C. LES ORIENTATIONS DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Face à ce constat, et tout en considérant que le Parlement devra tôt ou tard revoir la copie du projet de loi de financement pour 1999, la commission avance un certain nombre de propositions qui seront développées dans les trois rapports sectoriels (assurance maladie, famille et assurance vieillesse).

Pour l'utilisation des marges disponibles à l'adaptation de l'offre de soins

La commission estime, comme le Conseil d'administration de la CNAMTS, qu'il convient d'utiliser les marges disponibles pour adapter l'offre de soins, plutôt que de se contenter d'accompagner l'évolution des dépenses. Aussi, propose-t-elle de réduire d'un milliard de francs le montant de l'ONDAM, et d'affecter ces crédits à l'accompagnement social des opérations de restructuration hospitalières.

Par ailleurs, inquiète des annonces gouvernementales en la matière, la commission a choisi de déterminer, pour cette année, dans la loi le numerus clausus des médecins : il sera fixé au même niveau qu'en 1998.

Pour la mise en place de mécanismes de régulation des dépenses simples, médicalisés et efficaces

En matière de régulation des dépenses médicales , le dispositif de reversements en vigueur, issu des ordonnances Juppé, posait problème. Alors que le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et collective que ce dispositif comportait, la commission propose au contraire d'aller jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à laquelle il faisait aussi appel.

Ainsi, tirant les leçons du passé, elle veut instituer un mécanisme simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses. Collectivement organisé par les partenaires conventionnels, il laisse les médecins maîtres de déterminer les conditions d'exercice de leur responsabilité individuelle.

Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de favoriser la qualité des soins dont bénéficient les français et d'en limiter le coût.

Il tourne le dos aux usines à gaz comptables inventées par le projet de loi.

Très attachée à améliorer les conditions de la maîtrise des dépenses pharmaceutiques et le bon usage des médicaments dans des conditions compatibles avec le développement industriel, de la recherche et de l'emploi, la commission refuse d'entériner la mort de la politique conventionnelle du médicament inscrite dans le projet de loi. Elle veut au contraire améliorer cette politique conventionnelle en renforçant ses exigences pour les laboratoires dans le cadre d'un objectif opposable de dépenses pharmaceutiques défini annuellement par le gouvernement en fonction de l'ONDAM.

Elle ne rejette pas le principe de la taxation proposée par le projet de loi, ni son assiette, ni son taux, mais veut en faire un instrument encourageant les entreprises à accepter une régulation conventionnelle sérieuse.

Pour un projet cohérent et complet sur les retraites

Ayant pris acte de la mesure " symbolique " que constitue la création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition, la commission juge inutile de " faire semblant ", comme le fait le projet de loi, d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition d'un Comité de surveillance ou de préciser les régimes bénéficiaires.

Alors même que restent parfaitement indéterminés à la fois la nature des " vraies " ressources qui l'alimenteront et qui devront se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de gestion qui devront être cohérentes tant avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.

En revanche, elle considère que la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet , incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits d'aujourd'hui, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.

Pour un traitement équitable de la branche famille

La commission estime que la situation financière excédentaire de la branche famille ne justifie aucunement de nouvelles économies : elle rejette en conséquence le décalage de la majoration d'âge pour les allocations familiales qui n'a aucun fondement au regard des objectifs de la politique familiale.

Afin de souligner le poids des charges indues pesant sur la branche famille au titre des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat, la commission propose un abattement d'un milliard de francs sur les frais de gestion de la CNAF au titre de la gestion et du contrôle du RMI.

Pour l'affirmation sans ambiguïté de la compensation intégrale des exonérations de cotisations

La commission propose de réaffirmer solennellement le principe, posé par la loi du 25 juillet 1994, de la compensation intégrale pour la sécurité sociale des exonérations de charges sociales postérieures à cette loi. Ce principe est l'un des fondements de la clarification indispensable des relations et des responsabilités entre l'Etat et les régimes sociaux.

La commission s'oppose à la remise en cause de ce principe , que ce soit pour :

- les exonérations de cotisations dans le cadre d'incitation à la réduction du temps de travail, au nom d'une prétendue " neutralité " de la mesure ;

- les dispositifs, antérieurs à 1994 et donc non compensés, que le Gouvernement proroge au-delà de leur échéance en les modifiant, telle l'exonération des charges liée à l'embauche d'un premier salarié ; la commission estime qu'il y a novation juridique et donc compensation intégrale de ces nouvelles exonérations en application de la loi de 1994 ;

- les dispositifs, également antérieurs à la loi de 1994, dont le taux d'exonération est fortement majoré, telle l'exonération portée de 30 % à 100 % pour les associations d'aide à domicile ; la commission considère qu'elles doivent être compensées à hauteur de la majoration du taux d'exonération.

Pour une vraie taxe de santé publique sur les tabacs

Attachée aux objectifs de la politique de santé publique, la commission propose de convertir la majoration du taux de la taxe sur les tabacs, introduite par l'Assemblée nationale, mais, en l'état, sans affectation précise sinon au " pot commun " du budget général, en une " taxe de santé publique " directement affectée à la CNAM.

Pour un projet de loi de financement rectificatif tirant les conséquences d'un projet initial incertain

La commission des Affaires sociales considère que le Gouvernement, conformément à la loi organique, serait bien inspiré de soumettre au Parlement, à la fin du printemps, un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 1999 :

- tirant, d'une part, les conséquences sur les équilibres de la sécurité sociale des réformes urgentes que le Gouvernement renvoie au premier semestre de l'année prochaine : mesures structurelles indispensables dans le domaine des retraites dont la commission considère qu'elles doivent intervenir dès le début de 1999, projet de loi instituant une couverture maladie universelle dont le dépôt doit intervenir avant la fin de l'année, réforme de l'assiette des cotisations employeurs sur laquelle le Gouvernement annonce qu'il arrêtera sa position dans les semaines qui viennent ;

- faisant le point, d'autre part, sur l'évolution des dépenses et des recettes au vu, notamment, de l'évolution de la conjoncture ; la commission considère qu'il ne serait guère acceptable qu'une nouvelle fois le Parlement ne soit saisi d'une dérive des comptes qu'à l'occasion de la seule ratification en fin d'année d'un décret majorant le plafond de recours à l'emprunt par les régimes de sécurité sociale.

Pour une réflexion sur l'évolution des lois de financement

Abordant l'examen de la troisième loi de financement depuis la réforme constitutionnelle de 1996, la commission constate que cette réforme constitue un progrès considérable et l'amorce d'une évolution profonde ; elle constate également que cet instrument est perfectible. Elle entend, en conséquence, constituer un groupe de travail chargé de proposer une amélioration de la présentation des lois de financement et, au-delà d'une multiplication vaine des annexes, de la qualité et de la cohérence des informations fournies au Parlement.

Cette réflexion, à laquelle la commission entend associer étroitement l'ensemble des acteurs de la loi de financement, conduira au dépôt d'une proposition de loi.

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