B. UNE NOUVELLE PROCÉDURE PÉNALE LOURDE ET COMPLEXE
La procédure pénale italienne a été profondément réformée en 1989 avec la suppression du juge d'instruction et le passage à un système de type accusatoire, ce qui a substantiellement renforcé le rôle du ministère public, notamment au cours de la phase d'instruction.
1. Une enquête préliminaire menée par le ministère public
L'enquête préliminaire est conduite par le
ministère public qui dispose à cette fin de la police judiciaire.
Cependant, les magistrats du parquet sont soumis, pour les actes les plus
graves portant atteinte aux libertés individuelles (notamment le
placement en détention provisoire), au contrôle d'un magistrat du
siège : le
juge de l'enquête préliminaire
(qui pour
sa part n'a aucun pouvoir d'enquête).
Ce juge statue également sur les " incidents probatoires " qui
peuvent être déclenchés par les parties pour recueillir des
preuves qui risqueraient de disparaître ou de se détériorer
par la suite.
La preuve devant en principe se former en cours de l'audience de jugement,
l'enquête préliminaire n'a en effet pas pour objet de constituer
des preuves en vue du jugement mais seulement d'établir les faits qui
peuvent donner lieu au déclenchement de l'action pénale et qui
permettront de soutenir l'accusation.
Seuls les procès-verbaux des actes de l'enquête
considérés comme non susceptibles de réitération
(par exemple un compte-rendu d'autopsie, mais non les procès-verbaux
d'interrogatoires de la police) peuvent être transmis à la
juridiction de jugement.
2. Une " procédure ordinaire " complexe
A
l'issue de l'enquête préliminaire, le juge de l'enquête
préliminaire, saisi d'une requête du ministère public,
statue en
audience préliminaire
sur le renvoi en jugement.
La procédure peut toutefois être conclue à ce stade, si les
parties en sont d'accord, par l'utilisation des " rites
abrégés ", comme on le verra plus loin.
Si tel n'est pas le cas, l'affaire est renvoyée, suivant le " rite
ordinaire ", à la juridiction de jugement (à laquelle ne
participe pas le juge de l'audience préliminaire).
La preuve doit en principe se former au cours de l'audience à partir des
débats contradictoires entre les parties devant le juge, suivant les
principes d'oralité et d'immédiateté.
Afin d'assurer l'égalité des parties, le juge des débats
qui est appelé à statuer à l'issue de l'audience n'a pas
accès à l'ensemble des pièces du dossier de
l'enquête préliminaire
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*
)
mais seulement à celles qui
correspondent à des actes considérés comme ne pouvant
être répétés. Ces pièces sont donc
triées sous le contrôle du juge de l'audience préliminaire
pour constituer un deuxième dossier destiné aux débats.
Les pièces de ce dossier des débats peuvent seules être
utilisées directement comme preuves. Les autres ne peuvent être
utilisées par les parties qu'à titre de contestation, le juge
pouvant alors admettre ou non ces preuves ; ainsi, au cours de l'interrogatoire
des témoins peuvent être utilisées les déclarations
faites précédemment par ceux-ci.
3. Des procédures simplifiées peu utilisées
Des
procédures simplifiées (" rites
abrégés ") peuvent être utilisées avec l'accord
des parties. Elles permettent dans certains cas de conclure au stade de
l'audience préliminaire sur la base du dossier de l'enquête
préliminaire, en évitant l'audience des débats.
- Le jugement abrégé (accord sur la procédure seulement)
permet d'obtenir une réduction du tiers de la peine ; le juge statue
alors sur la peine au vu de l'ensemble du dossier de l'enquête
préliminaire.
- Le " patteggiamento " (accord sur la peine) peut être
demandé par le ministère public ou la personne poursuivie, avec
l'accord du juge, sur la base de la reconnaissance de la culpabilité, en
vue de l'application d'une peine concrète
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)
ne dépassant pas deux ans
d'emprisonnement. Il permet d'obtenir une réduction du tiers de la peine
; en outre, cette mesure qui n'a pas le caractère d'une condamnation
n'entraîne pas les effets accessoires de la peine.
Cependant, ces procédures simplifiées sont peu utilisées
car les prévenus préfèrent parier sur la complexité
et la lenteur de la " procédure ordinaire ". Dans la pratique,
ils ont en effet intérêt à " jouer la montre " en
utilisant toutes les voies de recours possibles qui permettent de retarder
l'exécution de la condamnation éventuelle et laissent
espérer le bénéfice de la prescription.
De plus, dans certains cas, l'accusé peut paradoxalement faire appel de
son propre accord.