B. UNE TRÈS LARGE AUTONOMIE
1. Une organisation non hiérarchisée
Les
membres du Parquet italien sont non seulement indépendants à
l'égard du pouvoir exécutif mais également à
l'égard de leurs propres chefs de juridictions.
Même si les chefs de Parquet disposent d'un pouvoir d'organisation, de
surveillance, de coordination et d'impulsion qui leur permet de demander
à être informés du déroulement d'une enquête
ou des décisions susceptibles d'être prises,
chaque substitut
exerce en effet les fonctions du ministère public de façon
pleinement autonome.
Il n'existe
pas de définition de la politique pénale, ni de
coordination générale de l'action publique au niveau
national,
puisque le Parquet est théoriquement tenu de poursuivre
toutes les infractions constatées en application du
principe de
légalité des poursuites
, consacré par
l'article 112 de la Constitution, aux termes duquel le ministère
public a l'obligation d'exercer l'action pénale.
Le ministère public près la Cour d'appel ne peut pas exercer
directement l'action publique ni ordonner des enquêtes. Le Procureur
général près la Cour d'appel dispose toutefois d'un
pouvoir d'évocation lui permettant de se substituer au Parquet de
première instance dans des hypothèses limitées (notamment
en cas de défaut de mise en oeuvre de l'action publique dans les
délais légaux), mais cette procédure n'est jamais
appliquée.
Par ailleurs, l'autonomie des membres du Parquet est encore renforcée
par le fait que l'
autorité judiciaire dispose directement de la
police judiciaire
ainsi que l'affirme l'article 109 de la Constitution.
Les magistrats du Parquet peuvent donc réquisitionner librement et sans
restriction, pour les besoins de leurs enquêtes, les différentes
forces de police, qu'il s'agisse de la police nationale, des carabiniers ou
encore de la " Guardia di Finanza " (police douanière et
fiscale).
2. Une coordination récente de l'action publique en matière de lutte contre la mafia
L'organisation décentralisée des enquêtes
et
l'éclatement de l'action publique résultant de l'autonomie de
chaque membre du Parquet ont cependant montré leurs limites face au
développement de la criminalité organisée de type mafieux
dont le cadre d'action dépasse la compétence territoriale d'un
seul Parquet.
Aussi la nécessité d'améliorer la coordination de l'action
publique en matière de lutte contre la mafia a-t-elle conduit à
la création, en 1991, dans le cadre du Parquet du Procureur
général près la Cour de cassation, d'un Parquet
spécialisé organisé de façon
hiérarchisée : la
Direction nationale antimafia
ou
Parquet national antimafia
14(
*
)
.
Le Parquet national antimafia est compétent à l'égard de
certains crimes et délits particulièrement graves
considérés comme des manifestations typiques du banditisme
mafieux : association de type mafieux, séquestration de personnes visant
à l'extorsion de fonds, association visant au trafic illicite de
stupéfiants ou de substances psychotiques, et plus
généralement tous les crimes et délits ayant
été commis en usant soit de la force intimidatrice, soit de la
situation d'assujettissement et d'" omerta " résultant du lien
associatif de type mafieux.
Dirigée par le Procureur national antimafia, la Direction nationale
antimafia, installée à Rome, comprend différents services
dans lesquels sont affectés vingt magistrats.
En outre, à l'échelon régional ont été
constitués
26 parquets spécialisés sous
l'autorité de Procureurs antimafia de district
qui sont
compétents, pour les enquêtes relatives aux infractions
susvisées, sur un territoire correspondant au district de la Cour
d'appel (alors que les Parquets " de droit commun " dirigés
par les Procureurs de la République près les tribunaux, au nombre
de 164, ont une compétence limitée au territoire plus restreint
de l'arrondissement).
Le Procureur national antimafia exerce un rôle d'impulsion et de
coordination à l'égard des Procureurs antimafia de
districts
; il peut leur donner des directives spécifiques et
organiser des réunions de concertation afin d'améliorer
l'efficacité des enquêtes.
En cas de violations réitérées de ces directives, il peut
exercer un pouvoir d'évocation permettant d'éviter une inaction
injustifiée de l'activité d'investigation, mais cette
procédure n'a encore jamais été mise en oeuvre.
Pour l'exercice de ses fonctions, le Procureur national antimafia a à sa
disposition, outre les services centraux et interprovinciaux de la Police
nationale, des Carabinieri et de la " Guardia di Finanza ", un
service de police judiciaire spécialisé : la Direction
d'investigation antimafia, constituée de membres des différentes
forces de police,
Cette organisation tendant à une coordination centralisée de la
lutte contre la mafia semble donner satisfaction et faire la preuve de son
efficacité par des résultats fructueux. En effet, les
statistiques présentées à la mission font apparaître
une diminution sensible du nombre de meurtres constatés qui, dans la
province de Reggio-di-Calabria, est passé de 929 pour la période
1986-1991 à 406 pour la période 1992-1998.
*
Le projet de révision constitutionnelle élaboré par la " bicamerale " prend également en compte la nécessité d'une coordination de l'action publique. En effet, tout en réaffirmant l'indépendance et les garanties des magistrats du Parquet, il prévoit que les dispositions législatives sur l'organisation judiciaire assurent la coordination de l'activité des magistrats du ministère public à l'intérieur d'un même Parquet et si nécessaire entre différents Parquets.