CHAPITRE II :
LES CAISSES D'ÉPARGNE ET DE
PRÉVOYANCE
ARTICLE 3
Le statut des caisses
d'épargne et
de prévoyance
Commentaire : Le présent article met fin au statut
sui generis
des caisses d'épargne en les transformant en
établissements de crédit coopératifs au sens de la loi de
1947 portant statut de la coopération. Il les soumet par ailleurs
expressément aux dispositions de la loi bancaire de 1984. Enfin, il met
fin à la restriction de leurs activités bancaires.
Le présent article est l'un des plus importants de ce projet de loi
puisqu'il fait entrer les caisses d'épargne et de prévoyance, de
plain pied dans la normalité bancaire. Comme le préconisait votre
commission des finances dans son rapport d'information n° 52 sur la
situation et les perspectives du secteur bancaire français
13(
*
)
, préconisation traduite dans
une proposition de loi de notre collègue Alain Lambert, il
confère aux caisses d'épargne un statut coopératif qui
devrait leur permettre d'affronter la concurrence dans de meilleures conditions
et de nouer des alliances avec d'autres établissements.
I. LE STATUT ACTUEL
Jusqu'à présent, les caisses d'épargne et de
prévoyance constituaient une catégorie d'établissements de
crédit à part, consacrée par l'article 18
14(
*
)
de la loi bancaire du 24 janvier 1984.
L'article premier de la loi du 1
er
juillet 1983 portant
réforme des caisses d'épargne les définissait ainsi comme
des " établissements de crédit à but non
lucratif " ayant pour objet la promotion et la collecte de
l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance. Il
les habilitait à faire des opérations de banque au profit des
personnes physiques et des personnes morales, mais l'accès à la
clientèle des sociétés faisant appel public à
l'épargne leur était interdit. Enfin, jusqu'à la fin de
l'année 1997, les caisses ne pouvaient consentir de crédits
à des personnes morales de droit privé qu'à hauteur de
30 % de leurs emplois.
Dans un avis annexé au rapport précité de M. Alain
Lambert, le Conseil de la concurrence
15(
*
)
considérait que l'on pouvait
légitimement
" s'interroger sur la justification du maintien
d'un statut aussi largement dérogatoire que celui des caisses
d'épargne et de prévoyance "
, dès lors que leur
activité a été quasiment totalement banalisée et
qu'elles constituent des établissements de crédit de plein
exercice, en concurrence avec les banques sur les marchés des
particuliers et des petites et moyennes entreprises.
Le Conseil de la concurrence estime dans cet avis que les caisses
d'épargne disposent d'un avantage concurrentiel dont aucun autre
établissement ne dispose du fait qu'elles n'ont ni actionnaires, ni
sociétaires, et que leurs résultats, non distribuables, peuvent
être en totalité intégrés aux fonds propres. Cela
leur permet, écrit le Conseil,
" de s'accommoder plus facilement
que les autres établissements de pertes conjoncturelles ".
II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
A. UN STATUT COOPÉRATIF
Désormais, les caisses d'épargne seront soumises aux dispositions
de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et
à celles de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales.
Corrélativement, le but non lucratif est supprimé. Votre
rapporteur approuve une telle suppression. On ne saurait en effet confondre une
culture d'entreprise tournée vers la clientèle sociale, qu'il est
souhaitable de conforter, avec l'objet de l'entreprise, qui est d'exercer une
activité bancaire. En outre, comme le soulignait le rapport de
M. Lambert précité, il y avait contradiction entre le but
non lucratif des caisses d'épargne et le fait pour elles de se porter
acquéreur de banques commerciales, comme le Centre national des caisses
d'épargne et de prévoyance (CENCEP) l'a envisagé pour le
Crédit industriel et commercial (CIC).
Le statut coopératif conféré aux caisses d'épargne
par le présent article est également celui des Banques
populaires, du Crédit agricole mutuel, du Crédit mutuel et du
Crédit coopératif. Il s'agit d'un statut éprouvé
dont les représentants ont souvent mieux traversé les
périodes de crise que les banques commerciales, et qui paraît
être le plus proche de la culture d'entreprise des caisses
d'épargne.
L'objectif de ce statut est de
donner des
propriétaires
identifiés
aux caisses d'épargne
. C'est
l'intérêt des caisses d'épargne d'avoir des
sociétaires qui exerceront une pression salutaire sur les dirigeants, en
vue d'améliorer leurs performances, comme dans toute entreprise.
Un tel statut mettrait donc un terme au débat sur la
propriété des fonds propres des caisses d'épargne.
Selon l'article premier de la loi de 1947 précitée, les
coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels
sont :
- de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l'effort
commun de ceux-ci, le prix de revient et, le cas échéant, le prix
de vente de certains produits ou de certains services, en réduisant le
coût d'intermédiation ;
- d'améliorer la qualité marchande des produits fournis à
leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux
consommateurs ;
- et, plus généralement, de contribuer à la satisfaction
des besoins et à la promotion des activités économiques et
sociales de leurs membres ainsi qu'à leur formation.
Le statut coopératif repose sur les trois principes suivants :
- propriété collective des fonds propres de l'entreprise, sans
affectation individuelle due à des titres représentatifs ;
de même, en cas de liquidation d'une coopérative, le boni de
liquidation n'est pas réparti entre les sociétaires mais
dévolu, en vertu de l'article 19 de la loi de 1947, à d'autres
coopératives ou à des oeuvres d'intérêt
général ou professionnel ;
- participation des sociétaires aux orientations et à la gestion
de l'entreprise fondée sur le principe démocratique
" un homme, une voix " ;
- nature non lucrative de l'activité, qui se traduit par le refus de
l'appropriation individuelle des excédents et permet l'ajustement des
tarifs au plus près de l'intérêt des sociétaires.
B. DES COMPÉTENCES BANCAIRES ÉTENDUES
Le deuxième alinéa du présent article autorise par
ailleurs les caisses d'épargne à exercer toutes les
opérations de banque dans le cadre de la loi bancaire, sans restriction
aucune.
Comme le rappelle M. Raymond Douyère dans son rapport au nom de la
commission des finances de l'Assemblée nationale
16(
*
)
, en permettant aux caisses
d'épargne de proposer la même gamme de produits que les autres
établissements de la place, le présent projet de loi vient
couronner un processus d'élargissement progressif des compétences
des caisses d'épargne.
En principe, une coopérative exerce ses activités au profit
exclusif de ses sociétaires. Pour ne pas restreindre à
l'excès le champ d'intervention des coopératives, l'article 3 de
la loi de 1947 prévoit que les lois particulières qui
régissent une catégorie de coopérative peuvent
déroger à ce principe d'exclusivité et autoriser une
coopérative à faire bénéficier de ses services des
personnes autres que les coopérateurs.
On observera toutefois que le principe énoncé ci-dessus
s'accommode assez mal de l'interposition d'une structure intermédiaire
comme les groupements locaux d'épargne (GLE) dont la création est
prévue par l'article 8 du présent projet de loi, entre les
établissements bancaires coopératifs que constitueront les
caisses d'épargne, et leurs clients.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 4
Les sociétaires des caisses
d'épargne et de prévoyance
Commentaire : Le présent article enfonce deux
coins dans
la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. En
premier lieu, il attribue la propriété des caisses
d'épargne, non pas aux personnes physiques et morales qui pourraient
légitimement y prétendre, mais à des " groupements
locaux d'épargne ". En second lieu, il prévoit une
modulation du nombre de voix dont disposerait chaque " GLE " en
fonction du nombre de parts dont il serait titulaire, ce qui contredit le
principe démocratique sous-tendu par la formule " un homme, une
voix ".
Le présent article est probablement l'un des plus contestables de ce
projet de loi. En effet, si votre rapporteur se réjouit globalement de
la transformation des caisses d'épargne en établissements
bancaires coopératifs, ce qui est conforme à leur culture de
proximité, il désapprouve fondamentalement le choix fait par le
gouvernement d'insérer une structure intercalaire entre les caisses
d'épargne et les futurs sociétaires, au mépris de ces
derniers et de la notion d
'affectio societatis
.
I. UN SOCIÉTARIAT INDIRECT
Le présent article précise dans un premier alinéa que les
parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance ne peuvent
être détenues que par les " groupements locaux
d'épargne ".
Les vrais sociétaires des caisses d'épargne seraient donc ces
" GLE ", eux-mêmes sociétés coopératives
censés animer le sociétariat au niveau local (voir commentaire
des articles 8 et 9). Les clients des caisses d'épargne seraient tout
juste dignes de posséder des parts sociales de " GLE "
mais pas de caisses d'épargne.
Quatre arguments rendent ces structures intermédiaires indispensables
selon le gouvernement :
En premier lieu, le projet de loi ne ferait que s'inspirer de la structure
des réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes actuels qui
disposent tous d'un échelon local
.
C'est ignorer que le Crédit coopératif, les Banques populaires et
le Crédit mutuel sont des structures à deux niveaux (un organe
central et plusieurs dizaines d'établissements régionaux),
contrairement au Crédit agricole mutuel qui dispose de trois
échelons (Caisse centrale, Caisses régionales et caisses locales).
Ainsi, s'il est vrai qu'au Crédit agricole, ce sont les caisses locales
qui détiennent le capital des caisses régionales, il convient de
noter d'une part que cette structure leur est propre, et, d'autre part, que
c'est le fruit de l'histoire. On ne voit pas pourquoi il conviendrait de
décalquer cette architecture pour les caisses d'épargne qui ont
mis près de dix ans à regrouper leurs caisses locales.
Il est significatif de lire dans le journal
Le Monde
du 14 mars 1999 le
jugement d'un ancien dirigeant du Crédit agricole qui regrette que l'on
ait calqué le futur statut des caisses d'épargne sur celui,
déjà jugé obsolète, que le Crédit agricole a
choisi il y a vingt ans...
En deuxième lieu, un échelon local serait nécessaire
pour animer le sociétariat dans les territoires
.
Votre rapporteur ne nie pas cette nécessité. Il lui semble
toutefois qu'une telle mission peut tout aussi bien être remplie par un
démembrement de l'assemblée générale des
sociétaires, sous forme de " sections locales
d'épargne ". Contrairement aux GLE, ces sections n'auraient pas la
personnalité juridique mais s'acquitteraient des mêmes missions
(voir commentaire de l'article 9).
En troisième lieu, une structure de " portage " du capital
initial des caisses d'épargne s'impose pour procéder à
leur mutualisation immédiate
.
Il s'agirait ainsi de donner immédiatement des propriétaires aux
caisses d'épargne.
Votre rapporteur est loin d'être convaincu par un tel argument. En effet,
l'insertion des GLE entre les sociétaires et les caisses
d'épargne ne fait que reculer le problème de la constitution du
sociétariat. S'il est vrai que les caisses d'épargne auront
immédiatement des propriétaires bien identifiés, la
propriété du capital des GLE restera indéterminée
tant que durera le placement de leurs propres parts dans le public.
On ne voit pas, en outre, pourquoi il serait nécessaire que les caisses
d'épargne disposent immédiatement de propriétaires. Elles
pourraient elles-mêmes se charger de placer les parts sociales
constitutives de leur capital social dans le public, moyennant un délai
déterminé, en portant temporairement les parts sociales qui ne
seraient pas immédiatement souscrites. Votre rapporteur vous proposera
un tel schéma de mutualisation pour l'article 21 du présent
projet de loi.
Enfin, il est indispensable que le capital des caisses d'épargne
soit fixe pour leur permettre d'émettre des certificats
coopératifs d'investissement, ce qui nécessite l'intercession de
structures à capital variable, les " GLE ", pour gérer
les fluctuations du nombre de sociétaires
.
Il s'agit probablement de l'argument le plus pertinent en faveur des
" GLE ". Il est en effet tout à fait essentiel que les caisses
d'épargne puissent, lorsqu'elles le désireront, émettre
des certificats coopératifs d'investissement pour accroître leur
capacité à se développer.
Néanmoins, il s'agit d'un argument technique. Il serait tout à
fait nuisible - bien que très français - qu'un souci
d'ordre technique conduise le législateur à mettre en place une
" machine à gaz " pour permettre de concilier la mutualisation
du réseau des caisses d'épargne et leur nécessaire
souplesse de financement. La complexité d'un tel schéma n'est pas
que législative. Elle sera probablement technique :
" La correspondance entre le capital fixe de la caisse d'épargne
et le capital variable du GLE s'opérera probablement,
écrit
M. Raymond Douyère
17(
*
)
, par la variation d'un compte
courant d'associé ouvert au nom du GLE dans la caisse d'épargne
et sur lequel sera déposé,
grosso modo
, la
différence positive entre, d'une part, les parts sociales émises
par le GLE (qui dépendent de l'afflux des sociétaires) et,
d'autre part, les parts sociales représentatives du capital de la caisse
détenue par le GLE. "
Au demeurant,
le présupposé selon lequel toute
société coopérative qui souhaite émettre des CCI
doit avoir un capital fixe est loin d'être démontré
.
Juridiquement, rien n'empêche une société
coopérative à capital variable d'émettre des CCI.
L'article 19
sexies
de la loi du 10 septembre 1947 se contente de
préciser que l'émission de CCI s'effectue par augmentation du
capital atteint à la clôture de l'exercice précédant
cette émission.
On notera que les dix-huit caisses régionales du Crédit agricole
qui émettent des CCI sont toutes à capital variable.
La difficulté technique résulte du fait que les titulaires de CCI
disposent légalement d'un droit sur l'actif net de la
société qui les émet proportionnel au poids des CCI dans
le capital social (article 19
undecies
de la loi de 1947). Si le nombre
de parts sociales varie, alors le droit des titulaires de CCI varie
également spontanément. Pour éviter cette variation, les
gestionnaires devraient émettre des primes d'émission ou de
nouveaux CCI permettant de maintenir fixe la valeur de l'actif net auquel ces
CCI donnent droit. Le rapporteur du présent projet de loi à
l'Assemblée nationale considère que c'est ingérable en
pratique.
Votre rapporteur se contentera d'observer que les caisses régionales du
Crédit agricole y parviennent sans trop de difficultés, notamment
en émettant des CCI gratuits ou en transformant les
intérêts versés en CCI. En outre, la loi ne prescrit pas de
maintenir nécessairement constant le rapport CCI sur capital social.
Enfin, la variabilité du capital constitue l'un des piliers de l'esprit
coopératif, comme le rappelle excellemment Raymond Douyère dans
son rapport sur le présent projet de loi :
" Le capital d'une société coopérative peut
augmenter ou diminuer à tout moment du fait de l'arrivée de
nouveaux sociétaires ou du départ de certains sociétaires.
Cette variabilité du capital est consubstantielle à la conception
d'une société largement ouverte, susceptible d'accueillir tout un
chacun. La possibilité d'adhésion ou de retrait doit être
permanente. "
Le fait de prévoir la fixité du capital des caisses
d'épargne constitue donc une entorse supplémentaire à cet
esprit coopératif, même si les GLE seront à capital
variable.
Au total, votre rapporteur est conscient de la nécessité pour les
caisses d'épargne de pouvoir émettre des CCI. Il considère
toutefois que la solution qu'il préconise répond à ce
souci.
Votre rapporteur voit un autre inconvénient à la création
de GLE, outre tous les problèmes techniques que cela engendre. C'est
l'impossibilité pour les caisses d'épargne qui le souhaiteraient
d'ouvrir leur capital à d'autres établissements bancaires
autrement que par le biais de CCI.
II. L'AMÉNAGEMENT DU PRINCIPE " UN HOMME, UNE VOIX "
Le présent article commet une
autre entorse au statut de la
coopération
en offrant aux caisses la possibilité de
déroger dans leurs statuts au principe " un homme, une voix "
consacré par l'article 9 de la loi du 10 septembre 1947 portant
statut de la coopération. Les statuts des caisses pourraient ainsi
proportionner le nombre de voix dont disposera chaque GLE à
l'assemblée générale des sociétaires en fonction du
nombre de parts sociales de la caisse d'épargne dont il est titulaire.
Cette faculté de déroger aux principes coopératifs
viserait à rendre plus incitatives les parts sociales auprès des
organismes et collectivités susceptibles d'en acquérir un grand
nombre (collectivités locales, entreprises), afin de faciliter la
constitution du sociétariat. Par ailleurs, il s'agirait de
réduire l'influence des GLE situés dans des territoire à
dominante rurale par rapport à ceux qui sont localisés dans une
conurbation.
Votre rapporteur conteste une telle entorse à l'un des principes
essentiels de la coopération qui entraîne une discrimination entre
les sociétaires.
Initialement, le texte posait toutefois une limite à
l'aménagement du principe " un homme, une voix " en
prévoyant qu'un même GLE ne pouvait détenir plus de
10 % des voix. Toutefois, comme l'explique excellemment Raymond
Douyère dans son rapport, cette limite fixée à 10 %
posait trois types de problèmes :
- elle peut induire un hiatus entre le nombre total de parts distribuées
et le nombre total de voix en résultant, dans l'hypothèse
où un GLE posséderait plus de 10 % des parts sociales d'une
caisse ; en effet, le nombre total de voix attribuées sera alors
inférieur à 100 % ;
- la limite de 10 % suppose en pratique qu'une caisse d'épargne
soit détenue par au moins dix GLE et qu'aucun d'entre eux ne
possède plus de 10 % des parts sociales, sauf à retomber
dans l'impossibilité décrite ci-dessus. Ce nombre minimal de GLE
est apparu au député de nature à disperser excessivement
le sociétariat de certaines caisses d'épargne de taille moyenne.
- enfin, la limite de 10 % empêcherait l'application du
régime fiscal dit " mère-fille " entre les caisses
d'épargne et les GLE. Ce régime suppose en effet que la
société mère (c'est-à-dire le GLE) détienne
au moins 10 % de la société fille ou que sa participation
soit supérieure à 150 millions de francs. La première
condition ne pouvant être remplie, il faudrait que chaque GLE
détienne des parts sociales pour un montant au moins égal
à 150 millions de francs, ce qui sera impossible à remplir pour
la plupart d'entre eux (le capital initial de chaque caisse oscillerait entre
21 millions de francs pour la caisse de Guadeloupe et 1.471 millions de francs
pour celle de Provence Alpes Corse).
Aussi, les députés ont-ils amendé le second alinéa
du présent article pour porter à 30 % le pourcentage maximal
du capital d'une caisse que pourra détenir un GLE. Les caisses
d'épargne auront donc chacune au moins quatre propriétaires. Dans
l'hypothèse ou un GLE détiendrait plus de 30 % des parts
sociales, les députés ont prévu une disposition permettant
de réduire automatiquement le nombre de voix attribué à ce
GLE à due concurrence, pour éviter le problème technique
évoqué plus haut.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Comme il a été indiqué, votre rapporteur n'estime pas
satisfaisante la solution préconisée par le gouvernement des
" groupements locaux d'épargne ". Ces structures juridiques
imparfaites et, comme on le verra, contraires au statut de la
coopération, affaiblissent le lien entre les futurs sociétaires
et les caisses d'épargne. On peut se demander d'ailleurs comment les
membres du personnel des caisses d'épargne qui auront la
responsabilité de promouvoir les parts sociales auprès des
clients pourront rendre attractive la détention d'une part de
" GLE ".
Votre commission vous proposera donc de supprimer les GLE et de leur
substituer, pour l'animation du sociétariat au niveau local, des
sections locales d'épargne, subdivisions de l'assemblée
générale des sociétaires (voir commentaire de l'article 8).
En conséquence, les parts sociales des caisses d'épargne seraient
directement attribuées aux personnes qui en feraient la demande.
Pourront être sociétaires aux termes de l'amendement
proposé les mêmes personnes physiques ou morales qui peuvent
être sociétaires de GLE dans le texte du gouvernement :
- les clients des caisses d'épargne qui effectuent avec elles une ou
plusieurs des opérations prévues aux articles 1, 5, 6 et 7 de la
loi bancaire (opérations de banque, opérations de change,
opérations portant sur des valeurs mobilières...) ;
- les salariés des caisses d'épargne ;
- les collectivités territoriales, sans que la part totale de ces
dernières dans le capital d'une caisse puisse excéder
10 % ;
- toutes les autres personnes physiques qui souhaitent contribuer par un apport
de capitaux à la réalisation des objectifs des caisses
d'épargne.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article ainsi modifié.
ARTICLE 5
Les organes dirigeants des caisses
d'épargne et de prévoyance
Commentaire : Comme par le passé, le présent
article prévoit que les caisses d'épargne seront dirigées
par un directoire sous le contrôle d'un conseil d'orientation et de
surveillance. Toutefois, le nombre de membres composant le conseil
d'orientation et de surveillance ainsi que les modalités de leur
élection sont modifiées.
En vertu du présent article, les caisses d'épargne resteront
dirigées par un directoire (dont le nombre de membres n'est pas
fixé) sous le contrôle d'un conseil d'orientation et de
surveillance (COS).
Les durées des mandats des membres de ces deux organes ne sont pas
précisées alors qu'elles étaient fixées
respectivement à cinq et six ans par la loi du 1
er
juillet
1983 portant réforme des caisses d'épargne. En
conséquence, les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales, à laquelle sont soumises les
caisses d'épargne en vertu de l'article 3 du présent projet de
loi, s'appliquent. L'article 134 de cette loi précise ainsi que la
durée est déterminée par les statuts sans pouvoir
excéder six ans en cas de nomination par les assemblées
générales, et trois ans en cas de nomination dans les statuts.
I. LES CONSEILS D'ORIENTATION ET DE SURVEILLANCE
Rappelons que la loi du 1
er
juillet 1983 portant réforme des
caisses d'épargne prévoyait que les COS étaient
composés de 17, 21 ou 25 membres. Dans sa version initiale, le
présent article laissait aux caisses d'épargne le soin de fixer
le nombre de membres de leur COS sous réserve qu'il ne soit pas
inférieur à 17. Les députés ont souhaité
limiter ce nombre à 17 pour assurer une meilleure cohérence des
COS et une bonne implication des administrateurs, tout en maintenant une
représentation équilibrée des sociétaires.
Par ailleurs, le mode de désignation des membres des COS est
modifié
pour tenir compte de la nature désormais
coopérative des caisses. Le nombre de collèges d'électeurs
est ramené de quatre à trois en raison de la disparition du
collège des déposants ayant la personnalité morale. Les
COS seront ainsi composés de trois catégories de membres
élus au sein de trois collèges différents :
- le collège des salariés
sociétaires
de la
caisse
18(
*
)
; les
députés ont en effet souhaité réserver le droit de
siéger au COS aux seuls salariés sociétaires ; on
notera toutefois que la précision apportée par les
députés n'atteint pas son but puisque le collège ainsi
composé pourra tout aussi bien désigner un ou plusieurs
salariés non sociétaires ;
- le collège des collectivités territoriales sociétaires
de groupements locaux d'épargne (GLE) affiliés à la caisse
d'épargne ;
- et le collège formé par l'assemblée
générale des sociétaires, c'est-à-dire par les GLE.
Ne sont pas éligibles par ce collège les collectivités
territoriales ou leurs représentants, ni les salariés des caisses.
On notera que la création des GLE empêche l'expression
démocratique des sociétaires dans ce troisième
collège puisqu'ils seront représentés par les GLE.
Les salariés et les collectivités territoriales devront avoir un
nombre de représentants identique et inférieur ou égal
à trois, afin que les COS soient composés à 65 % au
moins de membres élus par les GLE.
Enfin, les conseils consultatifs disparaissent.
Par cohérence avec les amendements de suppression des GLE qu'elle vous
propose, votre commission vous proposera un amendement rédactionnel
tendant à supprimer la référence aux GLE. Le
troisième collège serait donc composé des
sociétaires directs des caisses d'épargne.
II. LE DIRECTOIRE
Comme dans la loi du 1
er
juillet 1983 précitée, la
nomination des membres du directoire par le conseil d'orientation et de
surveillance est soumise à l'agrément de l'organe central des
caisses d'épargne, c'est-à-dire, la Caisse nationale des caisses
d'épargne (CNCEP).
Les membres du directoire sont ainsi proposés par le COS et
agréés par le conseil de surveillance de la CNCEP sur proposition
de son directoire qui s'assure au préalable qu'ils présentent
l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate
pour exercer leur fonction.
Ce contrôle
a priori
exercé par la Caisse nationale sur les
dirigeants des caisses d'épargne est utile dans la mesure où les
caisses d'épargne, malgré leur changement de statut, ne vont pas
avoir besoin de déposer une demande d'agrément auprès du
Comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement (CECEI) qui s'assure en principe de l'honorabilité et
de l'expérience des dirigeants de l'organisme demandeur.
Le texte précise ensuite que l'agrément peut être
retiré par le conseil de surveillance de la CNCEP sur proposition de son
directoire et après consultation du COS de la caisse d'épargne
concernée. Comme la procédure de nomination des membres du
directoire, cette dernière procédure est dérogatoire du
droit commun. Elle n'empêche toutefois pas l'application de l'article 45
de la loi bancaire du 24 janvier 1984 qui autorise la Commission bancaire
à suspendre temporairement ou à démissionner d'office les
organes dirigeants d'un établissement de crédit qui aurait
enfreint une disposition législative ou réglementaire, n'aurait
pas déféré à une de ses injonctions ou n'aurait pas
tenu compte d'une mise en garde.
En outre, l'article 14 du présent projet de loi prévoit une
procédure de révocation collective du directoire ou du COS d'une
caisse par la CNCEP.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article ainsi modifié.
ARTICLE 6
L'affectation des résultats
Commentaire : Le présent article établit les
règles d'affectation du résultat des caisses d'épargne. Un
tiers au moins du résultat net comptable après mises en
réserves devra être affecté au financement de projets
d'économie locale et sociale.
Le présent article est très contestable en ce qu'il poursuit deux
objectifs contradictoires et assigne aux caisses d'épargne des
contraintes qu'un grand nombre d'entre elles ne pourront pas assumer. En outre,
les députés ont modifié l'équilibre de l'article en
donnant la
priorité au financement de projets d'économie
locale et sociale aux dépens de la rémunération des
sociétaires
et des investisseurs, ce qui risque non seulement de
nuire à l'attractivité des parts sociales, mais surtout, de
dégrader la marge de solvabilité des caisses d'épargne si,
pour rémunérer leurs coopérateurs, celles-ci
étaient amenées à puiser dans leurs réserves.
Les sommes disponibles après imputation sur le résultat net
comptable des versements aux réserves légales et statutaires
devront en effet être réparties dans l'ordre de priorité
suivant :
Un tiers au moins sera affecté aux
réserves
, cette
proportion pouvant être augmentée sur décision de la Caisse
nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP) au vu de
la situation financière de la caisse ;
Le tiers des sommes restantes sera alloué
de façon
définitive
, au financement de
projets d'économie locale et
sociale
;
Le solde sera réparti entre la rémunération des
sociétaires (les GLE) et des investisseurs (les titulaires de CCI et de
parts à intérêt prioritaire sans droit de vote).
Cet ordre de priorité est dérogatoire de celui prévu
à l'article 16 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la
coopération qui prévoit que le résultat distribuable est
d'abord réparti au profit des sociétaires et des investisseurs
avant d'être mis en réserve ou attribué sous forme de
subvention à d'autres coopératives ou à des oeuvres
d'intérêt général ou professionnel.
I. DÉFINITION DU RÉSULTAT DISTRIBUABLE
Le présent article définit le résultat distribuable comme
la différence entre le résultat net comptable de l'exercice et
les versements effectués au profit des réserves légales et
statutaires.
Le résultat net comptable est la somme du résultat d'exploitation
et du résultat exceptionnel de l'entreprise, après
déduction de la participation des salariés aux fruits de
l'expansion de l'entreprise et de l'impôt sur les bénéfices.
L'article 345 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales fixe à 5 % du bénéfice de l'exercice,
diminué le cas échéant des pertes antérieures, le
montant du versement obligatoire aux réserves légales. Ce
prélèvement ne cesse d'être obligatoire que lorsque la
réserve atteint le dixième du capital social.
Enfin, les réserves statutaires sont prévues par les statuts et
s'imposent à l'assemblée générale ordinaire
annuelle appelée à répartir les bénéfices
sociaux de l'exercice écoulé. Elles ne peuvent être
utilisées ni pour une distribution aux actionnaires ou associés,
ni pour un achat ou un remboursement de parts ou d'actions de la
société. En revanche, sauf disposition contraire des statuts,
elles peuvent être affectées à l'apurement des pertes ou,
le cas échéant, à une augmentation du capital
social
19(
*
)
.
II. UNE AFFECTATION DU RÉSULTAT PRÉJUDICIABLE À
L'INTÉRÊT DES CAISSES D'ÉPARGNE
Initialement, le présent article confiait à l'assemblée
générale le soin de répartir ce résultat
entre :
- les mises en réserve (pour un tiers au moins, cette proportion pouvant
être accrue par la CNCEP),
- la rémunération des sociétaires et des investisseurs,
- et les affectations
définitives
au financement de
projets
d'économie locale et sociale
, dans la limite du montant
destiné à la rémunération des sociétaires et
des investisseurs.
Il s'agissait, en donnant la priorité à la
rémunération des parts sociales sur ce qu'il est convenu
d'appeler " le dividende social ", de rendre attractives les parts
sociales afin de faciliter leur commercialisation dans le public. Pour la
même raison, l'article 37 du présent projet de loi
prévoyait, avant d'être supprimé par les
députés, de mettre fin, pour les seuls établissements
bancaires coopératifs, au plafonnement de l'intérêt servi
aux coopérateurs
20(
*
)
.
Sur proposition de M. Raymond Douyère, les députés
ont profondément bouleversé l'équilibre de cet article en
donnant la priorité au financement des projets d'économie locale
et sociale, ce qui est beaucoup plus contraignant pour les caisses.
Le résultat fera dorénavant l'objet des affectations
suivantes :
1. Les mises en réserve
Comme dans la rédaction initiale, les caisses devront mettre en
réserve un tiers au moins du résultat distribuable, cette
proportion pouvant être augmentée sur décision de la Caisse
nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP) au vu de
la situation financière de la caisse.
Rappelons que jusqu'à présent, en l'absence de sociétaires
ou d'investisseurs à rémunérer, les caisses
d'épargne procédaient à la mise en réserve de la
totalité de leurs résultats, ce qui explique la forte croissance
de leurs fonds propres.
2. Le financement de projets d'économie locale et sociale
Dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale,
le
tiers
des sommes disponibles après mises en réserves doit
être alloué
de façon définitive
, au
financement de projets d'économie locale et sociale.
L'emploi de l'adjectif définitif n'est pas anodin. Il s'agit de rendre
clair le fait que les projets d'économie locale et sociale sont
financés " à fonds perdus. Il ne peut s'agir par exemple de
prêts bonifiés ou de prises de participation au capital de petites
entreprises dès lors que tout ou partie de ces sommes reviendrait aux
caisses d'épargne sous forme de remboursement de prêt, de
dividendes ou de produit de cession.
Par ailleurs, les projets financés doivent présenter à la
fois un intérêt en termes de développement local ou
d'aménagement du territoire et un intérêt en termes de
développement social ou de l'emploi.
Initialement, le texte prévoyait que les projets financés
devaient se trouver dans le ressort territorial de la caisse d'épargne
et de prévoyance. Les députés ont supprimé cette
disposition pour permettre aux caisses de continuer à financer des
projets d'ordre national, tels que la Fondation caisse d'épargne qui
lutte contre l'exclusion (à laquelle les caisses ont versé 5,67
millions de francs en 1998), la Fondation Belem (à laquelle le CENCEP a
accordé une subvention de 6 millions de francs en 1998) ou l'Association
nationale senior service Ecureuil, associée à la gestion de
maisons de retraite.
Il est à noter enfin que l'Assemblée nationale n'a pas
homogénéisé la rédaction du présent article
avec celle de l'article premier qui fait désormais également
référence à des " projets contribuant à la
protection de l'environnement et au développement durable du
territoire ".
3. La rémunération des sociétaires et des
investisseurs
Enfin, le solde sera réparti entre :
- l'intérêt servi aux parts sociales, dans les limites
fixées par l'article 14 de la loi de 1947 portant statut de la
coopération : l'intérêt versé aux
coopérateurs est ainsi légalement plafonné au taux moyen
de rendement des obligations des sociétés privées
(TMO) ;
- et les distributions effectuées conformément aux articles 11
bis
, 18 et 19
nonies
de la loi de 1947 précitée.
La rédaction du présent article est calquée sur celle de
l'article 16 de la loi de 1947 qui fait déjà mention de ces
articles 11
bis
, 18 et 19
nonies
.
L'article 11
bis
de la loi de 1947 vise la rémunération
des parts à intérêt prioritaire sans droit de vote, qui
peuvent être émises et souscrites par des associés non
coopérateurs ou par des tiers non associés si les statuts le
permettent.
L'article 18 de la loi de 1947 prévoit que l'associé qui se
retire ou est exclu a droit au remboursement de la valeur nominale de ses
parts, s'il peut y prétendre. En outre, les associés sortants
ayant au moins cinq ans d'ancienneté ont droit, si les statuts le
précisent, à une part de la réserve en proportion de sa
part de capital social.
Enfin, l'article 19
nonies
de la loi de 1947 précise les
modalités de la rémunération des certificats
coopératifs d'investissement (CCI). Cette rémunération est
au moins égale à celle versée aux parts sociales.
Telle que la rédaction du présent article résulte de son
examen par l'Assemblée nationale, la rémunération des
coopérateurs ne pourra se faire que sur moins de 60 % du
résultat distribuable puisque le tiers de ce résultat aura
d'abord été incorporé aux réserves (voire plus si
la CNCEP en décide ainsi), puis le tiers du solde affecté
à des projets d'intérêt général.
On peut
craindre qu'en cas de résultat insuffisant, les caisses d'épargne
ne soient amenées à faire usage de l'article 17 de la loi de
1947
qui dispose :
" Les statuts peuvent prévoir qu'en cas d'insuffisance des
résultats d'un exercice,
les sommes nécessaires pour parfaire
l'intérêt statutaire afférent à cet exercice seront
prélevées soit sur les réserves, soit sur les
résultats des exercices suivants
, sans toutefois aller au
delà du quatrième. "
Les caisses seraient ainsi contraintes de puiser sur leurs réserves,
donc sur leurs fonds propres pour assurer à leurs sociétaires (et
aux sociétaires des groupements locaux d'épargne) une
rémunération suffisante. Une telle éventualité
pèserait alors sur le ratio de solvabilité des caisses
d'épargne.
Dans une note datée du 2 février 1999, le secrétariat
général de la Commission bancaire observe que
" la
rémunération des parts sociales et l'affectation d'une partie des
résultats au financement de projets locaux et sociaux pourraient
absorber à elles seules plus des deux-tiers du résultat
dégagé chaque année par le réseau "
. Il
ajoute que sa capacité d'autofinancement s'en trouverait limitée
d'autant.
Plus, loin, la Commission bancaire observe que la marge de
sécurité du réseau pour assurer son développement
dans des conditions optimales et couvrir d'éventuels sinistres sera
" sérieusement réduite ", dès lors que son ratio
de solvabilité sera ramené de 17 % en 1997 à
11 % à l'horizon 2000 (après prise en compte du
provisionnement des charges de retraite, du prélèvement
exceptionnel de 5 milliards de francs, et des conséquences de la
réforme).
Elle préconise en conséquence de maintenir le ratio de
solvabilité des caisses d'épargne à un niveau voisin de
12 %.
Encore convient-il de préciser que cette note résulte d'une
analyse de la mouture initiale du présent projet de loi avant que
celui-ci ne soit examiné par l'Assemblée nationale.
Or, l'inversion de l'ordre des priorités que celle-ci a choisi
d'effectuer dans le présent article bouleverse profondément son
économie, dans un sens beaucoup moins protecteur pour les caisses
d'épargne. Interrogé par votre commission sur l'impact des
modifications apportées par l'Assemblée nationale, le
président de la Commission bancaire a répondu qu'il ne les avait
pas encore analysées.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission vous proposera en premier lieu de
supprimer le
caractère définitif de l'affectation des sommes destinées
à l'intérêt général
. Elle
considère qu'une telle acception du " dividende social " est
trop restrictive en excluant toutes les formes de financement qui ne
s'apparenteraient pas à des subventions.
Les caisses d'épargne doivent pouvoir, par exemple, accorder au titre du
dividende social des prêts sans intérêt ou des prêts
bonifiés. Il serait également naturel qu'elles puissent entrer au
capital de petites entreprises innovantes et financer le capital-risque. Une
telle action est conforme à l'intérêt général
de la nation.
C'est également ce que préconisait Raymond Douyère dans
son rapport au premier ministre. Il écrit, s'agissant du dividende
social
21(
*
)
:
" Chaque année, les conseils régionaux feraient des
propositions au COS de la caisse concernée quant aux secteurs
d'intervention souhaités. Il pourrait s'agir d'interventions par
financement direct ou de subventions, voire, dans le cadre de secteurs
économiques, si l'idée en était retenue, de prises de
participation en fonds propres dans la micro-économie. "
Puis, votre commission vous proposera de
rétablir la rédaction
initiale
du présent article qui prévoyait que les sommes
affectées au financement des projets d'économie locale et sociale
ne peuvent excéder le montant consacré à la
rémunération des sociétaires et des investisseurs. Il
appartiendra en conséquence aux caisses d'épargne d'arbitrer
entre la rémunération des sociétaires et
l'intérêt général, dans un sens qui n'affecte pas
leur solidité financière.
C'est bien également le souhait de M. Raymond Douyère
lorsqu'il écrit :
" Bien entendu, ne seraient ainsi affectés [à des
missions d'intérêt général] que les sommes
dégagées après la mise en réserve des
résultats pour le développement et la modernisation, le
provisionnement et la rémunération des
sociétaires. "
On notera que sans y être contraintes par la loi, les caisses
d'épargne pourront avoir intérêt à consacrer des
sommes conséquentes à l'intérêt
général dès lors qu'elles choisissent d'exploiter cet
argument à des fins promotionnelles et commerciales.
Enfin, votre commission vous proposera d'
assurer la transparence du
dividende social
en prévoyant que tous les projets d'économie
locale et sociale financés par les caisses font l'objet d'un document
détaillé annexé au rapport annuel de la CNCEP. Un tel
amendement vise notamment à éviter toute dérive
clientéliste.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article ainsi modifié.
ARTICLE 7
L'obligation de centralisation des
fonds
collectés sur le livret A
Commentaire : Le présent article rappelle le
caractère obligatoire de la centralisation des sommes
déposées sur le premier livret des caisses d'épargne
à la Caisse des dépôts et consignations et réaffirme
que ces fonds bénéficient de la garantie de l'Etat.
En soulignant que les dépôts collectés sur le livret A
doivent être automatiquement centralisés auprès de la
Caisse des dépôts, le présent article vise à
prémunir le réseau des caisses d'épargne contre toute
contestation de la Commission européenne sur le caractère d'aide
publique de la distribution duopolistique du livret A par les caisses
d'épargne.
Il rappelle en effet que les caisses d'épargne n'ont pas la
maîtrise de l'utilisation des fonds collectés sur ce livret. Elles
ne sont que prestataires de service et sont rémunérées
à ce titre au moyen d'une commission égale à 1,2 % de
l'encours collecté
22(
*
)
. Cette commission s'est
élevée à 4,9 milliards de francs en 1997, soit 17 %
du produit net bancaire consolidé du réseau. En 1998, ce
commissionnement atteindrait 5,03 milliards de francs, soit 18,4 % du PNB
du réseau.
C'est la Caisse des dépôts et consignations qui assure la gestion
et la transformation des fonds ainsi collectés en prêts à
longue durée et à taux privilégiés, au
bénéfice de secteurs prioritaires désignés par
l'Etat.
Il reste que le monopole de distribution du livret A partagé entre la
Poste et les caisses d'épargne peut être contesté. Les
banques commerciales affirment être en mesure d'assurer la distribution
de ce produit à un coût moins élevé.
On notera que le gouvernement écrit dans l'exposé des motifs que
le présent article reprend les dispositions de la loi du 1
er
juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne. Or, l'article
6 de cette loi est en même temps moins précis (il ne mentionne pas
le premier livret des caisses d'épargne) et plus large (il traite de
tous les fonds collectés par les caisses d'épargne). Il classe
les fonds collectés par les caisses d'épargne en trois
catégories en fonction du type de garantie dont ils
bénéficient :
- les fonds bénéficiant de la catégorie de l'Etat dont les
emplois sont inscrits au bilan de la caisse des dépôts et
consignations ;
- les fonds bénéficiant d'une garantie de la caisse des
dépôts et consignations sont affectés au financement
d'emplois dont les règles sont arrêtées contractuellement
entre la caisse des dépôts et consignations et le centre national
des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) ;
- les fonds bénéficiant de la seule garantie du fonds de
réserve et de garantie prévu par l'article 4 de la loi
précitée, sont affectés au financement d'emplois dont les
règles sont définies au sein du CENCEP.
Il convient d'observer par ailleurs que
le présent article met fin au
régime particulier dont bénéficiaient les caisses
d'épargne d'Alsace et de Lorraine Nord
, en application du titre II
du décret n° 85-624 du 20 juin 1985 relatif à
l'organisation financière du réseau des caisses d'épargne,
ce qui a conduit au dépôt de nombreux amendements à
l'Assemblée nationale.
Ce régime est en effet hautement contestable d'un point de vue
communautaire. Il permet aux caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine
Nord de disposer de 50 % des encours collectés sur le livret A pour
adosser des prêts qu'elles consentent, par dérogation au droit
commun selon lequel les encours collectés sur le premier livret doivent
être centralisés auprès de la Caisse des
dépôts et consignations.
Les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine Nord
bénéficient ainsi d'un droit de tirage à 3,75 % sur
la moitié de l'encours des dépôts collectés sur le
livret A centralisé auprès de la Caisse des dépôts
et consignations (encours qui s'élevaient à 17 milliards de
francs au 1
er
janvier 1999), après avoir reçu, au
titre de la collecte, une rémunération de 3,82 %
(rémunération de 0,75 % plus effet quinzaine). Ce droit de
tirage est essentiellement utilisé sous forme de prêts aux
collectivités locales.
De plus, ces caisses bénéficient d'un régime
d'intéressement plus favorable que les autres caisses du réseau
qui les conduit quasi systématiquement à bénéficier
d'une prime de 0,05 % des encours, soit 8,5 millions de francs par an,
alors que pour les autres caisses, cet intéressement est modulable.
Il est légitime de mettre fin à un régime
dérogatoire qui aurait pu entraîner la condamnation par la
Commission européenne du réseau des Caisses d'épargne tout
entier. Le Crédit mutuel a ainsi du supprimer le régime de
" libre-emploi " des fonds collectés sur le livret bleu
après que la Commission européenne l'eût remis en cause.
Ces fonds sont aujourd'hui totalement centralisés à la Caisse des
dépôts et consignations.
Cette normalisation ne devrait pas avoir d'impact financier pour les caisses
d'épargne d'Alsace et de Moselle. Elles recevront en effet un
commissionnement de collecte sur les encours de livret A équivalent
à celui perçu par les autres caisses d'épargne ce qui
devrait compenser les effets financiers de cette évolution.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 7
Fixation
des
taux administrés
Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de modifier les conditions de révision des taux administrés.
I. UN
PROCESSUS D'ENCADREMENT DU TAUX DU LIVRET A CLAIREMENT ANNONCÉ MAIS NON
MIS EN OEUVRE
A. LES ANNONCES DU GOUVERNEMENT
Le 5 juin 1998, le gouvernement annonçait une diminution des taux
réglementés :
- les taux de rémunération des livrets A, des comptes pour le
développement industriel (Codevi) et du livret bleu du Crédit
mutuel étaient portés à 3% à compter du 15 juin
1998.
- la rémunération des comptes épargne-logement
était ramenée à 2% et celle des plans
d'épargne-logement fixée à 4% pour les plans ouverts
à compter du 9 juin 1998.
- enfin, le taux du livret jeune pouvait désormais être librement
fixé (sans être inférieur toutefois au taux du livret A) et
il était mis fin à la fixation réglementaire des livrets
fiscalisés.
Parallèlement à cette diminution était
créé
un comité consultatif des taux
réglementés
, "
chargé de veiller à
l'équilibre entre la juste rémunération de
l'épargne populaire et un financement efficace du logement social et des
PME, pour que le malaise qui existait jusqu'à présent ne se
reproduise pas à l'avenir
".
Enfin, le communiqué de presse ne laissait aucun doute sur les
évolutions à venir du livret A,
en indiquant que le taux du
livret A évoluerait désormais entre :
- un
plancher
fondé sur une garantie de progression du pouvoir
d'achat, c'est-à-dire que le taux du livret A resterait supérieur
d'au moins 1% à l'inflation ;
- un
plafond
déterminé par les taux courts de
marché minorés de 0,5%.
B. DES ANNONCES DÉMENTIES DANS LES FAITS
Les deux innovations majeures annoncées le 5 juin 1998 n'ont pas tenu
leurs promesses.
L'avis du Comité consultatif des taux réglementés
,
pourtant présenté comme l'organisme chargé de veiller
à "
l'équilibre entre la juste rémunération de
l'épargne populaire et un financement efficace du logement social et des
PME",
n'a pas été suivi d'effets
.
Réuni le 23 mars dernier sous la présidence de M.
André Babeau, le comité a notamment recommandé que le taux
d'intérêt des livrets d'épargne à vue pouvant
être ouverts sans conditions de ressources (c'est-à-dire le livret
A des caisses d'épargne et de La Poste, le Codevi, le livret bleu du
Crédit mutuel et le livret d'épargne populaire) soit
abaissé de 0,75 point.
Par un communiqué en date du 30 mars, M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, a décidé
"
dans l'attente d'une confirmation des évolutions conjoncturelles et
monétaires, (..) de ne pas suivre la recommandation du Comité
afin de préserver la rémunération de l'épargne
populaire
".
Ce refus de suivre l'avis du Comité consultatif des taux
réglementés contredit également l'objet de la
réforme annoncée à l'été 1998
, qui
consistait à faire varier le taux du livret A entre un taux plancher
(l'inflation +1%) et un taux plafond (les taux courts de marché
minorés de 0,5%).
En effet, une étude récente publiée dans la lettre de
conjoncture de la Banque nationale de Paris montrait que si l'on prenait comme
référence des taux courts le Pibor (ou Euribor) 1 mois (3,23% en
janvier 1998), sachant que l'indice des prix à la consommation s'est
établi à 0,3% à la fin novembre 1998, la
rémunération du livret A devrait être comprise entre 1,3%
et 2,73%. Le taux actuel du livret A (3%) est donc en dehors du corridor.
II. INSCRIRE DANS LA LOI LA RÉVISION PÉRIODIQUE DES TAUX
ADMINISTRÉS ET UN ENCADREMENT DU TAUX DU LIVRET A
La commission des finances du Sénat s'est depuis longtemps
préoccupée du problème de la révision des taux
réglementés.
Depuis de nombreuses années maintenant, le Sénat, et sa
commission des finances, plaident en faveur d'une allocation plus optimale des
ressources de l'épargne.
La commission a toujours souhaité que la révision des taux
réglementés soit périodique
, afin d'éviter les
perturbations créées par des révisions inopinées et
irrégulières du taux.
En mars 1996, le Sénat avait ainsi voté à
l'unanimité un amendement imposant au gouvernement l'obligation de
déterminer, au moins une fois par an, les taux de l'épargne
administrée.
En avril 1997, M. Alain Lambert, alors rapporteur général de la
commission des finances, M. Paul Loridant, et votre rapporteur, avaient
déposé une proposition de loi n°301 relative à la
détermination des taux d'intérêt de l'épargne
administrée. Cette proposition de loi imposait une révision
semestrielle des taux réglementés par décision du
Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF).
Aujourd'hui, la commission constate qu'il est plus que temps de
réactiver ce dispositif, afin de sortir du blocage créé
par la force symbolique, et politique, attachée à toute
révision des taux, fusse-t-elle recommandée par un comité
d'experts indépendants.
En outre, ce dispositif pourra être enrichi d'un mécanisme
d'indexation, que le Sénat suggérait déjà en avril
1997, et que le gouvernement avait très bien précisé en
juin 1998, sans pour autant le mettre en oeuvre aujourd'hui.
Votre rapporteur vous propose donc d'adopter le présent article
additionnel, imposant une révision semestrielle des taux
réglementés par arrêté du ministre chargé de
l'Economie et des finances et fixant un encadrement du taux du livret A et des
livrets qui lui sont attachés correspondant au dispositif annoncé
en juin 1998.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article additionnel.