B. LE PROJET DE LOI
Marqué, selon l'exposé des motifs, par une volonté de " rapprocher l'institution judiciaire du justiciable ", le projet de loi contient deux mesures importantes en ce qui concerne les classements sans suite.
1. La motivation des décisions de classement
Le texte
prévoit tout d'abord, dans son
article 4
, la
notification par
écrit et la motivation de l'ensemble des décisions de
classement
. En fait, la notification est déjà prévue
par le code de procédure pénale, mais il arrive encore que des
justiciables ne soient pas informés des suites données à
leurs plaintes. La motivation des décisions de classement est
déjà prévue depuis juin 1998 pour certaines infractions
à caractère sexuel commises contre des mineurs.
Les motivations des décisions de classement seront standardisées,
afin d'éviter la paralysie des parquets. Les procureurs reçus par
votre rapporteur lui ont indiqué que, dans les affaires
particulièrement difficiles sur le plan affectif, ils prendraient
naturellement la peine d'expliquer de manière très
complète les raisons les poussant à classer une procédure.
La motivation est d'ores et déjà appliquée dans un grand
nombre de parquets et la mesure proposée dans le projet de loi constitue
davantage la consécration d'une pratique en expansion qu'une innovation.
Dans ces conditions,
elle ne devrait nécessiter que peu de nouveaux
moyens, même si l'étude d'impact transmise au Sénat pouvait
susciter de sérieuses interrogations à cet égard
7(
*
)
.
ETUDE D'IMPACT ET RESPECT DU LÉGISLATEUR
L'étude d'impact accompagnant le présent projet
de loi
contient, comme elle doit le faire, des indications chiffrées sur le
coût des principales mesures proposées.
A propos de la motivation des classements sans suite, l'étude d'impact
contient les observations suivantes :
" En 1995, 1.145.291 classements sans suite concernaient des
procédures dans lesquelles l'auteur était connu.
" Il est estimé que dans 30 % de ces affaires, il n'y a pas de
victimes (par exemple, infraction à la réglementation technique,
violation des règles du code de la route sans victime...).
" La motivation des classements sans suite ne concernait donc que
801.704 procédures. 30 minutes étant nécessaires
à la formalisation de la décision, cela équivaut (sur la
base du temps moyen de travail annuel des magistrats de 1.716 heures)
à 234 emplois équivalents temps plein (234 ETP =
801.714 x 30 mn/60mn/1.716).
" Il conviendra donc de créer 234 ETP de magistrats. "
De tels chiffres ont naturellement suscité l'inquiétude de votre
rapporteur qui, pour s'être penché sur la question des moyens de
la justice, ne pouvait que ressentir quelque appréhension à
l'idée que 234 créations de postes de magistrats
étaient nécessaires à la motivation des classements sans
suite.
Il s'avère en pratique que les chiffres énumérés ne
reposent sur aucune base sérieuse. La motivation est déjà
appliquée par nombre de parquets et aucun procureur ne met
30 minutes à formaliser la décision de classement, compte
tenu des tables de motifs fournies aux parquets...
La chancellerie estime
aujourd'hui qu'aucune création de poste de magistrat n'est
nécessaire pour mettre en oeuvre cette mesure.
Dans ces conditions, il convient peut-être de rappeler que l'étude
d'impact d'un projet de loi n'est pas l'occasion pour un ministre de tenter
d'obtenir des moyens supplémentaires auprès de son
collègue des finances en procédant à des estimations
infondées du coût des mesures proposées.
L'étude
d'impact est adressée au Parlement par le Premier ministre et a pour
objet d'informer le législateur aussi précisément que
possible du coût prévisible des projets qui sont soumis à
son appréciation
.
2. La mise en place d'un recours
Le
projet de loi tend, dans son
article 5,
à permettre d'exercer un
recours contre les décisions de classement
. Ce recours
comporterait deux étapes. Dans un premier temps, la personne ayant
dénoncé des faits au procureur et ne pouvant se constituer partie
civile tout en justifiant d'un intérêt suffisant pourrait
contester une décision de classement sans suite en saisissant le
procureur général
, qui pourrait alors enjoindre au
procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique ou
au contraire confirmer la décision de classement.
Dans un second temps, en cas de confirmation de la décision de
classement, les mêmes personnes pourraient saisir une
commission
,
compétente sur le ressort de plusieurs cours d'appel et composée
de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées
dans son ressort. La commission statuerait par une décision
motivée insusceptible de recours et pourrait ordonner au procureur de la
République de mettre en mouvement l'action publique.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions pour
prévoir que les recours contre les décisions de classement
suspendraient, au seul bénéfice du ministère public, la
prescription de l'action publique.