B. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT
1. Les mesures correctives sur l'équilibre tendanciel ont un impact très limité
a) Régime général
Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé,
ont annoncé, lors de la Commission des comptes de la
sécurité sociale, un certain nombre de mesures, respectant le
solde tendanciel : 4,8 milliards de francs de dépenses
supplémentaires sont financés par 4,8 milliards de francs de
recettes affectés au régime général.
Ces mesures sont principalement liées à la prise en compte
des orientations de la Conférence de la famille du 12 juin 1998
(dégradation de l'excédent famille) et à un transfert
comptable du FSV vers la CNAVTS.
Préalable méthodologique
Les
comptes sont, dans le cadre des annexes du projet de loi de financement,
parfois présentés en emplois et en ressources, parfois en
recettes et dépenses, d'où des différences
(
cf première partie
). Il est à noter que la
page
28 de l'annexe C du projet de loi
, qui indique l'impact des mesures du
projet de loi sur les branches du régime général, ne donne
qu'un résultat d'une variation des soldes. Votre rapporteur s'est
attaché, comme l'an dernier, à retracer les recettes et les
dépenses de chaque branche du régime général
à partir des comptes tendanciels fournis en Commission des comptes. De
très légers écarts peuvent apparaître avec les
tableaux fournis à la page 96 de l'annexe C, consacrée aux
comptes résumés du régime général 1997 -
2001, sans conséquences sur les soldes.
La " nouveauté " de la
page 28 de l'annexe C du projet de
loi
concerne la ligne " Variation produits/frais financiers et
ajustements cotisations prises en charge ". Il s'agit des
conséquences financières des mesures du projet de loi : de
moindres frais financiers pour la branche vieillesse, en raison d'un
déficit moins important, de moindres produits financiers pour la branche
famille, en raison d'un excédent moins important. Les " cotisations
prises en charge " seraient celles des rapatriés.
Les comptes des branches du régime général
s'établissent en recettes et en dépenses de la manière
suivante :
CNAMTS
|
1998 |
Tendanciel 1999 |
Mesures |
Effet mesures sur frais financiers |
PLFSS
|
Recettes |
584.393 |
602.061 |
+ 870 |
|
602.931 |
Dépenses |
592.909 |
601.736 |
+ 1.190 |
+ 10 |
602.936 |
Solde |
- 8.516 |
325 |
- 320 |
- 10 |
- 5 |
Les
recettes supplémentaires sont liées à l'attribution
à la CNAM d'un excédent de CSG (750 millions de francs), à
la rationalisation sur l'exonération de cotisations sociales du premier
salarié (60 millions de francs) et à des mesures permettant un
meilleur recouvrement des contributions sociales (60 millions de francs).
Les dépenses supplémentaires de la branche recouvrent un certain
nombre de mesures disparates (prise en charge des CHAA, création du
fonds d'aide à la qualité des soins, revalorisation des pensions,
etc.)
59(
*
)
.
CNAMTS accidents du travail |
1998 |
Tendanciel 1999 |
Mesures |
Effet mesures sur produits financiers |
PLFSS
|
Recettes |
46.083 |
46.962 |
+ 10 |
- 10 |
46.962 |
Dépenses |
44.330 |
45.008 |
+ 650 |
|
45.658 |
Solde |
1.754 |
1.953 |
- 650 |
- 10 |
1.304 |
Les
dépenses supplémentaires de la branche accidents du travail sont
liées à l'indemnisation des pneumoconioses et lombalgies (+ 200
millions de francs), à la modification de la prescription biennale (+
150 millions de francs), à la mensualisation des rentes accidents du
travail (+ 150 millions de francs) et à la revalorisation des pensions
d'invalidité (+ 1,2 % au lieu de + 0,7 %).
La revalorisation des pensions de retraite accentue l'augmentation des
dépenses de la branche vieillesse (+ 1,81 milliard de francs).
Un transfert du FSV permet de dégager 3,8 milliards de francs de
recettes supplémentaires
60(
*
)
.
CNAVTS |
1998 |
Tendanciel 1999 |
Mesures 1999 |
Effet mesures sur frais financiers |
PLFSS
|
Recettes |
380.811 |
393.092 |
+ 3.860 |
|
396.952 |
Dépenses |
386.405 |
399.069 |
+ 1.810 |
- 60 |
400.819 |
Solde |
- 5.593 |
- 5.977 |
+ 2.150 |
|
- 3.867 |
Pour la CNAF, le solde de 1,2 milliard de dépenses nettes supplémentaires résume des opérations complexes, résultant de la prise en charge par le budget général de l'allocation parent isolé en échange du retour à l'universalité des allocations familiales, ainsi que d'un certain nombre d'améliorations de prestations, partiellement gagées par des économies 61( * ) .
CNAF |
1998 |
Tendanciel 1999 |
Mesures 1999 |
Effet mesures sur produits financiers |
PLFSS
|
Recettes |
254.141 |
257.570 |
+ 40 |
- 20 |
257.590 |
Dépenses |
255.088 |
253.518 |
+ 1.200 |
|
254.718 |
Solde |
- 947 |
4.052 |
- 1.150 |
|
2.872 |
L'examen des comptes du régime général, après correction, apparaît selon le tableau suivant :
Le régime général - comptes en recettes/dépenses
en millions de francs |
LFSS 1998 |
LFSS 1998 (estimations) |
Tendanciel 1999 |
Mesures |
Variations financières |
PLFSS 1999 |
Recettes |
1.253.591 |
1.265.429 |
1.299.684 |
4.780 |
- 30 |
1.304.434 |
Dépenses |
1.265.479 |
1.278.731 |
1.299.332 |
4.850 |
- 50 |
1.304.132 |
Solde |
- 11.888 |
- 13.303 |
+ 352 |
- 70 |
+ 20 |
+ 302 |
Le cadre comptable emplois/ressources utilisé par l'annexe C du projet de loi de financement 62( * ) s'établit de la manière suivante :
Le régime général en emplois ressources
en millions de francs |
1998 |
1999 |
Ressources |
1.255.669 |
1.298.869 |
Emplois |
1.265.696 |
1.295.657 |
Solde des opérations courantes |
- 10.027 |
3.212 |
Solde des opérations en capital |
- 3.276 |
- 2.914 |
Variation fonds de roulement |
- 13.303 |
298 |
Source : annexe C du projet de loi, p. 27
L'équilibre global repose sur une forte progression des recettes.
Par rapport aux " mesures votées " en 1998, le régime
général bénéficiera de
51 milliards de
francs de recettes supplémentaires
: 46 milliards de
francs d'évolution spontanée et 4,8 milliards de francs de
recettes supplémentaires (mesures correctives).
Cette " marge de manoeuvre ", produit conjugué d'une
prévision de croissance forte et des hausses d'impôts
décidées dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, est affectée à hauteur
de :
- 12,2 milliards de francs (24 %) pour réduire le déficit,
- 38,6 milliards de francs (77 %) pour couvrir la progression des
dépenses.
Evolutions des recettes et des dépenses 1998-1999
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
(3)/(1)
|
(3)/(2)
|
Recettes |
1.253.591 |
1.259.129 |
1.304.434 |
4,06 % |
3,60 % |
Dépenses |
1.265.479 |
1.272.431 |
1.304.132 |
3,05 % |
2,49 % |
N.B.
- Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire pour l'estimation
1998 (6,3 milliards de francs).
La variation " réelle " montre une augmentation de 3,60 % des
recettes et de 2,49 % des dépenses.
Le contenu de l'équilibre repose sur les excédents des branches
famille et accidents du travail. L'équilibre
" corrigé " n'est donc pas fondamentalement différent
de l'équilibre " tendanciel ".
Contenu de l'équilibre du régime
général en 1999
après mesures de
correction
CNAM - Maladie |
- 5 |
CNAM - Accidents du travail |
+ 1.304 |
CNAV |
- 3.867 |
CNAF |
+ 2.872 |
Solde global |
+ 304 |
b) Prévisions de recettes et objectifs de dépenses
Les prévisions de recettes par catégorie sont supérieures de 76 milliards de francs à celles votées en 1998.
Prévisions de recettes par catégorie en 1999
|
LFSS
1998
|
Prévisions
1998
|
PLFSS
1999
|
Evolution
|
Evolution réelle
|
Cotisations effectives |
1.034,1 |
1.045,7 |
1.062,9 |
2,79 % |
1,64 % |
Cotisations fictives |
186,9 |
186,8 |
194,8 |
4,23 % |
4,28 % |
Contributions publiques |
62,0 |
67,3 |
63,8 |
2,90 % |
-5,20 % |
Impôts et taxes affectés |
403,0 |
399,6 |
438,6 |
8,83 % |
9,76 % |
Transferts reçus |
4,6 |
4,8 |
4,9 |
6,52 % |
2,08 % |
Revenus des capitaux |
1,3 |
1,4 |
1,4 |
7,69 % |
0,00 % |
Autres ressources |
31,1 |
32,2 |
32,7 |
5,14 % |
1,55 % |
Total recettes |
1.723,0 |
1.737,8 |
1.799,1 |
4,42 % |
3,53 % |
L'évolution de certaines catégories de recettes
retient particulièrement l'attention.
Les
cotisations fictives
ont un rythme d'augmentation nettement
supérieur aux
cotisations effectives
, alors qu'elles devraient
suivre normalement une évolution similaire. Cette ligne montre, en fait,
la forte participation de l'Etat au financement des régimes
spéciaux.
Les
impôts et taxes affectés
augmentent de 8,83 % par
rapport à la prévision de 1998. Cette évolution importante
résulte de la prévision de croissance. Elle montre l'effet
mécanique des dispositions prises en 1997 et en 1998 (substitution
CSG/cotisations maladie). L'assiette CSG est beaucoup plus réactive
à la croissance que l'assiette cotisations.
Les
contributions publiques
comportent, sur la prévision 1998, la
majoration de l'allocation rentrée scolaire, non inscrite en loi de
financement initiale, d'où la baisse " réelle "
observée en 1999.
Ce poste est, par ailleurs, fortement affecté par le financement par
l'Etat, à partir du 1
er
janvier 1999, de l'allocation de
parent isolé (API), pour 4,2 milliards de francs
63(
*
)
.
La prévision tendancielle de recettes pour 1999
64(
*
)
montrait une baisse par rapport au
montant inscrit en loi de financement pour 1998 (de 62,0 milliards de
francs à 59,6 milliards de francs), en raison, principalement, de
la diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA (de
7,8 milliards de francs à 4,9 milliards de francs).
Les recettes de la sécurité sociale pour 1999 augmentent de
3,53 %, alors que les dépenses augmentent de 2,43 %. Ce rythme
d'augmentation reste inférieur à celui du PIB (3,8 en valeur en
1999, selon les hypothèses retenues par le Gouvernement).
|
PIB en valeur |
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
1998 |
4,40 |
4,40 |
2,83 |
1999 |
3,80 |
3,53 |
2,43 |
Hors
majoration de l'allocation de rentrée scolaire, les recettes progressent
pour 1999 à un rythme de 3,90 %, tandis que les dépenses
progressent de 2,86 %.
L'effet des mesures correctives sur les comptes de l'ensemble de la
sécurité sociale -obtenues en comparant les objectifs de
dépenses du projet de loi aux objectifs tendanciels - est d'un
surcroît de 9,5 milliards de francs de dépenses, se
répartissant comme suit :
- 1,3 milliard de francs pour la branche maladie ;
- 0,7 milliard de francs pour la branche accidents du travail ;
- 2,1 milliards de francs pour la branche vieillesse (revalorisation des
pensions à 1,2 % au lieu des 0,7 % envisagés en tendanciel) ;
- 5,5 milliards de francs pour la branche famille (retour à
l'universalité des allocations familiales et autres mesures
" positives " annoncées lors de la Conférence de la
famille du 12 juin 1998).
Objectifs de dépenses par branche en 1999
|
LFSS 1998 (1) |
Prévision 1998 (2) |
Tendanciel 1999 |
PLFSS 1999 (3) |
Evolution 1999/1998 (3) / (1) |
Evolution 1999/1998 (3)/(2) |
Maladie |
678,5 |
686,0 |
696,4 |
697,7 |
2,83 % |
1,58 % |
Accidents du travail |
50,8 |
51,1 |
52,3 |
53,0 |
4,33 % |
3,68 % |
Vieillesse |
755,0 |
755,2 |
779,0 |
781,1 |
3,46 % |
3,32 % |
Famille |
246,9 |
246,7 |
251,5 |
257,0 |
4,09 % |
4,17 % |
Total dépenses |
1.731,2 |
1.739,0 |
1.779,3 |
1.788,8 |
3,33 % |
2,86 % |
N.B.
La prévision 1998 est hors majoration de l'allocation rentrée
scolaire.
Les dépenses de la branche vieillesse augmentent nettement plus
rapidement que les dépenses de la branche maladie. Elles
représentent désormais 43,6 % du total, contre 39 % pour la
branche maladie-maternité-invalidité-décès et 14,7
% pour la branche famille.
En 1995,
les dépenses vieillesse représentaient 40,8 % du total des
dépenses, contre 39,7 % pour la branche
maladie-maternité-invalidité-décès et 16,4 % pour
la branche famille.
Le processus de l'augmentation des dépenses vieillesse -avant même
l'arrivée à la retraite des générations du
" baby boom "- est déjà largement engagé.
Les autres régimes de sécurité sociale se retrouvent
à peu près tous à l'équilibre en 1999.
Cette notion d'équilibre n'a pas exactement le même sens que dans
le régime général.
• Des régimes sont équilibrés par la
subvention de l'Etat : exploitants agricoles, fonds spécial des
ouvriers de l'Etat, Mines, SNCF, Marins ;
• Des régimes spéciaux bénéficient des
" cotisations fictives " : fonctionnaires civils et militaires,
EDF-GDF, des employeurs publics, SNCF, RATP, Banque de France ;
• Des régimes peuvent bénéficier de
l'affectation de taxes. En cas de croissance économique, ils reviennent
naturellement à l'équilibre : CANAM (avec les
excédents de CSG et des droits sur les alcools), ORGANIC et CANCAVA
(avec la C3S).
Il convient d'ajouter que ces régimes de base, pour la plupart,
gèrent principalement ou uniquement l'assurance vieillesse
65(
*
)
.
A ce titre, soit ils bénéficient d'un rapport
démographique favorable et contribuent à la compensation (CNRACL,
CNAVPL), soit ils n'en bénéficient pas et reçoivent des
transferts importants dus à la compensation (Régime des cultes,
SNCF, Marins).
La croissance explique le retour à l'équilibre, comme en
témoigne le tableau rapprochant les recettes par catégorie des
objectifs de dépenses par branche.
Tableau de l'équilibre global de la sécurité sociale
|
Réalisations 1997 |
Estimations 1998 |
PLFSS
|
Recettes par catégorie |
1.664,5 |
1.737,8 |
1.799,2 |
Dépenses régimes
|
1.695,2 |
1.745,3 |
1.788,8 |
Estimation des dépenses
régimes
|
2,6 |
2,5 |
2,5 |
Sous total dépenses |
1.697,8 |
1.747,8 |
1.791,3 |
Solde |
- 33,3 |
- 10,0 |
+ 7,9 |
(1) Texte initial
2. La politique gouvernementale laisse planer une incertitude de plus sur l'équilibre des comptes
La
politique menée par le Gouvernement, riche d'ambiguïtés,
laisse planer des incertitudes sur l'équilibre des comptes sociaux. Deux
exemples principaux :
- les trente-cinq heures ;
- les emplois-jeunes.
a) La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail
L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale
affirme solennellement :
" toute mesure d'exonération, totale ou
partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée
à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637
du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne
lieu à compensation intégrale aux régimes concernés
par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son
application ".
Pourtant, le Gouvernement avait tenu à annoncer, dès
l'exposé des motifs du projet de loi sur la réduction du temps de
travail et l'étude d'impact jointe au projet, que cette règle ne
serait pas respectée :
"
Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide
à la réduction du temps de travail induira pour les
régimes de sécurité sociale, cette aide donnera lieu,
à compter du 1
er
janvier 1999, à un remboursement
partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés. Cette
disposition figurera dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les
partenaires sociaux sur le taux de cette compensation
"
66(
*
)
"
A l'horizon 1999, et pour le futur système d'abattement
structurel des cotisations, les retours financiers qu'enregistrent les
régimes de sécurité sociale, et l'UNEDIC justifient
d'examiner avec les partenaires sociaux l'affectation de ces
" retours ". Le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 prévoira à cet
égard un remboursement partiel de l'aide par l'Etat aux régimes
concernés, selon des modalités et un taux qui seront
établis de façon concertée
".
67(
*
)
Cette démarche n'a toutefois pas convaincu les caisses de
sécurité sociale qui ont en conséquence émis un
avis négatif sur le projet de loi le 2 décembre 1997 pour la
CNAF et le 3 décembre 1997 pour la CNAMTS.
Comme l'expliquait votre rapporteur du projet de loi d'orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail, notre excellent
collègue M. Louis Souvet
68(
*
)
, la démarche du Gouvernement
n'est pas convaincante pour trois raisons :
"
Elle remet en cause tout d'abord un principe nécessaire
à une gestion saine et responsable de la sécurité sociale
dans la perspective nécessaire d'un retour à l'équilibre
de ses comptes. Dès lors que toute exonération de cotisations
décidée par l'Etat -du moins faut-il l'espérer- a un
objectif d'intérêt général, le principe de
" solidarité " évoqué par le Gouvernement pourra
toujours justifier la non-application du principe de la compensation
intégrale.
En second lieu, la comptabilité " administrative " des emplois
créés ne prendra en compte ni les effets d'aubaine, ni les
emplois détruits. Elle ne prendra pas davantage en compte l'effet sur
les ressources de la sécurité sociale d'une moindre progression
de la masse salariale imputable à la " modération " des
rémunérations qui, selon les experts, est l'une des conditions
des créations d'emplois. Seules seront prises en compte ces
créations d'emplois et non l'effort demandé aux salariés
en place qui se traduira pourtant par un tassement des cotisations.
La clarification des relations financières entre l'Etat et la
sécurité sociale, que votre commission appelait de ses voeux lors
de l'examen de la loi de financement pour 1998, n'en sortira pas à
l'évidence renforcée.
Comment, dans ces conditions, exiger des gestionnaires des caisses, de leurs
personnels, des assurés et des professionnels, l'effort de rigueur
indispensable au redressement financier de la sécurité sociale
?
"
Ce principe inédit depuis la loi de 1994 d'une neutralité
scrupuleuse de la compensation, grâce à un calcul
méticuleux des " retours " attendus par la
sécurité sociale, gagnerait en crédibilité s'il
s'appliquait à l'ensemble des exonérations de charges, et donc
aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, qui restent non
compensés et dont le coût est évalué à 17
milliards de francs.
Le Gouvernement a fixé, dans le projet de loi de finances pour 1999,
à 3,5 milliards de francs l'enveloppe nécessaire au financement
des allégements de charges. A cette somme, s'ajouterait un
" reliquat " de l'exercice 1998, évalué entre 1,5 et 2
milliards de crédits non consommés dans la loi de finances pour
1998.
Les chiffres du ministère de l'emploi et de la solidarité, datant
de la fin du mois d'août 1998, faisaient état de 150 accords
signés, 127 dans le cadre d'une version " offensive " de la
loi, permettant la création de 1.750 emplois, 23 dans le cadre d'une
version " défensive ", permettant de sauvegarder
428 emplois. La volonté du Gouvernement de créer 35.000
emplois d'ici à fin 1998 apparaît d'ores et déjà
contredite par les faits.
Par ailleurs, 2 à 3 milliards de francs devaient reposer sur les
régimes sociaux, pour arriver à une enveloppe de 7,5 milliards de
francs.
Selon les estimations du ministère de l'emploi, cette somme permettrait
le passage aux 35 heures de 1,5 million de salariés. Pour le
Gouvernement, ce chiffre n'est qu'une estimation et non un objectif. Les aides
à la réduction du temps de travail étant
conditionnées à une augmentation des effectifs de 6 %, il est
possible de déduire que ces 7,5 milliards de francs pourraient
créer -ou sauvegarder- 90.000 emplois.
Les estimations du Gouvernement portant sur les années 1998-1999 sont
donc de 125.000 emplois créés ou sauvegardés.
Mme Martine Aubry a fait état d'une estimation de " retours "
pour la sécurité sociale de l'ordre de 32 %. Cette estimation
aurait été effectuée à l'occasion des
"
études sur les exonérations accordées aux
entreprises qui réalisent les 35 heures
"
69(
*
)
. Elle a réaffirmé le
principe selon lequel l'Etat était fondé à ne rembourser
que deux tiers des exonérations de charges.
La Commission des comptes de la sécurité sociale a retenu pour
principe que l'incidence de la réduction du temps de travail
était considérée comme neutre sur les encaissements :
"
La compensation par l'Etat au Régime général des
pertes de cotisations liées aux abattements de cotisations patronales
n'a pas non plus été intégrée dans le poste
cotisations prises en charge. Il a été fait l'hypothèse
pour ce compte que les suppléments de recettes
générés en 1999 par les emplois créés
neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations
prévues par l'Etat
"
70(
*
)
.
Si la ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pas renoncé
à une compensation qui ne serait que partielle des exonérations
de charges, elle ne l'a pas pour autant inscrit dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale, comme le laissait
prévoir tant l'exposé des motifs que l'étude d'impact du
projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du
temps de travail. Ainsi, Mme Martine Aubry a pu déclarer à
l'Assemblée nationale :
" En ce qui concerne la durée du
travail (...), pour l'instant, nous nous en tenons à la compensation
liée à la loi de 1994. Nous dresserons un bilan de l'application
de la loi à mi-année avec les partenaires patronaux et syndicaux
et nous verrons alors si nous devons changer les
règles "
71(
*
)
.
En l'absence de tout dispositif législatif modifiant "
les
règles
", votre commission considère que la compensation
intégrale, dans le cadre des 35 heures, continue à s'appliquer en
1999. Elle s'en félicite.
L'article 12 portant prévisions des objectifs de recettes doit
être, en conséquence modifié. La ligne " cotisations
effectives ", sur laquelle s'imputent les exonérations de charges
compensées, doit être majorée d'un montant de 2,5 milliards
de francs.
Votre commission appelle ainsi l'attention du Gouvernement sur le fait qu'une
remise en cause de ce principe en cours d'année justifierait une loi de
financement rectificative.
b) Les emplois-jeunes
La
prévision d'un succès des emplois-jeunes a des
conséquences non négligeables vis-à-vis de la
prévision de croissance de masse salariale. Les hypothèses du
Gouvernement tablent en effet sur une réussite du plan
emplois-jeunes
72(
*
)
.
Un bilan daté de fin juin 1998 faisait état du recrutement de
66.000 jeunes, dont 33.000 par les établissements scolaires, 5.000
par la police nationale et 28.000 dans les collectivités locales, les
associations et les entreprises. Un bilan du 30 septembre 1998
établissait le nombre d'embauchés à 88.855 et le nombre
d'emplois créés à 138.250, la différence
s'expliquant officiellement par les délais longs entre la date de
création de l'emploi et son recrutement. Le taux de démission
dans l'éducation nationale est de l'ordre de 10 %. Des
premières grèves ont eu lieu à Paris.
Si le ministère de l'emploi espère passer le cap des 150.000
emplois créés d'ici la fin de l'année 1998, il est clair
que les emplois-jeunes ne font pas recette en entreprise, et vont
représenter une sous-fonction publique, bombe à retardement pour
les gouvernements de l'après 2002.
3. L'absence de réformes structurelles
a) La réforme des cotisations patronales est enlisée par l'accumulation de " diagnostics "
Le
présent projet de loi se caractérise par une grande
absence
: la réforme des cotisations patronales. Le dernier
paragraphe de l'introduction du rapport annexé à l'article
premier du projet de loi est une déclaration de principe :
" Enfin, la politique du Gouvernement en matière de
sécurité sociale doit s'inscrire dans la politique
générale qu'il conduit en faveur de l'emploi. Après la
réforme des cotisations salariés entreprise dès
1998
73(
*
)
, le Gouvernement
souhaite engager une réforme des cotisations patronales favorable
à l'emploi. "
•
Un débat ancien
La longue liste de rapports sur la réforme des cotisations
patronales
74(
*
)
pourrait inviter
à un certain pessimisme. Ces rapports ont néanmoins permis de
poser un double constat sur le financement de la sécurité
sociale :
1- un décrochage sur les quinze dernières années entre
l'évolution de la masse salariale et celle de la richesse nationale
Entre 1981 et 1996, la masse salariale a évolué en moyenne
annuelle de 0,7 point en dessous du PIB. Sur les sept dernières
années (1991-1997), la masse salariale a évolué en moyenne
annuelle de 0,4 point en dessous du PIB.
Evolution en valeur de la masse salariale et du PIB 1991 - 1997
en % |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Masse salariale |
4,0 |
3,4 |
0,4 |
2,1 |
4,0 |
3,1 |
3,2 |
PIB |
4,1 |
3,3 |
1,1 |
4,4 |
3,7 |
2,7 |
3,4 |
Cette situation a trois explications :
- la politique de modération salariale ;
- la hausse du chômage ;
- la hausse des taux d'intérêt.
La masse salariale subit de manière très importante les
dépressions conjoncturelles (1993). En revanche, elle réagit avec
retard à l'augmentation de production (1994).
2- un renchérissement du coût relatif du travail par rapport au
facteur capital
L'assise des cotisations sur la masse salariale incite le chef d'entreprise
à remplacer les hommes par les machines. Elle pénalise les
industries à bas salaire (industries de main d'oeuvre).
A la suite d'une demande du Parlement fin 1973 de rechercher
" un
aménagement de l'assiette des charges sociales assumées par les
entreprises pour tenir compte de l'ensemble des éléments
d'exploitation ",
différents rapports vont examiner la
possibilité d'une taxation de la valeur ajoutée. Le rapport du
comité des revenus et des transferts indiquait dès 1976 qu'une
assiette élargie présente " plus
d'inconvénients
que d'avantages ". Les conclusions du
rapport Malinvaud (1998) ne constituent pas, de ce point de vue, une
nouveauté.
La réforme des cotisations patronales : une longue série de rapports
1974
Rapport de Léon Boutbien, (Conseil économique et social)
1975 Rapport de la commission Granger (ministère du travail)
1976 Rapport du comité des revenus et des transferts du VIIème
Plan
1978 Rapport Ripert (Commissariat Général du Plan)
1981 Rapport Maillet (Direction de la Sécurité sociale)
1982 Rapport de Castries (Inspection générale des finances)
1982 Rapport Peskine (ministère de la solidarité nationale)
1983 Rapport Bazy-Malaury et Buisson de Courson
1994 Rapport Foucault (Commissariat général du Plan)
1996 Rapport du groupe de travail sur la réforme des
prélèvements obligatoires (rapport La Martinière)
1997 Rapport de M. Jean-François Chadelat
1998 Rapport de M. Edmond Malinvaud
Les rapports des années soixante-dix sont les premiers à poser la
question du financement au travers des charges pesant sur les entreprises de
main d'oeuvre : le déplafonnement des cotisations en a
été une conséquence directe.
Les rapports les plus récents ont permis de déterminer qu'il
n'existe pas de réforme parfaite du financement de la
sécurité sociale et d'insister sur la nécessité
d'une approche globale des prélèvements sur les ménages et
les entreprises.
Le rapport de M. Jean-Baptiste de Foucault (1994) affirme
" qu'il
n'existe pas d'assiette miracle qui à elle seule permettrait de garantir
l'équilibre financier du système de protection sociale (...) Il
serait donc vain d'espérer pérenniser le système, si le
rythme de croissance des dépenses sociales devait évoluer
durablement et sensiblement plus vite que le PIB "
Le rapport de M. Dominique de la Martinière (1996) montre la
nécessité de disposer d'une vue globale, par le recours au
concept de prélèvements obligatoires.
La France, les prélèvements obligatoires et les prélèvements sociaux
Dans la
structure des prélèvements, l'originalité française
n'est plus, comme on l'a longtemps dit, dans les impôts indirects, mais
dans le poids respectif de l'impôt sur le revenu et des charges de
sécurité sociale. La France a compensé la faiblesse de
l'impôt sur le revenu par les cotisations de sécurité
sociale.
Selon les données statistiques de l'OCDE sur les recettes fiscales
publiques en 1997
75(
*
)
, le taux
des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations
sociales) a atteint 46,1 % du PIB en France, contre 37,7 % pour la moyenne des
pays membres de l'OCDE et 42,4 % par rapport à la moyenne des membres de
l'Union européenne.
Si l'on considère les seuls prélèvements sociaux, la
France se place en tête avec 19,7 % du PIB. Sur ce plan, les
écarts entre les résultats français et ceux des principaux
pays développés sont très significatifs : les
cotisations sociales représentent 15,5 % du PIB allemand, 14,8 % du PIB
italien, 6,2 % du PIB anglais. La moyenne des pays membres de l'Union
européenne se situe à 12,2 %. Il est néanmoins
nécessaire de nuancer cette première place : la comparaison
est difficile. L'OCDE est d'ailleurs en train de mettre au point des
indicateurs de dépenses sociales nettes
76(
*
)
.
En effet, des dépenses fiscales ont un caractère social, alors
qu'elles sont classées dans les dépenses de l'Etat :
allégements fiscaux à caractère social (cotisations
patronales d'assurance maladie, régimes de retraite privés),
dépenses privées obligatoires, imposition directe des transferts
sociaux, taxation indirecte de la consommation issue des prestations.
Le Premier ministre s'est déclaré résolu à aller
plus loin dans la baisse des prélèvements obligatoires, lors
d'une intervention devant l'assemblée plénière du Conseil
économique et social :
" Grâce au retour de la
croissance, le taux de prélèvement obligatoire va baisser en
1998 ".
•
Le rapport Chadelat a montré les possibilités et les
limites d'une taxation de la valeur ajoutée
En 1996, lorsque le gouvernement de M. Alain Juppé confie à
M. Jean-François Chadelat une mission sur cette question, c'est
pour tenir compte à la fois du basculement d'une partie des cotisations
salariales maladie sur une CSG élargie et de la perspective de
l'assurance maladie universelle. M. Jean-François Chadelat a
rédigé une note sur l'état des réflexions et
travaux antérieurs -intitulée "
note de
problématique
"- et a rencontré courant mars
1997 tous les partenaires sociaux.
Le rapport a écarté tout d'abord la piste d'une cotisation assise
sur le chiffre d'affaires, dans la mesure où elle conduirait à
une taxation en cascade des intermédiaires (par exemple,
pénalisation du petit commerce de détail par rapport aux
distributeurs). Autre solution écartée, celle d'un
élargissement aux immobilisations brutes, dans la mesure où il
risquerait d'avoir un effet négatif sur l'investissement, et donc sur
l'emploi, tout en conduisant à une taxation sans lien avec les
résultats de l'entreprise.
La solution de la taxation de la valeur
ajoutée a été ainsi préférée. Mais le
rapport a rappelé sans détours les inconvénients et
l'ensemble des problèmes posés par cette nouvelle assiette.
Avantages, inconvénients et difficultés d'une cotisation
assise sur la valeur ajoutée
Avantages
-
progression identique au PIB marchand, par définition
(PIB marchand = somme des valeurs ajoutées)
- ralentissement de la substitution du capital au travail
Inconvénients
-
défavorable à l'investissement
- défavorable à l'esprit d'entreprise
- risques de délocalisation (rapport La Martinière, p.46-47)
Difficultés
-
définition de la valeur ajoutée
- organisme de recouvrement (URSSAF ou administration fiscale)
- déclarations particulières
- possibilités de manipulation avantageuse des déclarations
- inadaptation de la nouvelle assiette aux administrations publiques, aux
associations,
aux emplois familiaux, aux entreprises agricoles et aux entreprises ayant une
valeur
ajoutée inférieure à 3 millions de francs
Il est à noter que le rapport Chadelat a apporté un certain
nombre de réponses aux difficultés signalées. Ainsi, en ce
qui concerne la définition de la valeur ajoutée, il a
proposé le choix de la définition fiscale, prévue à
l'article 1647 B
sexies
du code général des impôts,
telle qu'elle est utilisée pour le plafonnement de la taxe
professionnelle. En ce qui concerne les services chargés du recouvrement
de cette cotisation, il a plaidé pour la compétence des services
fiscaux.
Le rapport a proposé également une alternative : soit une
nouvelle assiette valeur ajoutée, soit une modulation des cotisations
par des paramètres valeur ajoutée. La modulation permettrait de
limiter les transferts intersectoriels. Mais cette modulation serait source de
complexité.
Le rapport a été contesté. La Chambre de commerce et
d'industrie de Paris a notamment considéré que
" si elles
devaient conduire à une opération de redistribution à
somme nulle, ces modifications d'assiette ou de taux constitueraient un pari
très risqué pour l'emploi "
. Elle s'est prononcée
pour une baisse nette des cotisations.
Dans cet ordre d'idées, l'économiste Patrick Artus s'est
prononcé pour le transfert des charges sociales des entreprises sur
l'impôt direct, que ce soit l'impôt sur le revenu ou l'impôt
sur les sociétés.
Alors que le rapport Chadelat, commandé par M. Alain Juppé,
était remis en juin à M. Lionel Jospin, le Gouvernement issu des
élections législatives de 1997 n'a pas souhaité amorcer la
réforme des cotisations patronales lors de la discussion de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998.
"
Nous modifierons progressivement l'assiette d'une partie des
cotisations patronales, en les faisant reposer sur l'ensemble de la richesse
produite par les entreprises et non sur le seul travail
" ; la
brochure
" Changeons d'avenir, changeons de majorité "
,
diffusée à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires par le
Parti socialiste avant les élections législatives avait pourtant
l'avantage de la clarté. La réforme des cotisations patronales
fait partie des thèmes du programme économique du PS depuis 1996.
Un rapport complémentaire a été demandé à M.
Jean-François Chadelat. Mais ce nouveau report, comme ce nouveau
rapport, ne signifiaient pas pour autant abandon. Un amendement, introduit par
l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux,
alors rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances, a permis
d'inscrire dans la loi de financement (article 6) qu'un rapport serait
déposé sur le bureau des Assemblées par le Gouvernement
avant le 1
er
août 1998,
" précisant les effets,
notamment sur l'emploi, d'une extension de l'assiette des cotisations
patronales à la valeur ajoutée "
. Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, affirmait devant le
Sénat le 13 novembre 1997 :
" Nous souhaitons en
effet -je l'ai dit à plusieurs reprises- modifier l'assiette des
cotisations patronales, en espérant pouvoir, dès l'année
prochaine, en faire une première étape. Il conviendra de
travailler sur la notion de valeur ajoutée. "
Dans l'esprit des rédacteurs de cet amendement, il ne s'agissait pas de
renoncer à la réforme de l'assiette des cotisations patronales,
mais -bien au contraire- d'annoncer que cette réforme aurait lieu,
grâce à une date impérative, celle de la remise d'un
rapport.
•
Le rapport Malinvaud privilégie la baisse des charges sur les
bas salaires
Le 6 avril 1998, une lettre de mission signée par M. Lionel Jospin,
Premier ministre, a confié à M. Edmond Malinvaud, dans le cadre
du Conseil d'analyse économique, un nouveau rapport.
Ce rapport a
été rendu public le 3 août 1998 et transmis au Parlement
à la même date, sous couvert de l'article 6 précité
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Du rapport Chadelat au rapport Malinvaud : le glissement
La
lettre de mission du Premier ministre à M. Edmond Malinvaud,
datée du 6 avril 1998, change la problématique puisqu'elle
met l'accent, dès son premier paragraphe, sur les
" salaires les
plus bas "
et sur
" le développement de
l'emploi ".
Elle ne fait pas mention explicite du rapport Chadelat. Elle souligne que
" parmi les options possibles ",
une attention
particulière sera accordée
" aux avantages et aux
inconvénients d'un élargissement de l'assiette des cotisations
à la valeur ajoutée ".
Le glissement sur le fond (de la réforme du financement de la
sécurité sociale à la politique de l'emploi) est
accompagné d'un glissement sur la forme : la lettre de mission ne
fait pas mention de l'obligation découlant de l'article 6 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998.
M. Edmond Malinvaud a précisé, lors de son audition par votre
commission, le mardi 13 octobre 1998, que son rapport ne devait pas être
considéré comme celui prévu à l'article 6 de la loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Votre commission s'étonne, en conséquence, de ce
" détournement de rapport " et du non-respect par le
Gouvernement de l'article 6 de la loi du 19 décembre 1997.
Le Conseil d'analyse économique, créé par M. le Premier
ministre, est un organisme qui s'est déjà exprimé en
faveur d'une baisse des charges. Il s'agit d'une idée du rapport de MM.
Blanchard et Fitoussi intitulé " Croissance et
chômage "
77(
*
)
.
Le rapport Malinvaud repose sur trois " diagnostics
78(
*
)
".
Le premier " diagnostic " porte sur la masse salariale. M. Malinvaud
estime qu'elle "
augmentera à l'avenir au moins aussi vite que
la valeur ajoutée - et de façon moins cyclique
",
contrairement à "
certains promoteurs de la réforme de
l'assiette, qui s'appuient sur des années
exceptionnelles
"
79(
*
)
.
Pour M. Malinvaud, les trois facteurs expliquant les années
" exceptionnelles " sont susceptibles de s'inverser sur le moyen
terme : politique de modération de la masse salariale, hausse du
chômage et hausse des taux d'intérêt.
Ce premier diagnostic est contestable pour deux raisons. Premièrement,
les effets de la loi d'orientation sur les trente-cinq heures -qui ne se
traduisent pas forcément par des embauches supplémentaires-
montrent que les chefs d'entreprise sont fortement tentés de
négocier la réduction du temps de travail contre un accord
pluriannuel de modération salariale. Deuxièmement, le
développement de rémunérations non assujetties aux
cotisations sociales, et donc une réduction de l'assiette cotisations
sociales, va dans le sens d'une masse salariale évoluant moins
favorablement que le PIB.
Eléments de rémunération exonérés de cotisations sociales
- sommes
versées au titre de la participation, de l'intéressement, de
l'abondement sur
les PEE ou PER
- déductions supplémentaires pour frais professionnels
accordés à certaines professions
- contributions patronales de retraite et de prévoyance
complémentaire (sous plafond)
- prestations des comités d'entreprise
- une partie des sommes versées à l'occasion de la rupture du
contrat de travail
- contribution des employeurs aux tickets-restaurant
- remboursements de frais de transport
- stock options au-delà de cinq ans
L'ensemble de ces avantages représenterait 200 milliards de francs
d'assiette supplémentaire.
Le second " diagnostic " porte sur le taux de chômage. Pour
M. Malinvaud,
" il est exagérément pessimiste de
raisonner comme si le taux de chômage devait dans les dix prochaines
années osciller autour de son niveau actuel, plus probable que ce taux
diminuera significativement "
. Le rapport cite des exemples pris dans
l'histoire économique (Pays-Bas, Royaume-Uni).
Le troisième diagnostic porte sur le grave handicap des moins
qualifiés, qui n'a pas de raison d'être moindre dans les
prochaines années.
Pour M. Malinvaud, l'introduction assiette valeur ajoutée aurait pour
effet une baisse du coût réel du travail et une hausse du
coût réel de l'utilisation du capital. L'effet positif sur
l'emploi à travers les substitutions se révélerait
limité. Une modification de l'assiette des cotisations patronales serait
un pari risqué.
En revanche, M. Malinvaud indique sa préférence pour une baisse
permanente, stable et durable des charges sur les bas salaires.
Deux rapports, rendus à moins d'un an d'écart, sont ainsi
contradictoires.
Pour la majorité de votre commission, les conclusions du rapport
Malinvaud sur la nécessité de réduire les charges sur les
bas salaires ne constituent pas une révélation. A peine un mois
avant la remise au Premier ministre du rapport Malinvaud, le Sénat avait
consacré son attention à cette question, en adoptant le 29 juin
1998 une proposition de loi, tendant à alléger les charges sur
les bas salaires, déposée par les présidents des
commissions des Affaires sociales et des Finances et les présidents des
groupes RPR, UC et RI.
Cette proposition de loi reprenait les termes de la proposition n° 628,
présentée le 14 janvier 1998 à l'Assemblée
nationale par MM. François Bayrou, Jean-Louis Debré, Jacques
Barrot, Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin et les membres des groupes
de l'union pour la démocratie française et du centre (UDF) et du
groupe du rassemblement pour la République (RPR), mais qui n'avait pas
franchi, le 30 janvier 1998, le stade de la discussion générale.
L'excellent rapport de M. Alain Gournac
80(
*
)
montre que la majorité du
Sénat est d'une parfaite clarté sur la question de
l'allégement des charges sur les bas salaires. Il n'en reste pas moins
que, pertinent sur la question d'une politique dynamique pour l'emploi, le
rapport Malinvaud n'aborde qu'accessoirement le problème du financement
de la protection sociale.
•
Le projet de Mme Martine Aubry : une réforme
avortée
Le 8 septembre 1998, le Premier ministre a chargé Mme Martine Aubry
d'engager au plus vite des concertations bilatérales avec le patronat et
les syndicats
" dans la perspective d'une réforme des
cotisations patronales ".
Le système proposé de manière tout à fait
informelle aux partenaires sociaux
81(
*
)
semble avoir été le
suivant :
- allégement des charges sur les salaires (jusqu'à 16.000
francs) ;
- surcotisation sur les salaires supérieurs à 20.000 francs.
Cette surcotisation n'étant pas suffisante pour financer la
réduction des charges, il était proposé la création
d'une cotisation sur la valeur ajoutée à un taux de 0,5 %.
Ces concertations n'ont pas abouti. De plus, le Ministre de l'économie
et des finances a " doublé " son collègue de l'emploi
et de la solidarité dans sa volonté d'alléger les charges
sur les entreprises, puisqu'une des mesures du projet de loi de finances pour
1999 concerne la réforme de la taxe professionnelle.
Sans réforme des cotisations patronales, il fallait absolument trouver
une mesure pour donner au projet de loi de financement de la
sécurité sociale une apparence de réformisme. Ce fut
l'acte fondateur du fonds de réserve, dont les partenaires sociaux
apprirent l'existence par les journaux, deux jours avant la réunion de
la Commission des comptes de la sécurité sociale, alors
même qu'ils venaient d'être entendus par Mme la Ministre sur son
projet.
b) Le financement du déficit structurel de la branche vieillesse n'est pas assuré
La
création du " fonds de réserve " est
présentée comme la mesure la plus novatrice du projet de loi de
financement pour 1999. En fait, il s'agit de mettre de côté un
certain nombre d'excédents, tandis que d'un autre côté le
déficit de la branche vieillesse continue d'être important, avant
même l'échéance de 2005/2010.
Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale
indique que l'excédent de CSG et l'excédent de contribution
sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) ont pour
conséquence "
un accroissement de l'interdépendance
financière de régimes théoriquement
indépendants
", d'où un risque d'arbitraire et
d'opacité
82(
*
)
.
Le Gouvernement propose d'affecter l'excédent structurel de C3S au fonds
de solidarité vieillesse, afin d'alimenter un fonds de réserve
des retraites.
La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S)
La C3S,
contribution sur le chiffre d'affaires des sociétés, a
été instituée par la loi du 3 janvier 1970. Son objet
est d'équilibrer les risques vieillesse et maladie des
non-salariés. Elle est recouvrée par l'ORGANIC.
Il s'agit d'une contribution dont le principal mérite est la
simplicité.
Elle a fait l'objet en 1995 d'une réforme destinée à
augmenter son rendement (loi du 4 août 1995 portant loi de finances
rectificative pour 1995) :
- taux porté de 0,1 % à 0,13 % du chiffre d'affaires ;
- champ d'application élargi à des formes de
sociétés jusqu'alors exonérées à
compter du 1er janvier 1996
83(
*
)
;
- seuil d'exonération de la contribution pour les petites entreprises
porté de 3 à 5 millions de francs de chiffre d'affaires.
La loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique
et financier a explicité les modalités de répartition de
la C3S :
1ère étape : CANAM, ORGANIC (y compris le régime
complémentaire des bâtiments travaux publics) et CANCAVA au
prorata et dans la limite de leurs déficits comptables ;
2ème étape : CNAVPL, BAPSA, CAMAVIC et CNBF au prorata des
sommes reçues au titre de la compensation
généralisée et dans la limite de leur déficit
comptable.
Dans la pratique, le BAPSA et les autres régimes de la " seconde
étape " n'ont profité ni en 1996, ni en 1997 de cette source
de financement (à la différence des années 1992 et 1993).
L'excédent de C3S en 1996 a été reporté sur 1997
(loi de financement du 27 décembre 1996) et l'excédent de C3S en
1997 a été reporté sur 1998 (loi de financement du 19
décembre 1997).
Le rendement de la C3S attendu en 1998 est de 16,1 milliards de francs (soit
une augmentation de 3,8 % par rapport à 1997).
L'excédent structurel de C3S s'explique en raison d'un moindre besoin de
financement de la part de la CANAM, qui s'explique lui-même par le
moindre besoin de la CNAM en matière de CSG/droits alcools. En effet, la
CANAM bénéficie -après la CNAM- de la seconde
répartition. Le produit de la répartition CSG/droits sur les
alcools -du fait de l'équilibre de la CNAM- serait en forte
augmentation : la CANAM bénéficierait de 16,3 milliards de
francs de CSG en 1999 (au lieu de 11,1 milliards de francs en 1998).
Son " besoin " en C3S serait de 1 milliard de francs en 1999 au lieu
de 5,2 milliards de francs en 1998.
Les organismes bénéficiaires de la C3S
En millions de francs |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
CANAM |
1.722 |
5.766 |
4.843 |
1.038 |
ORGANIC |
5.797 |
5.886 |
6.646 |
5.867 |
CANCAVA |
3.856 |
4.111 |
4.526 |
4.013 |
Rég. compl. du bâtiment |
301 |
300 |
330 |
330 |
Total dépenses |
11.676 |
16.063 |
16.345 |
11.248 |
Recettes C3S |
15.305 |
15.622 |
16.233 |
16.950 |
Un solde important de C3S demeure, alors même que le compte présente des excédents cumulés depuis 1996.
Le compte de la contribution sociale de solidarité 1996 - 1999
En millions de francs |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Ressources |
15.305 |
15.622 |
16.233 |
16.950 |
Emplois |
11.676 |
16.063 |
16.345 |
12.248 |
Solde |
636 |
1.856 |
- 354 |
5.634 |
Réserves |
958 |
2.814 |
2.460 |
8.094 |
L'application des dispositions en vigueur reviendrait à
affecter l'excédent de C3S au BAPSA et à diminuer la subvention
de l'Etat.
Le Gouvernement propose pour 1999 d'affecter 1 milliard de francs au BAPSA et
d'affecter le reste au FSV, dont 2 milliards de francs prévus pour le
" fonds de réserve des retraites ".
Affectation des excédents cumulés de C3S
proposée par le Gouvernement en 1999
BAPSA |
1.000 |
FSV |
7.094 |
Total des excédents cumulés |
8.094 |
L'excédent de C3S pour 1999, venant alimenter le solde
cumulé, repose ainsi sur deux hypothèses :
- L'hypothèse de croissance du PIB de 2,7 %, la C3S étant par
nature très sensible à l'activité économique ;
- L'hypothèse d'une croissance modérée des dépenses
d'assurance maladie.
Le FSV est soumis, de son côté, à des dépenses
supplémentaires :
Conséquences du PLFSS pour 1999 sur l'équilibre du FSV
|
Recettes |
Dépenses |
Solde tendanciel (1) |
2.404 |
|
Attribution au FSV des excédents cumulés de C3S |
7.094 |
|
Attribution à la CNAM d'excédents de CSG |
|
810 |
Indexation des pensions |
|
340 |
Accroissement des transferts à la CNAVTS |
|
3.800 |
Attribution fonds de réserve |
|
2.000 |
Total mesures |
7.094 |
6.950 |
Solde des mesures (2) |
144 |
|
Solde après mesures (1) + (2) |
2.548 |
|
Réserves FSV (1998) |
2.425 |
|
Solde cumulé fin 1999 |
4.973 |
|
L'attribution de 2 milliards de francs au fonds de
réserve
apparaît ainsi relever d'une " usine à gaz ". Elle est
prudente, en raison d'un équilibre du FSV en 1998 et d'un
excédent important en 1999.
Le dispositif proposé fait que, même en l'absence
d'excédent important de C3S, le fonds de réserve sera
alimenté, puisque le FSV se retrouve en excédent en 1999 et
que ce fonds de réserve est alimenté à la fois par les
excédents de C3S, mais également par tout ou partie de
l'excédent de la première section, retraçant les
opérations de solidarité.
Mais ce financement d'un fonds de réserve est, d'une part,
contradictoire avec les déficits prévus de la CNAVTS à
court terme, et d'autre part, représente un montant dérisoire du
financement comparé aux besoins de financement de la branche vieillesse
dans les prochaines années. La mission confiée au commissariat
général au Plan -un rapport de plus- n'apparaissait pas
véritablement nécessaire. Il suffisait d'actualiser les
conclusions du rapport Briet (1995).
Le Gouvernement accumule là aussi les " diagnostics ", en
retardant l'échéance de la prise de décision, du fait des
contradictions de sa " majorité plurielle " sur le recours
à la capitalisation, qui est apparu depuis longtemps à votre
commission comme un complément indispensable -et non une substitution-
aux régimes de retraite par répartition
84(
*
)
.
c) Le financement de la couverture maladie universelle n'est pas défini
Le
Gouvernement fait référence, dans le rapport annexé au
projet de loi, à la couverture maladie universelle. Après
l'annonce, au printemps dernier, d'un dépôt simultané des
deux projets de loi (projet de loi de financement de la sécurité
sociale et projet de loi instaurant la couverture maladie universelle), le
rapport annexé au projet de loi déposé par le Gouvernement
à l'Assemblée nationale précise que "
le
Gouvernement déposera un projet de loi au cours de l'automne
1998
".
Ce calendrier n'apparaît pas compatible avec les exigences fixées
par l'adoption, au cours du même automne, des deux projets de finances
publiques que sont le projet de loi de finances et le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Le Parlement ne se prononcera pas sur la question avant le mois d'avril 1999,
le temps que la concertation avec l'ensemble des parties prenantes puisse avoir
lieu. Les dispositions de ce projet de loi auront des conséquences sur
l'équilibre financier de la sécurité sociale.
Faudra-t-il prévoir une loi de financement rectificative ?
Mme Martine Aubry semble indiquer que le projet de loi n'aurait des effets que
sur l'exercice de la loi de financement 2000.
Votre commission regrette qu'une priorité plus importante n'ait pas
été donnée à ce projet, qui rassemble pourtant
autour de lui un consensus large.
d) Le " dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes " n'est pas présent dans le projet de loi initial
Les
mesures conjointes de la loi de finances (proratisation de la réduction
des charges sur les bas salaires et diminution de la réduction
d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile) et de la loi de
financement pour 1998 (diminution de l'AGED) ont eu des conséquences
fâcheuses sur les emplois à domicile. Le Gouvernement a
confié à l'Inspection générale des finances et
à l'Inspection générale des affaires sociales une mission
conjointe
85(
*
)
, qui devait
envisager une mise à plat des aides à domicile.
A l'occasion de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier, M. Christian Sautter, secrétaire
d'Etat au Budget, annonçait que figurerait dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 un
" dispositif permanent de financement des services d'aide aux
personnes "
86(
*
)
.
Il est à noter que :
- aucun dispositif permanent de financement des services d'aide aux
personnes n'était présent dans le projet de loi
déposé à l'Assemblée nationale ;
- le rapport Hespel-Thierry, sous forme d'une synthèse, n'a
été rendu public et communiqué à votre commission
que le 16 octobre 1998, alors que le Gouvernement en disposait depuis
probablement plusieurs mois ;
- il n'a fait pour l'instant l'objet d'aucune concertation.
e) La question de l'affectation des excédents du régime général est esquissée dans des termes inquiétants
L'affectation des excédents des régimes de
sécurité sociale au fonds de réserve est une question
soulevée par Mme Martine Aubry, en se fondant sur des estimations
portant sur les années 2000 et 2001. Ces estimations ont
été effectuées avec une prévision de masse
salariale de 4,3 % sur les années considérées, ce qui est
bien évidemment très optimiste.
Il convient par ailleurs de distinguer clairement ce qui relève des
excédents de trésorerie, et ce qui relève des
excédents comptables.
•
Les excédents de trésorerie
La gestion commune de trésorerie est effectuée par l'ACOSS, au
moyen du compte unique de disponibilités courantes (CUDC) ouvert
à la Caisse des dépôts. Ce système a pour effet de
prendre en charge l'éventuel déficit structurel de
trésorerie d'une ou de plusieurs branches par les excédents des
autres.
Néanmoins, chaque caisse dispose d'une
individualisation de sa
trésorerie
, par un suivi permanent en prévision et en
réalisation comptable (art. L. 225-1 du code de la
sécurité sociale). La séparation comptable exacte des
encaissements entre les branches isole les intérêts
créditeurs et débiteurs résultant de la gestion de
trésorerie (art. L. 255-1).
De manière générale, un excédent de
trésorerie peut apparaître régulièrement, sans qu'il
y ait excédent comptable. L'évolution du solde journalier du
compte ACOSS pour 1998 montre ainsi un excédent jusqu'au mois de juin.
Le compte se redresse de fin juillet à fin août, avant de
connaître une dégradation importante qui connaît son
apogée vers le 12 octobre 1998.
L'ACOSS va placer cet argent, afin de procurer des produits financiers qui
compenseront les charges financières résultant des
déficits de trésorerie intervenant à partir de fin
août.
Les Caisses nationales ont deux possibilités :
-
laisser à l'ACOSS la gestion de leur compte
(article R.
255-6 du code de la sécurité sociale),
dans le cadre du
" pot commun " ;
-
donner à l'ACOSS le mandat de placer les
" excédents durables de trésorerie " (troisième
alinéa de l'article L. 225-1 et article R. 255-3 du code de la
sécurité sociale).
Ces excédents durables de
trésorerie sont ainsi définis : "
le montant des
excédents durables est celui du petit solde prévisionnel de
trésorerie constaté dans le cadre de l'exercice annuel, à
condition que ce solde soit positif
" (art. R. 255-2). Le montant des
sommes placées ne peut être inférieur à 300 millions
de francs.
La Caisse nationale doit se prononcer avant le 31 décembre, au vu de la
prévision de trésorerie fournie par l'ACOSS.
Cette deuxième possibilité ne s'est jamais
vérifiée. Une seule branche remplit en 1998 la condition de
l'article R. 255-3 : la branche des accidents du travail.
La Cour des comptes, dans son rapport 1998
87(
*
)
, s'est montrée
défavorable à la séparation de la gestion des
excédents de trésorerie durables des branches. Elle constate que
"
la séparation comptable de la trésorerie des branches
permet en fait aux branches excédentaires de faire des placements
auprès des branches déficitaires aux conditions fixées par
la convention CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts
opérés pour les branches déficitaires.
"
•
Les excédents comptables
La notion d'excédents comptables est différente. Au bout d'un
exercice donné, la branche dégage un
" excédent " ou un " déficit ".
Sur l'année 1998, seule la branche accidents du travail devrait
dégager un excédent.
Sur l'année 1999, la branche famille et la branche accidents du travail
seraient excédentaires.
Cet excédent va alimenter le
fonds de roulement
, permettant de
disposer sur l'année suivante d'un meilleur profil de trésorerie.
Une succession d'excédents comptables aurait pour effet de
dégager des excédents de trésorerie durables.
Aucune disposition n'est prévue pour l'affectation des excédents
comptables.
Deux propositions ont récemment été faites :
1- La proposition de votre commission des Finances
L'article 2 de la proposition de loi relative à l'extinction de la
Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)
88(
*
)
, déposée le 2 juillet
1998 par M. Jacques Oudin et M. Alain Lambert, prévoit une affectation
des excédents au remboursement de la dette sociale. En raison du silence
du code de la sécurité sociale sur l'affectation des
excédents comptables, la proposition s'appuie sur la notion
"
d'excédents durables de trésorerie de chaque
branche
".
Sur le fond, la proposition a le principal mérite de la vertu :
désendettement et baisse à terme des prélèvements
obligatoires ; elle semble néanmoins remettre en cause ce qu'elle
souhaite défendre, à savoir la séparation comptable des
branches. En effet, il n'est pas possible de déterminer dans le
" stock " de dettes géré par la CADES la part incombant
aux déficits de la branche maladie ou à ceux de la branche
famille, etc. Affecter les excédents de la branche famille au
désendettement reviendrait à faire supporter à la branche
famille les dérapages de dépenses de santé des
années antérieures.
2- La proposition de Mme Martine Aubry
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a évoqué
la possibilité d'une affectation au fonds de réserve des
excédents dégagés dans l'avenir par les régimes de
sécurité sociale
89(
*
)
.
Cette proposition remet en cause la séparation comptable des
branches.
D'autres organismes de la sécurité sociale peuvent avoir des
excédents. C'est le cas du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
En revanche, il est absurde de prévoir une affectation des
" excédents " de la CADES
90(
*
)
. Il est dans la nature même de
la CADES de faire des " excédents ", puisque ce sont ces
deniers qui permettent de rembourser la dette sociale, jusqu'en 2009 pour les
110 milliards de francs de dette reprise à l'Etat, jusqu'en 2014 pour
les 224 milliards de francs correspondant aux déficits 1994, 1995, 1996,
1997 et 1998.
•
L'existence d'excédents a une signification variable
suivant les branches
La question de l'affectation des excédents comptables doit être
distinguée de celle des excédents durables de trésorerie.
La remarque de la Cour des comptes visant à interdire une gestion
séparée des excédents de trésorerie d'une branche
par rapport à une autre mérite examen dans le cadre des
économies d'échelle résultant de la gestion unique de
trésorerie du régime général. Sur la proposition
conjointe de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et
de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, un amendement a
été voté par l'Assemblée nationale supprimant cette
possibilité des branches de placer leurs excédents de
trésorerie. Toutefois, cette mesure est prématurée dans le
contexte actuel et ne règle pas la question des excédents
comptables.
A court terme, il est prématuré de prévoir l'affectation
des excédents comptables de telle ou telle branche. Les excédents
éventuellement réalisés en 1999 -une moindre croissance
pouvant transformer l'excédent de la branche famille en simple
équilibre- permettront d'améliorer le fonds de roulement de ces
branches, et de diminuer les charges de trésorerie sur l'année
2000. Il est également nécessaire d'absorber le déficit
supplémentaire de 1998 (1,3 milliard de francs).
Il reste à déterminer
la signification d'excédents pour
les branches du régime général à moyen et long
terme
.
Pour la branche famille, comme pour la branche maladie et pour la branche
accidents du travail, ces excédents n'ont aucun sens. Ils
résultent d'une progression plus favorable des recettes par rapport
à celle des dépenses. Leur but ne peut pas être de
constituer des " réserves pour l'avenir ". Il n'est pas non
plus souhaitable d'aligner la progression des dépenses sur celle des
recettes : c'est le meilleur moyen de créer, en cas de retournement
brutal de conjoncture, des déficits nouveaux. La seule solution est
celle d'une diminution des recettes. Le Gouvernement a choisi timidement cette
voie pour la branche accidents du travail en 1999 (diminution du taux de
cotisation).
Pour la branche vieillesse, la constitution de réserves a un
véritable sens, dans le cadre de la répartition
provisionnée. Malheureusement, la branche vieillesse est en
déficit structurel sur les années 1999-2000-2001.
La seule solution respectant la séparation comptable des branches serait
à moyen terme de
réaffecter le financement
, à taux
de prélèvements obligatoires inchangés.