B. L'ÉQUIPEMENT
Les
dépenses d'investissement sont les principales
bénéficiaires de l'augmentation des crédits de la
sécurité en 1999,
par rapport à 1998 : elles
progressent de 14,5% et s'établissent à 971 millions de francs.
Toutefois, il convient de rappeler que les dépenses d'équipement
ne représentent que 3,3% des crédits de la
sécurité, et que l'augmentation de 14,5% correspond à une
augmentation en volume de 122 millions de francs.
L'augmentation n'est pas également répartie entre les trois
postes de dépenses, l'immobilier, l'investissement lourd et les
transmissions. En outre, les taux d'évolution des crédits
recouvrent des réalités différentes.
Ainsi, s'il est
avéré que l'équipement lourd est le parent pauvre de ce
budget, l'augmentation limitée à 4% des dépenses
immobilières masque une politique habile de gestion du patrimoine,
tandis que la forte progression des dépenses consacrées aux
transmissions ne parvient pas à résoudre les difficultés
de ce secteur.
1. Une politique immobilière astucieuse
a) L'équipement immobilier
Le
"bleu" budgétaire, qu'il importe de manier avec précaution,
affiche une progression de 14% s'agissant des dépenses
d'équipement immobilier de la police nationale. Cette progression fait
suite à une baisse de 6,4% en 1998.
L'alternance de dotations en hausse et en baisse peut s'expliquer par le
caractère parfois chaotique de la réalisation de certaine
opérations, qui peut être source de reports de crédits ne
justifiant pas une dotation en progression dans la loi de finances suivantes.
Les réalisations ont été importantes en matière
immobilière depuis 1995
, et environ 250.000
mètres-carrés de surfaces bâties ont été
acquises ou réhabilitées. Une cinquantaine de bâtiments,
commissariats, hôtels de police ou écoles de polices, ont ainsi pu
être construits ou rénovés.
Pourtant, les besoins restent réels. Une dotation deux fois
supérieure à celle prévue pour 1999 serait
nécessaire pour traiter en même temps l'ensemble des installations
dont l'état légitimerait une intervention.
Face à la contrainte budgétaire, le ministère tente de
trouver des solutions innovantes
. Ainsi, les hôtels de police de
Lille, Lyon et Strasbourg seront financés selon un système de
location acquisitive, ce qui devrait permettre d'accélérer la
mise en service ces équipements. Pourtant, il semblerait que le
ministère de l'économie et des finances ne soit pas favorable au
recours aux options d'achats.
Par ailleurs, l'outil constitué par les programme zonaux de maintenance
immobilière (PZMI) est encouragé. Ces programmes consistent en la
délégation aux secrétaires généraux pour
l'administration de la police d'enveloppes leur permettant de prendre en charge
les travaux dont le montant est inférieur à 300.000 francs. Ce
système a été étendu à l'outre-mer en 1997,
et sera élargit en 1999, en fonction des besoins locaux.
Pour les années à venir, le ministère de
l'intérieur entend mener une
réflexion relative à
l'architecture et à la fonctionnalité des immeubles publics de la
police nationale, ainsi que sur leur positionnement dans la
ville.
b) Le logement des fonctionnaires de la police nationale
Deux
chapitres du budget du ministère de l'intérieur concernent le
logement des fonctionnaires :
- l'article 13 du chapitre 57-40 de l'équipement immobilier, dont la
dotation passe de 12 à 11 millions de francs en 1999 ;
- le chapitre 65-51 "
Contribution aux dépenses de construction de
logements destinés aux fonctionnaires
", en baisse de 22,4%.
Malgré ces taux de progression négatifs,
la politique du
ministère en faveur du logement de ses fonctionnaires est un
succès
. C'est même le seul domaine dans lequel l'objectif
fixé par la LOPS, 4.000 logements en cinq ans, a été non
seulement atteint, mais dépassé.
L'un des instruments principaux de ces succès n'est pas
budgétaire.
Il résulte d'une opération lancée
en 1994 par le ministère avec le concours de l'union nationale des
propriétaires immobiliers (UNPI), l'agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat (ANAH) et le crédit foncier de
France. Il tend à inciter les bailleurs privés à louer
leur logement à des fonctionnaires du ministère de
l'intérieur affectés en Ile-de-France. En contrepartie de loyers
inférieurs de 20 à 25% à ceux du marché, le
ministère garantit le paiement des loyers.
A ce jour, 1.415 baux ont été signés et le
ministère reçoit environ 200 offres de logement par mois, ce qui
témoigne de la confiance placée dans le ministère par les
bailleurs. Seuls trois défauts de paiement ont été
constatés. Il est envisagé d'étendre ce dispositif
à la région lyonnaise.
Le succès de ce dispositif neutre pour les finances publiques, qui
rappelle qu'une bonne mesure n'est pas forcément une mesure
dépensière, permet d'expliquer la baisse des crédits du
chapitre 65-51. Ces crédits, par lesquels
le ministère
participe à la construction de logements sociaux qu'il réserve
à ses fonctionnaires
, a permis de livrer 436 logements en 1996 et
422 en 1997. Pour 1998, la prévision est de 630 logements. Pour la
première fois, ce dispositif a été appliqué hors de
l'Ile-de-France en 1998 et 33 appartements ont été
réservés à Lyon.
De plus, le ministère de l'intérieur entend limiter la pratique
des réservations de logements sociaux, au profit d'une politique
d'
acquisition de patrimoine
. Toutefois, ce volet de la démarche
du ministère n'a pas encore concrétisé, le
ministère de l'intérieur estimant que les dotations successives
de l'article 13 du chapitre 57-40 restent insuffisantes.
2. L'équipement lourd négligé
L'équipement lourd de la police nationale, le parc des
véhicules en particulier, ne constitue pas l'une des priorités du
ministère de l'intérieur en matière budgétaire.
Malgré le renforcement des crédits d'entretien du
parc
automobile
prévu par la loi de finances rectificative pour 1998, il
a été indiqué à votre rapporteur que la dotation
prévue pour 1999, 70 millions de francs, en baisse de 6%, ne permettait
pas de prendre un an de retard supplémentaire sur les besoins de
renouvellement du parc.
Le besoin théorique de renouvellement du parc automobile est
estimé à 592,7 millions de francs.
3. ACROPOL et les transmissions : une impasse budgétaire
Les
données du problème auquel est confrontée la police
nationale en matière de transmissions sont connus : la France se dote
progressivement d'un système de transmission numérique
très performant mais très cher, mais, compte tenu du coût
de ce programme, son développement est lent, et le ministère de
l'intérieur est obligé de maintenir en état de marche le
matériel analogique obsolète qui équipe encore les forces
de police sur la majorité du territoire.
Les avantages du système transmission numérique ACROPOL,
présentés en détail par mon prédécesseur Guy
Cabanel dans son rapport sur les crédits de la sécurité
pour 1998, sont incontestables. Leurs mérites commencent d'ailleurs
à être
reconnus à l'étranger
. Ainsi, la norme
TETRAPOL développée par MATRA s'impose progressivement au niveau
européen, au détriment de sa concurrente TETRA. Plusieurs
contrats ont été conclus, en Roumanie, en Slovaquie et pour
l'équipement d'une base militaire de l'OTAN en Allemagne. La Suisse est
sur le point de l'adopter, ainsi que l'Espagne. TETRAPOL est d'ailleurs
déjà utilisée en Catalogne. Des contacts poussés
sont en cours avec l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne. A cet
égard, l'utilisation d'ACROPOL pendant la coupe du monde de football
semble avoir séduit les observateurs étrangers.
Les principaux obstacles rencontré par ACROPOL, tant au regard de
l'efficacité de la police nationale que de son image de marque à
l'étranger sont son coût et, surtout, ses délais de
déploiements sur le territoire.
En effet, les risques d'un
développement trop lent sont l'absence de garantie pour la
sécurité des fonctionnaires, la possibilité d'une remise
en cause de la norme française par ses concurrents étrangers, et
une possible obsolescence de la première génération de
terminaux avant même que le système n'équipe les forces de
police sur l'ensemble du territoire.
La dotation prévue pour 1999, 318 millions de francs dans le projet de
loi de finances pour 1999 et 90 millions de francs dans la loi de finances
rectificative pour 1998, constitue un progrès par rapport aux
années précédentes.
Pour la première fois, une
dotation budgétaire permet d'inscrire le rythme de réalisation du
programme ACROPOL dans le scénario dit "médian".
Les trois scénarios pour la réalisation d'ACROPOL ont
été réalisé en 1996 par un comité
interministériel qui, constatant que le coût total du programme
serait de 4,5 milliards de francs, ont déterminé des dates
possibles d'achèvement en fonction des dotations budgétaires
accordées (en crédits de paiement) :
- le scénario rapide permet d'achever les travaux en 2005 moyennant une
dotation de 400 à 600 millions de francs par an dès 1997 ;
- le scénario médian s'étale jusqu'en 2009 et suppose une
dotation moyenne de 350 millions de francs ;
- le scénario lent s'achève en 2015, à raison d'une
dotation de 200 à 210 millions de francs par an.
La dotation prévue pour 1999, 408 millions de francs, permet de
rattraper le retard pris ces dernières années. Néanmoins,
les prévisions pour les années suivantes interdisent
d'espérer l'achèvement du programme avant 2005
. L'estimation
de 2007 fournie par le gouvernement semble raisonnable.
Les perspectives budgétaires d'ACROPOL (CP)
(en millions de francs)
PLF 1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
408 |
417,2 |
378,1 |
385,5 |
388,6 |
394,4 |
Le
déploiement d'ACROPOL est donc étalé jusqu'en 2007.
Après avoir été étendu à la
Seine-Saint-Denis en 1998, à l'occasion de la coupe du monde de
football, le système équipera l'ensemble des Hauts-de-Seine, le
Val-de-marne et Paris en 1999. Par ailleurs, l'installation en Corse sera
lancée.
Le problème du développement lent, en dehors des risques
évoqués plus haut, est celui du coût budgétaire de
la maintenance du matériel analogique existant.
En toute logique, le
développement d'ACROPOL devrait s'accompagner d'une diminution des
crédits consacrés à ces équipements
obsolète, dont la moyenne d'âge est d'environ quinze ans. Un tel
mouvement avait été amorcé en 1998, puisque les
crédits de l'article 45 du chapitre 57-60, consacré aux
transmissions de la police nationale hors ACROPOL, ont diminué de 24%.
Or, dans le projet de loi de finances pour 1999, la dotation de l'article 45
remonte, passant de 53 à 55 millions de francs. Ce mouvement paradoxal
peut, certes, s'expliquer en partie par le fait que ces crédits
financent non seulement les transmissions analogiques, mais également
les équipements des salles de commandement, qui servent à la fois
à ACROPOL et aux transmissions existantes. Mais il traduit
également
le coût croissant de l'entretien de matériels
pour lesquels les pièces de rechange n'existent parfois même
plus.
La situation est difficile car :
- il apparaît que le coût global agrégé de la mise en
oeuvre d'ACROPOL serait inférieur si le programme
s'accélérait. En effet, le coût du maintien en vie des
systèmes analogiques baisserait ;
- par ailleurs, il a été expliqué expliqué à
votre rapporteur que, si les crédits d'ACROPOL étaient fortement
majorés, ces crédits ne pourraient pas être
consommés faute de moyens de fonctionnement pour les utiliser.
Par conséquent, le ministère de l'intérieur doit
gérer une situation de gâchis, sans pouvoir l'empêcher.
Enfin, et c'est plus inquiétant, selon certaines informations transmises
à votre rapporteur, il apparaît qu'en certains endroits où
sont concentrés un grand nombre d'immeubles élevés, les
communications cryptées d'ACROPOL sont brouillées et ne peuvent
être captées par les terminaux numériques. Si ce
dysfonctionnement était avéré, la fiabilité de la
norme française en serait affectée.