II. UNE COOPÉRATION AMBITIEUSE QUI S'APPUIE SUR LE PROGRAMME TACIS D'ASSISTANCE TECHNIQUE
A. UNE COOPÉRATION TRÈS AMBITIEUSE
Formellement, l'essentiel de chacun des trois accords porte sur un important dispositif de coopération (38 articles sur 105), en particulier sur la coopération économique. Sur le plan des ressources financières nécessaires à l'assistance technique destinée à mettre en oeuvre ces coopérations, c'est le programme européen TACIS (Technical Assistance to the Community of the Independant Strates), qui est prioritairement sollicité.
1. La coopération en matière législative
Elle se
donne pour objectif de faire évoluer progressivement les
législations de chacun des quatre partenaires vers
une meilleure
compatibilité avec la législation communautaire
.
Ce rapprochement législatif sera opéré dans plusieurs
domaines, notamment la législation douanière, le droit des
sociétés, le droit bancaire, la comptabilité et la
fiscalité des entreprises, ainsi que les législations protectrice
des travailleurs sur leur lieu de travail ou encore les règles de
concurrence ou de marchés publics.
Cette coopération peut revêtir plusieurs formes :
- l'échange d'experts
- la fourniture d'informations
- l'organisation de séminaires
- des activités de formation
- l'aide à la traduction.
Les lacunes juridiques des pays de l'ex-URSS sont en effet assez lourdes pour
justifier une coopération destinée à les aider à
mettre en place, dans de nombreux domaines, un cadre légal sûr
sans lequel les progrès économiques ne sont guère
possibles, surtout dans un environnement commercial et financier de plus en
plus mondialisé. Même si ces pays n'ont aucune vocation à
adhérer à l'Union européenne et donc à calquer
exactement leurs législations sur celles des pays de l'Union, il va de
soi qu'au minimum, la compatibilité entre ces législations est le
gage d'une coopération élargie qui en sera d'autant plus
facilitée à l'avenir entre l'Union et ces partenaires.
2. La coopération économique
En cette
matière, l'objectif des accords est de
"contribuer au processus de
réforme et de redressement économiques et au développement
durable"
des républiques partenaires. Dans ce cadre, les politiques
visent à aboutir à des réformes de structures s'inspirant
des
principes "de durabilité et de développement
harmonieux",
intégrant en outre
"pleinement des
considérations relatives à l'environnement".
Les domaines de cette coopération sont extrêmement divers et
nombreux. Peut-être trop divers et trop nombreux si l'on
considère, selon la théorie souvent vérifiée du
"qui trop embrasse mal étreint", qu'une hiérarchisation dans les
priorités, retenant certaines urgences dotées de financements
adaptés serait préférable à ce qui a pu être
qualifié "d'inventaire à la Prévert"
2(
*
)
.
Toutefois, le champ des réformes à engager est vaste. On peut
reconnaître à ces accords le mérite d'en recenser le
périmètre, à charge, dans leur mise en oeuvre, de
procéder à une planification des actions.
Précisément, le champ de la coopération économique
entre Bruxelles et les quatre pays partenaires recouvre les domaines suivants :
- l'échange de biens et services,
- la coopération industrielle,
- la promotion et la coopération des investissements,
- les marchés publics,
- les normes et l'évaluation de la conformité,
- le secteur minier et les matières premières,
- la science et la technologie,
- l'éducation et la formation,
- l'agriculture et le secteur agro-industriel,
- l'énergie,
- l'environnement et la santé humaine,
- les transports,
- les services postaux et les télécommunications,
- les services financiers et les institutions fiscales,
- la restructuration et la privatisation des entreprises,
- le développement régional,
- la coopération dans le domaine social,
- le tourisme,
- les petites et moyennes entreprises,
- l'information et la communication,
- la protection des consommateurs,
- les douanes,
- la coopération dans le domaine statistique,
- la science économique.
Par delà ces intitulés et ces domaines communs, chaque accord
présente certaines spécificités, au demeurant mineures,
singulièrement celui relatif à l'Ouzbékistan par rapport
aux trois autres.
- Ainsi, en matière de
coopération industrielle
, les
domaines concernés s'étendent à la reconversion des
industries de l'armement pour la Géorgie et l'Ouzbékistan et
à la formation du personnel de direction (Ouzbékistan) ;
- dans le secteur de la
science et de la technologie
, l'accord avec
l'Azerbaïdjan ne mentionne pas le "redéploiement des scientifiques,
ingénieurs, chercheurs et techniciens qui participent ou ont
participé à la recherche et/ou à la production d'armes de
destruction massive" ;
- dans le domaine de
l'environnement
, l'accord avec l'Ouzbékistan
comporte, outre des dispositions communes aux autres accords, une
référence expresse à la santé et à une
coopération en vue de la prévention des maladies infectieuses
ainsi que la protection des mères et des jeunes enfants ;
- en matière de
transports
, l'accord avec l'Ouzbékistan
fait également porter la coopération sur les réseaux de
transports urbains de passagers,
- pour la
restructuration et la privatisation des entreprises
: l'accord
avec l'Ouzbékistan met plutôt l'accent sur la promotion des
investissements communautaires (aide à la création de fonds
d'investissements) alors que l'accord avec l'Azerbaïdjan pose
également l'objectif de revitalisation de l'économie nationale et
le développement des relations entre Bakou et l'Union européenne.
Dans ce dernier cas, l'assistance technique devra notamment porter sur
l'établissement d'une banque de données des entreprises, la
constitution en sociétés d'entreprises, la privatisation de masse
(et, pour les entreprises ne s'y prêtant pas, le développement des
ventes par appels d'offres). Les accords Arménie et Géorgie
excluent ce chapitre ;
- s'agissant de la
science économique,
pour l'Ouzbékistan,
l'assistance technique devra également porter sur l'élaboration
de modèles économiques.
3. Les autres domaines de coopération
Trois
autres secteurs font l'objet d'une coopération spécifique. Ainsi
de la
coopération culturelle
, objet d'ailleurs d'une
différenciation entre les quatre partenaires : les échanges
d'expériences dans le domaine du patrimoine et les échanges
culturels sont explicitement développés dans les accords avec
l'Azerbaïdjan et l'Arménie, celle-ci ayant par ailleurs
ajouté la traduction d'oeuvres littéraires.
La
démocratie et les droits de l'homme
font également
l'objet d'une coopération notamment pour la rédaction et la mise
en oeuvre de législations, le fonctionnement des institutions
judiciaires, le rôle de l'Etat dans les questions de justice et le
fonctionnement électoral. Tous domaines où, en effet,
l'écart de culture avec la Communauté est, dans certains cas,
très important.
Enfin un titre spécifique de chacun des accords est consacré
à la
coopération dans le domaine de la prévention des
activités illégales
et du
contrôle de l'immigration
clandestine
.
La lutte contre la corruption, contre le trafic de déchets industriels,
contre la contrefaçon offrent en effet, avec la prévention du
blanchiment d'argent et la lutte contre la drogue, un champ substantiel
à la coopération.
B. LA MISE EN OEUVRE DES ACCORDS : LE RÔLE CENTRAL DE L'ASSISTANCE TECHNIQUE À TRAVERS LE PROGRAMME TACIS
Chacun des quatre accords prévoit, dans un titre spécifique relatif à la coopération financière en matière d'assistance technique le bénéfice, pour les pays partenaires, "d'une assistance financière temporaire (...) accordée par la Communauté par le biais d'une assistance technique sous forme de dotation". "Cette assistance financière", est-il poursuivi, "est couverte par les mesures prévues dans le cadre du programme Tacis (...)".
1. Le programme TACIS
Créé en 1991, le programme est régi par le
règlement communautaire TACIS, adopté le 25 juin 1996. Il accorde
à l'Union européenne une enveloppe budgétaire de 2 224
Mécus sur quatre ans (1er janvier 1996-31 décembre 1999).
Ce programme revêt principalement la forme d'une
assistance technique
aux réformes économiques en cours
et couvre les frais
raisonnables de fournitures nécessaires à la mise en oeuvre de
cette assistance. Les crédits peuvent être affectés aux
investissements dans les infrastructures transfrontalières et aux prises
de participation dans les petites et moyennes entreprises favorisant ainsi la
coopération industrielle et la création d'entreprises conjointes.
La dotation pour ces dernières activités est limitée
à 10 %.
Aux priorités anciennes -développement des ressources humaines,
restructuration et développement des entreprises, infrastructures de
transport et de télécommunications, énergie, y compris la
sécurité nucléaire, agriculture et industrie
agro-alimentaire-, s'ajoute désormais l'environnement.
Les projets dans ce secteur sont cependant limités au renforcement
institutionnel, à la législation et à la formation.
Avec 3,2 milliards d'écus engagés entre 1991 et 1997, TACIS fait
de l'Union européenne le premier fournisseur d'assistance technique
à l'ex-URSS : 36,5 % de l'assistance technique totale entre 1991 et
1995, la Russie ayant bénéficié de 33 % de cette dotation.
A ce titre la France a contribué, entre 1991 et 1998, à hauteur
de 450 millions d'écus.
Par pays bénéficiaire, les fonds engagés depuis 1991 se
présentent comme suit :
Pays |
Montants (Mécus) |
Russie |
1 061 |
Ukraine |
363 |
Kazakhstan |
95 |
Ouzbékistan |
74 |
Bélarus |
52 |
Azerbaïdjan |
51 |
Géorgie |
50 |
Arménie |
49 |
Moldavie |
47 |
Kirghizistan |
41 |
Turkménistan |
33 |
Mongolie |
18 |
Tadjikistan |
13 |
Total |
1 947 |
Pour la période 1991-1997, la répartition des fonds par secteur a été la suivante :
Secteurs |
Montants (Mécus) |
Sûreté nucléaire et environnement |
654 |
Réforme de l'administration publique, services sociaux et éducation |
502 |
Restructuration des entreprises et développement du secteur privé |
466 |
Energie |
319 |
Agriculture |
308 |
Transports et télécommunications |
280 |
Conseil en matière politique et petits projets |
198 |
Autres |
211 |
Soutien et coordination de programmes |
361 |
Total |
3 299 |
Un
certain nombre de critiques ont été portées sur le
programme TACIS et notamment sur sa gestion fondée sur les appels
d'offres publics : manque de transparence, procédures longues, gestion
lourde. Son intérêt pour les pays bénéficiaires est
cependant indéniable et une évaluation réalisée
à la demande de la Commission démontre que 71 % des projets
auraient atteint les objectifs fixés, 87 % des projets ayant
été considérés comme bien "ciblés" sur les
besoins des bénéficiaires.
En réalité, une large part des problèmes provient des pays
bénéficiaires eux-mêmes du fait des difficultés
à y identifier non seulement les priorités mais également
les interlocuteurs et les institutions concernées.
On notera également que la Commission a progressivement mis l'accent sur
les programmes régionaux et transfrontaliers, à la fois pour
soutenir l'intégration régionale et pour favoriser les grands
réseaux transeuropéens, à travers divers programmes :
transfrontalier (15 Mécus par an), TRACECA pour les réseaux de
transport (10 Mécus par an), INOGATE pour les gazoducs et
oléoducs (12 Mécus par an) et sûreté
nucléaire (80 Mécus en 1996).
La France s'est par ailleurs, à plusieurs reprises, élevée
contre le recours systématique et exclusif à la langue anglaise
dans l'instruction des dossiers qui, en dépit des observations
formulées, demeure patent.
Pour autant notre pays bénéficie, en regard des sommes
consacrées à TACIS, d'un taux de retour satisfaisant. En
pourcentage des contrats reçus rapporté à la clé
budgétaire (17,7 % pour la France en 1997), la France est assez
honorablement placée : pour 100 francs versés au budget TACIS,
elle en retire 96 au titre des contrats reçus, soit derrière la
Belgique (294), le Royaume-Uni (112), mais loin devant l'Allemagne (57 francs).
Secteur par secteur, notre pays est en première position dans les
domaines de l'énergie, de l'agro-alimentaire et des ressources humaines.
L'Allemagne garde en revanche de l'avance dans la sûreté
nucléaire, les transports et les télécommunications.
On peut rappeler également que le Sénat français a
été retenu comme chef de file du programme TACIS de renforcement
des capacités d'action de l'administration du Parlement
géorgien.
2. Le bénéfice de TACIS pour les quatre pays partenaires
Depuis
le lancement du programme en 1991, l'Ouzbékistan a reçu, au titre
de TACIS, 73,5 millions d'écus, l'Arménie 48,85 Mécus,
l'Azerbaïdjan 50,9 Mécus et la Géorgie 49,96 Mécus.
Sur les cinq dernières années, la répartition des fonds
par grands secteurs et par pays se présente comme suit :
Secteur |
Arménie |
Géorgie |
Azerbaïdjan |
Ouzbékistan |
Sécurité nucléaire |
0 |
0 |
0 |
0 |
Restructuration des entreprises publiques et développement du secteur privé |
10 |
10,35 |
5,4 |
5,35 |
Réforme de l'Administration publique, services sociaux et éducation |
5,3 |
4,6 |
3,1 |
18,5 |
Agriculture |
0 |
1,8 |
0 |
11,95 |
Energie |
6,1 |
5,8 |
10,9 |
4,5 |
Transports |
0 |
0 |
0 |
0 |
Conseil en matière politique |
5,35 |
4,58 |
5,03 |
6 |
Télécommunications |
0 |
1 |
1 |
1,4 |
Autres |
10,25 |
7,87 |
12,57 |
5,3 |
Total |
37 |
36 |
38 |
53 |
Le
présent tableau ne tient pas compte des
programmes
régionaux
qui concernent l'ensemble des bénéficiaires
de TACIS. Outre les sommes reçues par l'Ouzbékistan au titre de
TACIS depuis 1991, il faut noter le prêt de 129 millions
d'écus qui correspond à la part ouzbèke des 1 250
Mécus alloués à l'ex-URSS en 1992.
Le
secteur des transports
, pour lequel aucun crédit n'est inscrit
dans le tableau ci-dessus, est couvert par le programme régional TRACECA
(Transport corridor Europe Caucasus-Asia). Ce corridor Europe-Asie a
été lancé en 1993 par les bénéficiaires du
projet -les trois pays du Caucase et les cinq Républiques d'Asie
centrale-, l'Union européenne et d'autres Etats intéressés
(Etats-Unis, Iran), et un accord multilatéral de transport international
a été signé entre les pays bénéficiaires de
TRACECA (sauf la Mongolie et le Turkménistan). Le programme est
doté d'un budget total de 28 millions d'Ecus.
Il en va de même dans le
secteur de l'énergie
et plus
particulièrement du transport des oléoducs et gazoducs, qui
bénéficie d'un programme spécifique dit INOGATE
(Inter-State Oil and Gas to Europe), doté d'une enveloppe de 50 millions
d'écus pour 1996-1999. Ce programme réunit 11 participants (les
trois du Caucase, les cinq d'Asie centrale, l'Ukraine, la Biélorussie et
la Moldavie), et, comme observateur les Quinze, la Russie, la Turquie et les
Pays d'Europe centrale et orientale. Les projets engagés dans le cadre
de ce programme s'articulent autour des orientations suivantes :
- études de faisabilité de la construction d'oléoducs et
de gazoducs transcaspiens,
- audits pour la rénovatin des réseaux de transport
pétroliers et gaziers dans la CEI,
- assistance à la mise en place d'un cadre institutionnel sur le
transport et le transit d'hydrocarbure et favorisant la coopération
régionale,
- évaluation des investissements prioritaires potentiels dans les zones
sensibles, en termes d'environnement, de santé publique et de
sécurité.
Il existe enfin un programme TACIS, spécifiquement destiné
à la
sûreté nucléaire
. Outre la Russie,
l'Ukraine et le Kazakhstan, l'
Arménie
-qui connaît des
difficultés avec sa centrale d'Oktemberian-, fait partie des
bénéficiaires de fonds. Elle a ainsi
bénéficié d'un total de 11,5 millions d'écus
d'engagements en 1996 et 1997 -soit 2 % du total des engagements TACIS sur
ce domaine sensible.