B. UNE GARANTIE POUR LES SALARIÉS

1. L'allégement des charges sociales constitue la seule alternative à une remise en question du SMIC

L'adoption de l'euro devrait modifier sensiblement les règles du jeu économique en Europe, les conséquences sur l'emploi devraient être importantes. Les économistes s'accordent en effet pour considérer que le renoncement aux dévaluations compétitives et le respect du pacte de stabilité budgétaire devraient amener les pays de la zone euro à recourir à la flexibilité des salaires pour compenser les écarts de compétitivité. L'introduction de la monnaie unique devrait également avoir pour conséquence de renforcer la transparence des coûts et des profits à travers toute l'Europe.

Les estimations du coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie révèlent déjà aujourd'hui d'importants écarts en fonction des pays. Le coût horaire de la main-d'oeuvre allemande serait ainsi supérieur de 22 % à la française, celle-ci accuserait un surcoût de 28 % par rapport à la main-d'oeuvre italienne, et de 38 % par rapport à l'anglaise.

Bien entendu, il convient d'apprécier le coût du travail au regard de la productivité pour apprécier correctement la compétitivité ; la productivité tendant à converger dans l'industrie à travers l'Europe, les écarts de salaires devraient logiquement se réduire à due concurrence.

Le coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie (1995)

(en écus ; 1 Ecu = 6,61 FF le 07.05.98)

Source : Eurostat

Avec la monnaie unique, les entreprises pourraient chercher à localiser leur production dans les pays où le rapport coût du travail/productivité serait le plus intéressant. De même, les salariés pourraient être tentés de se déplacer à travers l'Europe pour rechercher les meilleures conditions de travail. Dans ce dernier cas, on pourrait assister à une certaine convergence des niveaux de vie et de rémunération. Autrement, le risque de développement d'une concurrence fiscale et sociale entre les pays européens ne peut être écarté, la France pourrait alors être particulièrement fragilisée du fait des rigidités de fonctionnement de son marché du travail. Malgré les efforts consentis par les salariés au cours des années 1980, les salaires restent en effet relativement élevés en France par rapport à la moyenne européenne.

Les salaires annuels bruts moyens en Europe en 1995*

 

en Ecus**

En francs

Allemagne (anciens Länder)

38.958

254.006

Allemagne (nouveaux Länder)

25.215

164.401

Danemark

38.744

252.610

Luxembourg

31.133

202.987

France***

26.161

170.569

Suède

25.606

166.951

Finlande

24.741

161.311

Italie

24.589

160.320

Espagne

23.326

152.085

Royaume-Uni

23.254

151.616

Grèce

16.122

101.115

* Primes et heures supplémentaires comprises. Source : Eurostat.

** 1 écu = 6,52 francs.

*** France : chiffre 1994.


Plus que le niveau des rémunérations en général, c'est l'existence d'un salaire minimum relativement élevé qui peut constituer un facteur important de chômage. Il n'existe pas actuellement de minimum commun à l'ensemble des pays européens, il s'agit là d'une compétence nationale.

Certains pays ont un salaire minimum fixé par la loi, d'autres par convention collective entre partenaires sociaux. Mais ce salaire minimum conventionnel est soit applicable à tous les secteurs, comme en Belgique ou en Grèce, soit propre à chaque secteur ou branche d'activité. De plus, il n'est tantôt qu'un plancher, tantôt au contraire le niveau réel de rémunération d'une partie significative des salariés.

Salaires minimaux mensuels dans l'Union européenne en 1997

 

En Ecus*

En standard de pouvoir d'achat**

Date d'introduction

Luxembourg

1.141

1.094

1973

Belgique

1.055

1.079

1975

Pays-Bas

1.011

1.025

1969

France

988

945

1970

Espagne

469

580

1980

Grèce

440

555

1991

Portugal

334

501

1974

* 1 écu = 6,52 francs. Source : Eurostat.

** Elimination des différences de prix entre pays.


On observe, par exemple, que seulement 7 % des Portugais sont payés au salaire minimum légal alors qu'en France, dans beaucoup de branches, les minima conventionnés sont inférieurs au SMIC. Si la notion de salaire minimum ne relève pas d'une conception commune, les niveaux de salaire demeurent aussi très variables d'un pays européen à l'autre.

Ces différences s'expliquent pas des écarts de productivité. Toutefois, elles ne constituent pas un obstacle majeur à la fixation d'un SMIC européen. Comme le souligne Philippe Pochet, directeur de l'Observatoire social européen, " on pourrait très bien envisager un système où le SMIC serait un certain pourcentage du salaire médian de chaque pays ". Le Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker, a rappelé récemment la nécessité d'harmoniser les législations sociales au sein de l'Union européenne, il s'est notamment déclaré favorable à la mise en place d'un SMIC européen même si seulement cinq des quinze pays qui composent l'Union européenne devaient en bénéficier.

La mise en place d'un salaire minimum en Grande-Bretagne au taux horaire de 3,6 livres, soit 35 francs constitue un signe encourageant d'une plus grande convergence des politiques sociales en Europe.

Votre commission des affaires sociales rappelle son souci que le travail soit convenablement rémunéré pour pouvoir constituer un facteur d'intégration et de reconnaissance sociale.

A cet égard, elle souligne qu'une réflexion sur un salaire minimum européen aurait tout son sens. Il conviendrait simplement de le fixer à un niveau tel qu'il ne constitue pas un obstacle à l'entrée sur le marché du travail pour les travailleurs les plus fragilisés.


Comme le précise l'OCDE dans son dernier rapport annuel 3( * ) : " si le niveau du salaire minimum est fixé avec discernement, il peut améliorer le bien-être des travailleurs les plus faiblement rémunérés (...) et peut limiter l'ampleur des inégalités de salaire qui se sont accentuées dans certains pays membres ".

En l'absence de coordination au niveau européen, un salaire minimum relativement élevé peut constituer un redoutable obstacle à l'emploi pour les salariés peu qualifiés. Il faut, en effet, rappeler que le SMIC brut payé par l'entreprise se monte à 6.663,67 francs pour 169 heures travaillées par mois. A cela s'ajoutent 2.976 francs de cotisations sociales patronales qui portent le coût d'un salarié payé au SMIC à 9.639,67 francs pour l'entreprise, ceci en l'absence d'aides spécifiques.

L'allégement massif des charges sociales sur les bas salaires se présente comme l'unique alternative à une déréglementation du salaire minimal. Il s'inscrit donc clairement dans le cadre d'une politique sociale mettant l'accent sur la solidarité puisque les allégements peuvent être considérés comme des transferts sociaux.

Bien entendu, l'allégement des charges sociales ne saurait constituer la solution unique au problème du chômage mais, comme le déclarait M. Raymond Barre dans Les Échos du 12 janvier 1998 : " La lutte contre le chômage passe par une voie obligatoire, une réduction importante et durable des charges pesant sur les entreprises. L'expérience menée dans le secteur textile a été d'une aveuglante efficacité. En matière de charges et de fiscalité, toutes les mesures doivent viser un seul objectif, redonner une marge de manoeuvre aux entreprises et aux particuliers, combattre la sensation d'étouffement et de paralysie qu'éprouvent les acteurs de l'économie, cause première de la croissance lente et de l'augmentation alarmante du chômage ".

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