée un accord de réduction du temps de travail. Comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi, " il s'agit de favoriser le développement de groupements d'employeurs comprenant une ou des entreprises de taille moyenne en garantissant la protection des droits des salariés " .

Le paragraphe III complète le cinquième alinéa l'article L. 127-1 du code du travail afin de permettre aux employeurs occupant plus de 300 salariés d'adhérer à un groupement d'employeurs ou d'en devenir membres, ce qui leur était auparavant interdit. En application du paragraphe IV du présent article qui insère un article L. 127-1-1 dans le code du travail, cette possibilité est toutefois subordonnée à la conclusion, dans l'entreprise ou l'organisme concerné, d'un accord collectif définissant les garanties accordées aux salariés du groupement. Cette adhésion ne peut prendre effet qu'après communication de l'accord à l'autorité compétente de l'Etat.

Le paragraphe V du présent article abroge l'article L. 127-8 du code du travail relatif au groupement local d'employeurs (GLE). Cet article permettait aux entreprises implantées dans une zone éligible à certaines aides à l'aménagement du territoire de déroger à la limite de 300 salariés fixée au cinquième alinéa de l'article L. 127-1, alinéa qui n'était en effet pas applicable aux groupements locaux d'employeurs. Dans la mesure où cette limitation est levée par les paragraphes III et IV du présent article, le Gouvernement propose d'abroger l'article permettant la création des groupements locaux d'employeurs.

En conséquence, le paragraphe VI confirme l'existence des groupements locaux d'employeurs constitués avant la date de publication de la présente loi et prévoit que les nouvelles adhésions à ces groupements se feront dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire selon les règles applicables aux groupements d'employeurs.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - Les propositions de votre commission


Votre commission accueille favorablement cet article qui assouplit les règles relatives au groupement d'employeurs afin d'encourager le recours à cette forme de coopération.

Elle remarque cependant que l'abrogation, par cet article, de l'article L. 127-8 du code du travail relatif aux groupements locaux d'employeurs va poser un problème aux entreprises qui disposent de plusieurs établissements bien distincts qui jusqu'à présent adhéraient à un groupement correspondant à leur bassin d'emploi.

Le quatrième alinéa de l'article L. 127-1 du code du travail, qui prévoit qu'une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements, n'était en effet pas applicable aux groupements locaux d'employeurs. Il paraît donc nécessaire de maintenir la possibilité de raisonner au niveau de l'établissement, sans quoi le présent article constituerait non pas une avancée mais un recul par rapport à la loi quinquennale de 1993.

Votre commission vous propose par conséquent d'adopter un amendement afin de prévoir qu'une personne morale possédant plusieurs établissements enregistrés séparément soit au registre de commerce, soit au registre des métiers, soit au registre de l'agriculture, peut, au titre de chacun de ces établissements, appartenir à un groupement différent.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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