N°
127
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Affaires étrangères, de la défense et
des forces armées (1) sur :
- le projet de loi autorisant la ratification de l'
accord de partenariat
et de coopération
entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et la
République
d'Azerbaïdjan
, d'autre part,
- le projet de loi autorisant la ratification de l'
accord de partenariat
et de coopération
entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et la
République
d'Ouzbékistan
, d'autre part,
- le projet de loi autorisant la ratification de l'
accord de partenariat
et de coopération
entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et la
République
d'Arménie
, d'autre part,
- le projet de loi autorisant la ratification de l'
accord de partenariat
et de coopération
entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et la
Géorgie
, d'autre
part,
Par M.
André DULAIT,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir les numéros
:
Sénat
:
561
,
562
,
563
et
564
(1997-1998).
Traités et conventions.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi de quatre projets de loi autorisant la ratification
d'accords de partenariat et de coopération conclus entre, d'une part,
les Communautés européennes et leurs Etats membres et, d'autre
part, quatre Etats membres de la Communauté des Etats
Indépendants : trois Etats du Caucase, Arménie, Azerbaïdjan,
Géorgie et un pays d'Asie centrale, l'Ouzbékistan.
Ces accords ont pour vocation à se substituer à l'Accord de
coopération économique et commerciale qui avait été
conclu, en 1989, entre la Communauté européenne et l'Union
soviétique. Prenant compte des modifications intervenues depuis, les
accords proposent d'instaurer entre l'Union et chacun des quatre partenaires un
dispositif rénové et adapté favorisant le
dialogue
politique, les échanges commerciaux et, surtout, l'assistance technique
destinée à mettre en oeuvre une coopération dans des
domaines très variés
.
A travers ce partenariat, l'Union se propose d'aider ces pays à
consolider -ou parfois amorcer- leur démocratisation, leur transition
vers l'économie de marché et leur insertion dans
l'économie mondiale.
Les accords de partenariat et de coopération ont cette
particularité d'être des
accords mixtes
, comprenant des
dispositions qui relèvent des
compétences nationales
(dialogue politique, droit d'établissement ...), et des stipulations de
compétence communautaire
(clauses commerciales). Ils doivent donc
être ratifiés par chacun des Etats membres, ce qui est le cas
désormais pour douze d'entre eux.
Après une présentation générale des dispositions
contenues dans les accords, votre rapporteur rappellera brièvement les
caractéristiques politiques et économiques de chacun des quatre
Etats partenaires.
I. LE CADRE GÉNÉRAL DES ACCORDS DE PARTENARIAT ET DE COOPÉRATION
A. DES ACCORDS D'UN TYPE NOUVEAU ADAPTÉS AUX SPÉCIFICITÉS RÉGIONALES
1. Des accords européens d'une nouvelle génération
Les
présents accords de partenariat et de coopération sont la
conséquence des négociations engagées par la Commission,
après 1991, avec les Etats issus de l'Union soviétique afin de
redéfinir l'accord de commerce conclu en 1989 entre Moscou et Bruxelles
et que l'éclatement, puis la dissolution de l'URSS, n'ont pas permis de
mener à bien. L'Union européenne a donc adopté, le 5
octobre 1992, les directives de négociations devant mener à la
conclusion des accords conclus avec les Républiques de la CEI, et
présentement soumis à notre examen.
Déjà six accords de ce type ont été conclus par
l'Union, avec la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizistan
et la Biélorussie. A l'exception de celui passé avec ce dernier
pays -du fait d'une évolution politique à rebours de l'Etat de
droit- les autres accords ont été ratifiés par la France,
mais ceux conclus avec le Kirghizistan et le Kazakhstan ne sont toutefois pas
encore entrés en vigueur, à la différence des trois autres
(Russie depuis le 1er décembre 1997, Ukraine depuis le 1er mars 1998 et
Moldavie depuis le 1er juillet 1998).
Ces accords de partenariat et de coopération sont des accords d'un
nouveau type que l'Union européenne a passés avec ces pays dans
le cadre de ses compétences en matière de relations
extérieures. En effet ils se distinguent en premier lieu des
accords
d'association
passés avec les pays d'Europe centrale, orientale et
baltique. Tout d'abord en ce qu'il est reconnu à ces derniers pays une
vocation à l'adhésion à l'Union,
ce qui n'est pas le
cas pour les pays signataires des accords de partenariat et de
coopération ; ensuite parce que l'établissement d'une zone de
libre échange entre ces derniers pays et l'Union n'est pas
prévu
. Une deuxième différence, en second lieu, les
distingue des accords
euro-méditerranéens
qui
prévoient, pour leur part, un dispositif commercial
préférentiel.
Des singularités séparent les accords de partenariat et de
coopération eux-mêmes. Par delà celles qui concernent les
dispositions de chacun des présents accords soumis à notre
examen, on relèvera que les accords conclus avec la Russie, l'Ukraine et
la Moldavie prévoient une "clause de rendez-vous" -en 1998-, sur
l'opportunité d'envisager la création d'une zone de
libre-échange entre l'Union et ces pays, ce que les accords que nous
examinons aujourd'hui ne prévoient pas.
2. Des objectifs généraux similaires mais qui laissent une place aux spécificités régionales
S'agissant des objectifs globalement assignés à
chacun
des quatre accords, on remarquera que l'Union s'est efforcée de donner
une grande similitude entre les trois accords conclus avec les trois pays de
Transcaucasie -Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie-, par rapport
à celui passé avec l'Ouzbékistan, même si dans leurs
grandes lignes, ces quatre accords restent très proches.
Pour chacun des trois
Etats du Caucase
, l'article premier des accords
énumère quatre objectifs essentiels :
- fournir un cadre approprié au dialogue politique de ces pays avec
l'Union,
- soutenir leurs efforts pour consolider leur démocratie,
développer leur économie et mener à son terme leur
processus de transition vers une économie de marché,
- promouvoir les échanges et les investissements entre ces pays et
l'Union,
- jeter les bases d'une coopération dans de très nombreux
domaines.
L'accord avec l'
Ouzbékistan
fait figurer deux objectifs
spécifiques additionnels :
- soutenir son indépendance et sa souveraineté,
- aider à l'édification, dans ce pays, d'une
société civile fondée sur le principe de l'Etat de droit.
Sur ce dernier point, les trois autres accords ne diffèrent cependant
pas fondamentalement de celui relatif à l'Ouzbékistan : ils
comportent tous une
clause appelant (articles 2 des accords), au respect de
la démocratie et des droits de l'homme
consacrés par les
conventions internationales pertinentes (ONU et OSCE). La combinaison de cette
disposition avec un article spécifique de chacun des accords et une
déclaration commune le concernant permet
de suspendre l'application
des traités en cas de violation des droits de l'homme
considérés, à juste titre, comme des
"éléments essentiels" de leur dispositif.
La mention additionnelle inscrite dans l'accord Ouzbékistan
démontre cependant l'attention portée par l'Union à la
mise en place d'Etats démocratiques en Asie centrale en
général, à commencer par l'Ouzbékistan même,
dont la nature actuelle du régime le place très en
deçà des standards démocratiques.
De même, l'approche régionale a été
privilégiée par la Commission à l'égard des trois
pays du Caucase dont
deux d'entre eux, l'Arménie et
l'Azerbaïdjan, sont en conflit depuis plusieurs années
.
C'est pourquoi le préambule des trois accords conclus avec les pays du
Caucase affiche l'ambition d'
"encourager
le processus de
coopération régionale"
dans les différents domaines
couverts,
"en vue de promouvoir la prospérité et la
stabilité de la région visant à favoriser la
coopération et la confiance mutuelle entre les Etats indépendants
de Transcaucasie et d'autres Etats voisins".
De même est-il attendu du dialogue politique mis en place entre l'Union
et chacun des trois pays
"une plus grande convergence des positions sur les
questions internationales (...) augmentant ainsi la sécurité et
la stabilité dans la région et favorisant le développement
futur des Etats indépendants de Transcaucasie".
B. UN CHAMP D'APPLICATION ELARGI
1. Le dialogue politique institutionnalisé, fondé sur la démocratisation des partenaires, vise à créer de nouvelles formes de coopération
Sous
réserve des objectifs spécifiques assignés pour tel ou tel
des pays partenaires et que votre rapporteur a déjà
mentionnés, le dialogue politique fait l'objet d'une
institutionnalisation, très similaire entre les quatre accords.
Chacun des accords crée un
Conseil de coopération
à
l'échelon ministériel, qui se réunit une fois par an et
est chargé de la mise en oeuvre de ses dispositions.
Pour l'assister est créé un
comité de
coopération
composé de hauts fonctionnaires
représentant l'Union d'une part, et chacun des Etats parties d'autre
part. De fait, les autres procédures et mécanismes mis en place
pour le dialogue politique font appel à des réunions
régulières de hauts fonctionnaires comme à la
"pleine
utilisation des voies diplomatiques"
et à tous autres moyens tels
que les réunions d'experts.
Enfin les accords instituent une
commission parlementaire de
coopération
réunissant des membres des parlements de chacun
des pays partenaires et ceux du Parlement européen au sein de laquelle
ils
"se rencontrent et échangent leurs vues"
, selon une
périodicité qu'elle détermine.
2. Des échanges commerciaux fondés sur la clause de la nation la plus favorisée
Dans le
domaine des échanges commerciaux, les accords de partenariat et de
coopération n'entendent pas établir des relations
préférentielles, comme c'est le cas des accords d'association ou
des accords euroméditerranéens. Le principe de base est celui de
l'octroi du bénéfice de la nation la plus favorisée, ce
qui est au demeurant le
modus vivendi
habituel du commerce international
pour les Etats parties à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les
pays partenaires n'en étant qu'au stade des négociations en vue
de leur adhésion future à l'OMC, ces accords ont donc un
objectif de préparation, en quelque sorte pédagogique,
des
économies partenaires des pays à ce rendez-vous prochain,
essentiel pour eux.
Cela étant, les textes prévoient que, par dérogation et
pendant une période allant jusqu'au 31 décembre 1998, les pays
partenaires ne sont pas obligés d'étendre à l'Union -par
l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée-, les avantages
commerciaux qu'ils se sont accordés entre eux dans le cadre de la CEI.
De même l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée
n'affecte pas et n'affectera pas -comme dans le cadre de l'OMC- les avantages
commerciaux que les Etats de l'Union se sont octroyés dans le cadre de
la constitution de la Communauté européenne où qu'ils ont
accordés à des pays en développement (accords de
Lomé).
En application de ce dispositif commercial, déjà entré en
vigueur par voie d'accords intérimaires
1(
*
)
, les parties
s'interdisent toute
restriction quantitative aux échanges
, à l'exception des
produits textiles, qui font l'objet d'un accord séparé conclu en
1995, et des produits couverts par la Communauté européenne du
charbon et de l'acier (CECA).
Par ailleurs, des
mesures de sauvegarde
sont prévues -comme dans
le cadre de l'OMC-, qui permettent de recourir à des interdictions ou
restrictions d'importations, d'exportations ou de transit, sous réserve
que ces mesures ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une
restriction déguisée.
Les raisons qui peuvent justifier le recours à de telles mesures peuvent
relever de
"la moralité publique, de l'ordre public, de la
sécurité publique, de la protection de la santé et de la
vie des personnes ou des animaux".
De même est prise en compte la
volonté de protéger les ressources naturelles, les trésors
nationaux ayant une valeur artistique, historique ou
archéologique.
3. Droit d'établissement, emploi et circulation des capitaux
La
clause de la nation la plus favorisée -ou le traitement national si ce
dernier est plus favorable- s'applique également pour
l'établissement des sociétés
communautaires dans
l'un des pays partenaires et réciproquement.
Les accords encouragent également la libéralisation progressive
des
prestations transfrontalières de services
; ils invitent par
ailleurs les parties à autoriser entre leurs résidents tous les
paiements courants
liés à la circulation des marchandises,
des services et des personnes. Chacune des parties s'engage en outre, dans le
domaine de
l'emploi
,
à éviter toute discrimination
fondée sur la nationalité entre les ressortissants communautaires
légalement employés dans l'un des pays partenaires et
réciproquement, "en ce qui concerne les conditions de travail, de
rémunération ou de licenciement".
Enfin, chacun des partenaires s'engage à améliorer la protection
des
droits de propriété intellectuelle, industrielle et
commerciale
et d'atteindre, cinq ans après l'entrée en
vigueur de l'accord, un niveau de protection similaire à celui de la
Communauté.