CHAPITRE QUATRE

L'ESPACE

I. LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE

La politique spatiale française repose d'une part sur des programmes nationaux comportant de nombreuses coopérations bilatérales, d'autre part sur une contribution aux programmes et activités de l'Agence spatiale européenne (ESA). Le Centre national d'études spatiales participe à sa préparation et à sa mise en oeuvre.

Les décisions prises lors des conseils ministériels de l'Agence spatiale européenne à Toulouse en 1995 et à Paris en 1997 et 1998 ont permis de fixer les perspectives de l'effort spatial français couplé avec la relance de la politique spatiale européenne.

Comme pour sa contribution à l'ESA, la politique spatiale nationale s'appuie dans ses programmes nationaux sur un ensemble de priorités thématiques. Une réflexion est en cours avec le CNES, sur les orientations programmatiques à l'horizon 2005.

Le programme spatial civil français est constitué de trois grands domaines que sont les "moyens d'accès à l'espace", les "applications", les "programmes scientifiques" complétés par des activités de soutien (préparation de l'avenir, moyens techniques opérationnels).

Une forte priorité est donnée à ARIANE 5, et à l'accès à l'espace , dont il faut permettre le maintien de la performance commerciale. Cela passe par son adaptation au lancement des constellations (étage réallumable) et à la diminution des coûts ainsi que, de manière plus prospective, l'étude de lanceurs réutilisables.

Les télécommunications par satellites font également partie des choix prioritaires : elles contribuent à la société de l'information et placent les acteurs nationaux au premier rang mondial. Cette activité relève du marché, en particulier à l'exportation, est une source de revenu, et doit, en raison de son potentiel, recevoir un soutien pour faciliter les innovations.

L'éducation doit en particulier pouvoir bénéficier des moyens de l'activité spatiale (télécommunication, Internet à l'école) et des contenus à fort pouvoir de motivation que ce secteur est capable de fournir.

La France doit en outre contribuer à doter l'Europe d'un système autonome de navigation par satellite, complémentaire au GPS, et placer nos industriels dans les meilleures conditions pour que le marché des activités aval leur soit accessible.

Concernant l'observation de la Terre, les choix restent à faire car, dans la perspective de la prochaine génération de satellites - l'après SPOT - ce secteur est dès aujourd'hui à la croisée des chemins, devant une forte diversité de missions à conduire, mais sans un marché aussi mature que celui des télécommunications.

Dans ce domaine, en plus de missions d'observation et de compréhension de la Terre et de son environnement, des coopérations sont à l'étude pour l'exploration de la planète Mars avec l'ESA (Mars Express) et avec la NASA (Mars Sample Return).

Les activités liées à la station spatiale internationale ont été jugées moins prioritaires, et trop contraignantes financièrement, au regard des retours scientifiques attendus. Cependant les engagements internationaux que la France avait pris par le passé ont été respectés.

Pour l'ensemble des objectifs socio-économiques auxquels participe l'espace à titre principal, la contribution du BCRD 1998 s'élève à 9.065 millions de francs dont 4.697 millions de francs sont affectés à la contribution française au budget de l'Agence spatiale européenne (ESA). Pour 1999, la dotation est de 9.135 millions de francs.

Le contexte dans lequel se déploient les activités spatiales connaît, depuis le tournant de la décennie quatre-vingt-dix, une profonde évolution caractérisée par l'apparition d'une nouvelle donne géopolitique et par la forte croissance du marché des services offerts par les moyens spatiaux.


Le CNES a donc été conduit à engager une action en profondeur pour s'adapter à ce nouveau contexte et ajuster son positionnement vis-à-vis des autres acteurs du spatial (Agence spatiale européenne, industries, organismes de recherche, partenaires internationaux, etc.). Le plan stratégique du CNES, fruit d'une intense réflexion menée en 1996, a permis de définir l'horizon vers lequel le Centre devait tendre et de préciser les axes prioritaires de son action.

Il en ressort que le CNES, qui est l'un des tout premiers centres d'excellence dans le monde en technologie et systèmes spatiaux, doit consolider et enrichir son savoir-faire dans des secteurs de pointe mais également valoriser ses compétences techniques auprès de ses partenaires, notamment industriels, afin d'être reconnu comme un acteur irremplaçable pour l'élaboration de tout nouveau système spatial en Europe.

Mis en oeuvre en 1997, le plan stratégique se poursuit en 1998 selon ces nouveaux axes directeurs que constituent la recherche de l'excellence technologique et celle de partenariats conduisant à valoriser cette compétence.

II. LE FINANCEMENT DU SECTEUR SPATIAL

A. L'AUGMENTATION DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES DU CNES EN 1999

En 1999, le projet de dotation du CNES devrait s'élever en CP + DO à 9.135 millions de francs soit une progression de 0,8 % (+ 70 millions de francs) par rapport aux chiffres de 1998 (9.065 millions).

Votre rapporteur spécial regrette vivement que la dotation de fonctionnement du CNES (915 millions de francs) soit insuffisante pour couvrir les charges de personnel (1.250 millions de francs). Cette situation est à l'origine, en début de chaque exercice, d'un basculement de crédits entre la section des opérations en capital et la section de fonctionnement. Cette mauvaise évaluation budgétaire se traduit par un manque de sincérité des comptes - régulièrement dénoncé par la Cour des comptes - et transforme la subvention d'investissement en variable d'ajustement du budget du CNES.

Comparée aux années précédentes, la dotation se décompose comme indiquée ci-après :

Les orientations budgétaires pour 1999 sont avant tout dictées par la volonté de promouvoir les programmes innovants et tournés vers les applications, et celle de répondre aux engagements pris dans le cadre de l'ESA, notamment à la suite du conseil des 23 et 24 juin 1998, à Bruxelles.

Dans le cadre des programmes, le ministère chargé de l'espace donne ainsi une priorité particulière à l'amélioration de la performance Ariane 5, au soutien des développements et des innovations dans le domaine des télécommunications et de la navigation par satellites, aux nouvelles générations de satellites d'observation de la Terre, aux micro-satellites, aux missions scientifiques et, notamment, à l'étude d'une mission de retour d'échantillon martien. Il veille de plus à conserver un bon niveau de recherche et technologie afin de garder à ce domaine un niveau d'excellence.

B. L'AMÉLIORATION DE SA SITUATION FINANCIÈRE

A la fin de l'exercice 1995, le CNES constatait que les engagements qu'il avait contractés vis-à-vis de ses fournisseurs ne pouvaient être honorés en raison de l'insuffisance des crédits de paiement dont l'établissement disposait. C'est ainsi que le montant total des ordres de dépenses présentés pour paiement à l'agence comptable, et refoulés faute de crédits, s'élevait à 577 millions de francs.

Dans le même temps, le compte de résultat de l'exercice se soldait par un déficit de la section de fonctionnement pour un montant de 208 millions de francs, ainsi que par un déficit de la section des opérations en capital à hauteur de 141 millions de francs. S'ajoutant aux arriérés de contribution à l'ESA, une dette de 926 millions de francs était ainsi révélée.


Le conseil d'administration du 9 mai 1996 a approuvé un dispositif d'apurement de ce nouveau déficit sur trois exercices de 1996 à 1998. Celui-ci était fondé sur une autorisation de report déficitaire limité à 500 millions de francs à la fin de 1996, puis de 250 millions de francs à la fin de 1997. Le solde devait être apuré en 1998.

L'établissement a appliqué rigoureusement ce plan qui s'est déroulé de la manière suivante :

- les ordres de dépenses impayés constatés à la fin de 1995 ont été honorés dès le début de 1996 au moyen des crédits mis en place pour cet exercice,

- un effort important d'économies de fonctionnement, une plus grande vigilance dans la gestion des activités conduites pour le compte de tiers, ont permis de dégager un excédent de 172 millions de francs en 1996. Autorisé à prélever 36 millions de francs sur son fonds de réserve, le CNES a ainsi pu annuler dès 1996 le déficit de fonctionnement de 208 millions de francs constaté à la fin de 1995,

- une limitation des engagements nouveaux a permis de ramener le déficit cumulé de la section des opérations en capital de 500 millions de francs, objectif assigné à l'établissement, à 390 millions de francs,

- en 1997, la régulation des engagements nouveaux a de nouveau conduit à apurer le déficit cumulé de la section des opérations en capital. Au cours de cet exercice, un excédent de 384 millions de francs a été réalisé, ramenant le déficit à 6 millions de francs.

En conclusion, la dette constatée à la fin de 1995 au-delà des arriérés de contribution à l'ESA a été quasi annulée en deux années budgétaires au lieu des trois années prévues au plan d'apurement. L'établissement a été en mesure d'atteindre cet objectif, d'une part, grâce à l'adoption dès 1996 de principes de gestion privilégiant le suivi des crédits de paiement, et, d'autre part, par une politique de réduction des engagements juridiques et leur régulation selon la disponibilité des moyens de paiement.

Dans le même temps, le CNES a obtenu l'accord de son conseil d'administration (20 décembre 1996) pour régulariser la prise en compte impropre de certaines recettes, notamment liées à des fonds appartenant à plusieurs gouvernements étrangers dont la trésorerie était affectée, ainsi qu'à une autorisation d'emprunt de 230 millions de francs qui n'avait pas donné lieu à émission. Cette opération s'est fondée sur une recomposition de la dette de contribution à l'ESA visant à donner de celle-ci une traduction budgétaire plus rigoureuse.

En résumé, la situation de l'endettement du CNES est à ce jour la suivante pour ce qui concerne les activités conduites hors du cadre de l'ESA :

- depuis la fin de l'exercice 1996, les recettes ouvertes par le CNES sans la couverture correspondante en trésorerie ont été régularisées et les dispositions ont été prises pour éviter que ces pratiques ne se renouvellent,

- les ordres de dépenses rejetés par l'agence comptable par insuffisance de trésorerie à la fin de l'exercice 1995 ont été honorés au début de 1996. Les insuffisances de crédits qui étaient à l'origine de cette comptabilisation incomplète des charges du CNES ont fait l'objet d'un plan d'apurement sur trois exercices qui, dans la pratique, a été réalisé au cours des deux années 1996 et 1997.

Les arriérés de contribution du CNES à l'égard de l'ESA étaient constatés au 31 décembre 1995 à hauteur de 1.734 millions de francs. Par ailleurs, des lignes de crédit contractées par l'ESA pour le compte de la France afin de permettre le financement du programme Ariane restaient ouvertes à cette date pour un montant de 1.023 millions de francs.

Les lignes de crédits ont été remboursées au début de 1997 (542 millions de francs) et au début de 1998 (481 millions de francs).

Les arriérés de contribution à l'ESA, identifiés en dette hors bilan sur un poste spécifique du compte financier, ont fait l'objet de remboursements partiels en 1996 et en 1997 pour un montant global de 622 millions de francs. Ce poste s'élève donc à 1.112 millions de francs en fin d'exercice 1997, soit un montant inférieur à l'objectif assigné au CNES pour 1997 (1.200 millions de francs) dans le cadre du plan pluriannuel d'apurement de la dette à l'ESA.

Ces arriérés constituent à ce jour le seul poste de dette résiduel du CNES.
Le tableau ci-dessous dresse le bilan des remboursements effectués au cours de la période 1995 à 1998, complété du profil d'apurement du solde à hauteur de 250 millions de francs par an.

C. LES CRÉDITS D'INTERVENTION

D'autre part, le ministère en charge de l'espace contribue au développement de l'industrie spatiale française par l'intermédiaire des crédits d'intervention inscrits à son budget. Ces crédits sont des aides remboursables, attribuées aux industriels du secteur pour leur permettre d'apporter un complément de développement ou d'industrialisation à un produit pour lequel un débouché commercial est prévisible. En 1998, le montant des autorisations de programme s'est élevé à 60,7 millions de francs (hors gel budgétaire). Pour 1999, il est prévu un montant de 40 millions de francs couvrant seulement les engagements de "fertilisation STENTOR" pris par le Premier ministre en 1994.

Les programmes aidés peuvent se ranger en trois catégories :

- les produits spatiaux,

-les produits ayant une application au sol, qui concernent essentiellement la réception et l'exploitation des données des satellites d'observation (SPOT, ERS),

- les produits connexes au secteur spatial : cette catégorie regroupe principalement les moyens d'essais nécessaires à la qualification des systèmes spatiaux.

III. LES ENJEUX DU SECTEUR SPATIAL

A. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ DES LANCEURS

L'exploitation d'Ariane 4 par la société Arianespace se poursuit dans de bonnes conditions, avec une cadence élevée de lancement, de l'ordre d'un lancement par mois, et jusqu'en 2002/2003, selon les besoins du marché.

Jusqu'à un passé récent, les lancements Ariane étaient réalisés environ aux 3/4 pour des besoins de télécommunications en service fixe géostationnaire au profit d'opérateurs institutionnels. Depuis quelques années, le champ des applications des télécommunications spatiales s'est considérablement développé avec réapparition de la télévision directe, des constellations, du multimédia. A la diversité de la demande devra répondre la flexibilité d'une offre compétitive, les opérateurs faisant leur choix, généralement sans préférence affichée autre que celle des lois de la concurrence.

En chiffre d'affaires, au moins 60 % du marché des lancements sera consacré aux télécommunications commerciales et, pour conserver ses positions sur ce marché face à une concurrence de plus en plus vive (Russie, Chine et bientôt l'Inde et le Japon), animée par de puissants efforts américains de rationalisation de leur panoplie de lanceurs consommables, il est urgent qu'Ariane 5 évolue de façon continue pour maintenir sa compétitivité au-delà des programmes Ariane 5 Evolution, ARTA-5 et Ariane Infrastructure décidés en 1995.

Les caractéristiques majeures de l'évolution prévisible du marché au, cours des prochaines années sont les suivantes

- 30 à 35 satellites géostationnaires seront lancés annuellement dans le monde. Les gros satellites seront les plus nombreux puisque le coût des répéteurs en orbite décroît avec la taille du satellite et que, par ailleurs, les nouveaux services de télécommunications requièrent des plates-formes plus puissantes. La classe de satellites de masse supérieure à 4 tonnes deviendra prépondérante avec une catégorie nouvelle d'une masse de 5 à 6 tonnes, qui représentera environ 20 % des missions après l'an 2000 ;

- l'importance du marché des constellations est confirmée par l'émergence de nouveaux opérateurs et l'avènement de nouvelles applications: messagerie, localisation, téléphonie mobile mondiale, liaisons entre ordinateurs portables ou les applications à large bande. Plusieurs centaines de satellites seront lancés dans le monde dès les premières années du vingt et unième siècle ;

- la demande de service de lancement peut évoluer avec la généralisation de la propulsion électrique des satellites procurant d'appréciables gains de longévité et de masse du satellite; certains constructeurs souhaitent limiter la fonction propulsion du satellites pour optimiser encore plus sa fonction communication.

Les trois composantes essentielles de l'adaptation de l'offre Ariane 5 sont les suivantes :

- l'augmentation de la performance, pour conserver l'avantage du lancement simultané de deux satellites ;

- l'amélioration de la flexibilité, pour adapter le système de lancement à la demande des clients ;

- la réduction des coûts de lancement avec un objectif de 50 %, pour rester compétitif.

L'apparition d'une nouvelle génération de lanceurs, partiellement ou totalement réutilisables et économiquement viables, est attendue au début du prochain millénaire. Il est souhaitable de lancer dès maintenant les travaux technologiques permettant de valider la faisabilité de cette nouvelle génération de lanceurs.

B. ARIANE 5

Le développement du lanceur Ariane 5 a été décidé lors de la session du Conseil de l'ESA réuni au niveau ministériel à La Haye en novembre 1987. Une enveloppe financière du programme, souscrite à 99,9 % par les Etats participants, s'élève à 3.492,5 millions d'euros aux conditions économiques 1986, soit 4.831 millions d'euros aux conditions économiques 1998. Les principaux contributeurs à ce programme sont la France (46,2 %), l'Allemagne (22 %) l'Italie (15 %) et la Belgique (6 %). L'Autriche (0,4 %), le Danemark (0,4 %), l'Espagne (3 %), l'Irlande (0,2 %), la Norvège (0,6 %), les Pays-Bas (2,1 %), la Suède (2 %) et la Suisse (2 %) participent également à ce programme.

Les objectifs principaux du programme étaient de doter l'Europe d'un lanceur capable, d'une part, de lancer deux charges utiles en orbite de transfert géostationnaire en tenant compte de l'évolution de la masse des satellites, et, d'autre part, de pouvoir lancer en orbite basse l'avion spatial européen Hermès. L'abandon par l'Europe du programme Hermès a conduit à recentrer ces objectifs vers le lancement de satellites en orbite de transfert géostationnaire, mais ne remet pas en cause la conception d'ensemble du lanceur. Le coût à l'achèvement du programme à la charge des Etats Participants est estimé à 6.000 millions d'euros aux conditions économiques 1998, soit 124 % de l'enveloppe initiale. Le dépassement de l'enveloppe initiale à la charge des Etats participants au-delà de la marge de 120 % prévue dans la Convention de l'Agence pour la gestion des programmes facultatifs s'explique dans sa majeure partie par les conséquences de l'échec du premier vol de qualification du lanceur ainsi que par les activités supplémentaires à mener en regard des résultats du deuxième vol de qualification, Ariane 502.

Le montant nécessaire pour financer les activités liées aux conséquences du vol 501 s'est élevé à 313 millions d'euros . Cette charge supplémentaire correspond, d'une part, aux coûts des travaux complémentaires liés à l'échec du vol 501 et aux charges induites par l'allongement des délais nécessaires pour réaliser le deuxième vol de qualification Ariane 502, soit 179 millions d'euros, et d'autre part, au troisième vol de qualification, Ariane 503, pour 134 millions d'euros.

La couverture financière de ces surcoûts liés à l'échec du premier tir de qualification a été assurée, d'une part, par une réaffectation des crédits des programmes Ariane, et, d'autre part, par des contributions des Etats participants et de l'industrie européenne :

- 64 millions d'euros prévus initialement pour atteindre la cadence 8 dans le cadre du programme de développement Ariane 5 ont été affectés aux travaux post 501, les industriels prenant à leur charge l'ensemble de ces travaux associés à l'intensification de la production des lanceurs,

- 60 millions d'euros ont été prélevés sur les programmes complémentaires Ariane 5,

- 105 millions d'euros ont été apportés par les Etats participant au programme de développement, la France finançant majoritairement cette contribution (74,9 %),

- 84 millions d'euros ont été apportés par un effort exceptionnel de l'industrie.

L'effort exceptionnel initial de l'industrie était programmé à 50 millions d'euros, les 34 millions d'euros restants devant être couverts par une recette attendue d'un passager commercial sur Ariane 503. L'incendie intervenu sur le satellite Eutelsat a privé l'ESA de cette recette, et l'industrie a pris à sa charge le déficit en découlant.

Le deuxième vol de qualification Ariane 502 s'est déroulé avec succès le 28 octobre 1997. Seule une anomalie notable a été relevée : les exploitations des données de vol ont détecté l'apparition d'un couple en roulis de l'Etage Principal Cryotechnique qui a provoqué une anomalie de comportement de ce dernier. Les causes de cette mise en roulis ont été identifiées et les mesures correctrices ont été prises au cours de l'année 1998.

Dès le lendemain de ce deuxième vol de qualification, Arianespace a pris à sa charge l'exploitation de l'ensemble de lancement n° 3 dédié à Ariane 5.

Les activités relatives à la fin de la qualification du lanceur Ariane 5 ainsi que les activités à entreprendre pour traiter et corriger les anomalies détectées lors du vol de qualification A 502 ont fait l'objet d'une nouvelle tranche du programme de développement Ariane 5.

Les coûts correspondants aux conditions économiques 1997 représentent 65 millions d'euros ventilés comme suit :

Activités liées à la fin de qualification d'Ariane 5 36 millions d'euros

Activités découlant des anomalies constatées lors de A502 29 millions d'euros

Total 65 millions d'euros

La France contribue à cette tranche de programme à hauteur de 75,4 %, ce qui représente 49 millions d'euros aux conditions économiques 1997.


Le troisième vol de qualification, réalisé par Arianespace pour le compte de l'Agence Spatiale Européenne, a eu lieu, avec succès, en octobre 1998. A l'issue de l'exploitation des données de ce vol, Arianespace devrait prendre en charge la totalité du système de lancement afin d'en assurer sa commercialisation. Arianespace envisage de trois à quatre lancements commerciaux Ariane 5 dès 1999.

En plus du programme de développement du lanceur n° 5, le programme Ariane 5 est doté de programmes complémentaires d'accompagnement.

Le Conseil de l'ESA réuni au niveau ministériel à Toulouse en 1995 a décidé le lancement de trois programmes complémentaires qui permettent la mise en oeuvre d'Ariane 5 dans les meilleures conditions techniques et économiques : Ariane 5 Infrastructure permettra aux Etats européens, par leur participation solidaire aux frais fixes d'exploitation, de bénéficier d'une politique de prix de lancement avantageuse ; le programme Ariane 5 ARTA permet d'assurer un suivi technique et technologique du lanceur en service ; Ariane 5 Evolution permet de développer une première série d'améliorations des performances du lanceur, notamment par l'augmentation de poussée de l'Etage Principal Cryotechnique. Les enveloppes financières de ces programmes ainsi que les taux de souscription des principaux Etats participants sont rappelés dans le tableau ci après :

Enfin, le Conseil de l'ESA des 23 et 24 juin 1998 a décidé le démarrage d'une première étape d'une nouvelle tranche au programme de développement Ariane 5 visant à augmenter la performance du lanceur en masse satellisable en orbite de transfert géostationnaire à 9 tonnes en 2003 et 11 tonnes en 2006. Cette première étape, d'un montant de 135 millions d'euros aux conditions économiques 1997, permet notamment de démarrer les études système d'un nouvel étage supérieur cryotechnique pour le lanceur Ariane 5. La seconde phase de ce programme doit être décidée lors de la prochaine réunion du Conseil de l'ESA au niveau ministériel en 1999. Le coût à l'achèvement de ce programme est actuellement estimé à 1.164 millions d'euros, Arianespace s'engageant à y contribuer à hauteur de 100 millions d'euros.

L'engagement financier d'Arianespace et de l'industrie européenne aux programmes Ariane confirme la confiance portée sur le potentiel d'exploitation commerciale du nouveau lanceur européen Ariane 5. De nombreuses études de marché conduisent à réviser à la hausse les cadences de production dans les années à venir et justifient les programmes d'évolution de performances d'Ariane 5 proposés.

A ce jour, la société Arianespace a commandé une première tranche de 14 lanceurs Ariane 5 à l'industrie européenne et négocie actuellement la commande d'une deuxième tranche plus importante, avec des objectifs de réduction de coûts de production ambitieux.

C. LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE

La station spatiale internationale (ISS) sera constituée d'éléments pressurisés et non pressurisés, assemblés en orbite basse (altitude comprise entre 335 et 460 km, orbite inclinée à 51,6 degrés) et formant une base permanente. Selon la définition actuelle, elle comportera, outre les modules de ressources, de service et d'habitation fournis essentiellement par les Etats-Unis et la Russie, un laboratoire américain, un laboratoire japonais, un laboratoire européen et trois modules de recherche russes. Des charges utiles externes, pourront être également installées. Un véhicule de secours, attaché en permanence à la station spatiale est également requis à partir de 2003.

La participation européenne au développement de la station spatiale fait l'objet d'un programme décidé lors de la session du Conseil de l'Agence spatiale européenne (ESA) réuni au niveau ministériel à Toulouse en octobre 1995. La déclaration de programme prévoit principalement :

- le développement d'un laboratoire européen pressurisé baptisé Colombus Orbital Facility (COF),

- le développement d'un véhicule automatique de transfert (ATV),

- des études sur un véhicule de secours.

L'enveloppe financière du programme de développement s'élève à 2.651 millions d'euros aux conditions économiques 1995. Les principaux participants à ce programme sont l'Allemagne (41 %), la France (27,6 %) et l'Italie (18,9 %). La Belgique (3 %), le Danemark (1,17 %), les Pays-Bas (0,94 %), la Norvège (0,46 %), l'Espagne (2 %), la Suède (0,4 %) et la Suisse (2,5 %) contribuent également à ce programme.

Le COF est un laboratoire pressurisé à usages multiples dont la configuration peut être modifiée par l'échange de bâtis normalisés contenant des équipements scientifiques et fonctionnels. Il se présente sous la forme d'un cylindre de 6,7 mètres de long et de diamètre extérieur de 4,5 mètres. Sa masse au lancement est estimée à 9.500 kg, à laquelle il faut ajouter la charge utile. Il est conçu pour recevoir 10 bâtis à l'intérieur du laboratoire pour les expériences en milieu pressurisé et permet la fixation de quatre palettes externes pour les expériences exposées au milieu spatial. La nouvelle séquence d'assemblage de la station spatiale prévoit un lancement du COF par la navette américaine en avril 2003 . Pour son lancement, le COF emportera en même temps à son bord des installations permettant la réalisation d'expériences développées dans le cadre du programme Microgravité pour Colombus (MFC) géré par l'ESA. Selon le concept de partage de l'utilisation de la station spatiale et les accords bilatéraux entre l'ESA et la NASA, cinq sur dix des bâtis du laboratoire européen seront réservés aux expériences européennes.

Le développement de ce laboratoire est estimé à 1.234 millions d'euros aux conditions économiques 1995, ce montant comprenant les coûts de lancement du COF ainsi que le développement du secteur sol. Le développement du COF a été confié à la société DASA.

L'ATV constitue la participation de l'Europe au scénario de flotte mixte de la station spatiale. Il contribue également aux éléments d'infrastructure de la station spatiale puisqu'il a les moyens d'effectuer les rehaussements d'orbite. C'est un étage de transfert polyvalent lancé par Ariane 5, capable d'opérations de rendez-vous et d'accostage ou d'amarrage pouvant transporter jusqu'à 6,7 tonnes de charge utile pressurisée et 5 tonnes de charge utile non pressurisée (avec un maximum de 9 tonnes par vol). Il est conçu pour passer six mois attaché à la station spatiale ; à la fin de sa mission, il fera un vol de rentrée contrôlé dans l'atmosphère de la Terre pendant lequel il se consumera, ainsi que les déchets avec lesquels il aura été chargé. La maîtrise d'oeuvre du segment spatial est assurée par AEROSPATIALE. Les équipes du CNES sont impliquées dans l'étude du segment sol de l'ATV.

Le programme de développement de l'ATV prévoit un vol de qualification en mars 2003 . Ensuite, l'ATV sera lancé environ tous les 17 mois afin d'assurer la livraison de son fret ainsi que sa fonction de rehaussement de la station.

Le coût de développement de l'ATV est estimé à 661 millions d'euros aux conditions économiques 1995, ce montant comprenant la réalisation du secteur sol et le lancement par Ariane 5 du premier modèle de vol. Le développement de l'ATV a été confié à la société AEROSPATIALE, la production revenant à la société DASA.

La Déclaration de programme adoptée lors du Conseil de l'ESA réuni au niveau ministériel à Toulouse en octobre 1995 prévoyait l'étude de d'un véhicule de transport d'équipage (CTV) basé sur le concept de capsule. En plus de ces études, le programme de développement prévoyait la réalisation d'un démonstrateur de rentrée atmosphérique (ARD). Ce démonstrateur est aujourd'hui développé et sera lancé lors du vol de qualification Ariane 503.

En décembre 1996, une partie des fonds destinés aux études de faisabilité d'un CTV a été réaffectée à l'étude d'un véhicule de secours et de transport d'Equipage (CTV/CRV) basé sur le concept de "structure portante".

Pour des raisons politiques et budgétaires, la France n'a pas pris part à cette nouvelle tranche du programme de développement de la station spatiale. Les plans d'utilisation pluridisciplinaire de la station spatiale par l'Europe ont été établis dans les grandes lignes par l'exécutif de l'ESA pour la phase initiale (1996-2002) et la phase d'exploitation (à partir de 2003). L'utilisation de la station spatiale commencera par l'installation du laboratoire américain en 1999 et s'intensifiera avec celle des laboratoires des autres partenaires (japonais, russes et européens) prévue jusqu'en 2003. Des charges utiles pourront être placées à l'extérieur sur la grande structure en treillis de la station spatiale. Un accord bilatéral entre l'ESA et la NASA permettra à l'Europe, moyennant la fourniture d'équipements pour l'aménagement de la station spatiale, d'utiliser dès 2000 pour ses expériences une partie des capacités de la station (3/4 d'un bâti standard et 3 mètres carrés de surface pour les charges utiles externes), sans attendre le lancement du COF en 2003. L'ESA sollicitera des propositions d'expériences par différents appels d'offres qui s'adresseront à la communauté des utilisateurs européens (programmes utilisateurs de l'ESA, programmes nationaux, utilisateurs commerciaux).

S'agissant du contexte international de la station spatiale, deux faits notables se sont produits en 1998 :

- le 29 janvier 1998, les pays partenaires de la station spatiale internationale ont signé les principaux documents régissant la station spatiale, à savoir un accord intergouvernemental, signé par les représentants des pays partenaires, et les Memorandum Of Understanding (MOU), signés entre les agences spatiales (NASA, RKA, ESA, NASDA, CSC),

- lors de la réunion internationale des chefs d'agence du 31 mai 1998 au centre spatial Kennedy, les partenaires ont accepté une révision de la séquence d'assemblage de la station spatiale. En ce qui concerne le laboratoire européen, la date de lancement a connu un glissement de cinq mois et est actuellement prévue en avril 2003. Lors de cette réunion, le partenaire russe a présenté une nouvelle configuration de son segment vol plus adapté à ses ressources budgétaires. La révision prévoit également le lancement du premier élément russe ZARYA, qui a eu lieu, avec succès, récemment.

Le lancement du troisième élément, le module de service russe, qui constitue l'espace habitable du premier équipage international (toujours prévu en janvier 2000) et fournit la force motrice nécessaire pour maintenir l'ensemble de la station sur son orbite, a été repoussé d'avril à juillet 1999. S'y ajoutera en août un module-laboratoire américain ; les Russes lanceront également un cargo de ravitaillement Progress.

L'incapacité de Moscou d'assumer sa part de financement dans la construction de la station spatiale internationale a conduit la NASA à conclure un accord, pour achat de services, avec l'agence spatiale russe (RKA) d'un montant de 60 millions de dollars supplémentaires. Accord soumis à l'approbation d'un Congrès réticent. La NASA a également demandé au Congrès une attribution de 2,4 milliards de dollars supplémentaires sur une durée de quatre ans pour consolider la séquence d'assemblage de la station. Une partie du financement pourrait être utilisée pour réaliser des modules de propulsion de secours afin de pallier une éventuelle défection de la part des Russes. D'autres solutions pour aider financièrement la Russie sont à l'étude afin de ne pas alourdir, par des retards, le coût d'un projet supporté par 15 autres partenaires, dont la France, et qui devrait s'achever en 2004.

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