II. LES PARTENAIRES SOCIAUX ET LE GOUVERNEMENT NE S'ACCORDENT PAS SUR LE BILAN DE LA PREMIÈRE LOI
A. LE PREMIER MINISTRE CONSIDÈRE QUE " L'ENGAGEMENT PRIS SERA TENU "2( * )
1. Le Gouvernement et la majorité réaffirment leur volonté d'imposer les 35 heures aux entreprises et aux salariés
Le
débat sur la seconde loi " Aubry " a été
engagé sous le signe du volontarisme politique, il s'inscrit à
cet égard dans le prolongement du débat sur la première
loi " Aubry ".
Comme l'illustrent les propos tenus par M. Lionel Jospin, Premier
ministre
3(
*
)
, le Gouvernement
entend s'acquitter d'une promesse électorale avant tout,
"
l'engagement pris sera tenu
"
.
On peut rappeler que le programme
4(
*
)
du parti socialiste pour les
élections législatives de 1997 prévoyait de
" ramener progressivement la durée légale du temps de
travail de 39 heures à 35 heures, sans diminution de
salaire ".
Il envisageait que
" cela se (ferait) par la
négociation entre partenaires sociaux, l'Etat ayant pour rôle de
donner le cap et de fixer le calendrier ".
Il proposait
" qu'une loi-cadre, qui (aurait) également pour objet de lutter
contre les horaires abusifs et les heures supplémentaires, (donne)
l'impulsion à ce mouvement historique "
.
Les propos de M. Lionel Jospin, Premier ministre, mettent l'accent sur la
nécessité de réussir les 35 heures.
Toutefois ils restent obscurs sur plusieurs points ; que signifie par
exemple le propos selon lequel il ne s'agirait " pas d'une loi contre les
entreprises " ? Les auditions des représentants des
organisations d'employeurs auxquelles a procédé votre commission
des Affaires sociales semblent démontrer
qu'il existe un
désaccord profond sur ce point entre l'appréciation du Premier
ministre et celle des chefs d'entreprises
.
On peut par ailleurs s'interroger sur l'évolution de la position du
Gouvernement par rapport à la question des 35 heures. Il
apparaît en effet, lorsque l'on compare les propos récents du
Premier ministre au programme du parti socialiste de 1997, que le Gouvernement
a été amené à renoncer à une simple
" impulsion " de la négociation collective sur la
réduction du temps de travail pour adopter finalement le principe d'une
seconde loi-cadre. Le contenu du projet de loi ne se limite pas, en effet,
à " tirer les conséquences législatives " des
accords signés par les partenaires sociaux, ni même à
seulement en tenir compte,
"
il tient compte
des
enseignements
des accords conclus
"
, ce qui est très
différent.
Après avoir fixé un " cap " en 1998 de manière
directive, le Gouvernement persiste et signe un projet de loi qui, comme votre
Commission s'emploiera à le démontrer dans ce rapport,
désavoue le contenu des accords signés par les partenaires
sociaux.
La négociation collective apparaît dès lors comme
subsidiaire. Le Gouvernement n'ayant manifestement pas été
satisfait par les accords conclus, (dans le cas contraire, il aurait simplement
procédé à une " validation
législative "), il n'a pas hésité à reprendre
en main la mise en oeuvre des 35 heures qu'il avait un instant
laissée aux partenaires sociaux.
Dans ces conditions, on peut légitimement s'interroger sur ce que
signifie l'expression
" un texte (...) qui donne toute sa place
à la négociation entre partenaires sociaux "
. Votre
rapporteur s'interroge sur l'ironie, peut-être involontaire, des propos
du Premier ministre.