C. AUDITION DE M. EMILE ZUCCARELLI, MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA RÉFORME DE L'ETAT ET DE LA DÉCENTRALISATION
Enfin, la commission a procédé à
l'audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation.
M. Emile Zuccarelli
a tout d'abord rappelé qu'actuellement la loi du
13 juin 1998 était seulement applicable aux salariés du secteur
marchand et qu'elle ne concernait pas les agents de la fonction publique de
l'Etat, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique
territoriale.
Il a indiqué que, lors de la négociation de l'accord salarial du
10 février 1998, après avoir été
sollicité par les représentants syndicaux sur la mise en
application de la réduction du temps de travail (RTT) dans le secteur
public, il avait estimé nécessaire que soit établi au
préalable un état des lieux.
Il a rappelé que cet état des lieux, confié à M.
Jacques Roché, conseiller-maître honoraire à la Cour des
comptes, lui avait été remis en février 1999 et qu'il
avait fait l'objet d'une concertation avec les représentants des
syndicats du personnel et des organisations d'élus locaux. Il a
souligné que le résultat de ces rencontres bilatérales
avait été retracé dans le rapport remis au Parlement, le
22 juin 1999, conformément à l'obligation prévue à
l'article 14 de la loi du 13 juin 1998.
Il a souligné qu'il avait à nouveau pris contact avec les
organisations syndicales et les associations représentatives
d'élus locaux en septembre dernier pour faire avancer le dossier.
Il a précisé que l'objectif du Gouvernement était de faire
bénéficier les fonctionnaires de " l'avancée
sociale " que constitue la règle des 35 heures de travail
hebdomadaire au même titre que les autres salariés.
L'objectif est également de saisir cette occasion pour améliorer
le service public tout en prolongeant le dialogue social au niveau
déconcentré, le plus près possible du terrain.
Il a précisé que la RTT devait s'appliquer aux fonctionnaires qui
travaillaient en moyenne annuelle plus de 35 heures par semaine, les
autres devant, en première analyse, conserver les mêmes horaires
qu'actuellement.
Il a estimé possible de déboucher, d'ici à trois mois, sur
un accord relatif à l'aménagement et à la RTT qui serait
valable pour l'ensemble des trois fonctions publiques.
Cet accord, à la fois suffisamment précis et suffisamment souple,
devrait ensuite être adapté au niveau de chaque fonction publique
et pour la fonction publique d'Etat, pour chaque ministère. Enfin, la
négociation devrait avoir lieu au niveau des entités
administratives déconcentrées, c'est-à-dire au niveau des
services de l'Etat, des établissements hospitaliers et des
collectivités locales employeurs.
S'agissant du contenu de l'accord " inter-fonctions publiques ", il a
précisé que celui-ci aurait pour objet de mettre à jour
l'environnement réglementaire pour définir des notions de base,
telles que la notion de temps de travail, de travail de nuit, d'astreinte ou de
temps choisi, de poser quelques objectifs généraux, et de
transposer en droit interne des directives européennes.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur les
conséquences législatives de cet accord.
M. Emile Zuccarelli
a effectivement considéré qu'un projet
de loi pourrait apparaître nécessaire, notamment au regard du
principe de libre administration des collectivités locales, pour les
dispositions applicables à la fonction publique territoriale.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur la constatation
émise dans le rapport de l'inspection générale des
finances (IGF) de 1997 qui faisait état d'un sureffectif de 10 % au
minimum dans les trois fonctions publiques, soit près de
500.000 agents en trop, pour un coût de 150 milliards de francs
par an.
Il s'est demandé si la RTT serait considérée comme une
occasion de maîtriser, voire de réduire, les effectifs dans les
fonctions publiques. Il s'est interrogé sur le coût du passage aux
35 heures hebdomadaires de travail. Il s'est demandé si la RTT
serait financée par un développement de la flexibilité
dans la fonction publique, par un blocage des salaires des fonctionnaires ou
par des augmentations d'impôts.
En réponse,
M. Emile Zuccarelli
a souligné que le rapport
de l'IGF de 1997 n'avait pas été réalisé à
la demande du ministère de la fonction publique mais qu'il
résultait d'une initiative de M. Jean Choussat. Il a
précisé qu'il ne partageait pas les analyses exposées dans
ce rapport, tout en regrettant que son auteur n'ait pas précisé
dans quel secteur il estimait excédentaire le nombre de fonctionnaires.
Evoquant les diverses demandes transmises par les élus relatives
à l'insuffisance numérique d'infirmières, d'enseignants et
de policiers dans les services de l'Etat, il a rappelé qu'il avait
déclaré que " les besoins du service public étaient
illimités, mais que ses moyens étaient limités ". Il
a souligné que le nombre des fonctionnaires était un choix
politique effectué sous la contrainte du respect des équilibres
économiques internes et externes.
Concernant le rapport de M. Roché, il a indiqué que celui-ci ne
posait pas la question de la RTT dans la fonction publique en termes de
créations d'emplois et il a précisé que le Gouvernement
n'analysait pas le passage aux 35 heures de travail hebdomadaire dans le
secteur public de la même façon que dans le secteur marchand.
Il a rappelé que le secteur marchand n'avait pas effectué de
créations nettes d'emplois au cours des quinze ou vingt dernières
années, alors que, dans le même temps, le secteur public avait
augmenté ses effectifs de 20 %, ce qui avait contribué
à lutter contre le chômage.
Il a considéré que les éléments qui permettaient le
financement de la RTT dans la loi du 13 juin 1998 ne pouvaient pas être
transposés dans le secteur public : en effet, les gains de
productivité ne suscitent pas de recettes supplémentaires, mais
un meilleur service pour l'usager ; l'augmentation de la pression fiscale
n'est pas une hypothèse à l'ordre du jour ; enfin, la
modération salariale est difficile à faire jouer dans un domaine
où la grille salariale est uniforme et centralisée et où
toute modification du point de rémunération joue à la fois
pour les actifs et pour les retraités.
Il a souligné, à nouveau, que l'emploi n'était pas un
objectif dans la démarche de réduction du temps de travail dans
la fonction publique, mais qu'il s'agissait de lui appliquer une avancée
sociale.
S'agissant de la flexibilité, faisant part de ses réticences
à l'égard de ce terme dont le sens a parfois été
dévoyé, il a indiqué que le rapport Roché se
référait à la notion " d'annualité "
à des fins statistiques pour comparer sainement le temps de travail des
différents fonctionnaires et prendre en compte les différents
régimes de congé ou de récupération.
Il s'est déclaré incapable d'évaluer le coût de la
mise en oeuvre de la RTT dans les fonctions publiques, tout en soulignant que
ce coût devrait rester compatible avec les grands équilibres
financiers de la Nation et que chaque collectivité employeur devrait
faire face à ses responsabilités.
M. Alain Gournac
s'est inquiété que l'on puisse discuter
de la RTT dans la fonction publique sans préalablement et
prioritairement calculer son coût ; il a évoqué
l'inquiétude des maires sur le coût des modalités du
passage aux 35 heures. Evoquant la démarche d'amélioration
de la qualité des services et de certification poursuivie dans sa
commune, il a souligné que la RTT devrait aller de pair avec une
meilleure adaptation des horaires en vue d'améliorer le service rendu au
public.
M. André Jourdain
a considéré qu'au cours des
quinze dernières années, le secteur marchand avait
créé 1,7 million d'emplois et en avait supprimé
802.000, ce qui faisait apparaître un solde positif. Il a émis des
doutes sur le fait que les fonctionnaires, dont la durée de travail est
aujourd'hui inférieure à 35 heures, admettent que leurs
horaires ne soient pas réduits. Il a souhaité un assouplissement
des règles de cumul entre un emploi public et un emploi privé,
notamment pour les secrétaires de mairie des petites communes
travaillant à temps partiel.
M. Jacques Bimbenet
s'est interrogé sur les conséquences
financières de la mise en oeuvre des 35 heures hebdomadaire de
durée du travail dans les services départementaux d'incendie et
de secours.
En réponse,
M. Emile Zuccarelli
a indiqué qu'il
n'était pas étonné des réticences exprimées
par les responsables des collectivités locales, mais il a observé
que ces dernières procédaient souvent à des
avancées sociales dans la plus grande dispersion, ce qui rendait la
situation particulièrement complexe.
Il a observé, à cet égard, que 25 % des communes
avaient déjà mis en oeuvre une durée hebdomadaire moyenne
de travail égale ou inférieure à 35 heures, tout en
soulignant que les communes en question n'étaient pas celles dont les
ressources étaient les plus importantes. Dans ces conditions, il a
observé qu'il serait difficile de prévoir une subvention
compensatrice de l'Etat.
De même, il a souligné que le temps de présence effectif en
caserne des sapeurs-pompiers dans les services d'incendie et de secours variait
entre 90 et 140 jours par an selon les collectivités locales, en
observant que cette disparité n'était pas un facteur
d'équité.
S'agissant de l'amélioration du service rendu, il a estimé qu'il
serait " malheureux " de ne pas saisir l'occasion de la mise en place
de la RTT pour chercher à mieux satisfaire les besoins des usagers.
Concernant le cumul d'emplois, il a indiqué que le Conseil d'Etat avait
récemment transmis un rapport au Gouvernement qui allait dans le sens de
l'autorisation du cumul avec un emploi privé en cas d'occupation d'un
emploi public " à temps très partiel ".
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est inquiétée de la
perception par le public des informations telles que celles contenues dans le
rapport de l'IGF de 1997. Elle a souhaité que les négociations
sur la RTT soient utilisées pour favoriser une réorganisation des
services. Elle s'est interrogée sur le calendrier de négociations
envisagé par le Gouvernement.
M. Claude Domeizel
a approuvé la démarche consistant
à rechercher un accord préalable valable pour l'ensemble des
trois fonctions publiques. Il a souligné la difficulté que
poserait la coexistence au sein d'une même collectivité publique,
d'agents de droit privé bénéficiant de la RTT, et de
fonctionnaires de droit public dont la durée hebdomadaire moyenne de
travail serait maintenue à 39 heures.
M. Michel Esneu
a douté que l'on puisse diminuer le temps de
travail dans la fonction publique sans créer d'emplois, sauf à
courir le risque d'un moindre service offert.
M. Guy Fischer
a approuvé la démarche du ministre tout en
évoquant l'importance des besoins nouveaux à satisfaire, en
particulier dans les banlieues sensibles. Il s'est demandé si les
élus seraient bien responsables de la mise en oeuvre de la RTT
vis-à-vis de leurs services.
En réponse,
M. Emile Zuccarelli
a souligné, s'agissant du
rapport de M. Choussat, que le Gouvernement estimait, en
général, que l'on avait tort de stigmatiser les fonctionnaires.
Rappelant que les fonctionnaires, pour 96 % d'entre eux, travaillaient
directement sur le terrain, il a considéré que ces derniers
étaient utiles et qu'il n'y avait pas aujourd'hui " de
fonctionnaires en trop ". Il a indiqué que l'objectif du
Gouvernement était bien de passer aux 35 heures hebdomadaires de
travail dans les services publics, en facilitant leur réorganisation, et
sans surcharge financière excessive.
S'agissant du calendrier, il a précisé que le Gouvernement
espérait signer un accord-cadre d'ici au 1
er
janvier 2000,
que les dispositions applicables à chaque fonction publique pourraient
être fixées au 1
er
janvier 2001 et que la mise en place
concrète de la RTT dans le secteur public pourrait donc se faire
à partir de 2002.
Il a admis que la coexistence d'agents de droit privé et de
fonctionnaires sous statut, au sein d'une même entité,
entraînerait temporairement un problème délicat à
gérer en particulier dans les hôpitaux.
Concernant la fonction publique territoriale, il a confirmé que le
responsable élu de la collectivité locale serait le seul
responsable de la mise en oeuvre de la RTT dans ses services, tout en
n'excluant pas une concertation approfondie avec les associations
représentatives d'élus locaux lors de la période de
négociation sur les mesures générales.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur la
façon dont la RTT pourrait permettre certaines avancées,
s'agissant en particulier de l'avenir des emplois-jeunes et de la mise en
oeuvre des nouvelles technologies.
M. Emile Zuccarelli
a considéré que la mise en oeuvre de
la RTT offrait une occasion pour améliorer le dialogue social dans la
fonction publique et mettre en oeuvre des réformes en termes de
mobilité, de formation et de gestion des ressources humaines. Il a
estimé que les nouvelles technologies de l'information et de la
communication (NTIC), avec lesquelles les nouvelles générations
de fonctionnaires semblaient très familiarisées,
entraîneraient des changements importants et rapides de l'organisation
administrative.