PJL relatif au Conseil supérieur de la Magistrature et modification de l'article 65 de la Constitution
JOLIBOIS (Charles)
RAPPORT 511 (97-98) - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LA REFORME DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ADOPTÉE EN 1993 A CONSIDÉRABLEMENT ACCRU LES GARANTIES CONSTITUTIONNELLES DE L'INDÉPENDANCE DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
-
II. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE A POUR OBJET DE RENFORCER ENCORE LES
GARANTIES D'INDÉPENDANCE ASSURÉES PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR
DE LA MAGISTRATURE
- A. UNE EXTENSION DES COMPÉTENCES DU CSM À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU PARQUET TENDANT À LES FAIRE BÉNÉFICIER DE GARANTIES D'INDÉPENDANCE COMPARABLES À CELLES DES MAGISTRATS DU SIÈGE
- B. UN CSM UNIFIÉ PAR L'INSTITUTION D'UNE FORMATION UNIQUE
- C. UNE COMPOSITION ÉLARGIE À UNE MAJORITÉ DE MEMBRES N'APPARTENANT PAS À LA MAGISTRATURE
-
III. VOTRE COMMISSION DES LOIS APPROUVE CETTE NOUVELLE RÉFORME DU
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE MAIS PROPOSE D'APPORTER PLUSIEURS
AMÉNAGEMENTS AU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
- A. LA COMMISSION APPROUVE L'EXTENSION DES COMPÉTENCES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE MAIS SOUHAITE ENCADRER LA PRATIQUE DES AVIS
- B. TOUT EN AFFIRMANT L'UNICITÉ DE LA MAGISTRATURE À TRAVERS L'INSTITUTION D'UNE FORMATION PLÉNIÈRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, LA COMMISSION JUGE NÉCESSAIRE DE MAINTENIR EN SON SEIN DEUX FORMATIONS SPÉCIALISÉES RESPECTIVEMENT COMPÉTENTES À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET
- C. LA COMMISSION APPROUVE L'OUVERTURE DE LA COMPOSITION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE À UNE MAJORITÉ DE PERSONNALITÉS EXTÉRIEURES À LA MAGISTRATURE, SOUS RÉSERVE D'UNE MODIFICATION DE CERTAINES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DE CES PERSONNALITÉS
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article additionnel avant l'article 1er
(art. 19 de la Constitution)
Nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature
par le Président de la République sans contreseing -
Article premier
(art. 65 de la Constitution)
Composition et attributions
du Conseil supérieur de la magistrature -
Article 2
Dispositions transitoires
-
Article additionnel avant l'article 1er
-
-
MME ELISABETH GUIGOU
GARDE DES SCEAUX
MINISTRE DE LA JUSTICE -
M. PIERRE TRUCHE
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DE CASSATION,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE RÉFLEXION SUR LA JUSTICE -
M. JEAN-FRANÇOIS BURGELIN
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION- I. LE STATUT DU MINISTÈRE PUBLIC ITALIEN : DES MAGISTRATS INDÉPENDANTS ET AUTONOMES
-
II. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ITALIEN : SYMBOLE DE
L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE OU INSTANCE
D'" AUTOGOUVERNEMENT " DES JUGES ?
- A. LA SITUATION ACTUELLE
-
B. LES PROJETS DE RÉFORME
- 1. Une proposition contestée de division du Conseil supérieur de la magistrature en deux formations
- 2. Une augmentation de la proportion des membres " laïques " (non magistrats)
- 3. Une séparation des fonctions administratives et disciplinaires
- 4. Une limitation des autres pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature
- III. LES DIFFICULTÉS DU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ITALIENNE DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE PROCÉDURE PÉNALE DE TYPE ACCUSATOIRE
N°
511
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 1998
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur :
- le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE, relatif au
Conseil supérieur de la magistrature
,
- la proposition de loi constitutionnelle de MM. Daniel MILLAUD, Marcel HENRY
et Simon LOUECKHOTE tendant à modifier l'article 65 de la
Constitution
,
Par M.
Charles JOLIBOIS,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Germain
Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges
Othily,
vice-présidents
; Michel Rufin, Jacques Mahéas,
Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche,
Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François
Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour,
Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien
Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet,
Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice
Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
835
,
930
et T.A.
142
.
Sénat
:
476
et
319
(1997-1998).
Justice.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir entendu, le mardi 16 juin 1998,
Mme
Elisabeth
Guigou, Garde des sceaux, ministre de la justice, M. Pierre Truche, premier
président de la Cour de cassation et M. Jean-François Burgelin,
procureur général près cette Cour
, la commission des
Lois du Sénat, réunie sous la présidence de
M. Jacques
Larché
les 17 et 18 juin 1998, a examiné, sur le rapport
de
M. Charles Jolibois,
le projet de loi constitutionnelle relatif au
Conseil supérieur de la magistrature.
Ce texte a simultanément pour objet d'étendre les pouvoirs du
Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des
magistrats du parquet en renforçant les garanties constitutionnelles en
matière de nomination et de discipline, et d'ouvrir la composition de ce
Conseil à une majorité de personnalités extérieures
à la magistrature.
Les principales décisions de la commission ont été les
suivantes.
I. En ce qui concerne les attributions du Conseil supérieur de la
magistrature
• La commission a tout d'abord approuvé la principale
modification prévue par ce projet de réforme, à savoir
l'
exigence d'un avis conforme
(et non plus d'un avis simple)
du
Conseil supérieur de la magistrature pour les nominations des magistrats
du parquet,
cet avis étant prononcé sur la proposition du
Garde des sceaux qui garde donc l'initiative de la nomination.
• La commission a également approuvé le
transfert au
Conseil supérieur de la magistrature du pouvoir de prononcer des
sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats du parquet
,
qui relève actuellement de la décision du Garde des sceaux
après un simple avis du Conseil supérieur de la magistrature.
• La commission a souhaité
aligner les
modalités
de nomination des présidents des juridictions d'outre-mer
sur
celles des présidents des juridictions comparables de
métropole
, conformément à une proposition de loi
constitutionnelle déposée par
M. Daniel Millaud
.
• Elle a précisé que le Conseil supérieur de la
magistrature, réuni en formation plénière, pourrait rendre
des
avis à la demande du Président de la
République
, garant de l'indépendance de l'autorité
judiciaire aux termes de l'article 64 de la Constitution.
II. En ce qui concerne la composition du Conseil supérieur de la
magistrature
• Afin de marquer dans la Constitution la différence de nature
séparant les fonctions des magistrats du siège de celles des
magistrats du parquet et de faciliter le fonctionnement du Conseil en
réduisant le nombre des membres statuant sur les nominations et la
discipline, la commission a souhaité maintenir, comme actuellement,
deux formations distinctes
du Conseil supérieur de la
magistrature respectivement compétentes à l'égard de ces
deux catégories de magistrats, en matière de nomination et de
discipline. Elle a tenu à souligner l'unicité du corps des
magistrats du parquet et du siège en consacrant l'existence d'une
formation plénière
chargée d'assister le
Président de la République par sa compétence d'avis.
• La commission s'est montrée favorable à
l'
ouverture
de la composition du Conseil supérieur de la
magistrature
à une majorité de non magistrats
, qui
apparaît comme une nécessaire contrepartie de l'accroissement de
ses pouvoirs.
En conséquence, elle propose la composition suivante pour le Conseil
supérieur de la magistrature :
- le Président de la République, président,
- le Garde des sceaux,vice-président,
- 5 magistrats du siège et 5 magistrats du parquet, élus ;
- 1 conseiller d'Etat ;
- 10 personnalités extérieures, n'appartenant ni à l'ordre
judiciaire, ni à l'ordre administratif, ni au Parlement qui seront
désignées par le Président de la République (2), le
Président de l'Assemblée nationale (2), le Président du
Sénat (2) et, conjointement, par le Vice-président du Conseil
d'Etat, le Président de la Cour des comptes et le Premier
président de la Cour de cassation (4).
La formation plénière, réunie par le Président de
la République pour répondre à des demandes d'avis,
comportera l'ensemble des 23 membres du Conseil supérieur de la
magistrature.
La formation compétente à l'égard du siège
comptera, outre le Président de la République et le Garde des
sceaux, 5 magistrats du siège et un magistrat du parquet, le conseiller
d'Etat, comme actuellement, auxquels viendront s'ajouter six
personnalités extérieures (
15 membres
).
La formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet comptera, outre le Président de la République et le Garde
des sceaux, 5 magistrats du parquet et un magistrat du siège, comme
actuellement, auxquels viendront également s'ajouter six
personnalités extérieures (
15 membres
).
• Enfin, la commission a inséré
un article
additionnel
dans le projet de loi constitutionnelle précisant
explicitement que la désignation de membres du Conseil supérieur
de la magistrature par le Président de la République s'effectue
sans contreseing (article 19 de la Constitution).
• Elle a également prévu l'insertion dans le corps
même de la Constitution de la disposition transitoire figurant à
l'article 2.
Le Sénat examinera ce projet de loi constitutionnelle en
séance publique les mardi 23 et mercredi 24 juin 1998.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi constitutionnelle aujourd'hui soumis au Sénat constitue
le premier acte d'un vaste projet de réforme de la justice qui trouve
son origine dans les réflexions diverses menées autour de trois
objectifs.
Le premier concerne l'amélioration du fonctionnement de la justice au
quotidien. C'est là, sans nul doute, la plus urgente et la plus attendue
des réformes, ainsi que l'avait souligné la mission d'information
sur les moyens de la justice constituée en 1996 par votre commission des
Lois sous la présidence de votre rapporteur
1(
*
)
.
Le second a trait au renforcement des garanties apportées aux
justiciables quant au respect des libertés fondamentales. Il a
également fait l'objet de réflexions approfondies de votre
commission des Lois, dans le cadre des travaux menés en 1994 et 1995 par
une autre mission d'information portant sur le respect de la présomption
d'innocence et le secret de l'enquête et de l'instruction, dont le
rapport avait été établi par votre présent
rapporteur
2(
*
)
.
Enfin, le troisième objectif, dont participe la réforme du
Conseil supérieur de la magistrature proposée par le
présent projet de loi constitutionnelle, relève du souci de mieux
assurer l'indépendance et l'impartialité de la justice.
Cette préoccupation constituait, hormis le problème du respect de
la présomption d'innocence déjà évoqué, la
principale question que M. Jacques Chirac, Président de la
République, avait souhaité soumettre à la réflexion
d'une commission constituée à cette fin sous la présidence
de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation et
à laquelle il avait demandé de s'interroger sur
l'opportunité et les moyens d'une indépendance des magistrats du
parquet à l'égard du pouvoir exécutif, soulignant alors,
dans sa lettre de mission, que "
nos concitoyens soupçonnent la
justice d'être parfois soumise à l'influence du
Gouvernement
".
Cette commission, dans son rapport publié en juillet 1997, s'est
prononcée notamment en faveur d'une extension des pouvoirs et d'une
modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature
Un large débat s'est ainsi engagé dans notre pays autour de la
question de l'indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir
exécutif et du statut des magistrats du parquet, de même que dans
certains pays voisins comme l'Italie où un projet de réforme du
Conseil supérieur de la magistrature est actuellement à
l'étude, ainsi qu'a pu le constater votre rapporteur au cours d'une
mission ponctuelle effectuée récemment au nom de la commission
des Lois en compagnie de M. Michel Dreyfus-Schmidt
3(
*
)
.
C'est dans ce contexte que Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, propose
aujourd'hui une réforme du Conseil supérieur de la magistrature,
essentiellement destinée à renforcer ses pouvoirs à
l'égard des magistrats du parquet de manière à faire
bénéficier ceux-ci de garanties constitutionnelles
d'indépendance comparables à celles des magistrats du
siège, tout en ouvrant sa composition à une majorité de
personnes extérieures à la magistrature.
Cette nouvelle réforme intervient moins de cinq ans après la
révision constitutionnelle de 1993 qui a déjà
considérablement accru les garanties constitutionnelles de
l'indépendance de l'autorité judiciaire. En effet, la
réforme adoptée en 1993 a largement renforcé les
prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature, notamment
par l'extension du champ de ses compétences aux magistrats du parquet
à la suite d'une initiative du Sénat, en même temps qu'elle
a diversifié le mode de désignation de ses membres.
I. LA REFORME DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ADOPTÉE EN 1993 A CONSIDÉRABLEMENT ACCRU LES GARANTIES CONSTITUTIONNELLES DE L'INDÉPENDANCE DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
La
composition et les compétences du Conseil supérieur de la
magistrature sont actuellement définies par l'article 65 de la
Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi
constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.
La portée de la réforme intervenue en 1993 doit cependant
être appréciée à la lumière d'un bref rappel
historique.
Le Conseil supérieur de la magistrature n'apparaît en tant que tel
qu'en 1946.
Cependant, depuis 1883, était désignée sous cette
appellation une formation particulière de la Cour de cassation toutes
chambres réunies statuant en matière disciplinaire à
l'égard des magistrats.
Jusqu'au début de la IVème république, les nominations des
magistrats relevaient exclusivement du pouvoir exécutif ;
toutefois, l'exercice du pouvoir de nomination avait été
encadré, à partir du début du XXème siècle,
par la création de commissions spéciales intervenant pour
l'élaboration des tableaux d'avancement.
La
Constitution de 1946
crée un Conseil supérieur de la
magistrature doté de compétences étendues à
l'égard des magistrats du siège qui sont nommés par le
Président de la République "
sur sa
présentation
" ; en outre, il "
assure,
conformément à la loi, la discipline de ces magistrats, leur
indépendance et l'administration des tribunaux judiciaires
".
Ce Conseil est alors composé de 14 membres :
- le Président de la République, président ;
- le garde des Sceaux, vice-président ;
- 6 personnalités élues pour six ans par
l'Assemblée nationale, à la majorité des deux tiers, en
dehors de ses membres ;
- 2 personnalités désignées pour six ans par le
Président de la République en dehors du Parlement et de la
magistrature, mais au sein des professions judiciaires ;
- enfin, 4 magistrats élus pour six ans, représentant
"
chacune des catégories de magistrats
".
La
Constitution de 1958
fait du Président de la République
le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire,
assisté dans ce rôle par le Conseil supérieur de la
magistrature, qu'il préside, le ministre de la justice étant
vice-président de droit.
C'est également le Président de la République qui
désigne les neuf membres de ce Conseil, dans les conditions
fixées par la loi organique.
Suivant les dispositions de l'ordonnance organique n° 58-1271 du
22 décembre 1958, ces neuf membres comprennent :
- six magistrats, à savoir trois membres de la Cour de
cassation, dont un avocat général, et trois magistrats du
siège des cours et tribunaux, ces six membres étant choisis
sur une liste établie par le bureau de la Cour de cassation et
comportant pour chacune des catégories un nombre de noms triple du
nombre de postes à pourvoir ;
- un conseiller d'Etat choisi sur une liste de trois noms établie par
l'assemblée générale du Conseil d'Etat ;
- et deux personnalités n'appartenant pas à la magistrature et
choisies à raison de leur compétence.
En matière de nominations, le Conseil supérieur de la
magistrature fait des propositions pour les nominations de magistrats du
siège à la Cour de cassation et pour celles de premier
président de cour d'appel et donne son avis sur les propositions du
ministre de la justice relatives aux nominations des autres magistrats du
siège.
En matière disciplinaire, il statue comme conseil de discipline des
magistrats du siège, sous la présidence du premier
président de la Cour de cassation.
Les compétences du Conseil supérieur de la magistrature sont
alors exclusivement limitées aux magistrats du siège.
Cependant, une commission de discipline du parquet est consultée sur les
sanctions disciplinaires prononcées à l'égard des
magistrats du parquet.
En outre, la loi organique du 23 février 1992 crée une
commission consultative du parquet chargée de donner un avis sur les
propositions de nominations à l'ensemble des emplois du parquet
formulées par le garde des Sceaux, ministre de la justice, à
l'exception de l'emploi de procureur général près la Cour
de cassation et des emplois de procureur général près une
cour d'appel.
C'est dans ce contexte juridique qu'intervient la révision
constitutionnelle de 1993, adoptée à la suite des propositions
établies par le Comité consultatif présidé par
M. Georges Vedel.
Cette réforme a renforcé les pouvoirs du Conseil supérieur
de la magistrature à l'égard des magistrats du siège et a
étendu ses compétences aux magistrats du parquet, en instituant
deux formations distinctes respectivement compétentes à
l'égard de ces deux catégories de magistrats, afin de bien
marquer la spécificité de leurs fonctions. Elle a en outre
diversifié le mode de désignation de ses membres.
A. LES POUVOIRS DU CSM ONT ÉTÉ SUBSTANTIELLEMENT RENFORCÉS
1. Les prérogatives du CSM ont été accrues à l'égard des magistrats du siège
A
l'initiative du Sénat,
le pouvoir de proposition
dont disposait
déjà le Conseil supérieur de la magistrature à
l'égard des magistrats du siège de la Cour de cassation et des
premiers présidents des cours d'appel
a été
étendu par la réforme de 1993 aux présidents des tribunaux
de grande instance
.
Ces chefs de juridiction, ainsi que les magistrats du siège de la Cour
de cassation, sont donc nommés par le Président de la
République sur les propositions du Conseil supérieur de la
magistrature dont la formation compétente est chargée
d'opérer un choix entre les candidatures à l'un de ces postes
afin d'arrêter la proposition qu'elle soumet au Président de la
République.
S'agissant de la nomination des autres magistrats du siège, la
réforme de 1993 a institué l'exigence d'un avis conforme
(et
non plus d'un avis simple) du Conseil supérieur de la magistrature sur
les propositions arrêtées par le garde des Sceaux. Elle a ainsi
consacré l'usage établi antérieurement, suivant lequel le
garde des Sceaux ne passait pas outre un avis défavorable du Conseil
supérieur de la magistrature, mais dont le Conseil constitutionnel avait
refusé de valider l'inscription dans la loi organique votée par
le Parlement en février 1992
4(
*
)
.
Pour les nominations de cette très grande majorité des magistrats
du siège, la formation compétente du Conseil supérieur de
la magistrature donne donc un avis sur la proposition du ministre de la justice
qui lui est transmise avec la liste des candidats pour chacun des postes
concernés. Dans la pratique, les avis défavorables, qui doivent
donner lieu à une nouvelle proposition du ministre de la justice, sont
très peu nombreux (soit 1,75 % seulement des avis rendus entre le
1er juin 1994 et le 31 mars 1998).
2. Le champ des compétences du CSM a été étendu aux magistrats du parquet
Jusqu'à la révision constitutionnelle de 1993,
les
compétences du Conseil supérieur de la magistrature avaient
toujours été exclusivement limitées aux magistrats du
siège.
C'est à l'initiative du Sénat que le champ de ces
compétences a été étendu aux magistrats du parquet
par la réforme de 1993.
En effet, le Sénat avait alors souhaité tirer les
conséquences du principe de l'unicité de la magistrature en
confiant au Conseil supérieur de la magistrature les missions
dévolues à la commission consultative du parquet
créée en 1992, qui jouait un rôle consultatif en
matière de nominations des magistrats du parquet, à l'exception
de celles des procureurs généraux.
Compte tenu de l'organisation hiérarchisée du parquet et des
pouvoirs du garde des Sceaux en matière d'action publique, il avait
cependant jugé nécessaire d'une part, que les pouvoirs
conférés au Conseil supérieur de la magistrature à
l'égard des magistrats du parquet soient purement consultatifs et
d'autre part, qu'ils soient exercés par une formation de ce Conseil
adaptée à la nature spécifique des fonctions
exercées par les magistrats du parquet, comme on le verra plus loin.
Depuis cette réforme, la formation compétente du Conseil
supérieur de la magistrature émet donc un avis sur les
propositions du garde des Sceaux pour les nominations des magistrats du
parquet, à l'exception toutefois des "
emplois auxquels il est
pourvu en conseil des ministres
" (c'est-à-dire les
36 emplois de procureur général près la Cour de
cassation et de procureur général près une cour d'appel).
Cet avis ne lie pas la décision de l'autorité de nomination.
Cependant, la proportion d'avis défavorables est restée faible
depuis la mise en oeuvre de la réforme, quoiqu'un peu plus
élevée que pour les magistrats du siège (soit environ
3 % d'avis défavorables seulement), et celle des avis
défavorables non pris en compte a été encore plus faible.
Ainsi, alors que les avis avaient toujours été suivis par le
garde des Sceaux jusque là, on a dénombré 8 avis non
suivis entre le 1er juillet 1995 et le 31 décembre 1996 (sur
21 avis défavorables au total).
Mme Elisabeth Guigou, actuel garde des Sceaux, s'est pour sa part
engagée à ne jamais passer outre l'avis du Conseil
supérieur de la magistrature.
Par ailleurs, la révision constitutionnelle de 1993, toujours à
l'initiative du Sénat, a également étendu le champ des
compétences du Conseil supérieur de la magistrature en
matière disciplinaire aux magistrats du parquet, mais seulement à
titre consultatif, comme pour les nominations.
Depuis cette réforme, la formation compétente du Conseil
supérieur de la magistrature, alors réunie sous la
présidence du procureur général près la Cour de
cassation, donne donc son avis sur les sanctions disciplinaires
prononcées à l'égard des magistrats du parquet ; elle
s'est en effet substituée dans ce rôle à l'ancienne
commission de discipline du parquet.
B. DEUX FORMATIONS DISTINCTES DU CSM ONT ÉTÉ INSTITUÉES POUR BIEN MARQUER LA DIFFÉRENCE DE NATURE DES FONCTIONS DU SIÈGE ET DU PARQUET
Issue de
la révision constitutionnelle de 1993, la division actuelle du Conseil
supérieur de la magistrature en deux formations respectivement
compétentes à l'égard des magistrats du siège et
des magistrats du parquet résulte également d'une initiative de
la commission des Lois du Sénat.
Si celle-ci avait alors souhaité affirmer dans la Constitution
l'unité du corps judiciaire à travers l'extension du champ des
compétences du Conseil supérieur de la magistrature aux
magistrats du parquet, elle avait néanmoins tenu à
préserver le strict respect de la spécificité des
fonctions du ministère public.
Compte tenu de la profonde différence de nature existant entre les
fonctions du siège et celles du parquet, elle avait jugé
nécessaire que les compétences nouvelles attribuées au
Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des
magistrats du parquet soient attribuées à une formation ad hoc
dont la composition serait adaptée à la nature des fonctions
exercées par les magistrats du parquet, grâce à une
majorité de représentants du parquet parmi les magistrats
appartenant à cette formation.
Conformément à cette orientation, la loi constitutionnelle du
27 juillet 1993 a institué deux formations au sein du Conseil
supérieur de la magistrature, la première exerçant des
compétences en matière de nominations et en matière
disciplinaire à l'égard des magistrats du siège et la
seconde ayant des attributions consultatives en matière de nominations
et en matière disciplinaire à l'égard des magistrats du
parquet.
Elle n'a en revanche pas prévu la possibilité d'une
réunion de ces deux formations en formation plénière.
Cependant, dans la pratique les deux formations du Conseil supérieur de
la magistrature ont pris l'habitude de se réunir périodiquement
en formation plénière afin d'assurer la cohérence des
procédures et l'harmonisation des positions de chaque formation.
Cette formation plénière dont l'existence n'est prévue par
aucun texte a en outre pris l'initiative, à plusieurs reprises,
d'émettre des avis, notamment sur le statut des magistrats du
ministère public, s'arrogeant là une compétence qui ne lui
avait pas été explicitement attribuée par le texte
constitutionnel.
C. LE MODE DE DÉSIGNATION DES MEMBRES DU CSM A ÉTÉ DIVERSIFIÉ
L'institution de deux formations distinctes du Conseil
supérieur de la magistrature par la réforme constitutionnelle de
1993 s'est accompagnée d'une diversification du mode de
désignation de ses membres qui jusque là étaient tous
nommés par le Président de la République.
Chacune des deux formations actuelles comprend dix membres auxquels
viennent se joindre le Président de la République et le garde des
Sceaux. Ceux-ci ont en effet conservé la présidence et la
vice-présidence de droit qui leur étaient traditionnellement
attribuées.
Parmi ces dix membres, quatre appartiennent en commun aux deux formations,
dont :
- trois personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre
judiciaire, respectivement désignées par le Président de
la République, le Président de l'Assemblée nationale et le
Président du Sénat ;
- et un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat.
Les six autres membres sont des magistrats distincts pour chacune des deux
formations dont la composition est ainsi adaptée à la
spécificité des questions traitées :
- la formation compétente à l'égard des magistrats du
siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du
parquet ;
- la formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du
siège.
Chaque formation comprend donc, au sein de ses membres ayant la qualité
de magistrats, une majorité de représentants de la fonction
concernée : siège ou parquet selon le cas.
Ces différents magistrats sont élus par leurs pairs dans les
conditions fixées par la loi organique n° 94-100 du
25 février 1994
5(
*
)
.
II. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE A POUR OBJET DE RENFORCER ENCORE LES GARANTIES D'INDÉPENDANCE ASSURÉES PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Pourquoi
le Gouvernement propose-t-il aujourd'hui, moins de cinq ans après
la révision constitutionnelle de 1993, une nouvelle réforme du
Conseil supérieur de la magistrature nécessitant une modification
de la rédaction de l'article 65 de la Constitution ?
Selon les déclarations de Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux,
devant l'Assemblée nationale, "
la réforme s'impose pour
parfaire l'évolution menée à partir de 1993 car elle n'est
pas allée jusqu'à son terme. Il convient en effet d'avancer plus
résolument vers l'indépendance réaffirmée de
l'autorité judiciaire
".
Certes, la révision constitutionnelle de 1993 a d'ores et
déjà considérablement renforcé les garanties
statutaires de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Cependant, même si les avis émis par la formation
compétente du Conseil supérieur de la magistrature concernant les
nominations de magistrats du parquet ont quasiment toujours été
suivis, des soupçons sont apparus au sujet de l'intervention du pouvoir
politique dans ces nominations et de l'impartialité des décisions
prises par les magistrats ainsi nommés. Qu'ils aient été
fondés ou non, ces soupçons ont rejailli de façon
préjudiciable sur l'image de la justice.
Cette situation a été à l'origine de nouvelles
propositions de réforme du Conseil supérieur de la magistrature
tendant à faire bénéficier les magistrats du parquet de
garanties constitutionnelles d'indépendance comparables à celles
qui sont déjà assurées aux magistrats du siège.
En particulier, la commission de réflexion composée de 21 membres
d'origines diverses réunis sous la présidence de
M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation,
et chargée par le Président de la République de
réfléchir notamment à l'opportunité et aux moyens
d'assurer l'indépendance du parquet à l'égard du pouvoir
politique, a formulé des propositions tendant à une extension des
pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature et à une
ouverture de sa composition à une majorité de non magistrats.
Les propositions de la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation
La
commission de réflexion mise en place à l'initiative de
M. Jacques Chirac, président de la République et
présidée par M. Pierre Truche, premier président de
la Cour de cassation, s'est prononcée en faveur d'une réforme du
CSM fondée sur les principes suivants.
•
Une extension des pouvoirs du CSM
- En matière de nominations
Il n'est pas apparu opportun à la commission, en l'état,
d'étendre les pouvoirs de proposition du CSM à l'égard des
nominations des magistrats du siège.
En revanche, la commission a estimé indispensable une réforme du
système actuel de nomination des magistrats du parquet pour mettre fin
au soupçon que l'intervention du garde des Sceaux dans leur
carrière fait peser sur l'impartialité de leurs décisions.
Pour les magistrats du parquet, compte tenu de la spécificité de
leurs missions, la commission a majoritairement souhaité que leur
nomination requière l'
avis conforme
du CSM sur les propositions
faites par le garde des Sceaux.
Elle n'a pas opté pour un alignement total sur le système de
nominations des magistrats du siège, dans la mesure où
l'hypothèse d'un pouvoir de proposition attribué au CSM pour
certaines nominations de magistrats du parquet lui a semblé comporter
"
un risque de voir se développer une dynamique
conflictuelle
".
Elle n'a pas estimé devoir faire une place à part aux procureurs
généraux, souhaitant qu'ils ne soient désormais plus
nommés en conseil des ministres.
-
En matière disciplinaire
La commission s'est prononcée en faveur d'une assimilation du
régime disciplinaire des magistrats du parquet à celui des
magistrats du siège, qui conférerait au CSM un pouvoir de
décision, et non plus de simple avis, sur les sanctions disciplinaires
à l'égard des magistrats du parquet.
-
En matière d'avis
La commission a souhaité que soit inscrit dans les textes le droit pour
le Président de la République de demander au CSM un avis sur une
question touchant au fonctionnement de la justice.
Elle n'a cependant pas estimé souhaitable d'attribuer au CSM une
compétence en matière de définition et de contrôle
de l'action publique.
•
Un CSM unique exerçant ses compétences dans le cadre
de deux formations respectivement spécifiques au siège et au
parquet, ainsi que d'une formation plénière.
La commission a estimé que le CSM devait être unique afin de
manifester l'unité de la magistrature mais que, compte tenu des
problèmes spécifiques à traiter et des différences
de statut, il devait se réunir en trois formations, l'une pour le
siège, l'autre pour le parquet, la troisième étant
plénière.
Les deux premières formations seraient compétentes, chacune en ce
qui la concerne, pour les nominations, la discipline et les demandes d'avis
spécifiques.
La formation plénière serait pour sa part compétente pour
répondre aux demandes d'avis générales, pour arrêter
des règles de fonctionnement communes, pour rédiger le rapport
annuel.
•
Une composition ouverte à une majorité de non
magistrats
La commission a estimé que pour éviter les risques de
corporatisme, en présence d'un renforcement de l'indépendance des
magistrats, ceux-ci devaient être minoritaires au sein du CSM (tout en
précisant que le mode de scrutin retenu pour leur désignation
devait garantir une représentation aussi large que possible des
magistrats).
En conséquence, la commission proposait de retenir la composition
suivante :
*
7 personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à
l'ordre judiciaire
dont :
- 2 désignées par le Président de la
République ;
- 2 désignées par le Président de l'Assemblée
nationale ;
- 2 désignées par le Président du Sénat ;
- et 1 désignée par l'Assemblée
générale du Conseil d'Etat.
*
6 magistrats dans chaque formation
: 5 membres de la
fonction, siège ou parquet, concernée et 1 de l'autre, comme
actuellement (ces magistrats devant représenter les différents
grades de la hiérarchie : 1er et 2nd grade, hors hiérarchie,
Cour de cassation).
La formation plénière réunirait tous les membres mais les
non magistrats y disposeraient chacun d'une nouvelle voix.
Le vice-président serait désigné par le Président
de la République parmi les deux personnalités nommées par
lui.
Le garde des Sceaux pourrait intervenir au CSM mais n'en serait plus membre.
Enfin, le Président de la République resterait président
de droit du CSM mais y siégerait sans voix délibérative.
Les formations disciplinaires conserveraient leur président actuel
(premier président de la Cour de cassation ou procureur
général près cette Cour).
Le projet de loi constitutionnelle, que l'Assemblée nationale a
adopté sans aucune modification, s'inspire de ces propositions, sans
toutefois les reprendre totalement à son compte.
A. UNE EXTENSION DES COMPÉTENCES DU CSM À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU PARQUET TENDANT À LES FAIRE BÉNÉFICIER DE GARANTIES D'INDÉPENDANCE COMPARABLES À CELLES DES MAGISTRATS DU SIÈGE
Si le
projet de loi constitutionnelle laisse inchangées les compétences
du Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des
magistrats du siège, telles qu'elles résultent de la
révision constitutionnelle de 1993, il accroît en revanche
considérablement ses prérogatives à l'égard des
magistrats du parquet.
Vis-à-vis de ces magistrats, le Conseil supérieur de la
magistrature deviendrait en effet une instance de décision et non plus
une simple instance consultative.
1. L'exigence d'un avis conforme du CSM pour la nomination de tous les magistrats du parquet
Le
projet de loi constitutionnelle prévoit de soumettre les nominations des
magistrats du parquet à l'avis conforme (et non plus à l'avis
simple) du Conseil supérieur de la magistrature.
L'avis conforme serait également requis pour la nomination des
procureurs généraux qui échappe actuellement à
toute intervention du Conseil supérieur de la magistrature, leurs
emplois étant pourvus en conseil des ministres.
Cette exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la
magistrature pour l'ensemble des nominations des magistrats du parquet tend
à assurer leur indépendance vis-à-vis du pouvoir
exécutif, ainsi que l'avait préconisé la commission
présidée par M. Pierre Truche. Cependant, le pouvoir de
proposition pour ces nominations resterait dans tous les cas la
prérogative du garde des Sceaux.
En effet, le projet de loi constitutionnelle n'est pas allé
jusqu'à un alignement total des procédures de nominations des
magistrats du parquet sur celles en vigueur pour les magistrats du
siège, qui aurait abouti à conférer au Conseil
supérieur de la magistrature le pouvoir de proposition pour les
nominations des plus hauts magistrats du parquet, ainsi que l'avait
souhaité le CSM lui-même dans son rapport d'activité pour
1996, de même que l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la
magistrature.
La réforme proposée revêt une grande importance symbolique,
puisque le pouvoir exécutif ne pourrait désormais plus nommer un
seul magistrat du parquet sans l'accord du Conseil supérieur de la
magistrature
Sa portée pratique doit néanmoins être relativisée
s'agissant des magistrats du parquet autres que les procureurs
généraux, compte tenu de la très faible proportion d'avis
non suivis depuis la mise en oeuvre de la réforme de 1993 (soit
0,56 % du total des avis).
Pour les procureurs généraux qui -rappelons-le- sont
chargés, aux termes de l'article 35 du code de procédure
pénale, "
de veiller à l'application de la loi
pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour
d'appel
" et ont autorité sur tous les membres du
ministère public de ce même ressort, les conséquences de la
réforme envisagée seraient, en revanche, d'une toute autre
ampleur, puisque leur nomination relevait jusqu'à présent de la
seule décision du Conseil des ministres, et donc de
l'appréciation discrétionnaire du pouvoir
exécutif.
2. Un pouvoir de décision du CSM sur les sanctions disciplinaires prononcées à l'égard des magistrats du parquet
En
matière disciplinaire, le projet de loi constitutionnelle prévoit
un alignement complet de la situation des magistrats du parquet sur celle des
magistrats du siège, conformément aux propositions
formulées par la commission présidée par M. Pierre
Truche.
Le Conseil supérieur de la magistrature statuerait désormais
comme conseil de discipline de l'ensemble des magistrats du siège comme
du parquet. Il aurait donc compétence pour prononcer les sanctions
disciplinaires à l'égard des magistrats du parquet au lieu de
donner un simple avis sur celles-ci comme actuellement.
Là encore, si cette modification est importante sur le plan des
principes, la portée pratique de la réforme envisagée doit
cependant être relativisée dans la mesure où les avis
émis en matière disciplinaire -au demeurant fort peu nombreux-
ont toujours été suivis par le garde des Sceaux.
B. UN CSM UNIFIÉ PAR L'INSTITUTION D'UNE FORMATION UNIQUE
"
Afin de marquer l'unité du corps
judiciaire
", selon l'exposé des motifs, le projet de loi
constitutionnelle tend à supprimer la division actuelle du Conseil
supérieur de la magistrature en deux formations respectivement
compétentes à l'égard des magistrats du siège et
des magistrats du parquet, issue de la révision constitutionnelle de
1993, au profit d'une formation désormais unique.
Cette formation unique serait donc compétente à l'égard de
l'ensemble des magistrats du siège comme du parquet, en matière
de nominations comme en matière disciplinaire.
L'unification ainsi réalisée peut être justifiée par
le rapprochement des compétences du Conseil supérieur de la
magistrature à l'égard des magistrats du parquet de celles qui
existent actuellement à l'égard des magistrats du siège,
auquel tend la réforme.
Elle répond aux souhaits exprimés par le CSM lui-même dans
ses rapports d'activité et consacre en quelque sorte la pratique de
réunion plénière des deux formations qui s'est
instaurée dans les faits, contrairement aux voeux du pouvoir constituant.
Pour autant, elle ne va pas sans soulever quelques questions.
Le traitement de l'ensemble des problèmes de nominations comme de
discipline des magistrats du siège et du parquet par une formation
unique est-il adapté à la spécificité des fonctions
respectives de ces deux catégories de magistrats ?
Le Sénat en 1993, mais aussi la commission constituée sous la
présidence de M. Pierre Truche en 1997, ont
considéré que la spécificité des fonctions du
parquet justifiait que les questions le concernant soient traitées au
sein d'une formation dont la composition serait adaptée à cette
spécificité.
Ainsi qu'a pu le constater votre rapporteur au cours d'un déplacement
récent effectué en compagnie de M. Michel Dreyfus-Schmidt,
au nom de la commission des Lois, dans la perspective de l'examen du
présent projet de loi
6(
*
)
, il est
d'ailleurs frappant de constater qu'en Italie, où le Conseil
supérieur de la magistrature est organisé en une formation
unifiée, un important débat a été engagé
autour d'un projet de réforme constitutionnelle tendant à diviser
cette institution en deux formations respectivement compétentes à
l'égard des magistrats du siège et à l'égard des
magistrats du parquet.
En outre, sur un plan pratique, si une formation unique reçoit
compétence pour traiter l'ensemble des problèmes de nominations,
comme des questions disciplinaires, ne risque-t-on pas de se heurter à
des difficultés matérielles d'organisation des travaux, eu
égard à l'augmentation proposée du nombre des
membres ?
C. UNE COMPOSITION ÉLARGIE À UNE MAJORITÉ DE MEMBRES N'APPARTENANT PAS À LA MAGISTRATURE
" Afin de permettre une approche plus ouverte de la gestion du corps judiciaire ", selon l'exposé des motifs, le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature comporte désormais une majorité de membres n'ayant pas qualité de magistrat, au sein d'une formation unique dont le nombre total de membres serait porté à 23 (contre 12 dans chaque formation actuellement).
1. Une nécessaire ouverture
L'ouverture ainsi réalisée à travers cet
élargissement de la composition du Conseil supérieur de la
magistrature apparaît comme la nécessaire contrepartie du
renforcement proposé de ses pouvoirs.
En effet, le renforcement des garanties d'indépendance des magistrats
comporterait des risques de dérives corporatistes si les magistrats
demeuraient majoritaires au sein d'un Conseil supérieur de la
magistrature aux pouvoirs accrus, ainsi que le montre l'exemple italien.
En effet, dans ce pays, le Conseil supérieur de la magistrature,
doté de prérogatives particulièrement étendues et
composé d'une forte majorité de magistrats, apparaît
à bien des égards comme une instance d'" autogouvernement
des juges "
7(
*
)
.
Or, ainsi que l'a fait observer M. René Rémond devant la
commission des Lois de l'Assemblée nationale, la justice n'appartient
pas plus aux magistrats que la santé aux médecins ou
l'enseignement aux professeurs.
Une justice indépendante ne saurait donc être gérée
par les seuls magistrats.
2. La nouvelle composition proposée
Le
projet de loi constitutionnelle prévoit donc, dans cet esprit, une
nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature faisant
place à un accroissement substantiel du nombre de personnalités
n'appartenant ni à l'ordre judiciaire, ni au Parlement, qui passerait de
trois à dix, la présence d'un conseiller d'Etat
désigné par le Conseil d'Etat étant en outre maintenue.
A ces personnalités extérieures à la magistrature
s'ajouteraient dix magistrats du siège et du parquet élus
(à comparer aux six magistrats actuellement présents dans chacune
des deux formations).
La présidence et la vice-présidence du Conseil supérieur
de la magistrature resteraient attribuées de droit au Président
de la République et au garde des Sceaux, ce dernier pouvait
suppléer le Président de la République, comme
actuellement
8(
*
)
.
Les
dix personnalités n'appartenant ni à l'ordre judiciaire ni
au Parlement
seraient désignées de la manière
suivante : le Président de la République, le
Président de l'Assemblée nationale, le Président du
Sénat et le Président du Conseil économique et social
désigneraient chacun deux personnalités tandis que le
vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour
de cassation et le premier président de la Cour des comptes
désigneraient conjointement les deux dernières
personnalités.
Le nombre de personnalités respectivement désignées par le
Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale et le Président du Sénat serait donc
porté de une à deux chacun.
L'intervention du Président du Conseil économique et social,
également pour la désignation de deux personnalités,
constituerait en revanche une innovation. Elle ne paraît pas
revêtir la même légitimité que celle du
Président de la République et des présidents des deux
assemblées qui sont tous trois issus du suffrage universel et
participent donc à l'exercice de la souveraineté nationale.
La désignation de deux autres personnalités par un choix conjoint
du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la
Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes
constituerait également une innovation originale.
Quant aux
dix magistrats du siège et du parquet élus
, ils
devraient se partager, selon l'avant-projet de loi organique communiqué
à votre commission, en six magistrats du siège et quatre
magistrats du parquet. L'institution d'une formation unique aurait en effet
comme conséquence indirecte une moindre représentation des
magistrats du parquet qui sont démographiquement moins nombreux, alors
que le système actuel des deux formations permet une
représentation comparable du siège et du parquet (qui ont chacun
six représentants en tout). Dans ces conditions, les différentes
catégories hiérarchiques de magistrats du parquet
pourraient-elles être représentées au sein de cette
formation unique du Conseil supérieur de la magistrature ?
III. VOTRE COMMISSION DES LOIS APPROUVE CETTE NOUVELLE RÉFORME DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE MAIS PROPOSE D'APPORTER PLUSIEURS AMÉNAGEMENTS AU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Votre
commission tient tout d'abord à souligner que cette nouvelle
réforme du Conseil supérieur de la magistrature n'est sans doute
pas la réforme la plus urgente
à mener à bien en
matière judiciaire.
En effet, la préoccupation essentielle des Français dans ce
domaine tient d'abord à la lenteur et à l'engorgement de la
justice quotidienne confrontée à un manque chronique de moyens,
bien plus qu'à une éventuelle réforme du Conseil
supérieur de la magistrature.
Ainsi que l'avait souligné votre commission dans le cadre de la mission
d'information sur les moyens de la justice qu'elle avait constituée en
1996 sous la présidence de votre rapporteur, les réformes les
plus prioritaires sont donc aujourd'hui celles qui concernent
l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien.
Votre commission approuve cependant les principaux objectifs poursuivis par le
présent projet de loi constitutionnelle, à savoir l'extension des
compétences du Conseil supérieur de la magistrature et
l'ouverture de sa composition à une majorité de
personnalités extérieures à la magistrature.
Elle vous propose néanmoins d'y apporter quelques aménagements et
compléments.
Si elle est
favorable à l'accroissement des prérogatives
du Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des
magistrats du parquet, elle considère en revanche nécessaire le
maintien de
deux formations spécifiques
respectivement
compétentes à l'égard des magistrats du siège et
des magistrats du parquet, en raison de la profonde différence de nature
de leurs fonctions. Elle a par ailleurs jugé opportun de modifier les
modalités prévues pour la désignation des membres du
Conseil supérieur de la magistrature n'appartenant pas à la
magistrature.
A. LA COMMISSION APPROUVE L'EXTENSION DES COMPÉTENCES DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE MAIS SOUHAITE ENCADRER LA PRATIQUE DES AVIS
En ce
qui concerne les
nominations
, la commission se montre favorable à
ce que soit désormais exigé un avis conforme du Conseil
supérieur de la magistrature pour les nominations des magistrats du
parquet actuellement soumises à un simple avis.
Elle approuve également le transfert au CSM du pouvoir de prononcer les
sanctions disciplinaires à l'encontre des magistrats du parquet,
actuellement détenu par le garde des sceaux après un avis simple
du Conseil.
En dehors des nominations, la commission souhaite cependant encadrer la
compétence du Conseil supérieur de la magistrature en
matière d'
avis
.
Elle considère en effet que la pratique d'autosaisine qui s'est
instaurée, le Conseil supérieur de la magistrature ayant
émis, de sa propre initiative, des avis sur des questions relatives au
statut des magistrats du parquet, excède ses compétences telles
qu'elles étaient explicitement prévues par l'article 65 de
la Constitution et pourrait le conduire à jouer un rôle qui n'est
pas le sien. Il paraît indispensable de bien définir les missions
du CSM afin d'éviter toute possibilité de confusion sur son
rôle véritable.
Afin d'éviter de tels risques de dérive, la possibilité
pour le Conseil supérieur de la magistrature d'émettre des avis
devrait être subordonnée à la seule demande du
Président de la République agissant là dans le rôle
de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire que lui
confie l'article 64 de la Constitution ; ces avis ne devraient porter
que sur des questions générales intéressant le statut des
magistrats, et non sur des affaires particulières, de manière
à éviter toute interférence avec les compétences
disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature.
Aussi la commission a-t-elle souhaité préciser dans le texte
même de l'article 65 de la Constitution que le CSM se
réunirait en formation plénière pour répondre aux
demandes d'avis formulées par le Président de la
République.
Enfin, votre commission vous propose de prendre en compte une suggestion
formulée par notre excellent collègue Daniel Millaud dans une
proposition de loi constitutionnelle concernant
les modalités de
nomination des présidents de certaines juridictions d'outre-mer
en
réparant une omission actuelle de la rédaction de
l'article 65 de la Constitution de manière à aligner les
modalités de nominations des présidents des tribunaux de
première instance et des tribunaux supérieurs d'appel sur celles
de leurs collègues qui président les juridictions
équivalentes en métropole.
Par ailleurs, la commission estime que le renforcement des garanties
d'indépendance assurées aux magistrats doit s'accompagner d'une
réaffirmation solennelle des exigences déontologiques qui
s'imposent à eux. Le respect par les magistrats du devoir de
réserve lui paraît à cet égard tout à fait
fondamental.
C'est pourquoi elle souhaite qu'une réflexion soit engagée en vue
d'une modification de l'ordonnance n° 58-1270 du
22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de
la magistrature afin de faire apparaître explicitement dans le statut que
le manquement par un magistrat au
devoir de réserve
constitue une
faute disciplinaire.
B. TOUT EN AFFIRMANT L'UNICITÉ DE LA MAGISTRATURE À TRAVERS L'INSTITUTION D'UNE FORMATION PLÉNIÈRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE, LA COMMISSION JUGE NÉCESSAIRE DE MAINTENIR EN SON SEIN DEUX FORMATIONS SPÉCIALISÉES RESPECTIVEMENT COMPÉTENTES À L'ÉGARD DES MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET
Si le
principe de l'unité de la magistrature doit être
réaffirmé pour bien marquer l'égale dignité des
fonctions de magistrat du siège et du parquet, il ne doit pas pour
autant entraîner de confusion entre ces fonctions.
Les métiers exercés par ces deux catégories de magistrats
sont profondément différents : les uns jugent tandis que les
autres poursuivent et requièrent au nom de la société.
Même si la réforme engagée tend à rapprocher le
rôle du Conseil supérieur de la magistrature à leur
égard, leurs statuts resteront en tout état de cause
marqués par des différences substantielles, puisque le
ministère public continuera de se distinguer par l'absence
d'inamovibilité rendant possibles les mutations dans
l'intérêt du service et par l'organisation hiérarchique
sous l'autorité du garde des Sceaux, des disparités subsistant
également dans les modes de nominations.
Or, faute d'être marquée symboliquement au plus haut niveau de la
hiérarchie des normes, cette profonde différence de nature des
fonctions exercées qui distingue le siège du parquet tendrait
à s'estomper pour faire place à une regrettable confusion, au
risque de mettre en cause le principe fondamental qui est celui de
l'indépendance du juge par rapport au ministère public.
C'est pourquoi votre commission estime nécessaire de maintenir au sein
du Conseil supérieur de la magistrature deux formations distinctes
exerçant séparément les compétences relatives
à la carrière et à la discipline, d'une part, des
magistrats du siège et, d'autre part, des magistrats du parquet.
De plus, seules deux formations distinctes permettent d'assurer une
représentation des magistrats adaptée à la nature des
fonctions concernées comme actuellement, et en même temps
d'éviter que la représentation du parquet se trouve excessivement
réduite.
Aussi, s'inscrivant dans la continuité des positions prises par le
Sénat en 1993, votre commission des Lois vous propose-t-elle, tout en
consacrant l'unité du corps des magistrats et du Conseil
supérieur de la magistrature par l'institution d'une formation
plénière à laquelle serait conférée la
compétence d'émettre des avis à la demande du
Président de la République, de maintenir en son sein deux
formations distinctes respectivement compétentes à l'égard
des magistrats du siège et des magistrats du parquet, dont la
composition serait adaptée à la spécificité des
questions traitées.
Selon l'amendement adopté par votre commission des Lois, le Conseil
supérieur de la magistrature comprendrait en formation
plénière, outre le Président de la République et le
Garde des Sceaux, dix magistrats élus (dont cinq magistrats du
siège et cinq magistrats du parquet), un conseiller d'Etat et dix
personnalités extérieures à la magistrature, comme dans le
projet de loi constitutionnelle (soit 23 membres au total).
Afin de respecter le même équilibre entre magistrats et non
magistrats à l'intérieur des formations
spécialisées, celles-ci seraient composées, outre le
Président de la République et le Garde des Sceaux, de six
magistrats (dont cinq représentants de la fonction concernée et
un de l'autre, comme actuellement), du conseiller d'Etat et de six des dix
personnalités extérieures (soit 15 membres au total).
Cette composition permettrait d'avoir dans chaque formation une majorité
de non-magistrats, tout en évitant d'accroître excessivement le
nombre des membres de manière à conserver des structures de
travail opérationnelles.
C. LA COMMISSION APPROUVE L'OUVERTURE DE LA COMPOSITION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE À UNE MAJORITÉ DE PERSONNALITÉS EXTÉRIEURES À LA MAGISTRATURE, SOUS RÉSERVE D'UNE MODIFICATION DE CERTAINES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DE CES PERSONNALITÉS
Votre
commission est favorable à l'ouverture de la composition du Conseil
supérieur de la magistrature à une majorité de non
magistrats qui apparaît comme une nécessaire contrepartie de
l'accroissement de ses pouvoirs pour écarter tout risque de
dérive corporatiste ; elle a donc tenu à assurer cette
majorité au sein de chacune des formations du CSM.
Au vu de la composition envisagée par le projet de loi
constitutionnelle, elle s'est cependant interrogée sur
l'opportunité de la désignation des deux membres par le
Président du Conseil économique et social, qui ne
bénéficie pas de la même légitimité que le
Président de la République et les présidents des
assemblées parlementaires, et qui préside un organisme dont les
compétences n'ont pas de rapport direct avec la magistrature.
En revanche, il lui est apparu plus opportun d'accroître le nombre de
membres désignés conjointement par les trois présidents
des plus hautes juridictions françaises, à savoir le
vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour
de cassation et le premier président de la Cour des Comptes.
Aussi vous propose-t-elle de répartir comme suit la désignation
des personnalités extérieures :
- le Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale et le Président du Sénat
désigneraient chacun deux personnalités ;
- le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la
Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes
désigneraient conjointement quatre personnalités.
Six personnalités seraient ainsi désignées par des
autorités issues du suffrage universel et quatre par des
autorités juridictionnelles, ce qui représenterait, aux yeux de
la commission, un équilibre satisfaisant.
La rédaction actuelle de l'article 65 de la Constitution, comme celle du
projet de loi constitutionnelle, prévoit que ne peuvent être
désignées que des personnalités n'appartenant ni au
Parlement ni à l'ordre judiciaire.
Votre commission des Lois a souhaité préciser que ne pourraient
pas non plus être désignés des conseillers d'Etat ou des
magistrats administratifs, en mentionnant des "
personnalités
n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire ni à
l'ordre administratif
". Ne pourront ainsi être
désignées des personnalités issues des juridictions
judiciaires, financières ou administratives.
Enfin, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel
dans le projet de loi constitutionnelle afin de réparer une omission de
la rédaction actuelle de l'article 19 de la Constitution de
façon à faire figurer explicitement la désignation de
membres du Conseil supérieur de la magistrature parmi les actes que le
Président de la République exerce sans contreseing.
Elle a également prévu l'insertion dans le corps même de la
Constitution de la disposition transitoire figurant à l'article 2.
*
* *
Composition du Conseil supérieur de la
magistrature
|
Constitution de 1946
|
Constitution de 1958
|
|
Projet
de loi constitutionnelle
|
Propositions de la commission des
Lois
|
Président |
Président de la République |
Président de la République |
Président de la République |
Président de la République |
Président de la République |
Vice-Président |
Garde des Sceaux |
Garde des Sceaux |
Garde des Sceaux |
Garde des Sceaux |
Garde des Sceaux |
Membres |
|
9 membres désignés par le Président de la République (répartis comme suit par la loi organique) |
1
formation pour le siège
|
|
1
formation pour le siège
|
Personnalités extérieures à la magistrature( et au Parlement) |
- 2
membres désignés par le Président de la République
au sein des professions judiciaires
|
(2 personnalités n'appartenant pas à la magistrature) |
- 1
membre désigné par le Président de la République
|
- 2
membres désignés par le Président de la République
|
- 2
membres désignés par le Président de la République
|
Magistrat s |
- 4 magistrats élus |
(6 magistrats choisis sur une liste établie par le Bureau de la Cour de cassation) |
- 5
magistrats du siège et 1 du parquet dans la formation compétente
à l'égard des magistrats du siège
|
- 10 magistrats du siège et du parquet élus |
- 5
magistrats du siège et 5 magistrats du parquet élus
|
Représentant du Conseil d'Etat |
|
(1 conseiller d'Etat choisi sur une liste établie par l'assemblée générale du Conseil d'Etat) |
- 1 conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat |
- 1 conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat |
- 1 conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat |
Attributions du Conseil supérieur de la magistrature
|
Constitution
|
Constitution
|
Révision
constitutionnelle
|
Projet
de loi
|
Propositions de la commission des Lois |
||||||
Nomination
|
nomination par le Président de la République "sur présentation du CSM " |
propositions
du CSM pour la nomination des magistrats
du siège à la Cour de cassation et des premiers présidents
des cours d'appel
|
propositions
de la formation compétente du CSM
pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de
cassation, des premiers présidents des cours d'appel et des
présidents des tribunaux de grande instance
|
propositions
du CSM pour les nominations des
magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers
présidents de cours d'appel et des présidents des tribunaux de
grande instance
|
propositions
de la formation compétente du CSM
pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de
cassation, des premiers présidents des cours d'appel et des
présidents des tribunaux de grande instance, des tribunaux
supérieurs d'appel et des tribunaux de première instance
|
||||||
- des magistrats du parquet |
|
|
avis de la formation compétente du CSM pour les nominations des magistrats du parquet, à l'exception des emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres (procureurs généraux) |
avis conforme du CSM pour les nominations de tous les magistrats du parquet |
avis conforme de la formation compétente du CSM pour les nominations de tous les magistrats du parquet |
||||||
Discipline
|
Le CSM " assure " la discipline des magistrats du siège |
Le CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du siège (sous la présidence du premier président de la Cour de cassation) |
La formation compétente du CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du siège (sous la présidence du premier président de la Cour de cassation) |
Le CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du siège (sous la présidence du premier président de la Cour de cassation) |
La formation compétente du CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du siège (sous la présidence du premier président de la Cour de cassation) |
||||||
- des magistrats du parquet |
|
|
La formation compétente du CSM donne son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du parquet (sous la présidence du procureur général près la Cour de cassation) |
Le CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet (sous la présidence du procureur général près la Cour de cassation) |
La formation compétente du CSM statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet (sous la présidence du procureur général près la Cour de cassation) |
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Avis
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Réunion du CSM en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République |
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article 1er
(art. 19 de
la Constitution)
Nomination des membres du Conseil supérieur de la
magistrature
par le Président de la République sans
contreseing
Avant
l'article 1er, votre commission vous propose d'insérer un article
additionnel destiné à réparer une omission dans la
rédaction de l'article 19 de la Constitution.
Cet article énumère les articles de la Constitution relatifs aux
actes que le Président de la République peut accomplir sans le
contreseing du Premier ministre et, le cas échéant, des ministres
responsables.
Alors que figure dans cette énumération la
référence à l'article 56 relatif à la
nomination des membres du Conseil constitutionnel, n'y figure pas, en revanche,
la référence à l'article 65 pour la nomination des
membres du Conseil supérieur de la magistrature.
Or, à l'évidence, la désignation de membres du Conseil
supérieur de la magistrature, comme de membres du Conseil
constitutionnel, constitue un pouvoir propre du Président de la
République qui doit s'exercer sans exigence de contreseing.
Il apparaît donc opportun de compléter l'énumération
des actes que le Président de la République peut accomplir sans
contreseing par une référence à l'article 65 de la
Constitution.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à
modifier en ce sens l'article 19 de la Constitution.
Article premier
(art. 65 de la
Constitution)
Composition et attributions
du Conseil supérieur de
la magistrature
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend
à une nouvelle rédaction de l'article 65 de la Constitution,
relatif à la composition et aux attributions du Conseil supérieur
de la magistrature (CSM), dont le texte actuel est issu de la loi
constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.
I. La composition du Conseil supérieur de la magistrature
Le projet de loi constitutionnelle prévoit tout d'abord une profonde
modification des dispositions de l'article 65 de la Constitution relatives
à la composition du Conseil supérieur de la magistrature :
celui-ci comprendrait désormais une formation unique (et non plus deux
formations respectivement compétente à l'égard des
magistrats du siège et des magistrats du parquet) qui serait
majoritairement composée de personnalités extérieures
à l'ordre judiciaire (et non plus de magistrats), le nombre total des
membres étant sensiblement accru.
Seul le premier alinéa de l'article 65, relatif à la
présidence et à la vice-présidence du Conseil
supérieur de la magistrature, subsisterait dans sa rédaction
actuelle, issue de la Constitution de 1958 qui n'avait pas été
modifiée sur ce point en 1993 ; la présidence et la
vice-présidence du Conseil supérieur de la magistrature resterait
donc attribuées de droit au Président de la République et
au ministre de la justice, ce dernier pouvant suppléer le
Président de la République.
A. La situation actuelle : deux formations distinctes composées
en majorité de magistrats
Selon la rédaction actuelle de l'article 65 de la Constitution, issue de
la révision constitutionnelle de 1993, le Conseil supérieur de la
magistrature comprend deux formations, l'une compétente à
l'égard des magistrats du siège et l'autre compétente
à l'égard des magistrats du parquet.
Cette disposition résulte d'une initiative du Sénat qui, en 1993,
avait souhaité étendre aux magistrats du parquet les
compétences du Conseil supérieur de la magistrature, à
titre consultatif, mais avait jugé nécessaire, compte tenu de la
différence de nature des fonctions exercées par les magistrats du
siège et par les magistrats du parquet, de prévoir deux
formations distinctes en adaptant leur composition à la nature des
fonctions concernées.
Outre le Président de la République et le garde des Sceaux, les
deux formations actuelles comprennent chacune dix membres dont six magistrats.
Seuls les quatre membres qui ne sont pas magistrats appartiennent à la
fois aux deux formations. Il s'agit, d'une part, de trois personnalités
extérieures à la magistrature et au Parlement
désignées respectivement par le Président de la
République, le président de l'Assemblée nationale et le
président du Sénat et, d'autre part, d'un conseiller d'Etat
désigné par le Conseil d'Etat.
Hormis ces quatre membres, la formation compétente à
l'égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du
siège et un magistrat du parquet, tandis que la formation
compétente à l'égard des magistrats du parquet comprend
cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège.
Ces magistrats sont élus par leurs pairs dans les conditions
fixées par la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994
sur le Conseil supérieur de la magistrature.
Les sièges réservés aux magistrats sont répartis,
de la manière suivante, entre les différentes catégories
hiérarchiques de magistrats :
- pour la formation compétente à l'égard des magistrats du
siège :
* 1 magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation
élu par l'assemblée des magistrats du siège hors
hiérarchie de ladite cour ;
* 1 premier président de cour d'appel élu par l'assemblée
des premiers présidents de cour d'appel ;
* 1 président de tribunal de grande instance élu par
l'assemblée des présidents de tribunal de grande instance, de
première instance ou de tribunal supérieur d'appel ;
* 2 magistrats du siège et 1 magistrat du parquet " de base "
des cours et tribunaux ;
- pour la formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet :
* 1 magistrat du parquet hors hiérarchie à la Cour de cassation
élu par les magistrats du parquet hors hiérarchie de ladite
cour ;
* 1 procureur général près une cour d'appel élu par
l'assemblée des procureurs généraux près les cours
d'appel ;
* 1 procureur de la République près un tribunal de grande
instance élu par l'assemblée des procureurs de la
République ;
* 2 magistrats du parquet et 1 magistrat du siège " de base "
des cours et tribunaux.
L'élection des représentants des magistrats " de base "
a lieu au scrutin uninominal à un tour, à deux
degrés :
- les magistrats -autres que les magistrats hors hiérarchie de la Cour
de cassation et les chefs des cours d'appel et des tribunaux de grande
instance- élisent deux collèges, l'un composé de membres
du siège et l'autre composé de membres du parquet ;
- les magistrats composant ces deux collèges élisent ensuite en
leur sein les magistrats appelés à siéger au Conseil
supérieur de la magistrature.
Quant au représentant du Conseil d'Etat, il est élu par
l'assemblée générale du Conseil d'Etat.
*
Bien que
la réunion du Conseil supérieur de la magistrature en formation
plénière n'ait été prévue par aucun texte,
une pratique de réunion plénière des deux formations du
siège et du parquet s'est instaurée dans les faits.
Ces deux formations se réunissent ainsi une fois par mois afin, selon
les rapports d'activité du CSM, d'assurer la cohérence des
procédures et l'harmonisation des positions de chaque formation.
Le projet de loi constitutionnelle consacre en quelque sorte le
développement de cette pratique puisqu'il tend à supprimer la
division actuelle en deux formations au profit d'une formation unique.
B. Le projet de loi constitutionnelle : une formation unique
composée en majorité de membres extérieurs à la
magistrature
1. L'institution d'une formation unique
"
Afin de marquer l'unité du corps judiciaire
", selon
les termes de l'exposé des motifs, le projet de loi constitutionnelle
tend à instituer une formation unique du Conseil supérieur de la
magistrature dont le nombre des membres serait porté à 23 (y
compris le Président de la République et le Garde des Sceaux).
2. Une majorité de membres n'appartenant pas au corps
judiciaire
Dans le souci d'"
une approche plus ouverte de la gestion du corps
judiciaire
", toujours selon les termes de l'exposé des motifs,
le projet de loi constitutionnelle prévoit au sein de cette formation
unique, une majorité de membres n'appartenant pas au corps judiciaire.
Outre le conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat, dont la
présence serait maintenue,
le nombre de personnalités
n'appartenant ni à l'ordre judiciaire ni au Parlement
serait
ainsi fortement accru, passant de trois à dix
dont :
* 2 membres désignés par le Président de la
République ;
* 2 membres désignés par le Président de
l'Assemblée nationale ;
* 2 membres désignés par le Président du
Sénat ;
* 2 membres désignés par le Président du Conseil
économique et social "
en-dehors de celui-ci
" ;
* 2 membres désignés "
conjointement
" par le
vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour
de cassation et le premier président de la Cour des comptes.
Le nombre de personnalités désignées par le
Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale et le Président du Sénat serait donc
porté de un à deux chacun.
La désignation de membres par le Président du Conseil
économique et social, d'une part, et par le vice-président du
Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le
premier président de la Cour des comptes, d'autre part, constitue en
revanche une innovation.
La formation désormais unique du Conseil supérieur de la
magistrature comprendrait également "
dix magistrats du
siège et du parquet élus
".
A la différence du texte actuel, le principe de l'élection des
représentants des magistrats serait désormais inscrit dans le
texte de la Constitution lui-même.
Selon l'avant-projet de loi organique communiqué à votre
commission, feraient ainsi partie du Conseil supérieur de la
magistrature six magistrats du siège et quatre magistrats du parquet
répartis ainsi qu'il suit entre les différentes catégories
hiérarchiques de magistrats :
- 1 magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation
élu par l'assemblée des magistrats du siège hors
hiérarchie de ladite Cour ;
- 1 magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation
élu par l'assemblée des magistrats du parquet hors
hiérarchie de ladite Cour ;
- 1 premier président de cour d'appel élu par les premiers
présidents de cours d'appel ;
- 1 procureur général près une cour d'appel élu par
les procureurs généraux près lesdites cours ;
- 2 magistrats du siège et 1 magistrat du parquet des cours et tribunaux
placés hors hiérarchie ou appartenant au premier grade ;
- 2 magistrats du siège et 1 magistrat du parquet des cours et tribunaux
appartenant au second grade.
Pour la désignation de ces magistrats du premier et second grade, au
système actuel d'élection au suffrage indirect et au scrutin
majoritaire serait substituée une élection au suffrage direct et
au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle au plus
fort reste, par l'ensemble des magistrats autres que les magistrats hors
hiérarchie de la Cour de cassation et les chefs de cours d'appel, chaque
liste de candidats devant comprendre au moins un président de tribunal
de grande instance et un procureur de la République.
Cette modification semble destinée à assurer une
représentation plus équilibrée des différentes
organisations représentatives de magistrats au sein du Conseil
supérieur de la magistrature, le scrutin majoritaire actuel
entraînant une sur-représentation du syndicat majoritaire
(à savoir l'Union syndicale des magistrats, USM).
En rendant impossible les candidatures individuelles, le choix de la
représentation proportionnelle risque cependant d'aboutir à un
monopole des organisations syndicales de magistrats pour la présentation
des candidats, avec pour conséquence un regrettable renforcement de
l'étiquetage syndical, et donc de la coloration politique des membres du
Conseil supérieur de la magistrature.
Par ailleurs, par rapport au système actuel, l'institution d'une
formation unique aurait pour conséquence une
moindre
représentation du parquet
, le nombre de magistrats du parquet
membres du Conseil supérieur de la magistrature étant
réduit à quatre contre six au total aujourd'hui (à savoir
cinq au sein de la formation compétente à l'égard des
magistrats du parquet et un au sein de la formation compétente à
l'égard des magistrats du siège). Quatre seulement sur un
ensemble de 23 membres.
C. Les propositions de votre commission des Lois : une formation
plénière regroupant deux formations spécifiques
Tout en approuvant la volonté d'affirmer l'unicité de la
magistrature par la consécration d'une formation plénière
du Conseil supérieur de la magistrature, votre commission des Lois a
jugé nécessaire de maintenir en son sein des formations
distinctes adaptées à la spécificité des questions
à traiter.
S'agissant des modalités de la désignation des
personnalités extérieures à la magistrature, elle a en
outre souhaité supprimer la désignation de deux membres par le
Président du Conseil économique et social au
bénéfice de l'accroissement à quatre du nombre des membres
désignés conjointement par les présidents des trois plus
hautes juridictions françaises.
1. Le maintien au sein d'une formation plénière de deux
formations spécifiques respectivement compétentes à
l'égard des magistrats du siège et des magistrats du
parquet
Votre commission approuve la volonté de consacrer l'unité de la
magistrature par l'institution d'une formation plénière du
Conseil supérieur de la magistrature.
Elle estime néanmoins que la différence de nature entre les
magistrats du siège et les magistrats du parquet rend nécessaire
le maintien de deux formations distinctes pour l'exercice des
compétences du Conseil supérieur de la magistrature en
matière de nominations et en matière disciplinaire.
En effet, les métiers de magistrats du siège et de magistrats du
parquet sont profondément différents et le resteront à
l'issue de la réforme : les uns jugent, les autres exercent
l'action publique et requièrent à l'audience. De plus, le statut
des magistrats du parquet est et restera à bien des égards
différent de celui des magistrats du siège, dont il se distingue
notamment par l'absence d'inamovibilité et le lien hiérarchique
avec le garde des Sceaux résultant de l'article 5 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative
au statut de la magistrature.
Or, ce n'est que dans le cadre de deux formations distinctes que l'on peut
assurer une représentation des magistrats adaptée à la
nature des fonctions concernées, comme tel est le cas actuellement.
La formation plénière recevrait pour sa part une
compétence pour émettre des avis sur des questions
générales intéressant le statut de la magistrature,
compétence qui serait désormais précisément
encadrée comme on le verra plus loin.
Sur la base de ces orientations, le Conseil supérieur de la magistrature
pourrait comprendre trois formations : une formation compétente à
l'égard des magistrats du siège, une formation compétente
à l'égard des magistrats du parquet et une formation
plénière réunissant ces deux formations.
Le CSM comprendrait, en formation plénière, outre le
Président de la République et le garde des sceaux, dix magistrats
élus (dont 5 magistrats du siège et 5 magistrats du parquet), un
conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et dix
personnalités extérieures à la magistrature, soit
23 membres au total comme dans le projet de loi constitutionnelle.
- La formation compétente à l'égard des magistrats du
siège comprendrait, outre le Président de la République et
le garde des sceaux, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet
(comme actuellement) ainsi que la conseiller d'Etat et six des dix
personnalités extérieures, soit
15 membres.
- La formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet comprendrait, outre le Président de la République et le
garde des sceaux, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège
(comme actuellement) ainsi que le conseiller d'Etat et six des dix
personnalités extérieures, soit
15 membres.
Cette composition présenterait l'avantage de réduire de 23
à 15 le nombre des membres dans les formations
spécialisées, ce qui permettrait de constituer des structures de
travail plus opérationnelles.
Le parquet serait en outre mieux représenté puisqu'il aurait
5 membres sur 15 au sein de sa formation, au lieu de 4 sur 23 comme le
propose le projet de loi constitutionnelle .
2. Une modification des modalités de désignation des
personnalités extérieures à la magistrature
Votre commission approuve l'ouverture du Conseil supérieur de la
magistrature à une majorité de personnalités
extérieures à la magistrature et tient à ce que celles-ci
soient effectivement majoritaires au sein des deux formations
spécialisées comme au sein de la formation plénière.
Cependant, elle s'interroge sur la désignation de membres du Conseil
supérieur de la magistrature par le Président du Conseil
économique et social.
Elle constate en effet que les compétences du Conseil économique
et social n'ont pas de relation directe avec la magistrature et que son
président ne bénéficie pas de la même
légitimité que le Président de la République et les
présidents des assemblées parlementaires élus au suffrage
universel.
Elle estime préférable d'accroître le nombre de membres
désignés conjointement par les présidents des trois plus
hautes juridictions françaises en raison de leur rôle
éminent dans notre organisation juridictionnelle et dans le souci
d'établir un certain équilibre entre les membres
désignés par des autorités issues du suffrage universel et
ceux désignés par des autorités juridictionnelles.
Elle considère néanmoins que les personnalités ainsi
désignées ne doivent en aucun cas être des magistrats,
qu'il s'agisse de magistrats administratifs, financiers ou judiciaires.
Ces orientations conduisent votre commission des Lois à vous proposer de
désigner comme suit les dix personnalités n'appartenant ni
à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, ni au Parlement
qui sont appelées à faire partie du Conseil supérieur de
la magistrature :
- le Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale et le Président du Sénat
désigneraient chacun deux personnalités, comme dans le projet de
loi constitutionnelle ;
- le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président
près de la Cour de cassation et le premier président près
la Cour des comptes désigneraient conjointement quatre
personnalités.
II. Les attributions du Conseil supérieur de la magistrature
Si le projet de loi constitutionnelle n'apporte pas de modification aux
prérogatives actuelles du Conseil supérieur de la magistrature
à l'égard des magistrats du siège, telles qu'elles
résultent de la réforme constitutionnelle de 1993, il tend en
revanche à renforcer considérablement son rôle à
l'égard des magistrats du parquet, tant en matière de nominations
qu'en matière disciplinaire.
Aucun magistrat du parquet ne pourrait désormais être nommé
sans l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci
ne se verrait toutefois pas confier à l'égard des nominations des
hauts magistrats du parquet un pouvoir de proposition analogue à celui
qu'il exerce pour les nominations des plus hauts magistrats du siège.
En revanche, l'alignement entre le parquet et le siège serait total en
matière disciplinaire, le Conseil supérieur de la magistrature
statuant désormais comme conseil de discipline de l'ensemble des
magistrats.
A. Les nominations de magistrats
1. Les nominations des magistrats du siège : le maintien par le
projet de loi constitutionnelle des compétences actuelles du CSM
Sous réserve de la suppression de la formation compétente
à l'égard des magistrats du siège au profit d'une
formation unique, le projet de loi constitutionnelle laisse inchangées
les prérogatives actuelles du Conseil supérieur de la
magistrature à l'égard des nominations des magistrats du
siège.
Ces nominations relèvent de deux régimes distincts selon les
magistrats concernés.
Les magistrats du siège à la Cour de cassation (au nombre de
135), les premiers présidents de cours d'appel (au nombre de 35) et,
depuis la réforme de 1993, les présidents des tribunaux de grande
instance (au nombre de 181) sont nommés
sur les propositions
du
Conseil supérieur de la magistrature.
Dans la pratique, pour la nomination à ces plus hauts postes de
magistrats du siège, c'est donc la formation compétente du
Conseil supérieur de la magistrature qui, après examen des
dossiers et entretien avec les candidats, opère un choix entre les
candidatures dont elle est saisie, afin d'arrêter, sur le rapport de l'un
de ses membres, la proposition soumise au Président de la
République qui prend ensuite la décision de nomination au cours
d'une séance tenue sous sa présidence et en présence du
garde des Sceaux, au Palais de l'Elysée.
Les autres magistrats du siège sont nommés
sur l'avis
conforme
du Conseil supérieur de la magistrature depuis la
réforme de 1993. Celle-ci a en effet consacré l'usage
établi antérieurement, suivant lequel le garde des Sceaux ne
passait pas outre un avis défavorable émis par le Conseil
supérieur de la magistrature sur la nomination d'un magistrat du
siège.
Pour toutes ces nominations, l'avis de la formation compétente est
donné sur la proposition du ministre de la justice qui est transmise au
Conseil supérieur de la magistrature avec la liste des candidats pour
chacun des postes concernés.
Après examen des dossiers par un rapporteur, la formation
compétente arrête un avis qui est ensuite présenté
au cours d'une séance tenue sous la présidence du garde des
Sceaux, au siège du Conseil, palais de l'Alma.
Les propositions ayant fait l'objet d'un avis favorable sont ensuite transmises
au Président de la République en vue de la signature du
décret de nomination.
Les statistiques établies par le Conseil supérieur de la
magistrature font apparaître un très faible pourcentage d'avis
défavorables, de 1,75 % seulement entre le 1er juin 1994
et le 31 mars 1998, soit 63 avis défavorables sur
3 714 avis rendus au cours de cette période.
2. Les nominations des magistrats du parquet : le renforcement des
compétences du CSM par le projet de loi constitutionnelle
prévoyant l'exigence d'un avis conforme
Le Conseil supérieur de la magistrature n'intervient pour les
nominations des magistrats du parquet que depuis la réforme de 1993 et
seulement à titre consultatif.
Les magistrats du parquet sont nommés après un
avis simple
de la formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet, qui ne lie pas le Garde des Sceaux. Toutefois, cette procédure
n'est pas applicable, selon le texte de l'article 65 de la Constitution, aux
"
emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres
",
c'est-à-dire les emplois de procureur général près
la Cour de cassation et de procureur général près une cour
d'appel
9(
*
)
.
Les nominations des autres magistrats du parquet font l'objet d'un avis
émis par la formation compétente selon la même
procédure que celle retenue pour les avis émis par la formation
compétente à l'égard des magistrats du siège.
Selon les statistiques établies par le CSM, la proportion d'avis
défavorables émis par la formation compétente à
l'égard des magistrats du parquet reste très faible (de l'ordre
de 3 %) quoique supérieure à la proportion d'avis
défavorables émis par la formation du siège.
Du 1er juin 1994 au 31 mars 1998, le nombre des avis
défavorables s'est élevé à 39 sur un total de
1 418, soit 2,88 % des avis. Sur ces 39 avis défavorables, 8
n'ont pas été pris en compte par l'autorité de nomination
(soit 0,56 % seulement du total des avis).
Dans son rapport d'activité pour 1996, le Conseil supérieur de la
magistrature avait souligné que l'autorité de nomination
était passée outre aux avis défavorables à sept
reprises au cours de la période allant du 1er juillet 1995 au
31 décembre 1996, ce qui traduisait une rupture avec la
pratique antérieure. Il en déduisait que l'indépendance
des magistrats du parquet, s'agissant de leur nomination, était encore
imparfaitement assurée.
Afin de mettre fin à cette situation et de lever les soupçons
d'intervention de l'autorité politique en matière de nominations,
le projet de loi constitutionnelle prévoit de soumettre l'ensemble des
nominations des magistrats du parquet, y compris celle des procureurs
généraux, à
l'avis conforme
du Conseil
supérieur de la magistrature, qui liera donc la décision de
l'autorité de nomination.
Il laisse cependant au garde des Sceaux, comme actuellement, le pouvoir de
proposition pour les nominations à toutes les fonctions de magistrats du
parquet. L'assimilation des garanties statutaires des magistrats du parquet
à celles des magistrats du siège, à laquelle tend le
projet de loi constitutionnelle n'est donc pas complètement
achevée sur ce point.
Dans la pratique, compte tenu du faible nombre d'avis défavorables et du
nombre encore plus faible de ceux auxquels il était passé outre
par l'autorité de nomination, la modification proposée du
régime de nomination des magistrats du parquet revêt un
caractère essentiellement symbolique pour les nominations des magistrats
autres que les procureurs généraux.
En revanche, elle a une toute autre portée s'agissant des procureurs
généraux dont la nomination en conseil des ministres
relève actuellement de l'appréciation discrétionnaire du
pouvoir exécutif.
B. Les attributions disciplinaires du Conseil supérieur de la
magistrature
1. La situation actuelle : une compétence de décision à
l'égard des magistrats du siège et une compétence
consultative à l'égard des magistrats du parquet
Le Conseil supérieur de la magistrature statue traditionnellement comme
conseil de discipline des magistrats du siège. Cette compétence
est actuellement exercée par la formation compétente à
l'égard des magistrats du siège, sous la présidence du
Premier président de la Cour de cassation.
Depuis la réforme constitutionnelle de 1993, à l'initiative du
Sénat, le CSM intervient également en matière
disciplinaire à l'égard des magistrats du parquet, mais seulement
à titre consultatif, comme pour les nominations de ces magistrats. La
formation compétente à l'égard des magistrats du parquet,
alors présidée par le Procureur général près
la Cour de cassation, émet donc un simple avis sur les sanctions
disciplinaires à l'égard des magistrats du parquet, qui sont
prononcées par le garde des Sceaux, alors que les sanctions
disciplinaires concernant les magistrats du siège sont prononcées
par la formation compétente du CSM.
Dans la pratique, le CSM est très rarement saisi par le garde des Sceaux
qui a l'initiative des poursuites disciplinaires.
Selon les statistiques établies par le CSM, la formation
compétente à l'égard des magistrats du siège a
prononcé seulement 13 décisions au fond (ainsi que
8 interdictions temporaires) entre le 1er juin 1994 et le
31 mars 1998.
La formation compétente à l'égard des magistrats du
parquet a pour sa part émis 11 avis au fond (et un relatif à une
interdiction temporaire) entre le 1er juin 1994 et le
31 mars 1998.
Le Conseil supérieur de la magistrature a cependant regretté,
dans son rapport annuel de 1995, que ses compétences disciplinaires
soient exercées par deux formations distinctes, soulignant que
"
deux instances engagées pour des faits connexes et
indissociables, à l'encontre des chefs d'une même
juridiction
" avaient dû être soumises à deux
organes différents.
2. Le projet de loi constitutionnelle fait du Conseil supérieur de
la magistrature le conseil de discipline de l'ensemble des magistrats
Répondant au souhait d'unification, le projet de loi constitutionnelle
tend à confier à la formation désormais unique du CSM le
pouvoir de statuer comme conseil de discipline, et donc de prononcer les
sanctions disciplinaires à l'égard de l'ensemble des magistrats
du siège et du parquet.
Les garanties disciplinaires offertes aux magistrats du parquet seraient ainsi
totalement alignées sur celles des magistrats du siège.
Le CSM statuant en conseil de discipline serait alternativement
présidé par le Premier président de la Cour de cassation
ou le Procureur général près ladite cour selon qu'il
statuerait à l'égard d'un magistrat du siège ou à
l'égard d'un magistrat du parquet, la pratique actuelle étant
donc maintenue sur ce point.
C. Les propositions de votre commission des Lois : l'approbation de
l'extension des compétences du Conseil supérieur de la
magistrature sous réserve de deux aménagements
Votre commission approuve l'extension des compétences du Conseil
supérieur de la magistrature à laquelle tend le projet de loi,
notamment par l'exigence d'un avis conforme pour les nominations des magistrats
du parquet se substituant à l'avis simple prévu jusqu'ici. Elle
vous propose cependant d'y apporter deux aménagements.
1. L'extension du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de
la magistrature aux nominations des présidents de certaines juridictions
d'outre-mer
Votre commission vous propose tout d'abord de procéder à un
aménagement technique de la rédaction de l'article 65 de la
Constitution afin de répondre à une préoccupation
légitimement exprimée par notre excellent collègue Daniel
Millaud dans le cadre d'une proposition de loi constitutionnelle
10(
*
)
concernant la nomination des présidents de
certaines juridictions d'outre-mer.
Selon les dispositions actuelles de l'article 65 de la Constitution que le
projet de loi constitutionnelle n'envisage pas de modifier sur ce point (sous
réserve de l'institution d'une formation unique) les premiers
présidents des cours d'appel et les présidents des tribunaux de
grande instance sont nommés sur les propositions du Conseil
supérieur de la magistrature.
Cependant, en raison de l'organisation juridictionnelle particulière des
territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, il n'existe pas
de tribunaux de grande instance dans les territoires d'outre-mer
(Nouvelle-Calédonie, Polynésie française,
Wallis-et-Futuna) et dans les collectivités territoriales de Mayotte et
de Saint-Pierre-et-Miquelon, ces tribunaux étant remplacés par
des tribunaux de première instance. En outre, il n'existe pas de cour
d'appel à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon où les
tribunaux supérieurs d'appel jouent le rôle de juridiction d'appel.
Les présidents de ces tribunaux de première instance et de ces
tribunaux supérieurs d'appel, qui ne sont pas mentionnés dans la
rédaction actuelle de l'article 65 de la Constitution, sont
nommés sur l'avis conforme du Conseil supérieur de la
magistrature comme les autres magistrats du siège.
Ils ne bénéficient donc pas des mêmes garanties de
nomination que ceux de leurs collègues qui président des
juridictions équivalentes en métropole, alors même que les
premiers présidents de cours d'appel des territoires d'outre-mer sont,
pour leur part, soumis au même régime de nomination que les
premiers présidents de cour d'appel de métropole.
Ainsi que le suggérait opportunément la proposition de loi
constitutionnelle déposée par M. Daniel Millaud, votre commission
vous propose de mettre fin à cette situation injustifiée et de
rétablir l'égalité entre les présidents de
juridictions d'outre-mer et ceux de métropole quant à leur
régime de nomination, en réparant l'omission actuelle de la
rédaction de l'article 65 de la Constitution sur ce point, afin
d'étendre le pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la
magistrature aux nominations des présidents des tribunaux de
première instance et des tribunaux supérieurs d'appel.
2. L'encadrement de la compétence du Conseil supérieur de
la magistrature en matière d'avis
Dans le cadre de sa mission d'assistance du Président de la
République en sa qualité de garant de l'indépendance de
l'autorité judiciaire, qui lui est confiée par l'article 64
de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature est tout
d'abord conduit à répondre aux demandes d'avis que lui adresse le
chef de l'Etat. De 1994 à 1998, une seule demande d'avis lui a
été adressée par le Président de la
République, le 22 décembre 1994, concernant
l'éventuel dessaisissement d'un magistrat instructeur.
Par ailleurs, selon les rapports d'activité du Conseil supérieur
de la magistrature, le Garde des Sceaux a demandé à plusieurs
reprises l'opinion du Conseil sur des questions relatives à
l'institution judiciaire.
En outre, selon les termes de son dernier rapport d'activité,
"
le Conseil supérieur de la magistrature a
considéré que l'article 64 de la Constitution lui donnait
aussi, en dehors de toute demande expresse, le pouvoir de faire connaître
au Président de la République son avis sur les grandes questions
relatives à la magistrature
".
Il a ainsi pris à deux reprises (le 19 décembre 1996,
puis le 16 octobre 1997) l'initiative d'émettre des avis sur
le statut des magistrats du ministère public, dans le cadre desquels il
a formulé des propositions de réforme.
Votre commission considère que ces initiatives excèdent les
compétences du Conseil supérieur de la magistrature telles
qu'elles sont explicitement définies par la Constitution et le
conduisent à jouer un rôle qui n'est pas le sien.
Elle souhaite donc encadrer, pour l'avenir, la possibilité pour le
Conseil supérieur de la magistrature de donner des avis en la
subordonnant aux seules demandes du Président de la République.
Cette disposition s'inscrirait dans la logique de l'article 64 de la
Constitution qui -rappelons-le- prévoit que le Président de la
République est assisté par le Conseil supérieur de la
magistrature dans son rôle de garant de l'indépendance de
l'autorité judiciaire.
En outre, selon votre commission, ces avis ne devraient porter que sur des
questions d'ordre général intéressant le statut des
magistrats, à l'exclusion de toute question concernant des affaires
particulières qui risqueraient d'interférer avec les
compétences confiées au Conseil supérieur de la
magistrature en matière disciplinaire.
Aussi, votre commission a-t-elle souhaité préciser explicitement
dans le texte même de l'article 65 de la Constitution que le Conseil
supérieur de la magistrature se réunirait en formation
plénière pour répondre aux demandes d'avis
formulées par le Président de la République.
En résumé, votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement tendant à une nouvelle rédaction de
l'article 65 de la Constitution
destinée à :
- maintenir au sein d'une formation plénière deux formations
spécifiques respectivement compétentes à l'égard
des magistrats du siège et des magistrats du parquet ;
- substituer à la désignation de deux membres par le
Président du Conseil économique et social la désignation
conjointe de ces membres par les présidents des trois plus hautes
juridictions (qui désigneraient donc en tout quatre
personnalités) ;
- étendre le pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la
magistrature aux nominations des présidents de certaines juridictions
d'outre-mer ;
- et encadrer strictement la compétence du Conseil supérieur de
la magistrature en matière d'avis.
Article 2
Dispositions transitoires
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend
à préciser qu'à titre transitoire le Conseil
supérieur de la magistrature actuel continue à exercer les
compétences qui lui sont aujourd'hui conférées par
l'article 65 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi
constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993, jusqu'à la
première réunion du nouveau Conseil supérieur de la
magistrature qui sera constitué en application de la présente loi
constitutionnelle.
Dans la mesure où il envisageait une réforme prochaine du Conseil
supérieur de la magistrature, le Gouvernement avait un temps
envisagé de proroger, à titre transitoire, le mandat des membres
désignés en 1994, dont le mandat venait à expiration au
début du mois de juin 1998.
Cependant, il a finalement renoncé à soumettre au Parlement un
projet de loi organique rédigé en ce sens, qui aurait
présumé de l'adoption ultérieure du présent projet
de loi constitutionnelle.
Aussi des élections ont-elles été organisées au
cours du mois de mai dernier en vue du renouvellement des membres du Conseil
supérieur de la magistrature représentant les magistrats.
Le Conseil supérieur de la magistrature ainsi renouvelé vient
d'être constitué à l'issue de ces élections et de la
désignation des autres membres par le Président de la
République, le Président de l'Assemblée nationale et le
Président du Sénat, la liste des nouveaux membres ayant
été publiée au Journal Officiel daté du 5 juin 1998.
Ainsi que le prévoient les dispositions du présent article, il
devrait exercer les attributions résultant de la rédaction
actuelle de l'article 65 de la Constitution jusqu'à la
désignation des membres constituant la nouvelle composition du Conseil
supérieur de la magistrature, sur la base de la loi organique qui
devrait être adoptée pour l'application de la présente loi
constitutionnelle.
Cependant, il convient de souligner que les dispositions constitutionnelles
transitoires ont jusqu'à présent toujours été
inscrites dans le texte même de la Constitution.
Votre commission des Lois estime donc préférable de faire figurer
les dispositions transitoires prévues à l'article 2 au sein
même de la Constitution, de même que les dispositions transitoires
relatives au Conseil supérieur de la magistrature avaient
été insérées dans l'article 93 de la
Constitution par la loi constitutionnelle n° 93-952 du
27 juillet 1993.
En effet, la procédure d'examen de la présente loi, comme des
précédentes lois constitutionnelles adoptées à ce
jour sous la Vème République, est une procédure de
révision de la Constitution et ne peut donc conduire à l'adoption
de dispositions constitutionnelles qui lui demeureraient extérieures.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant à
insérer ces dispositions à la fin de la Constitution dans le
cadre de l'article 90 laissé vacant par son abrogation par la loi
constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995, tout en
prévoyant qu'elles seront abrogées à la date de la
première réunion du CSM dans sa composition issue de la
présente loi.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi constitutionnelle .
ANNEXE 1
AUDITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
MARDI 16 JUIN
MME ELISABETH GUIGOU
GARDE DES SCEAUX
MINISTRE DE LA
JUSTICE
M. PIERRE TRUCHE
PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DE
CASSATION,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE RÉFLEXION SUR LA
JUSTICE
M. JEAN-FRANÇOIS BURGELIN
PROCUREUR
GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION
Mme Elisabeth GUIGOU, Garde des Sceaux,
Ministre de la
Justice
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice,
a tout
d'abord rappelé que le projet de loi constitutionnelle relatif au
Conseil supérieur de la magistrature n'était que l'un des
éléments de la réforme qu'elle avait engagée. Elle
a indiqué que cette réforme comporterait des dispositions visant
à améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien, des
dispositions relatives à la présomption d'innocence, enfin des
dispositions sur la nature des liens entre le pouvoir politique et les
Parquets. Elle a souligné que le projet de loi constitutionnelle sur le
Conseil supérieur de la magistrature se situait au sommet de cet
édifice législatif.
Mme le garde des sceaux a précisé que trois textes auraient pour
objet d'améliorer le fonctionnement de la justice : un projet de loi sur
l'accès au droit comprenant des dispositions sur la connaissance, par
les citoyens, de leurs droits et sur la possibilité de les
défendre, ainsi que des dispositions sur les modes amiables de
règlement des conflits, un texte sur l'amélioration de
l'efficacité de la procédure pénale tendant en particulier
à instaurer une nouvelle procédure de compensation judiciaire,
enfin un projet de décret réformant la procédure civile.
Elle a ajouté que l'amélioration du fonctionnement de la justice
devait également passer par une augmentation des moyens qui lui
étaient consacrés et elle a rappelé que le budget du
ministère de la justice avait connu une forte progression en 1998.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice,
a
ensuite observé que le Gouvernement déposerait, à
l'automne, au Parlement un projet de loi relatif à la présomption
d'innocence qui devait encore faire l'objet d'arbitrages et que ce projet de
loi contiendrait notamment des dispositions relatives à la protection
des droits de la défense et à la détention provisoire avec
en particulier l'instauration d'un juge des libertés. Elle a fait valoir
que le projet de loi ménagerait l'ouverture de fenêtres de
publicité au cours de la procédure pénale et qu'il
contiendrait des dispositions sur la presse, notamment afin d'interdire la
diffusion d'images des personnes menottées, de prévoir un droit
de réponse audiovisuel comparable à celui qui existerait en
matière de presse écrite, enfin de veiller à ce que les
décisions de non-lieu ou de relaxe fussent traitées de
manière comparable aux décisions de mise en examen. Elle a
indiqué qu'en matière de référés, il
paraissait souhaitable qu'un temps de réflexion soit prévu entre
le prononcé du référé et la mise en oeuvre des
mesures.
Mme le garde des sceaux a enfin indiqué qu'un projet de loi relatif
à l'action publique avait été déposé sur le
bureau de l'Assemblée nationale. Elle a souligné que ce projet
tendait à supprimer la possibilité pour le garde des sceaux de
donner des instructions dans les dossiers individuels, mais que celui-ci
conserverait naturellement le pouvoir de définir des orientations de
politique générale. Elle a observé que ce texte tendait
à décrire le rôle du garde des sceaux qui jusqu'à
présent était à peine mentionné. Elle a
ajouté que le projet de loi visait également à renforcer
le contrôle effectif du Parquet sur la police judiciaire.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice,
a
alors précisé que le projet de loi constitutionnelle sur le
Conseil supérieur de la magistrature visait à garantir
effectivement l'indépendance des magistrats du Parquet. Elle a
indiqué que le projet proposait que le Conseil supérieur de la
magistrature donne désormais un avis conforme sur les nominations de
l'ensemble des membres du Parquet et que le pouvoir de sanction disciplinaire
à l'égard de ces magistrats serait transféré du
garde des sceaux au Conseil supérieur de la magistrature. Elle a fait
valoir que la composition du Conseil supérieur de la magistrature serait
modifiée de manière à ce qu'elle reflète mieux la
composition de la Nation. Elle a indiqué que le Conseil supérieur
de la magistrature comporterait désormais vingt et un membres, parmi
lesquels onze ne seraient pas des magistrats. Elle a enfin souligné que
le projet de loi constitutionnelle serait suivi de deux projets de lois
organiques visant d'une part à préciser les conditions de
désignation des magistrats appelés à siéger au sein
du Conseil supérieur de la magistrature, d'autre part à apporter
des précisions sur le statut de la magistrature et à
prévoir la possibilité, pour les citoyens, de disposer d'une voie
de recours en cas de dysfonctionnement de la justice.
Concluant son propos, Mme le garde des sceaux a observé que le projet de
loi constitutionnelle avait été soumis au président de la
République et approuvé par celui-ci et qu'il avait
été adopté sans modifications par l'Assemblée
nationale.
M. Jacques Larché, président
, a constaté que
plusieurs dispositions évoquées par Mme Elisabeth Guigou
figuraient au nombre des propositions résultant des travaux de plusieurs
missions d'information de la commission des lois du Sénat. Il a
considéré que la réforme de longue haleine annoncée
pourrait être facilitée par le dépôt initial de
certains textes au Sénat.
M. Charles Jolibois, rapporteur
, après avoir regretté que
le texte sur le Conseil supérieur de la magistrature soit
présenté comme le couronnement d'un édifice dont les
éléments n'étaient pas encore connus, s'est
inquiété du rôle que pourrait conserver le garde des sceaux
dans une optique d'indépendance du Parquet, et notamment des moyens
qu'il aurait de préserver l'unité de la politique pénale
à travers tout le territoire. Il s'est également interrogé
sur l'incidence, au regard de la séparation actuelle des magistrats du
siège et du parquet, d'une disparition, au sein du Conseil
supérieur de la magistrature, des formations spécifiques à
ces deux types de magistrats.
En réponse à
M. Charles Jolibois, rapporteur
,
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice
, a
considéré que la prééminence formelle de la loi
constitutionnelle justifiait son examen par le Parlement avant tout autre
texte. Elle a rappelé que la réforme proposée parachevait,
dans la ligne des propositions du rapport de la commission
présidée par M. Pierre Truche, premier président de
la Cour de cassation, la réforme de 1993.
Elle a considéré que cette nouvelle réforme était
indispensable pour lever les soupçons qu'avait suscités dans
l'opinion la transgression à plusieurs reprises des avis du Conseil
supérieur de la magistrature sur des nominations de magistrats du
Parquet.
Faisant part de son expérience personnelle, elle a indiqué que
depuis son entrée en fonctions, elle s'était refusé
à donner au Parquet des instructions sur des dossiers individuels et
qu'elle s'était donné pour règle de suivre les avis du
Conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination.
Mais elle a souligné qu'elle s'était attachée à
donner des consignes générales par voie de circulaire, par
exemple concernant l'attitude à adopter lors de la coupe du monde de
football, et qu'elle avait régulièrement réuni les
procureurs généraux, pour leur transmettre des instructions
générales ou recueillir leurs avis.
Elle a jugé fondamental, compte tenu du principe de l'opportunité
des poursuites, que le garde des sceaux définisse la politique
pénale par voie de consignes générales. Elle a
indiqué que ces consignes seraient transmises aux procureurs
généraux, ces derniers disposant d'une certaine latitude pour les
adapter à la situation locale.
Elle a insisté sur le fait que l'indépendance des magistrats du
Parquet par rapport au pouvoir politique allait de pair avec l'accroissement du
pouvoir hiérarchique interne, les procureurs généraux
donnant des instructions aux procureurs, ainsi qu'avec le renforcement du
pouvoir disciplinaire, les chefs de cour se voyant reconnaître le pouvoir
d'engager une procédure devant le Conseil supérieur de la
magistrature. Elle a rappelé que les magistrats auraient l'obligation de
rendre compte de leur action à leur supérieur hiérarchique
et que le garde des sceaux lui-même remettrait annuellement un rapport
sur les orientations de la politique pénale et sur l'usage du droit
d'action spécifique qui lui serait reconnu.
Elle s'est déclarée persuadée que le nouveau
système, fondé sur la confiance envers les magistrats,
améliorerait les conditions d'application de la politique pénale.
Elle a rappelé que le garde des sceaux conserverait en outre le pouvoir
de proposition concernant la nomination des magistrats du siège et du
parquet.
Concernant la séparation des magistrats du siège et du parquet,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
considéré que ces deux types de magistrats étaient
formés dans la même école et qu'ils étaient gardiens
des libertés individuelles, mais qu'ils exerçaient des fonctions
différentes. Elle a contesté la référence souvent
faite au modèle anglo-saxon qui, selon elle, aboutissait à une
justice à deux vitesses favorisant ceux qui avaient les moyens de
recourir à de bons avocats. Elle a indiqué que le choix d'une
formation unique au sein du Conseil supérieur de la magistrature
résultait d'une démarche pragmatique tendant à
éviter un accroissement trop important de ses effectifs tout en assurant
la représentation de l'ensemble des sensibilités syndicales.
Elle a enfin évoqué la possibilité d'exiger de la part des
magistrats, au cours de leur carrière, un choix entre ces deux fonctions.
En réponse à
M. Jean-Jacques Hyest, Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice,
a donné des indications
sur les modalités envisagées pour l'élection des dix
représentants des magistrats au Conseil supérieur de la
magistrature. Elle a fait ressortir que cinq collèges
interviendraient :
- deux collèges à la Cour de cassation élisant
respectivement un conseiller et un procureur ;
- deux collèges dans les cours d'appel élisant respectivement un
premier président de cour d'appel et un procureur
général ;
- le collège des magistrats des cours et tribunaux élisant
six magistrats du Siège ou du Parquet au scrutin proportionnel.
Elle a estimé qu'il était normal de recourir au président
du Conseil économique et social pour désigner deux membres du
Conseil supérieur de la magistrature, ce conseil figurant
déjà dans la Constitution et représentant les forces vives
de la Nation.
En réponse à
M. Pierre Fauchon
qui s'était
inquiété de l'organisation du travail d'un conseil comprenant
vingt-trois membres (en incluant le Président de la République et
le garde des sceaux),
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
après avoir rappelé que la commission d'avancement
du ministère de la justice comprenait actuellement dix-neuf membres, a
indiqué que des sections de travail internes au Conseil pourraient
être constituées.
En réponse à
M. Robert Pagès
qui se
préoccupait des conséquences du pouvoir de proposition
conservé par le garde des sceaux sur les nominations, elle a
considéré que la mise en oeuvre systématique avant toute
nomination de la procédure dite " de transparence "
interdirait la mise à l'écart durable injustifiée d'un
magistrat, un dialogue pouvant se nouer entre les membres du Conseil
supérieur de la magistrature, sensibilisés aux cas individuels,
et le garde des sceaux, plus attentif à la gestion globale du corps.
Répondant à
M. Michel Dreyfus-Schmidt
,
Mme Elisabeth
Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a confirmé que le
Conseil supérieur de la magistrature siégerait en formation
disciplinaire sous la présidence du premier président ou du
procureur général de la Cour de cassation, selon les cas, hors de
la présence du Président de la République et du garde des
sceaux, sans qu'il soit pour autant nécessaire de le préciser
davantage dans la Constitution. Elle a ensuite considéré qu'il
n'était pas anormal, par le jeu des différents collèges
électoraux, d'aboutir à une surreprésentation au Conseil
supérieur de la magistrature des magistrats ayant le plus
d'expérience, compte tenu des pouvoirs dont ce conseil disposait en
matière de nominations et en matière disciplinaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a fait observer qu'une telle
surreprésentation ne serait pas incompatible avec l'instauration d'un
collège unique élisant des magistrats de divers grades.
En réponse à une observation de
MM. Jean-Jacques Hyest, Michel
Dreyfus-Schmidt
et
Pierre Fauchon, Mme Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice,
a reconnu que le Président de la
République, sans pouvoir choisir d'autres personnes, pourrait, en
théorie, s'opposer à la nomination des hauts magistrats du
Siège proposée par le Conseil supérieur de la magistrature
mais que cette hypothèse était jusqu'à présent un
cas d'école.
M.
Pierre Truche
Premier président de la Cour de
cassation,
président de la commission de réflexion sur la
justice
M.
Pierre Truche
a exprimé sa préférence pour le maintien
de deux formations au sein du Conseil supérieur de la magistrature,
l'une compétente à l'égard des magistrats du siège
et l'autre à l'égard de ceux du parquet, prenant en compte la
nature distincte des fonctions accomplies.
Il a exposé que, dans la plupart des cas, les décisions du
Conseil supérieur de la magistrature étaient prises à
l'unanimité, notamment en matière disciplinaire, soulignant ainsi
qu'il était difficile de faire la différence entre les membres
magistrats et les " laïcs ".
M. Pierre Truche
a souligné l'importance qu'il y avait à
ce que les magistrats ne soient pas majoritaires au sein du Conseil
supérieur de la magistrature afin d'éviter tout risque de
corporatisme.
Il a considéré que la nomination conjointe de deux membres du
Conseil supérieur de la magistrature par le vice-président du
Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le
premier président de la Cour des comptes ne soulèverait aucune
difficulté.
M. Pierre Truche
a estimé que, conformément aux usages, il
n'était pas opportun que le Président de la République et
le garde des sceaux prennent part aux votes du Conseil supérieur de la
magistrature.
Il a considéré que la nature des décisions à
prendre par le Conseil supérieur de la magistrature, notamment en
matière disciplinaire, ne se prêtait pas à une
délibération par vingt-deux membres.
Traitant ensuite de la responsabilité des magistrats,
M. Pierre
Truche
a rappelé que l'Etat supportait les conséquences
civiles des fautes des magistrats. Il a souligné l'importance de
l'initiative du Conseil supérieur de la magistrature de publier ses
décisions en matière disciplinaire et il s'est réjoui
qu'on envisage d'étendre aux chefs de cour la possibilité de
saisir le Conseil.
Il a fait valoir que l'importance et la qualité du travail fourni par la
très grande majorité des magistrats exigeait de sanctionner ceux
d'entre eux qui s'avéraient négligents dans le traitement des
dossiers.
M. Pierre Truche
a suggéré, qu'après l'exercice de
leurs fonctions pendant dix ou douze ans, les magistrats soient appelés
à opter définitivement soit pour les fonctions du siège,
soit pour celles du parquet.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
qui l'interrogeait sur les raisons
pour lesquelles il préconisait deux formations distinctes au sein du
Conseil supérieur de la magistrature,
M. Pierre Truche
a
répondu que l'opportunité de cette distinction découlait
de l'exercice de deux métiers différents au sein de la
magistrature.
Il a souhaité l'institution d'un juge des libertés disposant de
moyens spécifiques.
A
M. Jacques Larché, président,
qui lui demandait si le
juge des libertés devrait reprendre l'instruction des affaires qui lui
seraient soumises,
M. Pierre Truche
a indiqué que le rôle
de ce juge consisterait à entendre les parties, puis à trancher
la question de liberté en litige.
En réponse à
M. Charles Jolibois, rapporteur, M. Pierre
Truche
a indiqué que la possibilité de saisine du Conseil
supérieur de la magistrature par un justiciable en cas de
dysfonctionnement des tribunaux n'était pas souhaitable, ceux-ci pouvant
d'ores et déjà saisir les chefs de Cour. Il a estimé en
revanche opportun que les chefs de Cour puissent eux-mêmes saisir le
Conseil supérieur de la magistrature, relevant que ceux-ci
n'étaient plus disposés à tolérer une
activité insuffisante de la part de certains magistrats.
M. Robert Badinter
a souligné que le pouvoir de proposition en
matière de nomination était plus important que celui d'exprimer
un avis conforme car, dans le premier cas, l'autorité investie du
pouvoir de nomination ne pouvait nommer une personne non proposée.
En réponse à
M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Pierre Truche
a
considéré qu'il n'existait aucun inconvénient à ce
que des magistrats soient jugés par des magistrats.
Interrogé par
M. Jacques Larché, président,
sur
l'obligation de réserve des magistrats,
M. Pierre Truche
a
estimé souhaitable que le serment prononcé en début de
carrière soit élargi au devoir de réserve.
Répondant à
M. Michel Dreyfus-Schmidt
sur
l'opportunité de faire également bénéficier les
avocats du " tronc commun " qui serait constitué par les dix
à douze premières années de carrière des
magistrats,
M. Pierre Truche
a fait observer qu'une telle suggestion se
heurterait d'abord à un problème matériel du fait que, par
exemple, il y aurait à Paris quinze magistrats pour mille avocats en
formation.
M. Pierre Truche
, toujours en réponse à
M. Michel
Dreyfus-Schmidt
, a considéré que les membres du Conseil
supérieur de la magistrature nommés par le Président de la
République, le Président du Sénat ou le Président
de l'Assemblée nationale, ne se montraient pas moins indépendants
que les autres dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Robert Badinter
lui a demandé si, au regard de
l'établissement d'un " corpus " des obligations des
magistrats, il n'était pas préférable de prévoir la
constitution d'une seule formation disciplinaire au sein du Conseil
supérieur de la magistrature.
M. Pierre Truche
a admis qu'il
existerait, dans cette hypothèse, un risque de variation
d'interprétation de ces obligations, soulignant toutefois que, dans la
pratique, les membres communs aux deux formations pourraient jouer un
rôle d'uniformisation.
M.
Jean-François Burgelin
Procureur général près la
Cour de cassation
M.
Jean-François Burgelin
a tout d'abord regretté que
l'Assemblée nationale n'ait pas entendu de magistrats du Parquet, alors
que ceux-ci étaient les principaux intéressés par les
modifications proposées par le présent projet de loi
constitutionnelle.
Il a ensuite souligné que ce texte, allait dans le bon sens, mais il lui
a reproché de ne pas résoudre certains problèmes
liés à la rédaction actuelle de l'article 65 de la
Constitution.
Au premier paragraphe de l'article 65,
M. Jean-François
Burgelin
a relevé l'ambiguïté de la place du
Président de la République et du garde des sceaux respectivement
président et vice-président d'un organe dont ils étaient
destinataires des propositions et avis.
Il a estimé que de ce point de vue la composition du Conseil
supérieur de la magistrature proposée par le projet de loi
constitutionnelle méritait d'être confrontée à
l'analyse de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui a jugé
que le Conseil d'Etat luxembourgeois, à la fois juge administratif et
conseil du Gouvernement, n'offrait pas des garanties suffisantes
d'impartialité.
M. Jean-François Burgelin
a estimé que l'expression
" personnalités n'appartenant ni à l'ordre judiciaire ni au
Parlement " n'était pas suffisamment normative. Il a
souligné que, si la notion de " corps judiciaire "
était bien connue, à condition toutefois de savoir si elle ne
désigne que les seuls magistrats en exercice ou si elle inclut les
magistrats honoraires, celle d'" ordre judiciaire " pouvait laisser
penser que les membres des tribunaux de commerce ou des conseils de prud'hommes
pouvaient être concernés.
Sur le fond,
M. Jean-François Burgelin
a fait part de deux
interrogations principales. En premier lieu, il a jugé le nombre de
membres du Conseil supérieur de la magistrature, à savoir vingt
et une personnes, considérable ; il a marqué son scepticisme
sur la disproportion entre le nombre de membres du Conseil supérieur de
la magistrature qui seraient appelés à statuer disciplinairement
et l'objet de la plupart des affaires disciplinaires.
En second lieu, il a jugé inopportune la mise à l'écart du
procureur général près la Cour de cassation en
matière de désignation des membres du Conseil supérieur de
la magistrature, alors que le président du Conseil économique et
social désignerait deux membres et que le premier président de la
Cour des comptes, le vice-président du Conseil d'Etat, le premier
président de la Cour de cassation désigneraient conjointement
deux membres.
M. Jean-François Burgelin
a en effet rappelé qu'à
la Cour de cassation, le procureur général était
statutairement l'alter ego du premier président, et que la mise à
l'écart du premier était symboliquement regrettable. A la
question de
M. Charles Jolibois, rapporteur,
sur l'unité du
Conseil supérieur de la magistrature,
M. Jean-François
Burgelin
a marqué que la dualité de formation s'était,
à ses yeux, déjà révélée un
échec, puisqu'en pratique le Conseil supérieur de la magistrature
se réunissait en formation plénière, sans que celle-ci
n'ait d'existence constitutionnelle ou légale.
Il s'est déclaré réservé à l'égard
d'une séparation nette entre le parquet et le siège, qui
remettrait en cause une tradition française d'unité du corps
judiciaire, craignant en particulier que la séparation entre
siège et parquet ne provoque une " fonctionnarisation " de ce
dernier, et ne porte atteinte à deux principes fondamentaux, le respect
de la personne et le contradictoire.
Pour ces raisons,
M. Jean-François Burgelin
s'est
déclaré attaché à l'unité de recrutement, de
formation et de début de carrière des magistrats du siège
et du parquet.
En réponse à
M. Pierre Fauchon
, qui s'inquiétait du
fonctionnement pratique d'un conseil comprenant vingt et un membres,
M.
Jean-François Burgelin
a fait valoir deux idées.
Premièrement, il a jugé excellente la proposition de rendre les
" non-magistrats " majoritaires dans le Conseil supérieur de
la magistrature. Mais il n'a pas caché que le travail quotidien du
Conseil supérieur de la magistrature, minutieux et
répétitif, pourrait à l'avenir décourager les
membres non-magistrats, pour aboutir à l'effet inverse de l'objectif
visé, à savoir une majorité réelle de magistrats.
Il a toutefois indiqué que tel n'avait pas été le cas
jusqu'à présent.
Deuxièmement, il a confirmé que le chiffre de vingt et
un membres lui semblait démesuré par rapport au
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
M. Jacques Larché, président,
après avoir
noté que la fonction de membre du Conseil supérieur de la
magistrature s'exerçait à plein temps, a souhaité savoir
quel pouvait être le nombre le plus approprié de membres du
Conseil supérieur de la magistrature permettant de respecter le principe
d'une majorité de non-magistrats.
M. Jean-François
Burgelin
a estimé que le chiffre actuel, douze membres en comptant
le Président de la République et le garde des sceaux,
était satisfaisant.
En réponse à
M. Charles Jolibois, rapporteur,
M. Jean-François Burgelin
a indiqué que les moyens
humains du Conseil supérieur de la magistrature ne permettaient pas
d'alléger la charge de travail personnelle de chacun des membres.
M. Jean-François Burgelin
a conclu en attirant l'attention sur la
question du nombre de membres du Conseil supérieur de la magistrature,
spécialement en matière disciplinaire.
ANNEXE 2
Auditions de M. Charles Jolibois, rapporteur
Association professionnelle des magistrats (APM) |
|
|
- M.
Georges Fenech
|
|
- M.
Alain Terrail
|
Association française des magistrats instructeurs (AFMI) |
|
|
- M.
Jean-Michel Gentil
|
Union syndicale des magistrats (USM) |
|
|
- M.
Valéry Turcey
|
Syndicat de la magistrature (SM) |
|
|
- Mme
Catherine Vannier
|
Barreau de Paris |
|
|
- Mme
Dominique de la Garanderie
|
Conseil national des barreaux (CNB) |
|
|
- M.
Philippe Leleu
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Conférence des Bâtonniers |
|
|
- M.
Gérard Christol
|
|
- M.
Jacques-Henri Robert
|
|
|
Conseil supérieur de la magistrature |
|
|
- M.
Alain Mombel
|
|
- M.
Dominique Barella
|
|
- M.
Jean Gicquel
|
|
|
Conférence nationale des premiers présidents de cours d'appel |
|
|
M.
Jean-Claude Chilou
|
|
|
Conférence nationale des procureurs généraux |
|
|
M. Louis
Fouletier
|
ANNEXE 3
L'EXEMPLE ITALIEN :
UNE INDÉPENDANCE TOTALE
DU PARQUET
Compte-rendu du déplacement à Rome
d'une
délégation de la commission des Lois
composée de M.
Charles Jolibois, rapporteur,
et de M. Michel Dreyfus-Schmidt
Avant de
se prononcer sur le projet de réforme du Conseil supérieur de la
magistrature, la commission des Lois a souhaité procéder à
une étude de droit comparé concernant la justice italienne.
Le système judiciaire italien lui est en effet apparu présenter
un intérêt particulier dans la perspective de l'examen de ce
projet de réforme car il constitue un exemple original d'une totale
indépendance du Parquet, sans équivalent en Europe
11(
*
)
.
A l'initiative de son président, M. Jacques Larché, la commission
a donc désigné en son sein une mission chargée
d'étudier le fonctionnement de la justice en Italie, composée de
M. Charles Jolibois, rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif au
Conseil supérieur de la magistrature, et de M. Michel
Dreyfus-Schmidt.
Les entretiens auxquels a procédé la mission
12(
*
)
ont été centrés autour du
thème de l'indépendance du Parquet. Ils ont porté sur le
statut des magistrats du ministère public et sur le rôle du
Conseil supérieur de la magistrature -qui font actuellement l'objet de
projets de réforme en Italie-, ainsi que sur la nouvelle
procédure pénale de type accusatoire mise en place dans ce pays
depuis 1989.
I. LE STATUT DU MINISTÈRE PUBLIC ITALIEN : DES MAGISTRATS INDÉPENDANTS ET AUTONOMES
Les magistrats du Parquet italien jouissent d'une totale indépendance vis à vis de tout autre pouvoir, qui leur est reconnue par la Constitution ; ils bénéficient en outre d'une très large autonomie dans l'exercice des fonctions du ministère public.
A. UNE INDÉPENDANCE INCONTESTÉE
1. Un statut et des garanties identiques à ceux des magistrats du siège
En
Italie, les magistrats du Parquet sont des magistrats de l'ordre judiciaire
dont le statut est identique à celui des magistrats du siège.
Leur
indépendance
vis à vis de tout autre pouvoir est
reconnue par la Constitution dont l'article 104 dispose que "
la magistrature
constitue un ordre autonome et indépendant de tout autre
pouvoir "
alors que l'article 107 précise que les magistrats du
ministère public jouissent de toutes les garanties résultant des
dispositions légales et réglementaires relatives à l'ordre
judiciaire.
Les magistrats du Parquet n'ont donc aucun lien hiérarchique avec le
ministre de la justice qui ne peut en aucun cas leur adresser des instructions
individuelles ou même des directives générales.
Comme les magistrats du siège, ils sont
inamovibles
, en vertu de
l'article 107 de la Constitution.
Leur carrière se déroule suivant les mêmes règles et
les mêmes garanties que celle des magistrats du siège, avec
lesquels ils sont réunis dans un corps unique recruté par le
même concours. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est
compétent pour statuer à leur égard en matière de
nominations, de mutations et d'avancement, comme en matière
disciplinaire, selon les mêmes modalités qu'à
l'égard des magistrats du siège et dans la même formation.
Les magistrats peuvent en toute liberté passer du Parquet au
siège et vice-versa (sous réserve d'une décision favorable
préalable du CSM qui actuellement ne constitue qu'une simple
formalité).
2. Une indépendance qui n'est pas remise en cause par les projets de réforme actuels
A
l'issue des entretiens avec l'ensemble des interlocuteurs rencontrés par
la mission, il est frappant de constater que le principe de
l'indépendance du Parquet apparaît perçu, en Italie, comme
un principe sur lequel il n'est plus possible de revenir.
Les projets de séparation complète des carrières des
magistrats du siège et des magistrats du Parquet, qui étaient
défendus par une partie de la classe politique mais se heurtaient
à une vive opposition des magistrats, semblent aujourd'hui
abandonnés.
Le projet de révision constitutionnelle adopté par la
" bicamerale "
13(
*
)
, qui comprend un
volet relatif à la justice, réaffirme le principe de
l'indépendance du Parquet ainsi que l'inamovibilité de ses
membres.
Il prévoit cependant des mesures tendant à rendre plus difficile
le passage du Parquet au siège et vice-versa :
- ce passage ne pourrait plus s'effectuer dans le ressort de la même
juridiction et nécessiterait donc une mobilité
géographique ;
- il serait en outre soumis à la réussite à un concours
interne.
L'ensemble des magistrats resteraient recrutés par un concours unique
mais la nomination en tant que magistrat du ministère public serait
désormais subordonnée à l'exercice préalable des
fonctions de juge du siège pendant une durée de trois
ans.
B. UNE TRÈS LARGE AUTONOMIE
1. Une organisation non hiérarchisée
Les
membres du Parquet italien sont non seulement indépendants à
l'égard du pouvoir exécutif mais également à
l'égard de leurs propres chefs de juridictions.
Même si les chefs de Parquet disposent d'un pouvoir d'organisation, de
surveillance, de coordination et d'impulsion qui leur permet de demander
à être informés du déroulement d'une enquête
ou des décisions susceptibles d'être prises,
chaque substitut
exerce en effet les fonctions du ministère public de façon
pleinement autonome.
Il n'existe
pas de définition de la politique pénale, ni de
coordination générale de l'action publique au niveau
national,
puisque le Parquet est théoriquement tenu de poursuivre
toutes les infractions constatées en application du
principe de
légalité des poursuites
, consacré par
l'article 112 de la Constitution, aux termes duquel le ministère
public a l'obligation d'exercer l'action pénale.
Le ministère public près la Cour d'appel ne peut pas exercer
directement l'action publique ni ordonner des enquêtes. Le Procureur
général près la Cour d'appel dispose toutefois d'un
pouvoir d'évocation lui permettant de se substituer au Parquet de
première instance dans des hypothèses limitées (notamment
en cas de défaut de mise en oeuvre de l'action publique dans les
délais légaux), mais cette procédure n'est jamais
appliquée.
Par ailleurs, l'autonomie des membres du Parquet est encore renforcée
par le fait que l'
autorité judiciaire dispose directement de la
police judiciaire
ainsi que l'affirme l'article 109 de la Constitution.
Les magistrats du Parquet peuvent donc réquisitionner librement et sans
restriction, pour les besoins de leurs enquêtes, les différentes
forces de police, qu'il s'agisse de la police nationale, des carabiniers ou
encore de la " Guardia di Finanza " (police douanière et
fiscale).
2. Une coordination récente de l'action publique en matière de lutte contre la mafia
L'organisation décentralisée des enquêtes
et
l'éclatement de l'action publique résultant de l'autonomie de
chaque membre du Parquet ont cependant montré leurs limites face au
développement de la criminalité organisée de type mafieux
dont le cadre d'action dépasse la compétence territoriale d'un
seul Parquet.
Aussi la nécessité d'améliorer la coordination de l'action
publique en matière de lutte contre la mafia a-t-elle conduit à
la création, en 1991, dans le cadre du Parquet du Procureur
général près la Cour de cassation, d'un Parquet
spécialisé organisé de façon
hiérarchisée : la
Direction nationale antimafia
ou
Parquet national antimafia
14(
*
)
.
Le Parquet national antimafia est compétent à l'égard de
certains crimes et délits particulièrement graves
considérés comme des manifestations typiques du banditisme
mafieux : association de type mafieux, séquestration de personnes visant
à l'extorsion de fonds, association visant au trafic illicite de
stupéfiants ou de substances psychotiques, et plus
généralement tous les crimes et délits ayant
été commis en usant soit de la force intimidatrice, soit de la
situation d'assujettissement et d'" omerta " résultant du lien
associatif de type mafieux.
Dirigée par le Procureur national antimafia, la Direction nationale
antimafia, installée à Rome, comprend différents services
dans lesquels sont affectés vingt magistrats.
En outre, à l'échelon régional ont été
constitués
26 parquets spécialisés sous
l'autorité de Procureurs antimafia de district
qui sont
compétents, pour les enquêtes relatives aux infractions
susvisées, sur un territoire correspondant au district de la Cour
d'appel (alors que les Parquets " de droit commun " dirigés
par les Procureurs de la République près les tribunaux, au nombre
de 164, ont une compétence limitée au territoire plus restreint
de l'arrondissement).
Le Procureur national antimafia exerce un rôle d'impulsion et de
coordination à l'égard des Procureurs antimafia de
districts
; il peut leur donner des directives spécifiques et
organiser des réunions de concertation afin d'améliorer
l'efficacité des enquêtes.
En cas de violations réitérées de ces directives, il peut
exercer un pouvoir d'évocation permettant d'éviter une inaction
injustifiée de l'activité d'investigation, mais cette
procédure n'a encore jamais été mise en oeuvre.
Pour l'exercice de ses fonctions, le Procureur national antimafia a à sa
disposition, outre les services centraux et interprovinciaux de la Police
nationale, des Carabinieri et de la " Guardia di Finanza ", un
service de police judiciaire spécialisé : la Direction
d'investigation antimafia, constituée de membres des différentes
forces de police,
Cette organisation tendant à une coordination centralisée de la
lutte contre la mafia semble donner satisfaction et faire la preuve de son
efficacité par des résultats fructueux. En effet, les
statistiques présentées à la mission font apparaître
une diminution sensible du nombre de meurtres constatés qui, dans la
province de Reggio-di-Calabria, est passé de 929 pour la période
1986-1991 à 406 pour la période 1992-1998.
*
Le projet de révision constitutionnelle élaboré par la " bicamerale " prend également en compte la nécessité d'une coordination de l'action publique. En effet, tout en réaffirmant l'indépendance et les garanties des magistrats du Parquet, il prévoit que les dispositions législatives sur l'organisation judiciaire assurent la coordination de l'activité des magistrats du ministère public à l'intérieur d'un même Parquet et si nécessaire entre différents Parquets.
II. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ITALIEN : SYMBOLE DE L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE OU INSTANCE D'" AUTOGOUVERNEMENT " DES JUGES ?
L'indépendance totale à l'égard du pouvoir
exécutif dont jouissent les magistrats du Parquet, et plus
généralement l'ensemble des magistrats italiens, a pour
corollaire l'existence d'un Conseil supérieur de la magistrature
puissant qui est chargé de gérer leurs nominations et leurs
carrières.
Prévu par la Constitution de 1946 mais mis en place à partir de
1958 seulement, le Conseil supérieur de la magistrature italien,
majoritairement composé de magistrats élus par leurs pairs,
dispose d'attributions étendues. Comme en France, il fait actuellement
l'objet d'un projet de réforme constitutionnelle, mais qui semble au
premier abord s'orienter dans une
direction inverse
de celle qui est
aujourd'hui envisagée dans notre pays.
A. LA SITUATION ACTUELLE
1. Une formation unique composée en majorité de magistrats
Le
Conseil supérieur de la magistrature italien (CSM) comprend actuellement
une
formation unique
compétente à l'égard des
magistrats du Parquet comme à l'égard des magistrats du
siège.
Le Président de la République en est le président de
droit, mais le CSM est en fait administré par son vice-président
élu par ses membres parmi ceux qui ont été
désignés par le Parlement.
Sont en outre membres de droit le Premier président et le Procureur
général de la Cour de cassation.
Les autres membres (au nombre de 30) sont élus pour les deux tiers par
l'ensemble des magistrats en leur sein et pour un tiers par le Parlement parmi
les professeurs de droit et les avocats totalisant plus de quinze ans
d'exercice de leur profession, ainsi que le prévoit l'article 104
de la Constitution.
-
20 membres sont des magistrats élus
par l'ensemble des
magistrats du siège et du Parquet sans distinction de grade ni de
catégorie.
Deux sièges sont toutefois réservés aux magistrats de la
Cour de cassation (au nombre de 300 sur un total de 8.000 magistrats
environ). Les deux magistrats représentant la Cour de cassation sont
élus par un collège national regroupant l'ensemble des magistrats.
Les autres représentants des magistrats sont élus au scrutin de
liste et à la représentation proportionnelle par quatre
collèges de magistrats correspondant à la division du territoire
italien en quatre circonscriptions
15(
*
)
.
Pour ces élections, les quatre " courants " composant
l'Association nationale des magistrats (ANM) présentent chacun leurs
listes. Il en résulte une certaine politisation des membres ainsi
élus, qui sont tous des représentants d'une organisation de
magistrats.
-
Les 10 autres membres
(dits membres " laïques "
ou " non togati ")
sont élus par le Parlement
(les deux
chambres réunies) au scrutin secret et à la majorité des
trois cinquièmes des parlementaires
16(
*
)
.
Dans la pratique, il semble que la désignation de ces membres
" laïques " -choisis parmi les professeurs de droit ou les
avocats ayant plus de quinze ans de Barreau-, s'effectue à la
proportionnelle des groupes politiques.
Les membres élus du CSM restent en fonction quatre ans et ne sont
pas immédiatement rééligibles. Leur fonction est
incompatible avec un mandat de parlementaire ou de conseiller régional.
Le Président de la République peut dissoudre le CSM si celui-ci
se trouve dans l'impossibilité de fonctionner.
2. De larges attributions
Le
Conseil supérieur de la magistrature italien a des attributions
étendues à l'égard de l'ensemble des magistrats du
siège et du Parquet.
- Il exerce tout d'abord les
compétences administratives
inhérentes à la gestion des carrières des magistrats et
statue ainsi en matière de recrutements, affectations, promotions,
mutations, en application de l'article 105 de la Constitution. Il a en ce
domaine un pouvoir de décision et non de simple proposition, le ministre
de la justice étant tenu d'enregistrer le choix du CSM dans le
décret de nomination.
L'avancement s'effectue essentiellement à l'ancienneté, les
mécanismes de sélection des juges en fonction de leurs
mérites aux différentes étapes de la carrière ayant
été supprimés au nom de l'égale dignité de
toutes les fonctions judiciaires.
L'organisation et le fonctionnement des services relatifs à la justice
relèvent pour leur part de la compétence du ministre de la
justice, en vertu de l'article 110 de la Constitution.
- La
section disciplinaire
, composée de neuf membres
élus par le Conseil supérieur de la magistrature en son sein
(dont 6 magistrats et 3 " laïques ") et
présidée par son vice-président, statue en matière
disciplinaire à l'égard de l'ensemble des magistrats.
Le ministre de la justice a l'initiative des poursuites disciplinaires. Les
sanctions disciplinaires sont prises à l'issue d'une procédure
à caractère juridictionnel et sont susceptibles d'un recours en
cassation devant la Cour de cassation. Les audiences de la section
disciplinaire sont publiques.
- Enfin, le Conseil supérieur de la magistrature exerce un
pouvoir
paranormatif
qui n'avait pas été prévu par la
Constitution.
Lorsque des problèmes d'interprétation des lois se posent dans
l'exercice de ses fonctions administratives, il édicte en effet des
" résolutions de principe " ou des " circulaires "
qui jouent un rôle semblable à celui des normes
réglementaires.
Il émet en outre des avis sur les projets ou propositions de loi
concernant la justice.
*
Le Conseil supérieur de la magistrature italien joue donc un rôle important qui semble s'être renforcé au cours des dernières années. Selon son actuel vice-président, M. Grosso, il est devenu le symbole de l'indépendance de la magistrature. Ainsi que l'a souligné M. Boato, député, rapporteur du projet de révision constitutionnelle élaboré par la " bicamerale ", on peut aussi y voir une instance d'" autogouvernement des juges " qui apparaît fortement politisée, avec des risques de dérives corporatistes.
B. LES PROJETS DE RÉFORME
Les dispositions relatives à la justice du projet de réforme constitutionnelle élaboré par la " bicamerale " (dites " système des garanties ") prévoient notamment une réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
1. Une proposition contestée de division du Conseil supérieur de la magistrature en deux formations
Allant
à l'inverse de l'évolution aujourd'hui envisagée en
France, le texte adopté par la " bicamerale " tend tout
d'abord à la création de deux sections distinctes au sein du
Conseil supérieur de la magistrature pour l'exercice de ses fonctions
administratives, l'une compétente à l'égard des magistrats
du siège et l'autre compétente à l'égard des
magistrats du ministère public, des compétences
spécifiques étant par ailleurs attribuées à la
formation plénière réunissant les deux sections
17(
*
)
.
A la suite de discussions longues et délicates qui ont abouti à
un éclatement de la majorité parlementaire sur ce point, cette
disposition a été adoptée avec le soutien d'une partie de
l'opposition.
C'est la disposition la plus controversée du projet de réforme
constitutionnelle. Elle suscite de très vives contestations de la part
des magistrats.
D'après les informations recueillies auprès des différents
interlocuteurs rencontrés par la mission, il semble aujourd'hui probable
qu'elle ne sera finalement pas retenue par les assemblées
plénières du Parlement qui pourraient lui préférer
la fixation d'une proportion de représentants du Parquet au sein d'une
formation unique. Le nombre de représentants du Parquet serait
déterminé en fonction de leur nombre au sein de l'ensemble des
magistrats italiens ; selon M. Ayala, sous-secrétaire d'Etat à la
justice, il pourrait ainsi être fixé à 5 sur un total de
20 magistrats élus.
2. Une augmentation de la proportion des membres " laïques " (non magistrats)
Le texte
adopté par la " bicamerale " prévoit par ailleurs
d'accroître légèrement la proportion des membres
" laïques " qui seraient désormais désignés
par le seul Sénat, mais toujours parmi les professeurs de droit et les
avocats ayant plus de 15 ans de Barreau.
Cependant, les membres magistrats resteraient largement majoritaires au sein du
Conseil supérieur de la magistrature. Ils constitueraient en effet les
trois cinquièmes de la composition de chaque section, la proportion des
membres " laïques " étant portée à deux
cinquièmes contre un tiers actuellement (soit 40 % au lieu de
33 %).
L'idée de prévoir une majorité en faveur des membres
laïques a été évoquée au cours des
débats de la " bicamerale " mais a été
abandonnée devant les fortes résistances des magistrats et d'une
partie de la classe politique.
3. Une séparation des fonctions administratives et disciplinaires
En ce
qui concerne les fonctions disciplinaires, le texte adopté par la
" bicamerale " prévoit la création d'un organe distinct
du Conseil supérieur de la magistrature : la Cour de justice de la
magistrature, composée de neuf membres issus pour six d'entre eux du
Conseil supérieur de la magistrature (dont quatre magistrats et deux
" laïques ") et pour trois d'entre eux du Conseil
supérieur de la magistrature administrative (dont deux magistrats et un
" laïque ").
Cette nouvelle Cour de justice de la magistrature serait chargée de
statuer sur les sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats
et se substituerait donc à l'actuelle section disciplinaire du CSM.
Les fonctions administratives et juridictionnelles seraient totalement
séparées, les membres de la Cour de justice de la magistrature ne
participant pas aux activités du CSM.
Un Procureur général, désigné par le Sénat,
serait le seul titulaire de l'action disciplinaire à l'encontre des
magistrats ; il pourrait engager une enquête disciplinaire de sa propre
initiative, ou à la demande du ministre de la justice, du procureur
général près la Cour de cassation ou du CSM.
4. Une limitation des autres pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature
La
" bicamerale " a souhaité réagir contre le
développement du pouvoir paranormatif du Conseil supérieur de la
magistrature, qui lui est apparu constituer un empiétement sur la
compétence du pouvoir législatif.
Elle a donc prévu dans le texte du projet de révision
constitutionnelle que les membres du Conseil supérieur de la
magistrature ne pourraient émettre d'avis sur les projets de loi, avant
leur présentation au Parlement, que sur la demande du ministre de la
justice, et qu'il leur serait interdit d'adopter des actes ayant une
orientation politique.
*
La
" bicamerale " a par ailleurs souhaité inscrire dans la
Constitution un certain nombre de grands principes relatifs à la
justice, s'inspirant notamment des fondements de la nouvelle procédure
pénale accusatoire mise en place depuis 1989 :
- principe du procès équitable ;
- principe du contradictoire ;
- principe de l'égalité des parties devant un juge
" tiers " ;
- " principi dell'oralità, della concentrazione e
dell'immediatezza " (c'est-à-dire, selon le rapport de M. Boato, le
caractère principalement oral du procès, son déroulement
dans le cadre d'une audience unique ou de quelques audiences
rapprochées, et avec une relation directe entre le juge et la personne
dont le juge doit évaluer les déclarations).
III. LES DIFFICULTÉS DU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ITALIENNE DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE PROCÉDURE PÉNALE DE TYPE ACCUSATOIRE
Les
entretiens avec les différents interlocuteurs rencontrés par la
mission ont par ailleurs mis en lumière les difficultés
auxquelles se heurte actuellement le fonctionnement de la justice pénale
italienne.
L'application du principe de la légalité des poursuites en montre
les limites. La nouvelle procédure pénale de type accusatoire
mise en place en 1989 apparaît particulièrement lourde et
complexe. Au total, la justice pénale italienne semble
véritablement asphyxiée par des délais beaucoup trop
longs.
A. LES LIMITES DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES POURSUITES
1. L'impossibilité pratique de poursuivre tous les délits en même temps
L'obligation constitutionnelle d'exercer l'action publique qui
est
faite aux magistrats du parquet se révèle être un principe
largement théorique.
En effet, dans la pratique, l'impossibilité de poursuivre toutes les
infractions constatées avec une même attention et une égale
efficacité
conduit les magistrats du parquet à définir
des priorités
, au détriment de l'égalité des
justiciables devant la loi.
Les affaires " sensibles " sont souvent privilégiées
aux dépens du contentieux de masse.
L'exercice de l'action publique revêt donc concrètement un
caractère discrétionnaire qui peut varier selon la
personnalité de chaque membre du Parquet, en l'absence de
définition d'ensemble de la politique pénale.
2. L'engorgement des tribunaux
L'application du principe de la légalité des poursuites aboutit aussi à l'engorgement des tribunaux confrontés à une masse d'infractions mineures. Cet engorgement est tel qu' il semble relativement fréquent que les petits délits soient finalement prescrits avant d'avoir été jugés.
B. UNE NOUVELLE PROCÉDURE PÉNALE LOURDE ET COMPLEXE
La procédure pénale italienne a été profondément réformée en 1989 avec la suppression du juge d'instruction et le passage à un système de type accusatoire, ce qui a substantiellement renforcé le rôle du ministère public, notamment au cours de la phase d'instruction.
1. Une enquête préliminaire menée par le ministère public
L'enquête préliminaire est conduite par le
ministère public qui dispose à cette fin de la police judiciaire.
Cependant, les magistrats du parquet sont soumis, pour les actes les plus
graves portant atteinte aux libertés individuelles (notamment le
placement en détention provisoire), au contrôle d'un magistrat du
siège : le
juge de l'enquête préliminaire
(qui pour
sa part n'a aucun pouvoir d'enquête).
Ce juge statue également sur les " incidents probatoires " qui
peuvent être déclenchés par les parties pour recueillir des
preuves qui risqueraient de disparaître ou de se détériorer
par la suite.
La preuve devant en principe se former en cours de l'audience de jugement,
l'enquête préliminaire n'a en effet pas pour objet de constituer
des preuves en vue du jugement mais seulement d'établir les faits qui
peuvent donner lieu au déclenchement de l'action pénale et qui
permettront de soutenir l'accusation.
Seuls les procès-verbaux des actes de l'enquête
considérés comme non susceptibles de réitération
(par exemple un compte-rendu d'autopsie, mais non les procès-verbaux
d'interrogatoires de la police) peuvent être transmis à la
juridiction de jugement.
2. Une " procédure ordinaire " complexe
A
l'issue de l'enquête préliminaire, le juge de l'enquête
préliminaire, saisi d'une requête du ministère public,
statue en
audience préliminaire
sur le renvoi en jugement.
La procédure peut toutefois être conclue à ce stade, si les
parties en sont d'accord, par l'utilisation des " rites
abrégés ", comme on le verra plus loin.
Si tel n'est pas le cas, l'affaire est renvoyée, suivant le " rite
ordinaire ", à la juridiction de jugement (à laquelle ne
participe pas le juge de l'audience préliminaire).
La preuve doit en principe se former au cours de l'audience à partir des
débats contradictoires entre les parties devant le juge, suivant les
principes d'oralité et d'immédiateté.
Afin d'assurer l'égalité des parties, le juge des débats
qui est appelé à statuer à l'issue de l'audience n'a pas
accès à l'ensemble des pièces du dossier de
l'enquête préliminaire
18(
*
)
mais
seulement à celles qui correspondent à des actes
considérés comme ne pouvant être
répétés. Ces pièces sont donc triées sous le
contrôle du juge de l'audience préliminaire pour constituer un
deuxième dossier destiné aux débats.
Les pièces de ce dossier des débats peuvent seules être
utilisées directement comme preuves. Les autres ne peuvent être
utilisées par les parties qu'à titre de contestation, le juge
pouvant alors admettre ou non ces preuves ; ainsi, au cours de l'interrogatoire
des témoins peuvent être utilisées les déclarations
faites précédemment par ceux-ci.
3. Des procédures simplifiées peu utilisées
Des
procédures simplifiées (" rites
abrégés ") peuvent être utilisées avec l'accord
des parties. Elles permettent dans certains cas de conclure au stade de
l'audience préliminaire sur la base du dossier de l'enquête
préliminaire, en évitant l'audience des débats.
- Le jugement abrégé (accord sur la procédure seulement)
permet d'obtenir une réduction du tiers de la peine ; le juge statue
alors sur la peine au vu de l'ensemble du dossier de l'enquête
préliminaire.
- Le " patteggiamento " (accord sur la peine) peut être
demandé par le ministère public ou la personne poursuivie, avec
l'accord du juge, sur la base de la reconnaissance de la culpabilité, en
vue de l'application d'une peine concrète
19(
*
)
ne dépassant pas deux ans d'emprisonnement. Il
permet d'obtenir une réduction du tiers de la peine ; en outre, cette
mesure qui n'a pas le caractère d'une condamnation n'entraîne pas
les effets accessoires de la peine.
Cependant, ces procédures simplifiées sont peu utilisées
car les prévenus préfèrent parier sur la complexité
et la lenteur de la " procédure ordinaire ". Dans la pratique,
ils ont en effet intérêt à " jouer la montre " en
utilisant toutes les voies de recours possibles qui permettent de retarder
l'exécution de la condamnation éventuelle et laissent
espérer le bénéfice de la prescription.
De plus, dans certains cas, l'accusé peut paradoxalement faire appel de
son propre accord.
C. L'ASPHYXIE DE LA JUSTICE PÉNALE ITALIENNE PAR DES DÉLAIS BEAUCOUP TROP LONGS
La mise
en place de cette nouvelle procédure pénale, qui comporte des
mécanismes très sophistiqué de " garanties ", a
entraîné un allongement considérable des délais. De
plus, les différentes voies de recours : appel
20(
*
)
et cassation, semblent très fréquemment
utilisées.
La durée de traitement d'un dossier n'est pas inférieure à
trois ans (sauf si le prévenu est placé en détention
provisoire dont la durée est limitée).
La durée totale de la procédure serait en moyenne de
dix
ans
avant l'épuisement de toutes les voies de recours.
*
Au
total, la combinaison du principe de légalité des poursuites, de
l'application de la nouvelle procédure pénale et du manque de
moyens entraîne donc une véritable asphyxie de la justice
pénale italienne confrontée aux délais les plus longs
d'Europe.
Ce bilan que certains qualifient de catastrophique a amené bon nombre
des interlocuteurs de la mission à s'interroger sur la pertinence de la
nouvelle procédure pénale.
Par ailleurs, le fonctionnement pratique du système judiciaire italien
montre que l'indépendance totale des membres du Parquet peut conduire
-nonobstant le principe de légalité des poursuites-, à un
exercice discrétionnaire de l'action publique, au détriment de
l'égalité des citoyens devant la loi et de la cohérence de
la politique pénale. Des problèmes de coordination de l'action
publique se posent en tout état de cause.
En outre, l'indépendance des magistrats du Parquet vis à vis du
pouvoir exécutif permet certes de lever les soupçons
d'intervention de l'autorité politique en matière de nominations,
mais elle n'empêche pas une forte politisation des magistrats comme du
Conseil supérieur de la magistrature et comporte des risques de
dérives corporatistes.
Même si elle peut apparaître satisfaisante à bien des
égards sur le plan théorique, l'organisation judiciaire italienne
est donc bien loin de constituer un modèle idéal qu'il serait
souhaitable de transposer en France.
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* *
PERSONNALITES RENCONTREES LORS DU DÉPLACEMENT
D'UNE
DÉLÉGATION
DE LA COMMISSION DES LOIS EN ITALIE DU 17 AU 19
MAI 1998
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Entretien à l'Ambassade de
France avec
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Entretien au ministère de la
justice avec MM. Giorgio
Lattanzi, directeur général des affaires pénales, et
Domenico Carcano, son adjoint
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Entretien au siège de la direction générale anti-mafia avec M. Emilio Ledone, coordonnateur des affaires internationales |
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Entretien avec M. Carlo Federico Grosso, vice-président du Conseil supérieur de la magistrature, au siège du conseil |
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Entretien au Palais de justice avec M. Vecchione, procureur du tribunal de Rome, et avec ses collaborateurs |
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Entretien au ministère de la
justice avec
M. Giuseppe Ayala, sous-secrétaire d'Etat à la justice
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Entretien à la Chambre des députés avec M. le député Marco Boato (rapporteur de la réforme constitutionnelle relative au statut de la magistrature) |
1
Cf. rapport n° 49 (1996-1997)
" Quels moyens pour quelle justice ? " M. Charles Jolibois,
président ; M. Pierre Fauchon, rapporteur.
2
Cf. rapport n° 247 (1994-1995) " Justice et
transparence " M. Jacques Bérard, président ;
M. Charles Jolibois, rapporteur.
3
cf. compte-rendu de déplacement figurant en annexe du
présent rapport.
4
cf. décision n°92-305 DC du
21 février 1992.
5
Les modalités de cette élection seront
précisées à l'occasion de l'examen de l'article 1er.
6
Cf. compte-rendu annexé au présent rapport.
7
Cf. compte-rendu de déplacement annexé au
présent rapport.
8
Egalement comme dans la situation actuelle, la présidence
du CSM statuant comme conseil de discipline resterait toutefois exercée
alternativement par le premier président de la Cour de cassation et le
procureur général près cette Cour selon l'appartenance au
siège ou au parquet du magistrat mis en cause.
9
Cf. art. 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958
portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et
militaires de l'Etat, dans sa rédaction résultant de l'article 9
de la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992.
10
n° 319 (1997-1998).
11
Cf., pour un aperçu de la situation dans les autres pays,
l'étude de droit comparé sur le statut du parquet
réalisée par le ministère de la justice et publiée
en annexe du rapport de la commission de réflexion sur la justice
constituée sous la présidence de M. Pierre Truche.
12
Voir programme de la mission annexé.
13
Commission mixte, composée pour moitié de
députés et pour moitié de sénateurs, chargée
d'élaborer un projet de réforme d'ensemble de la Constitution.
14
dont la mission a rencontré deux représentants
15
La constitution de ces quatre collèges fait l'objet d'un
tirage au sort quatre mois avant les élections pour le renouvellement du
CSM.
16
A partir du troisième tour la majorité des trois
cinquièmes des votants suffit.
17
La formation plénière serait notamment
compétente en matière de recrutement et de passage du
siège au Parquet et vice-versa.
18
qui est en revanche à la disposition des parties
19
définie en fonction des circonstances et de la
réduction ultérieure du tiers
20
qui existe en toute matière, y compris en matière
criminelle