PPL charges sur les bas salaires
GOURNAC (Alain)
RAPPORT 500 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. L'ALLÉGEMENT DES CHARGES SUR LES BAS SALAIRES : UNE CONTRIBUTION À LA REPRISE DE L'EMPLOI
- II. L'ALLÉGEMENT DES CHARGES SUR LES BAS SALAIRES : UN INTÉRÊT CONFIRMÉ PAR L'ANALYSE ÉCONOMIQUE
- III. UNE POLITIQUE REMISE EN QUESTION ?
- IV. UNE POLITIQUE QU'IL CONVIENT D'AMPLIFIER
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Conventions-cadres relatives à l'emploi et allégements
supplémentaires de charges sociales sur les bas salaires -
Art. 2
Généralisation partielle du nouveau régime d'exonération
de charges sociales -
Art. 3
Généralisation de l'extension de l'allégement des charges sociales
sur les bas salaires -
Art. 4
Financement de l'extension de l'allégement des charges sociales
sur les bas salaires
-
Article premier
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
N°
500
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Christian PONCELET, Jean-Pierre FOURCADE, Josselin de ROHAN, Maurice BLIN et Henri de RAINCOURT, tendant à alléger les charges sur les bas salaires ,
Par M.
Alain GOURNAC,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard,
MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland
Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
; François Autain,
Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM.
Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux,
Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle
Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, Louis Grillot,
André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton,
Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote,
Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars,
Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme
Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas,
Martial Taugourdeau, Basile Tui, Alain Vasselle, Paul Vergès,
André Vézinhet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
372 rect.
(1997-1998).
Salaires.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 17 juin 1998, sous la
présidence
de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la commission a
procédé à l'
examen du rapport
de
M. Alain
Gournac
sur la
proposition de loi n° 372 rectifiée
(1997-1998) de M. Christian Poncelet tendant à
alléger
les charges sur les bas salaires.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a indiqué que la présente
proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas
salaires, déposée par MM. Christian Poncelet, Jean-Pierre
Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt reprenait les
termes de la proposition de loi n° 628, présentée le 14
janvier 1998 à l'Assemblée nationale par MM. François
Bayrou, Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Franck Borotra, Robert Galley,
Yves Nicolin et les membres des groupes de l'union pour la démocratie
française et du centre (UDF) et du groupe du rassemblement pour la
République (RPR).
Il a rappelé que cette proposition de loi avait été
rapportée par M. Yves Nicolin le 28 janvier 1998 devant la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale et que le rapporteur avait alors constaté
les premiers bénéfices de l'allégement des charges sur les
bas salaires et la nécessité de les amplifier et de les
étendre progressivement, tout en conservant la maîtrise
financière du dispositif.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a constaté que la commission des
affaires culturelles, après avoir débattu du contenu de la
proposition de loi, avait décidé de suspendre ses travaux avant
le passage à la discussion des articles, et qu'elle n'avait donc pas
présenté de conclusions.
Il a indiqué que le Gouvernement, comme la majorité de
l'Assemblée nationale, avaient fait part de leur opposition à la
proposition de loi et qu'ils avaient exprimé leur
préférence pour la poursuite du plan emplois-jeunes et la
réduction du temps de travail accompagnée de la baisse de la
durée légale. Le rapporteur a rappelé qu'à l'issue
de la discussion générale, le vendredi 30 janvier 1998,
l'Assemblée nationale avait décidé de ne pas passer
à la discussion des articles.
M. Alain Gournac, rapporteur,
s'est alors interrogé sur les
raisons qui pouvaient amener le Parlement à examiner à nouveau
cette proposition de loi.
Il a observé tout d'abord que les articles de cette proposition de loi
n'avaient été examinés ni en commission, ni en
séance publique ; il a considéré que la question du
chômage justifiait pleinement l'examen de manière approfondie de
toutes les solutions qui pouvaient permettre de créer des emplois.
Par ailleurs, il s'est déclaré en désaccord avec le
Gouvernement qui considérait que la loi sur les trente-cinq heures
devait constituer le fondement des politiques de l'emploi. Il a observé
que cette loi avait été promulguée et il a indiqué
qu'il ne proposerait pas son abrogation, le débat démocratique
ayant eu lieu au Parlement.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a toutefois remarqué que les
critiques ne s'étaient pas tues à l'encontre de ce texte et il a
fait part de sa crainte que les résultats ne soient pas à la
hauteur des attentes.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a déclaré que la
deuxième loi à venir en 1999 serait l'occasion pour le
Sénat de demander des modifications et de préciser ses
propositions en matière de réduction du temps de travail. Il a
considéré que la promulgation de la loi sur les trente-cinq
heures ne mettait pas un terme au débat sur l'allégement des
charges sociales, celui-ci ne devant pas être considéré
comme une simple alternative aux trente-cinq heures. Le rapporteur a
estimé que la réduction des charges, prévue par le texte
du Gouvernement sous la forme d'une majoration de 4.000 francs de l'aide
forfaitaire, était très insatisfaisante, parce qu'elle
était temporaire et conditionnée à la réduction du
temps de travail.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a rappelé que le Sénat ne
s'était pas opposé au principe de la réduction du temps de
travail, mais seulement à l'abaissement autoritaire de la durée
légale du travail. Pour ce qui est du dispositif d'incitation
financière, il a estimé que chacun avait pu constater que le
reprofilage de la loi " de Robien " défendu par le
Sénat et le dispositif du Gouvernement avaient beaucoup de points
communs.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a déclaré qu'il souscrivait
aux propos de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité du 30 janvier à l'Assemblée nationale,
pour qui la réduction du temps de travail et celle des charges sociales
sur les bas salaires ne constituaient pas des politiques antagonistes. Il a
toutefois souhaité mettre en évidence la contradiction existant
entre la reconnaissance du bien-fondé d'une politique
d'allégement des charges sociales et la réduction des
crédits consacrés à cette politique, ceci au moment
même où les résultats commençaient pleinement
à se faire sentir.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a considéré que les
dernières statistiques du chômage démontraient
l'efficacité des allégements de charges sociales.
Le rapporteur a rappelé que les différents dispositifs
d'allégement des charges sociales expliquaient l'essentiel des 240.000
emplois créés en France depuis 1993. Il s'est
étonné des décisions ambiguës prises par le
Gouvernement à l'occasion de la loi de finances pour 1998, le dispositif
temporaire ayant été pérennisé, alors que la
portée de l'exonération était restreinte pour des raisons
financières, entravant par là-même son efficacité.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a observé que depuis le mois de
janvier, le montant maximum du salaire ouvrant droit à
l'exonération avait été abaissé de 1,33 à
1,3 SMIC, que le montant maximal de la réduction avait
été gelé à 1.213 francs et que l'exonération
était désormais calculée au prorata du nombre d'heures
rémunérées en cas de travail à temps partiel.
Le rapporteur a rappelé que, suite à une décision de la
Commission de Bruxelles, les entreprises des secteurs du textile, de
l'habillement, du cuir et de la chaussure ne pourraient plus
bénéficier du dispositif mis en place par la loi du 12 avril
1996, à moins que ces entreprises n'aient pas reçu plus de
100.000 écus d'aides publiques sur les trois dernières
années, comme le prévoyait la " règle de
minimis " fixée par la Commission européenne.
Le rapporteur a considéré que le dispositif mis en place par le
Gouvernement pour prolonger le plan textile était très
insuffisant et qu'il convenait de généraliser les
allégements massifs de charges sociales sur les bas salaires pour
préserver la dynamique de création d'emplois. Il a observé
que cette généralisation était conforme au droit
européen puisque c'était le caractère sectoriel de l'aide
qui avait été dénoncé par les instances
européennes. Il a déclaré que la montée en
puissance du dispositif ne pourrait être que progressive, tous les
économistes s'accordant pour considérer qu'un délai de
trois à cinq ans était nécessaire pour observer pleinement
l'efficacité des baisses de charges sociales.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a considéré que
c'était l'enrichissement de la croissance en emplois qui devait
être considéré comme le vecteur principal des
créations d'emplois observées depuis plusieurs mois. Le
rapporteur a toutefois estimé que le taux de chômage restait
encore trop élevé en France, comparé à celui
d'autres pays.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a rappelé que le taux de
chômage français trouvait son origine dans des rigidités
structurelles propres au fonctionnement du marché du travail et que le
coût élevé de la main-d'oeuvre constituait une partie du
problème.
Il a fait part de sa crainte que, dans ces conditions, le passage à la
monnaie unique puisse donner lieu, si aucune précaution n'était
prise, à une concurrence sociale entre les pays qui pourrait se traduire
par un surcroît de chômage en France.
Le rapporteur a déclaré que, pour prévenir ce risque,
certains économistes préconisaient une remise en question du SMIC
; il a estimé que cette solution ne pouvait constituer un projet
d'espoir pour les salariés, le problème résidant, selon
lui, dans le poids excessif des charges sociales que supportaient les
salariés payés autour du SMIC. Le rapporteur a estimé que
l'allégement des charges sur les bas salaires constituait la
véritable alternative à une remise en cause de la
réglementation sur le salaire minimal.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a fait part de sa conviction : le travail
doit être convenablement rémunéré pour pouvoir
constituer un facteur d'intégration et de reconnaissance sociale.
Le rapporteur a déclaré que la présente proposition de loi
avait pour objet de faire franchir une nouvelle étape à la
politique d'allégement des charges et de consolider l'application de
cette politique dans le secteur du textile, du cuir et de l'habillement,
où l'expérience conduite depuis 1996 avait été
particulièrement fructueuse.
Il a précisé que la proposition de loi prévoyait une
généralisation progressive des baisses de charges en fonction de
la proportion des bas salaires et des travailleurs manuels dans chaque
entreprise et selon un calendrier précis.
Les emplois les plus sensibles au coût du travail se trouvant dans les
entreprises dans lesquelles la part de la main-d'oeuvre dont la
rémunération était proche du SMIC et la part de la
main-d'oeuvre ouvrière étaient les plus importantes, le
rapporteur a proposé de prendre en compte ces deux critères pour
étendre progressivement les allégements de charges.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a déclaré que l'article
premier de la proposition de loi prévoyait que, dans un premier temps,
les baisses des charges seraient modulées en retenant trois
modalités de calcul différentes à partir du 1
er
janvier 1999.
Les entreprises ayant le plus fort taux de travailleurs manuels et à bas
salaire bénéficieraient d'une réduction de charges
équivalant à 26 % du SMIC au niveau du SMIC,
réduction dégressive qui s'annulerait à 1,4 SMIC.
Les entreprises employant un peu moins de travailleurs manuels payés au
SMIC bénéficieraient d'une réduction de charges
dégressive équivalant à 22 % du SMIC au niveau du
SMIC, qui s'annulerait pour les salariés percevant plus de
1,36 fois le SMIC.
Les autres entreprises bénéficieraient d'une réduction de
charges dégressive équivalant à 18,2 % du SMIC au
niveau du SMIC, qui s'annulerait à 1,33 fois le SMIC.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a indiqué que les articles 2 et 3
avaient pour objet d'appliquer progressivement, au 1
er
janvier 2001,
à l'ensemble de l'économie une réduction de charges
équivalant à 26 % du SMIC.
Le rapporteur a admis que la montée en puissance du dispositif
nécessitait un dispositif technique assez compliqué, mais il a
remarqué que les chefs d'entreprises étaient maintenant familiers
des mesures d'allégement de charges et que le déploiement de
l'aide se ferait sans qu'il soit besoin de procéder au moindre calcul,
puisque c'est la situation de l'entreprise, diagnostiquée au
départ, qui déterminera le calendrier des allégements qui
lui sera applicable.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a constaté que le coût de ce
dispositif, comme ses modalités de financement, avaient pu être
considérés comme des obstacles à sa mise en oeuvre, Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ayant fait
état, lors du débat à l'Assemblée nationale, d'une
estimation qui chiffrait ce coût à 30 milliards par an, ce qui,
compte tenu des 40 milliards que coûte déjà la
ristourne dégressive, aurait porté à 70 milliards de
francs le coût des allégements de charges sur les bas salaires.
M. Alain Gournac, rapporteur,
n'a pas souhaité engager une
bataille de chiffres. Il a seulement rappelé que M. Yves Nicolin,
rapporteur à l'Assemblée nationale, estimait le coût total
de ce dispositif à 21 milliards de francs qu'il comparait au coût
estimé à 75 milliards de francs de la
généralisation de la réduction du temps de travail.
Le rapporteur a ajouté que, comme c'était le cas pour la
réduction du temps de travail dans le dispositif " de
Robien ", ces allégements généreront des recettes
publiques grâce aux emplois créés et s'autofinanceront donc
avec un léger décalage nécessaire pour créer ces
emplois, même si l'exemple du textile montrait que l'impact sur l'emploi
pouvait être immédiat et l'autofinancement largement assuré.
Cependant et pour des raisons évidentes de procédure en
matière de recevabilité, le rapporteur a précisé
que la proposition de loi était gagée par une taxe additionnelle
aux taxes prévues aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts (article 4).
Il a estimé qu'une réforme des différents dispositifs
d'aide à l'emploi permettrait d'éviter, le cas
échéant, que le coût lié à la montée
en puissance du dispositif ne se répercute sur les finances publiques.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a par ailleurs fait part de son
étonnement que l'on puisse mettre en avant le seul coût d'un
dispositif de lutte contre le chômage pour justifier son rejet. Il a
estimé que lorsque plusieurs millions de personnes étaient
confrontées chaque jour à la détresse de
l'inactivité et de l'insuffisance de revenu, le seul critère
devait être celui de l'efficacité.
M. Alain Gournac, rapporteur,
s'est interrogé sur les
résultats, en termes d'emplois, d'un allégement massif des
charges sociales sur les bas salaires. Il a cité l'exemple de la
région Auvergne qui avait décidé de compléter les
dispositifs d'allégement existants pour ramener à 10 % du
coût du SMIC le total des cotisations sociales pour toute nouvelle
embauche de salariés peu ou moyennement qualifiés dans les
entreprises de moins de 500 salariés. Il a précisé
que cette mesure avait permis la création de près de 2.500
emplois en huit mois.
M. Alain Gournac, rapporteur,
a observé qu'il considérait,
dans ces conditions, qu'une extension massive de l'allégement des
charges sociales à l'ensemble du pays et à tous les
salariés qui recevaient une rémunération inférieure
ou égale à 1,4 SMIC, et non seulement aux nouveaux
embauchés comme c'est le cas dans l'exemple auvergnat, pourrait
créer plusieurs centaines de milliers d'emplois en peu de temps.
C'est pourquoi il a proposé à la commission d'adopter sans
modifications cette proposition de loi.
En réponse à
MM. André Jourdain
et
Jean
Madelain
qui l'interrogeaient sur la contrepartie en termes d'emplois qui
pourrait être demandée aux entreprises contre les
allégements de charges,
M. Alain Gournac, rapporteur,
a
déclaré que l'article premier de la proposition de loi
prévoyait déjà que l'Etat devait signer avec les branches
professionnelles des conventions-cadres relatives au maintien et au
développement de l'emploi en contrepartie des allégements de
charges.
Compte tenu de ces précisions,
M. Jean Madelain
a indiqué
qu'il était favorable à une proposition de loi qui devrait
permettre de créer ou de préserver des centaines de milliers
d'emplois.
M. Jean Chérioux
a considéré que cette proposition
de loi permettait d'apporter une solution à la remise en cause du plan
textile.
M. Alain Gournac, rapporteur
, a précisé que la proposition
de loi permettait d'aider au développement de l'emploi dans l'ensemble
des secteurs employant beaucoup de main-d'oeuvre.
M. Guy Fischer
a reconnu que les allégements des charges sociales
faisaient partie des outils à la disposition des politiques de l'emploi,
mais il a fait part de ses réserves quant à leur
efficacité. Il a demandé une remise à plat de l'ensemble
des aides, faisant observer qu'elles coïncidaient avec une forte pression
à la baisse sur les salaires et le développement du travail
précaire.
M. Gilbert Chabroux
a considéré que ce texte entrait en
concurrence avec la loi sur les 35 heures et qu'il préférait
donner la priorité aux textes déjà votés.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a considéré que
cette proposition de loi constituait un complément aux aides à la
réduction du temps de travail. Il a estimé qu'il existait un
large consensus pour reconnaître que le niveau actuel des charges
constituait un obstacle à l'emploi. Il a cité la réussite
du plan textile pour préserver les emplois et les succès
rencontrés par l'expérience menée par la région
Auvergne pour créer de nouveaux emplois à travers
l'allégement des charges.
Mme Gisèle Printz
a fait part de sa crainte que ce dispositif
n'affecte le montant des salaires.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a précisé que
les allégements ne portaient que sur la partie patronale des charges
sociales et qu'ils visaient au contraire à préserver les salaires
et favoriser l'emploi.
Mme Annick Bocandé
s'est interrogée sur les
conséquences que pourrait avoir le passage aux trente-cinq heures
sur la définition du SMIC et donc sur les allégements de charges.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a confirmé que la
question se posait effectivement compte tenu des déclarations du
Gouvernement lors de la discussion de la loi sur les trente-cinq heures.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté les conclusions
présentées par le rapporteur.
Mesdames, Messieurs,
Votre commission des Affaires sociales a examiné la proposition de loi
n° 372 (1997-1998) tendant à alléger les charges sur les bas
salaires, le 17 juin 1998.
Il lui a semblé faire ainsi oeuvre indispensable. Car si le
chômage est aujourd'hui en retrait, chacun sait bien que cela s'explique
par une amélioration de la situation économique et que, si rien
n'est fait, le prochain retournement de conjoncture poussera à nouveau
le taux de chômage vers des sommets.
Doit-on se contenter, dans ces conditions, d'attendre les effets du plan
emplois-jeunes et de la réduction autoritaire du temps de travail ? Les
incertitudes comme les insuffisances qui entourent ces deux dispositifs ont
amené votre commission à répondre par la négative.
Outre des réformes structurelles touchant au fonctionnement même
du marché du travail et son souhait qu'une véritable politique
sociale puisse prendre corps au niveau européen, il est apparu à
votre commission que l'allégement massif des charges sociales
constituait aujourd'hui le point de passage obligé d'une politique
ambitieuse de lutte contre le chômage.
Les effets attendus en termes de création ou de maintien d'emplois sont
indiscutables, le coût d'un tel dispositif est raisonnable et pourrait
tout à fait être financé par une remise à plat des
aides déjà existantes. Ce dispositif n'est pas exclusif d'autres
politiques comme celle tendant à favoriser une réduction du temps
de travail librement décidée, et à laquelle le
Sénat est attaché.
Les obstacles à la mise en place de cette mesure se situent donc dans
les esprits comme l'a montré le débat à l'Assemblée
nationale sur une proposition de loi identique.
Le débat au Sénat sur la proposition de loi déposée
par MM. Christian Poncelet, président de la commission des
Finances, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de
Raincourt sera l'occasion d'affirmer résolument la
nécessité d'une politique permettant de soutenir l'emploi
durablement à travers l'extension d'un dispositif d'allégement
des charges sociales qui fait ses preuves aujourd'hui.
I. L'ALLÉGEMENT DES CHARGES SUR LES BAS SALAIRES : UNE CONTRIBUTION À LA REPRISE DE L'EMPLOI
A. UN FACTEUR D'ENRICHISSEMENT DE LA CROISSANCE EN EMPLOIS
1. Les créations d'emplois s'accélèrent depuis plusieurs mois
Alors
que la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction
du temps de travail vient d'être adoptée par le Parlement et que
le plan emplois-jeunes peine toujours à trouver son public, le taux de
chômage français a entamé depuis plusieurs mois une
décrue sensible.
Ce mouvement fait suite à une amélioration de la conjoncture
économique ; il traduit également le succès des divers
dispositifs mis en oeuvre depuis 1993 afin d'enrichir le contenu en emplois de
la croissance.
Demandes d'emploi en fin de mois
Catégorie 1
Au mois
de mars 1998, c'est-à-dire à la fin du premier trimestre, la
France comptait 3.054.000 chômeurs au sens du BIT (soit 12 % de
la population active) ; il s'agit des personnes sans emploi, à la
recherche d'un emploi et immédiatement disponibles. Le nombre des
chômeurs a donc baissé de 4,1 % depuis un an, soit un demi
point de taux de chômage. Le ministère de l'Emploi retient une
définition du taux de chômage légèrement
différente de celle du BIT, les " demandeurs d'emploi en fin de
mois de catégorie 1 " sont en effet les personnes inscrites
à l'ANPE, déclarant être à la recherche d'un emploi
à temps plein et à durée déterminée et
n'ayant pas exercé une activité réduite de plus de 78
heures dans le mois. Selon cette définition, la France compterait
2.989.800 chômeurs au mois de mars soit 3,2 % de moins qu'il y
a un an. Lorsque l'on tient compte des personnes ayant exercé une
activité réduite de plus de 78 heures dans le mois (DEFM
1 + 6), le nombre des chômeurs est de 3.477.800, soit une
hausse de 0,5 % en un an.
Les premières données disponibles pour le second trimestre 1998
confirment la reprise de l'emploi en liaison notamment avec celle de la demande
intérieure.
2. Le recul du chômage est un phénomène général en Europe
Le recul
du chômage est observable partout en Europe. Il est encore plus
considérable aux Etats-Unis.
En avril 1998, l'Allemagne a connu 25.000 demandeurs d'emplois en moins ;
les Etats-Unis, quant à eux, ont créé le même mois
262.000 nouveaux emplois nets, ce qui a ramené leur taux de
chômage à 4,3 % (- 0,4 %), soit son niveau le plus
bas depuis vingt-huit ans. La France s'inscrit dans cette tendance
générale, la baisse du chômage y est même plus
vigoureuse que chez d'autres pays européens ; toutefois le taux de
chômage français demeure parmi les plus élevés des
pays industrialisés développés.
Les prévisions quant à l'évolution du chômage sont
encourageantes, elles restent toutefois suspendues à des
événements largement exogènes comme l'évolution de
la conjoncture en Asie, aux Etats-Unis, voire en Grande-Bretagne.
Un premier signe a été émis par l'évolution de
l'économie italienne, fortement dépendante des exportations vers
l'Asie. Le produit intérieur brut italien a reculé de 0,1 %
au premier trimestre 1998 par rapport au premier trimestre 1997. Au cours de ce
même premier trimestre, les exportations ont reculé de 1,6 %
par rapport aux trois derniers mois de l'an dernier. A ce rythme, les
prévisions de croissance pourraient être ramenées de 2,5
à 2 % pour 1998. Des répercussions sur l'ensemble des
économies européennes sont à attendre.
Croissance et taux de chômage dans les principaux pays industrialisés
|
PIB |
Taux de chômage |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Union Européenne |
1,7 |
2,6 |
2,8 |
2,8 |
11,4 |
11,1 |
10,6 |
10,2 |
Etats-Unis |
2,8 |
3,8 |
2,9 |
2,2 |
5,4 |
4,9 |
5,0 |
5,0 |
Japon |
3,9 |
0,9 |
-0,0 |
1,3 |
3,3 |
3,4 |
3,6 |
3,6 |
Allemagne |
1,4 |
2,2 |
2,5 |
2,8 |
10,4 |
11,5 |
11,4 |
11,2 |
France |
1,5 |
2,4 |
2,9 |
3,0 |
12,4 |
12,5 |
11,9 |
11,3 |
Italie |
0,7 |
1,5 |
2,3 |
2,7 |
12,1 |
12,3 |
12,0 |
11,6 |
Royaume Uni |
2,2 |
3,3 |
2,3 |
2,1 |
7,5 |
5,6 |
4,9 |
4,8 |
Canada |
1,2 |
3,8 |
3,2 |
2,8 |
9,7 |
9,2 |
8,5 |
8,2 |
Espagne |
2,3 |
3,4 |
3,4 |
3,7 |
22,2 |
20,8 |
19,7 |
18,5 |
Pays-Bas |
3,3 |
3,3 |
3,8 |
3,1 |
7,6 |
6,6 |
5,6 |
5,1 |
Belgique |
1,5 |
2,7 |
2,6 |
2,8 |
12,7 |
12,5 |
12,3 |
12,1 |
Suède |
1,3 |
1,9 |
3,0 |
2,8 |
8,0 |
8,1 |
7,0 |
6,5 |
Autriche |
1,6 |
2,5 |
2,8 |
2,7 |
7,0 |
7,1 |
7,1 |
6,9 |
Danemark |
3,4 |
3,0 |
2,7 |
2,7 |
8,7 |
7,8 |
7,3 |
6,9 |
Finlande |
3,6 |
5,9 |
3,5 |
3,4 |
16,3 |
14,5 |
12,6 |
11,1 |
Grèce |
2,6 |
3,3 |
3,5 |
3,3 |
10,3 |
10,3 |
9,7 |
9,4 |
Portugal |
3,3 |
3,5 |
3,7 |
3,2 |
7,3 |
6,7 |
6,6 |
6,5 |
Irlande |
7,7 |
8,3 |
8,2 |
6,8 |
11,5 |
10,2 |
9,3 |
8,7 |
Luxembourg |
3,5 |
4,8 |
4,1 |
3,5 |
3,3 |
3,7 |
3,9 |
4,2 |
Source : FMI, world economic outlook avril 1998
En l'état actuel, le Fonds monétaire international prévoit
une accélération de la croissance française qui se
porterait au-delà de la moyenne européenne.
L'économie française rattraperait quelque peu son déficit
de croissance observé depuis plusieurs années. La demande
intérieure prendrait le relais des exportations qui pourraient subir les
effets de la crise asiatique.
Le contexte économique international appelle à la prudence. Le
FMI considère d'ailleurs que des taux de croissance proches de 3 %
en 1998 et 1999 ne devraient pas permettre de ramener le taux de chômage
au-dessous de 11,3 %. Ce niveau de chômage resterait
significativement supérieur à celui de l'Union européenne
(10,2 %) sans parler des Etats-Unis (5 %). Il illustre la forte
composante structurelle du chômage français telle qu'elle a
été mise en évidence par l'OCDE.
Composantes structurelle et conjoncturelle du taux de
chômage
1(
*
)
En pourcentage de la
population active totale
Source Secrétariat de l'OCDE
2(
*
)
L'évolution du taux de chômage français
doit
être appréciée au regard de l'évolution de la
croissance mais également de celle du fonctionnement du marché du
travail.
Le tableau ci-après, réalisé par l'OCDE, retrace
l'évolution de la composante structurelle du chômage des pays
industrialisés entre 1990 et 1997. Selon ces estimations, le taux de
chômage structurel français serait passé au cours de cette
période de 9,3 à 10,2 %. Cela signifie que, dans le meilleur
des cas, le taux de chômage actuel, proche de 12 %, ne pourra, sous
l'emprise du retour de la croissance, descendre en-dessous de 10,2 % sans
provoquer des tensions inflationnistes.
Tout l'enjeu des politiques de l'emploi réside dans leur capacité
à abaisser le taux de chômage structurel dans le total du
chômage français à travers des réformes du
fonctionnement du marché du travail, un effort de formation, des aides
à la création et au développement d'entreprises, un
environnement favorable aux secteurs de pointe...
Depuis la récession de 1993, la croissance de la productivité du
travail s'est infléchie, permettant un certain enrichissement de la
croissance en emplois, surtout dû au temps partiel, mais aussi à
l'impact des politiques d'allégement du coût du travail.
Les rigidités structurelles demeurent donc importantes mais elles
tendent à être compensées par l'effet des politiques de
l'emploi.
Le
chômage structurel dans les pays de l'OCDE, 1990-97
En
pourcentage de la population active totale
Au cours des années 90, le taux de chômage structurel
|
|
1990 |
1997 |
a augmenté : |
Finlande |
7,0 |
12,8 |
|
Suède |
3,2 |
6,7 |
|
Allemagne |
6,9 |
9,6 |
|
Islande |
1,5 |
4,0 |
|
Suisse |
1,3 |
3,0 |
|
Grèce |
8,2 |
9,8 |
|
Italie |
9,7 |
10,6 |
|
France |
9,3 |
10,2 |
|
Belgique |
11,0 |
11,6 |
|
Autriche |
4,9 |
5,4 |
|
|
|
|
est resté relativement stable : |
Japon |
2,5 |
2,8 |
|
Norvège |
4,2 |
4,5 |
|
Espagne |
19,8 |
19,9 |
|
Portugal |
5,9 |
5,8 |
|
Etats-Unis |
5,8 |
5,6 |
|
Canada |
9,0 |
8,5 |
|
|
|
|
a diminué : |
Danemark |
9,2 |
8,6 |
|
Australie |
8,3 |
7,5 |
|
Nouvelle-Zélande |
7,3 |
6,0 |
|
Royaume-Uni |
8,5 |
7,2 |
|
Pays-Bas |
7,0 |
5,5 |
|
Irlande |
14,6 |
11,0 |
|
|
|
|
|
Taux de chômage structurel dans les pays de l'OCDE |
6,8 |
7,1 |
|
Taux de chômage actuel dans les pays de l'OCDE |
6,0 |
7,5 |
Source : Secrétariat de l'OCDE
Le retournement de tendance dans l'évolution du chômage tend
à accréditer cette idée.
Reparti à la hausse au deuxième trimestre 1997, le chômage
s'est stabilisé au cours du troisième trimestre et a
reculé nettement en fin d'année : un plafond a été
atteint au cours de l'été 1997. L'indicateur du taux de
chômage au sens du BIT reflète ce basculement de la conjoncture,
après avoir atteint un maximum de 12,6 % fin juin 1997, il est
revenu à 12,2 % fin décembre et 12,1 % fin janvier
1998. Ce retournement de tendance a donc mis un terme à une hausse
engagée à l'été 1995.
B. UNE GARANTIE POUR LES SALARIÉS
1. L'allégement des charges sociales constitue la seule alternative à une remise en question du SMIC
L'adoption de l'euro devrait modifier sensiblement les
règles
du jeu économique en Europe, les conséquences sur l'emploi
devraient être importantes. Les économistes s'accordent en effet
pour considérer que le renoncement aux dévaluations
compétitives et le respect du pacte de stabilité
budgétaire devraient amener les pays de la zone euro à recourir
à la flexibilité des salaires pour compenser les écarts de
compétitivité. L'introduction de la monnaie unique devrait
également avoir pour conséquence de renforcer la transparence des
coûts et des profits à travers toute l'Europe.
Les estimations du coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie
révèlent déjà aujourd'hui d'importants
écarts en fonction des pays.
Le coût horaire de la
main-d'oeuvre allemande serait ainsi supérieur de 22 % à la
française, celle-ci accuserait un surcoût de 28 % par rapport
à la main-d'oeuvre italienne, et de 38 % par rapport à
l'anglaise.
Bien entendu, il convient d'apprécier le coût du travail au regard
de la productivité pour apprécier correctement la
compétitivité ; la productivité tendant à converger
dans l'industrie à travers l'Europe, les écarts de salaires
devraient logiquement se réduire à due concurrence.
Le
coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie (1995)
(en écus ; 1 Ecu = 6,61 FF le 07.05.98)
Source : Eurostat
Avec la monnaie unique, les entreprises pourraient chercher à localiser leur production dans les pays où le rapport coût du travail/productivité serait le plus intéressant. De même, les salariés pourraient être tentés de se déplacer à travers l'Europe pour rechercher les meilleures conditions de travail. Dans ce dernier cas, on pourrait assister à une certaine convergence des niveaux de vie et de rémunération. Autrement, le risque de développement d'une concurrence fiscale et sociale entre les pays européens ne peut être écarté, la France pourrait alors être particulièrement fragilisée du fait des rigidités de fonctionnement de son marché du travail. Malgré les efforts consentis par les salariés au cours des années 1980, les salaires restent en effet relativement élevés en France par rapport à la moyenne européenne.
Les salaires annuels bruts moyens en Europe en 1995*
|
en Ecus** |
En francs |
Allemagne (anciens Länder) |
38.958 |
254.006 |
Allemagne (nouveaux Länder) |
25.215 |
164.401 |
Danemark |
38.744 |
252.610 |
Luxembourg |
31.133 |
202.987 |
France*** |
26.161 |
170.569 |
Suède |
25.606 |
166.951 |
Finlande |
24.741 |
161.311 |
Italie |
24.589 |
160.320 |
Espagne |
23.326 |
152.085 |
Royaume-Uni |
23.254 |
151.616 |
Grèce |
16.122 |
101.115 |
*
Primes et heures supplémentaires comprises. Source : Eurostat.
** 1 écu = 6,52 francs.
*** France : chiffre 1994.
Plus que le niveau des rémunérations en général,
c'est l'existence d'un salaire minimum relativement élevé qui
peut constituer un facteur important de chômage. Il n'existe pas
actuellement de minimum commun à l'ensemble des pays européens,
il s'agit là d'une compétence nationale.
Certains pays ont un salaire minimum fixé par la loi, d'autres par
convention collective entre partenaires sociaux. Mais ce salaire minimum
conventionnel est soit applicable à tous les secteurs, comme en Belgique
ou en Grèce, soit propre à chaque secteur ou branche
d'activité. De plus, il n'est tantôt qu'un plancher, tantôt
au contraire le niveau réel de rémunération d'une partie
significative des salariés.
Salaires minimaux mensuels dans l'Union européenne en 1997
|
En Ecus* |
En standard de pouvoir d'achat** |
Date d'introduction |
Luxembourg |
1.141 |
1.094 |
1973 |
Belgique |
1.055 |
1.079 |
1975 |
Pays-Bas |
1.011 |
1.025 |
1969 |
France |
988 |
945 |
1970 |
Espagne |
469 |
580 |
1980 |
Grèce |
440 |
555 |
1991 |
Portugal |
334 |
501 |
1974 |
* 1 écu = 6,52 francs. Source : Eurostat.
** Elimination des différences de prix entre pays.
On observe, par exemple, que seulement 7 % des Portugais sont payés
au salaire minimum légal alors qu'en France, dans beaucoup de branches,
les minima conventionnés sont inférieurs au SMIC. Si la notion de
salaire minimum ne relève pas d'une conception commune, les niveaux de
salaire demeurent aussi très variables d'un pays européen
à l'autre.
Ces différences s'expliquent pas des écarts de
productivité. Toutefois, elles ne constituent pas un obstacle majeur
à la fixation d'un SMIC européen. Comme le souligne Philippe
Pochet, directeur de l'Observatoire social européen, "
on
pourrait très bien envisager un système où le SMIC serait
un certain pourcentage du salaire médian de chaque pays
". Le
Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker, a rappelé
récemment la nécessité d'harmoniser les
législations sociales au sein de l'Union européenne, il s'est
notamment déclaré favorable à la mise en place d'un SMIC
européen même si seulement cinq des quinze pays qui composent
l'Union européenne devaient en bénéficier.
La mise en place d'un salaire minimum en Grande-Bretagne au taux horaire de 3,6
livres, soit 35 francs constitue un signe encourageant d'une plus grande
convergence des politiques sociales en Europe.
Votre commission des affaires sociales rappelle son souci que le travail
soit convenablement rémunéré pour pouvoir constituer un
facteur d'intégration et de reconnaissance sociale.
A cet égard, elle souligne qu'une réflexion sur un salaire
minimum européen aurait tout son sens. Il conviendrait simplement de le
fixer à un niveau tel qu'il ne constitue pas un obstacle à
l'entrée sur le marché du travail pour les travailleurs les plus
fragilisés.
Comme le précise l'OCDE dans son dernier rapport annuel
3(
*
)
:
" si le niveau du salaire minimum est
fixé avec discernement, il peut améliorer le bien-être des
travailleurs les plus faiblement rémunérés (...) et peut
limiter l'ampleur des inégalités de salaire qui se sont
accentuées dans certains pays membres ".
En l'absence de coordination au niveau européen, un salaire minimum
relativement élevé peut constituer un redoutable obstacle
à l'emploi pour les salariés peu qualifiés. Il faut, en
effet, rappeler que le SMIC brut payé par l'entreprise se monte à
6.663,67 francs pour 169 heures travaillées par mois. A cela
s'ajoutent 2.976 francs de cotisations sociales patronales qui portent le
coût d'un salarié payé au SMIC à 9.639,67 francs
pour l'entreprise, ceci en l'absence d'aides spécifiques.
L'allégement massif des charges sociales sur les bas salaires se
présente comme l'unique alternative à une
déréglementation du salaire minimal. Il s'inscrit donc clairement
dans le cadre d'une politique sociale mettant l'accent sur la solidarité
puisque les allégements peuvent être considérés
comme des transferts sociaux.
Bien entendu, l'allégement des charges sociales ne saurait constituer la
solution unique au problème du chômage mais, comme le
déclarait M. Raymond Barre dans Les Échos du 12 janvier
1998 : "
La lutte contre le chômage passe par une voie
obligatoire, une réduction importante et durable des charges pesant sur
les entreprises. L'expérience menée dans le secteur textile a
été d'une aveuglante efficacité. En matière de
charges et de fiscalité, toutes les mesures doivent viser un seul
objectif, redonner une marge de manoeuvre aux entreprises et aux particuliers,
combattre la sensation d'étouffement et de paralysie qu'éprouvent
les acteurs de l'économie, cause première de la croissance lente
et de l'augmentation alarmante du chômage
".
2. L'allégement des charges sociales ne remplace pas une réflexion plus globale sur le financement de la protection sociale
Dans ces
conditions, l'allégement des charges sur les bas salaires doit
être considéré comme un dispositif d'urgence, il ne se
substitue pas à une réflexion sur les moyens d'une réforme
des cotisations patronales. Toutefois, la complexité de cette
réforme, mise en avant par plusieurs rapports, justifie pleinement un
dispositif intermédiaire pérennisé qui permet d'obtenir
des résultats en matière de lutte contre le chômage.
La réflexion sur une réforme des cotisations sociales patronales
n'a pas encore abouti.
M. Jean-François Chadelat a été chargé par M. Alain
Juppé, Premier ministre, d'un rapport sur la réforme des
cotisations patronales
4(
*
)
en répondant
aux deux objectifs suivants : une croissance pérenne des recettes de
sécurité sociale (par rapport à l'évolution de la
richesse nationale, la masse salariale a perdu 0,7 % par an entre 1981 et
1996) et l'emploi (le mode de financement actuel pèse sur le coût
du travail et pénalise donc l'emploi).
Parmi, toutes les solutions évoquées, il a
préconisé soit le transfert progressif des 12,8 points de
cotisation patronale d'assurance maladie sur une nouvelle cotisation assise sur
la valeur ajoutée, soit la modulation du taux de cotisation à
partir d'un critère de valeur ajoutée : les entreprises ayant un
ratio masse salariale/valeur ajoutée inférieur à un
plancher de référence verraient leur cotisation augmenter ;
inversement, les entreprises ayant un ratio supérieur à un
certain plafond bénéficieraient d'une réduction de
cotisation. Ces propositions auraient pour avantage de garantir une
neutralité complète vis-à-vis de la combinaison des
facteurs de production, une assiette des cotisations progressant comme le PIB
marchand, et un impact favorable sur l'emploi par ralentissement de la
substitution du capital au travail. Elles auraient pour inconvénient de
peser sur l'investissement et de pénaliser les secteurs soumis à
la concurrence internationale, elles pourraient entraîner des
délocalisations.
M. Lionel Jospin ayant souhaité pouvoir disposer de nouvelles
informations pour favoriser, notamment, une baisse de charges sur les bas
salaires a confié une mission à M. Edmond Malinvaud. Cette
mission travaille dans le cadre du conseil d'analyse économique et
rendra son rapport avant le 1
er
août conformément
à l'article 6 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
Les conclusions de cette mission seront examinées avec beaucoup
d'attention. Les conclusions du rapport Chadelat ont en effet été
contestées par beaucoup d'entrepreneurs.
La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a notamment
considéré
5(
*
)
que "
si
elles devaient conduire à une opération de redistribution
à somme nulle, ces modifications d'assiette ou de taux constitueraient
un pari très risqué pour l'emploi
". Elle s'est
prononcée pour une baisse nette des cotisations.
Dans cet ordre d'idées, l'économiste Patrick Artus
6(
*
)
s'est prononcé pour le transfert des charges
sociales des entreprises sur l'impôt direct, que ce soit l'impôt
sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés.
Le débat sur la réforme des cotisations sociales patronales est
donc ouvert, mais un consensus s'est établi pour favoriser un
allégement des charges sur les bas salaires, ce qui renforce
l'intérêt de la présente proposition de loi qui pourrait
tout à fait constituer une solution relais.
II. L'ALLÉGEMENT DES CHARGES SUR LES BAS SALAIRES : UN INTÉRÊT CONFIRMÉ PAR L'ANALYSE ÉCONOMIQUE
A. LES ÉLÉMENTS D'INTERPRÉTATION THÉORIQUE
1. Le lien entre baisse des charges sociales et créations d'emplois
Les
économistes rencontrent de nombreuses difficultés lorsqu'il leur
est demandé d'évaluer les effets sur l'emploi d'une baisse des
cotisations sociales employeurs sur les bas salaires.
Les effets sont en effet nombreux et contradictoires, ils s'inscrivent mal dans
le cadre des modèles économétriques ; par ailleurs
l'idée même d'un allégement des charges sociales constitue
un sujet controversé qui fait régulièrement l'objet de
polémiques.
Un consensus existe pour considérer qu'une réduction du
coût moyen du travail se traduit par une baisse du coût de
production et donc une hausse du revenu disponible de l'entreprise
,
toutefois de nombreuses incertitudes demeurent sur l'utilisation de ce revenu.
Ce " surplus " peut en effet être utilisé de trois
manières : une baisse des prix des produits fabriqués par
l'entreprise, une augmentation des profits ou une hausse des salaires nets. Il
est probable que l'entreprise réagira en fonction de plusieurs
critères tels que la nature de sa production, la conjoncture
économique, sa situation financière...
• Premier cas, l'entreprise profite de la baisse du coût du
travail induite par l'allégement des charges pour baisser ses prix. Elle
vendra plus de biens et devra augmenter sa production et donc son recours aux
facteurs travail et capital.
La baisse des prix de l'entreprise peut donc
entraîner une augmentation de l'emploi
. Tout va dépendre de la
sensibilité de la demande adressée à l'entreprise par
rapport aux prix des produits : plus elle est forte, plus l'effet sur l'emploi
sera important.
• Lorsque l'entreprise utilise le " surplus " de revenu
pour augmenter les profits, ceci peut conduire à une hausse de
l'investissement et donc de l'emploi lorsque l'économie rencontre des
problèmes d'offre. C'est le cas lorsque les capacités de
production sont insuffisantes ou non compétitives par exemple. Ce ne
sera pas le cas en régime keynésien d'insuffisance de la demande,
dans ce cas l'entreprise est peu incitée à investir puisque la
demande qui lui est adressée est déjà insuffisante au
regard de ses capacités de production.
• Lorsque l'entreprise affecte le " surplus " à une
augmentation des salaires nets, il peut en résulter une relance de
l'économie favorable à l'emploi lorsque l'économie est en
situation d'insuffisance de demande mais ces augmentations peuvent
également se traduire par un choc inflationniste si l'offre est
contrainte.
•
L'impact sur l'emploi d'une baisse des charges sociales est
donc positif mais son étendue reste déterminée par le
comportement des entreprises et l'état de l'économie
. Le lien
entre le coût du travail et la demande de travail a toutefois fait
l'objet de suffisamment d'études pour que des remarques plus
précises puissent être formulées.
Il semble bien en effet que les décisions des entreprises ne se
limitent pas à choisir simplement entre investir et embaucher, leurs
décisions portent également sur la qualité du travail et
sur le niveau de qualification des salariés recrutés. Les
analyses les plus récentes du marché du travail ont en effet
démontré qu'il existait une multiplicité de marchés
du travail et que tous les travailleurs ne faisaient pas face au même
risque devant le chômage. Il apparaît notamment que le
marché du travail est divisé en segments délimités
par des niveaux de qualification.
Un consensus existe entre les économistes pour considérer que
l'élasticité du coût du travail décroît
lorsque le niveau de qualification augmente
. Autrement dit, plus un
salarié sera qualifié, moins l'entreprise sera sensible à
son coût. Ce résultat vient confirmer l'idée plus ancienne
selon laquelle " l'élasticité-prix de la demande de travail
décroît avec le capital humain accumulé par
l'individu ".
Le travail ne peut donc être considéré comme un facteur
homogène, il se divise
grosso modo
en deux catégories :
- le premier groupe est composé des salariés peu
qualifiés et d'emplois précaires, il subit fortement les
fluctuations conjoncturelles de l'économie.
La demande de travail, et
donc l'emploi de ces salariés, est sensible à une modification du
coût relatif des facteurs et donc à un allégement des
charges sociales ;
- le deuxième groupe se caractérise par un ensemble de
travailleurs fortement différenciés et par une faible
sensibilité de la demande de travail au coût du travail car c'est
davantage la qualification spécifique de l'agent qui détermine
son embauche. Dans ce cas, un allégement des charges sociales pourrait
donner lieu à un effet d'aubaine pour l'entreprise.
L'allégement des charges sociales pour cette dernière
catégorie d'emplois apparaît comme moins nécessaire que
pour la première.
On peut donc considérer que des mesures de réduction des
cotisations sociales concernant le travail peu qualifié doivent avoir
des conséquences assez marquées sur la structure de l'emploi et
des effets bénéfiques d'autant plus forts que le ciblage est
marqué.
Il convient de nuancer cette conclusion à l'aune des travaux les plus
récents réalisés dans le domaine de l'économie du
travail. Si, comme plusieurs études tendent à le
démontrer, les salariés considèrent les cotisations
sociales comme une forme de salaire différé, leur baisse pourrait
conduire à une hausse du salaire net qui amoindrirait d'autant l'effet
sur l'emploi d'une baisse des cotisations sociales. Le dernier effet semble
toutefois concerner plus les cotisations " salariés " que les
cotisations " employeurs ".
2. Les limites de l'efficacité d'une réduction du coût du travail
L'efficacité des politiques actives de lutte contre le
chômage, ciblées sur certaines catégories de travailleurs,
dépend fortement de la nature et des causes des
déséquilibres sur le marché du travail. L'observation,
pour la France (sur la période 1960-1990), du déplacement vers la
droite de la courbe de Beveridge -courbe exprimant la relation
décroissante entre taux de chômage et nombre d'emplois vacants-
suggère que ce profond déséquilibre est la
conséquence de problèmes structurels, liés à une
inadéquation croissante entre l'offre et la demande de qualifications.
Cette inadéquation admet plusieurs causes, mais il existe un large
consensus pour souligner l'importance de l'effet du progrès technique,
de la forte substituabilité entre le travail non qualifié et le
capital et du déplacement de la demande autonome d'un secteur, où
la part des postes non qualifiés est grande (le secteur industriel),
vers des secteurs où les postes sont à contenu en capital humain
plus fort.
La conjugaison de ces effets conduit à une détérioration
de la situation relative des travailleurs les moins qualifiés et
à une baisse de la demande de ce facteur, encore renforcée par
l'effet file d'attente (effet d'éviction par des travailleurs plus
qualifiés). Cela se traduit, en France, par un ajustement vers le bas du
volume d'emploi des moins qualifiés, contrairement aux Etats-Unis ou au
Royaume-Uni, où l'ajustement a été réalisé
par le prix relatif du travail qualifié et du travail non
qualifié.
Si le chômage des salariés peu qualifiés est
essentiellement explicable par ces effets d'inadéquation structurelle et
de file d'attente, l'efficacité d'une politique consistant en une baisse
des coûts portant sur les bas salaires serait atténuée.
L'argument de l'efficacité incertaine des allégements de charges
sociales, évoqué notamment par les opposants à la
proposition de loi à l'Assemblée nationale, est donc recevable
mais il conduit à des conséquences inverses à celles
prônées par ses auteurs.
Le meilleur moyen de résoudre des dysfonctionnements structurels du
marché du travail résiderait alors dans une réforme de la
réglementation du travail et non dans la réduction autoritaire du
temps de travail.
B. LES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE ET L'EMPLOI
1. Les effets sur l'économie
Lorsque
l'on évalue les conséquences d'un allégement des charges
sociales sur l'ensemble de l'économie, on observe que la diminution du
coût du travail engendre une baisse du prix de production qui
entraîne à la fois un accroissement de la
compétitivité et donc une amélioration du solde
extérieur, un abaissement du coût du capital, un accroissement de
la demande par augmentation du pouvoir d'achat du revenu disponible et par un
effet d'encaisses réelles.
Il a déjà été précisé que
l'augmentation des profits pouvait, dans certains cas, conduire à un
accroissement de l'investissement. Celui-ci peut être favorable à
l'emploi, d'autant plus que le travail est substituable au capital. A moyen
terme, l'augmentation de la demande de travail peut donner lieu à des
augmentations de salaires défavorables à la
compétitivité de l'économie.
Pour résumer les mécanismes à l'oeuvre lors d'une baisse
des cotisations sociales non financées (c'est-à-dire avec une
dégradation du solde budgétaire), on peut dire que
l'amélioration de l'emploi résulte principalement à court
terme, de l'ampleur du déficit budgétaire et des effets de
substitution, et à moyen terme, de la répartition des revenus
(hausse des salaires) qui conditionne la compétitivité et, dans
certains cas, la relance de l'investissement.
Lorsque la réduction des cotisations sociales est financée
intégralement, les résultats macro-économiques sont
très différents : à court terme, disparaissent les effets
" keynésiens " de déficit et ce sont principalement les
substitutions et les conséquences des effets-revenu qui jouent. Le moyen
terme est également dépendant des répartitions de revenu,
notamment de la hausse éventuelle des salaires nets due à
l'augmentation de l'emploi, mais aussi de la structure des
prélèvements nécessaires au financement de la
mesure.
2. Les effets sur l'emploi
L'évaluation des effets sur l'emploi des
différentes
mesures d'allégement des charges sociales décidées depuis
1993 a été entreprise
7(
*
)
. Elle
s'avère d'autant plus délicate que le cadre de ces
allégements a beaucoup évolué au cours des années
et que les effets sont longs à apparaître.
Selon le modèle Amadeus de l'INSEE, lorsque la mesure, ciblée sur
les bas salaires, n'est pas financée par un prélèvement
fiscal supplémentaire, les créations d'emploi sont plus fortes
à court terme mais légèrement moins élevées
à moyen-long terme que dans le cas de la même mesure non
ciblée.
Une réduction de 10 milliards de francs des
cotisations sociales sur les bas salaires conduit ainsi à une
augmentation de l'emploi de 40.000 personnes au bout de dix ans.
A long terme, la dynamique macro-économique et le maintien durable des
gains en emploi sont tributaires de la hausse des salaires qu'engendre la
diminution du chômage : si cette hausse est trop rapide, les pertes de
compétitivité érodent progressivement les effets
bénéfiques de la mesure. A très long terme, la mesure
n'aura pratiquement plus d'effet.
Sans financement, c'est-à-dire avec un creusement du déficit des
administrations, les mesures aboutissent à la création de 209.000
emplois au bout de cinq ans. Ce résultat est à rapprocher de ceux
qui peuvent être déduits des autres exercices : 280.000 emplois
avec Amadeus, 250.000 à 350.000 pour le CSERC, 275.000 pour Metric
(cité par le CSERC). Avec un modèle d'équilibre
général appliqué, on obtient une fourchette de 300.000
à 480.000 emplois.
Si l'on rapporte le déficit
ex ante
de l'ordre de 50 milliards de
francs au nombre moyen d'emplois créés issu de toutes les
études disponibles (environ 300.000), on obtient le chiffre de 170.000
francs par emploi créé. Même
ex post
, en tenant
compte du déficit résiduel, le coût de chaque emploi
créé reste élevé : 120.000 francs.
Les économistes qui ont réalisé ces calculs
considèrent que ces résultats ne prennent pas en compte les
effets d'aubaine, les effets de seuil ou encore les modifications du
progrès technique induites par celle des coûts des facteurs ou la
création de nouvelles activités intensives en main-d'oeuvre peu
qualifiée.
Par ailleurs, si les études mettent en évidence les substitutions
entre le travail et les autres facteurs de production ou entre les
différentes catégories de travail, les estimations
économétriques portant sur la demande de travail, à
travers des modèles très diversifiés ne permettent pas
d'évaluer très précisément
l'élasticité de la demande de travail à son coût.
Elle se situerait dans une fourchette comprise entre - 1 et - 0,1, même
si des études récentes semblent militer en faveur d'une certaine
robustesse de la liaison coût du travail-demande de travail.
Les experts insistent par ailleurs sur la nécessité d'une
stabilité des prix pour que les gains en emplois soient durables. Par
conséquent, la réussite d'une telle politique d'allégement
des coûts sur les bas salaires est tributaire de la maîtrise de la
spirale prix-salaires, faute de quoi les gains de cette politique ne seraient
que provisoires.
Les effets d'une politique d'allégement des charges sociales sur les bas
salaires sont donc réels. Ils devraient être, à terme,
d'autant plus importants que les allégements seront massifs et
durables.
III. UNE POLITIQUE REMISE EN QUESTION ?
A. UNE POLITIQUE EN CONSTANTE ADAPTATION
1. La proportion des bas salaires augmente dans le total des emplois
Une
politique d'allégements massifs des charges pesant sur les bas salaires
doit être appréciée au regard de l'importance et des
caractéristiques de cette catégorie de salariés dans
l'ensemble de l'économie.
Les données statistiques disponibles tendent à montrer que le
nombre d'emplois peu rémunérés augmente dans le total des
emplois, une étude récente
8(
*
)
montre que ce sont les emplois à très bas salaires qui
progressent le plus
Fin 1997, environ un salarié sur six, soit 2,8 millions de
personnes, occupaient des emplois à bas salaires. On entend par bas
salaires des salaires inférieurs ou égaux aux 2/3 du salaire
médian (7.300 francs nets en 1997) soit 4.837 francs nets, les
très bas salaires sont ceux au plus égaux à la
moitié du salaire médian soit 3.650 francs nets en 1997.
Entre 1983 et 1997, la proportion des salariés percevant un bas salaire
est passée de 11,4 % à 15,1 %. Si l'on considère
la distribution des salaires tous emplois confondus, c'est-à-dire en ne
distinguant pas les salariés à temps complet et à temps
partiel, la progression de la part des bas salaires résulte
principalement de celle des très bas salaires, ceux inférieurs
à la moitié du salaire médian : entre 1983 et 1997, leur
part dans l'ensemble des salariés a doublé passant de 5 % en
1983 à 10 % en fin de période. La part des salaires compris
entre la moitié et les 2/3 du salaire médian a, en revanche,
légèrement diminué.
Proportion de salariés à bas salaire, ensemble
des
emplois
(temps complet et temps partiel)
Champ : salariés hors apprentis et
assimilés
Source : enquêtes Emploi, INSEE
Proportion de salariés à bas salaire, temps complet seulement
Champ : salariés à temps complet, hors
apprentis et assimilés
Source : enquêtes Emploi, INSEE
Dans une large mesure, près de 65 % en 1990, environ 77 % en
1997, des emplois à bas salaires sont des emplois à temps
partiel. La progression de la part des bas salaires accompagne donc celle du
travail à temps partiel, qui représente 17 % de l'ensemble
des emplois en 1997, contre 11,8 % en 1990 et 8 % au début des
années 1980. Cette hausse s'est accompagnée d'une progression
sensible de la part du temps partiel " subi ".
En mars 1997, 43,5 % des salariés à temps partiel
déclaraient souhaiter travailler davantage, contre 37 % en 1990.
Quatre groupes composent la population des salariés à bas salaire
: le premier est composé essentiellement de salariés travaillant
au moins 30 heures hebdomadaires ; il s'agit plutôt d'hommes
possédant des qualifications ouvrières et travaillant dans
l'industrie, l'agriculture ou, moins souvent, dans le commerce et les services
aux entreprises. Le second groupe est caractérisé par l'emploi
à temps partiel ; il s'agit plutôt de femmes, de salariés
qui accèdent ou retrouvent un emploi, d'employés occupés
dans le tertiaire ; ce groupe se situe plutôt dans la zone des
très bas salaires. Les deux derniers groupes, assez isolés, sont
d'une part celui des emplois aidés (plutôt des anciens
chômeurs, des femmes) et, d'autre part, celui des " très
petits horaires ", c'est-à-dire des emplois d'une durée
hebdomadaire inférieure à 15 heures pour lesquels on observe
des niveaux de qualification hétérogènes.
Tous ces éléments démontrent que les emplois
précaires et mal payés ne sont pas l'apanage des pays
anglo-saxons. A cet égard, les récentes déclarations de M.
Lionel Jospin, Premier ministre, lors de sa visite aux Etats-Unis, traduisent
une prise de conscience nouvelle sur la performance américaine en
matière de création d'emplois et devraient renforcer les tenants
d'une baisse du coût du travail, notamment sous la forme
d'allégements des charges sociales.
2. Les allégements de charges sociales ont été concentrés sur les bas salaires
Afin
d'abaisser le coût du travail peu qualifié, les allégements
de cotisations sociales sur les bas salaires ont été
progressivement développés depuis l'été 1993.
La loi n° 93-353 du 27 juillet 1993 a instauré une
exonération des cotisations patronales d'allocations familiales pour les
salaires jusqu'à 1,1 SMIC et une réduction de moitié
pour ceux compris entre 1,1 et 1,2 SMIC. Plus qu'une première
étape d'un allégement général des cotisations sur
les bas salaires, cette mesure se présentait comme l'ébauche
d'une suppression progressive des cotisations patronales d'allocations
familiales, la charge du financement des prestations familiales devant
être assumée par le budget général.
La loi quinquennale sur l'emploi et la formation professionnelle
n° 93-1313 du 20 décembre 1993 a repris les dispositions
d'exonération de cotisations famille sur les bas salaires en les
insérant dans une programmation sur cinq ans qui porte progressivement
le seuil à 1,5 SMIC pour l'exonération complète et
1,6 SMIC pour l'exonération de moitié. Le dispositif a
été défini dans une logique de soutien à l'emploi
peu qualifié. En ajoutant à ce dispositif une réduction
dégressive des cotisations sociales entre le SMIC et 1,2 fois le SMIC,
la loi n° 95-943 du 4 août 1995, comportant un dispositif
d'urgence pour l'emploi, a fait porter encore davantage l'accent sur l'emploi
peu rémunéré.
Cette orientation a été confirmée par la loi de finances
pour 1996 qui a réuni, à titre expérimental, ces deux
dispositifs au 1
er
octobre 1996. La réduction
dégressive était alors comprise entre le SMIC et 1,33 SMIC.
Ce dispositif était prévu pour durer jusqu'au 1
er
janvier 1998. Au-delà de cette date, la loi de finances prévoyait
que l'exonération des cotisations d'allocations familiales
définie par la loi quinquennale serait reprise, avec un calendrier
décalé ; les seuils de 1,5 et 1,6 SMIC seraient atteints au
1
er
janvier 2000 ; dans le même temps, la réduction
dégressive définie par la loi du 25 août 1995 serait
à nouveau en vigueur. En définitive, le Gouvernement actuel a
préféré pérenniser le dispositif de
réduction dégressive de cotisations patronales de
sécurité sociale sur les bas salaires applicables depuis octobre
1996, tout en y apportant plusieurs modifications, plutôt que revenir au
système précédemment en vigueur.
L'article 115 de la loi de finances n° 97-1269 du 30 décembre
1997 a rétabli le principe de la proratisation pour le travail à
temps partiel, il a également ramené le plafond de
rémunération mensuelle à 1,3 SMIC. L'ensemble de ces
mesures, ainsi que le gel à son niveau actuel du montant maximum de
réduction prévu par décret devait permettre une
économie de l'ordre de 6,5 milliards de francs.
La commission des Affaires sociales, qui a soutenu l'effort
réalisé depuis 1993 pour alléger le coût du travail
autour du SMIC, a déploré lors de l'examen de la loi de finances
pour 1998
9(
*
)
que cette politique soit remise en
cause sous prétexte qu'elle ne suscitait pas suffisamment de
créations d'emploi. Or, comme le soulignaient les rapporteurs
MM. Louis Souvet et Jean Madelain
" l'efficacité de ces
mesures d'allégement n'a véritablement d'effet que si ce qui est
accordé d'un côté n'est pas repris de l'autre et si un
climat de confiance en l'avenir règne ".
Ils évaluaient
à 2,5 milliards de francs la charge financière que devraient
supporter les entreprises du fait de la baisse de 1,33 à 1,3 SMIC
du seuil d'exonération des bas salaires.
Pour un salaire au niveau du SMIC, l'allégement est maintenant de
1.210 francs, ce qui représente un allégement de 12,6 %
du coût du travail à comparer aux 13 % avec l'ancien
dispositif. Par ailleurs, cette somme constitue désormais un plafond et
ne sera par conséquent plus revalorisée avec le SMIC. Autrement
dit, chaque hausse du SMIC réduira proportionnellement
l'allégement. Le nombre de salariés concernés qui se monte
à l'heure actuelle à près de 6 millions devrait donc
être amené à baisser.
(En millions de francs)
|
LFI 1997 |
PLF 1998 |
% |
V - ALLÉGEMENT DU COÛT DU TRAVAIL |
42.810,87 |
43.865,00 |
2,5 |
A - 1er/50ème salarié (Chapitre 44-78) |
764,54 |
350,00 |
- 54,2 |
B - Zones franches |
725,43 |
350,00 |
- 51,2 |
C - Associations |
91,04 |
0,00 |
- 100,0 |
D - Autres exonérations |
0,00 |
160,00 |
0,0 |
E - Exonération des cotisations familiales (BCC) |
175,00 |
527,00 |
201,1 |
F - Ristourne dégressive de cotisations sociales (BCC) |
40.349,96 |
41.773,00 |
3,5 |
G - Fonds DOM (BCC) |
704,90 |
705,00 |
0,0 |
Cette
mesure d'économie budgétaire a été
accompagnée d'autres dispositions défavorables aux
exonérations de cotisations sociales, notamment en matière de
travail à temps partiel.
Dans le cadre de la loi de finances pour 1998, ce sont finalement
40 milliards de francs qui ont été inscrits au budget des
charges communes alors que si la mesure avait été reconduite
à législation inchangée, les crédits
nécessaires se seraient élevés à près de
47 milliards de francs.
B. UNE POLITIQUE REMISE EN QUESTION PAR LE GOUVERNEMENT
1. Les limites apportées aux allégements de charges
L'augmentation du nombre de salariés à bas
salaires ne
constitue pas,
a priori
, une nouvelle réjouissante. Chacun a bien
conscience en effet des difficultés qu'il peut y avoir pour vivre avec
moins de 4.800 francs nets par mois, l'accès au logement et aux soins
peuvent devenir des plus difficiles, certains de ces salariés peuvent
avoir des charges familiales. Toutefois, si dans l'absolu on peut regretter que
l'économie ne crée pas plus d'emplois mieux
rémunérés, force est de constater que ces emplois à
bas salaires peuvent constituer une piste pour aider des personnes à
sortir du chômage, une étape d'un parcours vers un emploi stable
et convenablement rémunéré.
Dans ces conditions, des aides financières pour aider au
développement de cette catégorie d'emplois peuvent trouver tout
leur sens. Or depuis un an le gouvernement a décidé de revenir
sur un certain nombre de dispositions qui encourageaient le
développement du travail à temps partiel ou l'allégement
des charges sociales sur les bas salaires.
Outre les limites apportées à la ristourne dégressive sur
les charges sociales pesant sur les bas salaires, la loi de finances pour 1998
comportait des réductions sur trois mesures d'allégements de
charges dans certaines zones prioritaires. Il s'agit de l'exonération
à l'embauche du 2
ème
au
50
ème
salarié dans les zones de revitalisation
rurale et de redynamisation urbaine, instituée par la loi du 4
février 1995 modifiée par la loi relative à la mise en
oeuvre du pacte de relance pour la ville (-54,2% à 350 millions de
francs) et de l'exonération de cotisations patronales de
sécurité sociale au titre des cinquante premiers salariés
des entreprises situées dans les zones franches urbaines du pacte de
relance pour la ville (-51,8% à 350 millions de francs). Par ailleurs
les crédits concernant la compensation par l'Etat de
l'exonération des associations pour l'embauche d'un premier
salarié, au titre de l'article 9 de la loi du 24 juin 1996 portant
diverses mesures en faveur des associations a été
supprimée.
Exonérations de cotisations sociales liées aux mesures emploi
(En milliards de francs)
|
1994 |
1995 |
1996 |
LFI 1997 |
PLF 1998 |
Exonérations compensées |
18,9 |
29,0 |
52,7 |
62,1 |
59,5 |
Exonérations non compensées |
12,8 |
14,6 |
15,0 |
15,7 |
16,0 |
Total |
31,7 |
43,6 |
67,7 |
77,8 |
75,5 |
Les exonérations non compensées pour 1997 et 1998 sont prévisionnelles.
Exonérations de cotisations sociales compensées
(En milliards de francs)
|
LFI 97 |
PJLF 98 |
Réduction de charges sociales sur les bas salaires |
40,3 |
41,8 |
Contrat initiative-emploi |
10,79 |
6,0 |
Apprentissage |
4,2 |
4,9 |
Contrat de qualification |
2,8 |
2,1 |
Exonérations de cotisations sociales non compensées
(En milliards de francs)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 (prév.) |
Contrats emploi solidarité (CES) |
4,4 |
4,8 |
4,5 |
3,9 |
Contrats emploi consolidé |
0,1 |
0,4 |
0,8 |
1,3 |
Embauche 1er, 2ème et 3ème salariés |
2,8 |
2,9 |
2,8 |
2,8 |
Temps partiel |
1,3 |
0,9 |
1,1 |
2,5 |
Divers* |
0,8 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
Sous-total |
9,4 |
10,2 |
10,4 |
11,7 |
Emplois familiaux |
3,4 |
4,1 |
4,4 |
4,0 |
Total |
12,8 |
14,3 |
14,8 |
15,7 |
Source : ACOSS et Direction de la sécurité
sociale
* contrat local d'orientation, contrat d'insertion, Rmistes, cumul temps
partiel-allégement allocations familiales, exo jeunes.
La remise en question des allégements de charges sociales a pris enfin
la forme d'un abandon du plan textile, condamné il est vrai par les
instances européennes. Plutôt que de procéder à une
généralisation des allégements, comme le propose la
présente proposition de loi, le Gouvernement a décidé de
reconduire un dispositif minimal en s'inspirant de la " règle des
minimis ", l'aide est limitée à un plafond de 650.000 francs
pour chaque entreprise sur une période de trois ans s'achevant le 31
décembre 1998.
Sans craindre d'accroître la confusion, le Gouvernement a
décidé de financer le coût de cette mesure, estimée
à 500 millions de francs, par un prélèvement
" exceptionnel " sur les fonds de la formation en alternance (AGEFAL).
La commission des Affaires sociales a dénoncé cette pratique lors
de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier
10(
*
)
. Elle s'est
étonnée en particulier que le Gouvernement ait
décidé de financer un semblant de plan textile avec des fonds
destinés aux contrats de qualification.
2. La priorité donnée aux emplois-jeunes et à la réduction du temps de travail
Le
Gouvernement a décidé de redéfinir le contenu des
politiques de l'emploi autour de deux dispositifs qui occupent désormais
une place éminente : les emplois-jeunes et les 35 heures. Ces deux
mesures constituaient l'essentiel du programme du parti socialiste en
matière d'emploi lors des dernières élections
législatives.
• Les emplois-jeunes ont été mis en place dans la
foulée du vote de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. 70.000
jeunes auraient signé un contrat emploi-jeune huit mois après le
vote de la loi. Les premières statistiques révèlent que
plus des trois-quarts de ces emplois ont été créés
dans l'administration que ce soit à l'Education nationale, dans la
police ou auprès du ministère de la justice. Or, dans
l'avant-projet de loi, il n'était fait nulle mention de ces emplois
à caractère public, les emplois-jeunes devaient se
développer dans le secteur marchand autour d'activités
émergentes. Ces activités étaient sensées devenir
pérennes et rentables de telle manière que l'aide de l'Etat de
90.000 francs par an puisse prendre fin sans porter atteinte à l'emploi.
Force est de constater que le Gouvernement est loin d'avoir atteint ses
objectifs. Les emplois dans l'administration risquent fort de se traduire par
une augmentation du nombre de fonctionnaires d'ici cinq ans alors que, faute de
formation suffisante et d'encadrement, les emplois-jeunes dans le secteur non
marchand se cantonnent trop souvent à des emplois fictifs dont la
principale vertu est d'ordre statistique.
Faut-il rappeler que le Sénat avait proposé des solutions
originales pour assurer un développement durable d'activités
nouvelles dans le secteur privé
11(
*
)
? La
commission des Affaires sociales avait notamment demandé lors de
l'examen du texte à ce qu'un encadrement sérieux soit mis en
place ainsi qu'une véritable formation. Elle avait imaginé une
" migration accélérée " des activités
vers le secteur privé avant le terme des cinq ans pour favoriser la
professionnalisation des emplois. Elle avait souhaité également
que l'accent soit mis sur l'apprentissage, notamment dans le secteur public.
Hormis ce dernier point sur lequel elle a obtenu satisfaction, l'ensemble de
ses propositions a été rejeté. On constate aujourd'hui
qu'elles auraient permis à cette loi d'atteindre ses objectifs et
à des milliers de jeunes d'accéder à un véritable
emploi.
• La loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail, plus
communément appelée " loi sur les 35 heures " constitue
le second volet de la politique gouvernementale de lutte contre le
chômage.
Son article 1er est le plus emblématique puisqu'il abaisse la
durée légale du travail effectif des salariés à
trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 dans les
entreprises de plus de vingt salariés et à compter du 1er janvier
2002 pour les autres.
Sans entrer dans le détail des nombreux problèmes que pose ce
texte et qui ont été mis en évidence par notre
collègue Louis Souvet, rapporteur au nom de la commission des Affaires
sociales
12(
*
)
, il peut être utile de
rappeler les premières conséquences qui peuvent être
observées sur l'emploi.
L'incertitude demeure dans l'esprit des chefs d'entreprise et influence leurs
décisions d'embauche, plus de la moitié des créations
d'emplois transitent par le biais de l'intérim. Les entrepreneurs
attendent des précisions quant à l'évolution de la future
rémunération minimale et la rémunération des heures
supplémentaires. Ils se posent des questions sur les conditions de
travail des cadres et le régime du travail à temps partiel.
Pour prévenir toute mauvaise surprise, les entreprises ont
commencé à anticiper le surcoût à venir induit par
les majorations pour heures supplémentaires liées à la
baisse de la durée légale du travail. La politique salariale est
revue à la baisse, c'est ainsi que la fourchette des augmentations
moyennes en 1998 pour les ouvriers et les employés ne serait selon le
cabinet Hay Management que de 1,9 % à 2,1 % et de 2 %
à 2,3 % pour les agents de maîtrise, alors que la croissance
économique approche les 3,5 %.
Dans nombre d'entreprises, la réduction du temps de travail ne fait
qu'accélérer et amplifier certaines tendances de fond
déjà constatées dans les stratégies salariales que
ce soit en termes de recours à des rémunérations variables
ou individualisation des salaires.
L'inconnue demeure toujours l'impact de la loi en termes de créations
d'emplois ; malgré la modération salariale, les entreprises sont
nombreuses à considérer qu'elles ne devraient pas modifier leur
politique de recrutement. Dans ces conditions, le Gouvernement se trouverait
dans une position difficile à l'aube de l'entrée en vigueur de
l'abaissement de la durée légale du travail.
IV. UNE POLITIQUE QU'IL CONVIENT D'AMPLIFIER
A. UNE PROPOSITION DE LOI QUI MÉRITE UN VÉRITABLE DÉBAT
1. Une proposition déjà évoquée à l'Assemblée nationale
•
La présente proposition de loi reprend les termes de la
proposition n° 628 tendant à alléger les charges sur
les bas salaires déposée à l'Assemblée nationale
par MM. François Bayrou, Jean-Louis Debré, Jacques Barrot,
Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin et les membres des groupes UDF et
RPR.
Dans l'exposé des motifs, les signataires considéraient à
juste titre que "
seules les entreprises du secteur marchand
(pouvaient) créer les emplois durables et porteurs de valeur
ajoutée qui permettront un redémarrage de la croissance, de
l'investissement et de l'emploi
". Ils rappelaient l'efficacité
de l'outil des réductions de charges "
pour protéger et
créer des emplois en ciblant la mesure sur les bas salaires et les
emplois peu qualifiés qui sont les plus exposés aux risques de
chômage
".
Ils observaient, enfin, que l'expérience du plan textile avait
été finalement peu coûteuse pour les finances publiques
car, "
si les charges qui pèsent sur chaque emploi ont bien
été allégées, il y a plus d'emplois à
l'arrivée et, par voie de conséquence, de nombreux demandeurs
d'emploi, à la charge des organismes d'indemnisation du chômage,
sortent de ces dispositifs et allègent donc leurs
dépenses
".
Ces arguments conservent bien évidemment toute leur pertinence. Le
débat a d'ailleurs montré l'existence d'un certain consensus
quant à la capacité créatrice d'emplois des
allégements de charges sociales. Les différends ont porté
essentiellement sur le nombre d'emplois créés rapporté au
coût, donc sur l'efficacité du dispositif.
• La proposition de loi n° 628 a été
rapportée devant la commission des Affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale le 28 janvier 1998 par
M. Yves Nicolin.
A cette occasion, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a
déclaré
13(
*
)
que
la
condamnation du plan textile par la commission européenne au motif qu'il
ne concernait qu'un seul secteur économique militait pour la
généralisation de ce type d'aide
. Elle a observé que
les gisements d'emplois se trouvaient notamment dans le secteur tertiaire
où le coût trop élevé du travail, par exemple pour
les entreprises de restauration ou d'hôtellerie et les services d'aide
à la personne représentait un obstacle à l'embauche.
Par ailleurs, M. Yves Nicolin a considéré
14(
*
)
que "
le dispositif proposé avait
été envisagé par le précédent ministre des
Affaires sociales à la suite de la condamnation du plan textile par la
Commission européenne en mai 1997
".
M. René Couanau a souligné
15(
*
)
que la question de l'emploi supposait que l'on procède à une
réflexion d'ensemble sur les différents éléments
susceptibles de réduire le chômage : la stimulation de la
croissance, la baisse des charges sociales -que le projet de loi sur la
réduction du temps de travail introduit d'ailleurs de manière
opportune et contractuelle-,
l'aménagement et la réduction du
temps de travail déjà entreprise avec la loi de Robien
et
enfin l'activation des dépenses passives d'assurance-chômage.
Concernant spécifiquement l'allégement des charges, il a
rappelé que le groupe de travail constitué sous la
précédente législature avait conclu à un
effet
positif sur l'emploi à moyen terme
, à condition que la baisse
soit importante, durable et ciblée sur les bas salaires des industries
de main-d'oeuvre. Il a estimé qu'il conviendrait d'y ajouter un
engagement ferme des entreprises à créer des emplois, de
manière contractuelle.
Il a jugé très regrettable que la majorité adopte une
attitude de blocage à l'égard de cette proposition de loi
au nom du mythe inspiré de l'histoire sociale de ce pays que sont les
trente-cinq heures et refuse le débat en déposant des amendements
de suppression des articles.
M. Jean Le Garrec a ensuite annoncé qu'il retirait les amendements de
suppression. A l'issue du débat, la commission des affaires culturelles,
familiales et sociales a décidé de suspendre l'examen de la
proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.
Comme l'a montré le débat devant la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale,
l'argumentation en faveur de l'abaissement des charges sur les bas salaires
tient en cinq points :
1) il a des effets positifs sur l'emploi ;
2) la généralisation des allégements est une
réponse à la condamnation du plan textile ;
3) ce mécanisme avait été envisagé par le
précédent gouvernement en liaison avec les instances
européennes, il est donc conforme aux règles de la concurrence ;
4) il est complémentaire d'autres dispositifs comme la
réduction du temps de travail librement négociée ;
5) l'actuelle majorité lui oppose un refus de principe qui n'est
pas sérieusement motivé.
• La proposition de loi n° 628 a été
examinée en séance publique par l'Assemblée nationale le
30 janvier 1998, lors de la séance mensuelle réservée
par priorité à un ordre du jour fixé par
l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3
de la Constitution et conformément à l'article 48,
alinéa 6 du Règlement de l'Assemblée nationale. Le
débat a donc eu lieu au moment même où l'Assemblée
nationale examinait, en première lecture, le projet de loi d'orientation
et d'incitation à la réduction du temps de travail.
Cette coïncidence a été l'occasion, pour le rapporteur,
M. Yves Nicolin, de déclarer
16(
*
)
que "
la solution de l'opposition au problème du chômage
passait par la baisse des charges qui pèsent sur l'emploi et la
généralisation du plan textile
".
Le rapporteur a bien insisté sur la complémentarité des
allégements de charges avec les autres politiques de l'emploi ; il a
notamment déclaré que "
la réduction du temps de
travail, sous réserve qu'elle soit menée dans certaines
conditions, pouvait être un outil
". Si cette proposition de loi
a pu être considérée comme une "
alternative aux
trente-cinq heures
", c'est en tant qu'alternative à la baisse
de la durée légale du temps de travail. Plutôt que de
contraindre les entreprises à entrer dans le même moule des
trente-cinq heures, il est loisible de penser qu'il serait
préférable de faire coexister plusieurs formules
complémentaires, souples et facultatives, aptes à couvrir
l'ensemble des besoins des entreprises en matière d'organisation du
travail.
Il convient en effet de rappeler que la présente proposition de loi
comporte des garanties en termes d'emploi comparables à celles inscrites
dans les différents textes sur la réduction du temps de travail.
Comme le précisait le rapporteur de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales : "
l'allégement des charges
sociales (...) serait subordonné à la conclusion de
conventions-cadres entre l'Etat et les branches professionnelles, (lesquelles)
comporteraient des garanties négociées concernant le maintien et
le développement de l'emploi
".
17(
*
)
Toujours lors du débat en séance publique, Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré que
"
le Gouvernement était convaincu que la réduction du
temps de travail et l'abaissement des charges sociales n'étaient pas
incompatibles
18(
*
)
" ; elle a notamment
estimé que le Gouvernement avait maintenu le système de la
ristourne dégressive parce qu'il pensait que, compte tenu de
l'accélération de la croissance, il pourrait avoir, à
terme, des effets plus importants que les 50.000 emplois
créés par an jusqu'à présent.
Malgré ces déclarations qui auraient pu laisser penser que le
Gouvernement souscrirait à une extension des allégements de
charges, ce dernier s'est prononcé contre la proposition de loi et
celle-ci a été rejetée par l'Assemblée
nationale.
2. Une proposition de loi reprise au Sénat
La
proposition de loi n° 628 ayant été rejetée par
l'Assemblée nationale sans que ses articles n'aient été
examinés et l'allégement des charges sur les bas salaires
conservant tout son intérêt dans la lutte contre le chômage,
M. Christian Poncelet, président de la commission des Finances a pris
l'initiative de déposer une proposition de loi
19(
*
)
en termes identiques au Sénat, elle a
été cosignée par MM. Jean-Pierre Fourcade, Josselin de
Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt.
Dans l'exposé des motifs, les signataires remettent en question les
arguments avancés par l'Assemblée nationale pour justifier le
rejet de la proposition de loi.
Ils font par exemple état d'une recommandation de la commission
européenne en date du 25 mars dernier comme quoi les marges
budgétaires retrouvées devaient être consacrées
à la réduction des charges sociales pesant sur les bas salaires
en particulier.
Ils rappellent les conclusions de travaux récents comme ceux du Conseil
supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC), de
Rexecode ou de la Fondation Saint-Simon qui préconisaient, toutes, une
augmentation des allégements de charges sociales sur les bas salaires.
Les signataires de la proposition de loi insistent en particulier sur la
nécessité d'inscrire cet effort dans la durée afin de
préserver le caractère structurel de cette réforme. Ils
déplorent les remises en cause réalisées lors de la
dernière loi de finances.
Ils constatent que "
c'est l'ensemble d'une politique de l'emploi qui a
fait ses preuves qui se trouve aujourd'hui remise en cause, la priorité
gouvernementale étant donnée, désormais, par principe,
à la réduction du temps de travail à 35 heures
hebdomadaires
".
Les signataires de la proposition de loi ont également constaté
que le Gouvernement avait partiellement souscrit à l'objectif du texte
en introduisant dans la loi sur les trente-cinq heures une majoration de l'aide
forfaitaire à la réduction du temps de travail pour les
entreprises de main d'oeuvre. Ils ont toutefois regretté que cette aide
serve uniquement à financer le surcoût lié au dispositif
lui-même qui a pour effet d'augmenter le coût du travail peu
qualifié.
Votre commission des Affaires sociales souscrit à l'ensemble de ces
arguments qui mettent en lumière les contradictions de la politique
gouvernementale.
B. UNE PROPOSITION DE LOI QUI S'INSCRIT DANS LA DURÉE
1. Un dispositif qui généralise en trois ans un allégement massif des charges sociales
La
présente proposition de loi a pour objet de faire franchir une nouvelle
étape à la politique d'allégement des charges et de
consolider l'application de cette politique dans le secteur du textile, du cuir
et de l'habillement, où l'expérience conduite depuis 1996 a
particulièrement bien réussi.
Elle prévoit une généralisation progressive des baisses de
charges en fonction de la proportion des bas salaires et des travailleurs
manuels dans chaque entreprise et selon un calendrier précis. Une
montée en puissance progressive de l'extension des allégements de
charges permet d'assurer une maîtrise budgétaire du dispositif,
elle permet également de limiter les effets de seuils dans cette phase
délicate.
Les emplois les plus sensibles au coût du travail se trouvant dans les
entreprises dans lesquelles la part de la main-d'oeuvre dont la
rémunération est proche du SMIC et la part de la main-d'oeuvre
ouvrière sont les plus importantes ; la proposition de loi
prévoit de prendre en compte ces deux critères en calculant le
produit du nombre de salariés recevant jusqu'à 1,33 SMIC par
le nombre de travailleurs manuels rapportés au nombre total
d'employés. Ce produit peut être considéré comme un
bon indicateur des entreprises à aider en priorité : plus il
est élevé, plus la réduction de charges sociales serait
importante dès l'entrée en vigueur du présent texte.
L'article premier de la proposition de loi prévoit que, dans un premier
temps, les baisses des charges seront modulées en retenant trois
modalités de calcul différentes à partir du 1
er
janvier 1999 :
- bénéficieront d'une réduction de charges
équivalente à 26 % du SMIC au niveau du SMIC (soit 1.730
francs), réduction dégressive qui s'annule à
1,4 SMIC, les entreprises ayant le plus fort taux de travailleurs manuels
et à bas salaire (entreprises dont le produit P est supérieur
à 0,36). Ces entreprises sont particulièrement nombreuses dans
les secteurs de l'agriculture, du textile-habillement-cuir-chaussure, des
services aux personnes, de l'agro-alimentaire, du bois et des
équipements du foyer.
Ces entreprises qui emploient 18 % des bas salaires français,
23 % des ouvriers ;
- bénéficieront d'une réduction de charges
dégressive équivalant à 22 % du SMIC au niveau du
SMIC (soit 1.470 francs), qui s'annule à 1,36 % du SMIC, les
entreprises qui sont particulièrement nombreuses dans les secteurs du
BTP, du commerce et réparation automobile et des minéraux
(entreprises dont le produit P est compris entre 0,20 et 0,36).
Ces entreprises qui emploient 13 % des bas salaires français,
21 % des ouvriers :
- bénéficieront d'une réduction de charges
dégressive équivalant à 18,2 % du SMIC au niveau du
SMIC (soit 1.213 francs), qui s'annule à 1,33 % du SMIC, les autres
entreprises (celles dont le produit P est inférieur à 0,20).
Au 1
er
janvier 2000, puis au 1
er
janvier 2001, on
applique progressivement à l'ensemble de l'économie une
réduction de charges équivalant à 26 % du SMIC (soit
1.730 francs) supprimant ainsi toute complexité, c'est l'objet des
articles 2 et 3 de la présente proposition de loi.
2. Un dispositif qui privilégie la création d'emplois durables
Bien entendu, on pourra considérer que la montée en puissance du dispositif nécessite un dispositif technique assez compliqué, toutefois les chefs d'entreprises sont maintenant assez familiers des mesures d'allégement de charges et le déploiement de l'aide se fera naturellement sans qu'il soit besoin de procéder au moindre calcul, puisque c'est la situation de l'entreprise, diagnostiquée au départ, qui déterminera le calendrier des allégements qui lui sera applicable.
Calendrier de l'extension de l'allégement des charges
sur
les bas salaires
selon la proportion de bas salaires et de
main-d'oeuvre
|
Produit P
=
(
nombre de salariés recevant
jusqu'à 1,33 SMIC
) x (
nombre de travailleurs manuels
)
|
||
|
P > 0,36 |
0,20 < P < 0,36 |
P < 0,20 |
1999 |
Réduction applicable jusqu'à 1,4 SMIC dans la limite de 1.730 francs par mois |
Réduction applicable jusqu'à 1,36 SMIC dans la limite de 1.470 francs par mois |
Réduction applicable jusqu'à 1,33 SMIC dans la limite de 1.213 francs par mois |
2000 |
Réduction applicable
jusqu'à 1,4 SMIC
|
Réduction applicable jusqu'à 1,36 SMIC dans la limite de 1.470 francs par mois |
|
2001 |
Réduction applicable jusqu'à 1,4 SMIC dans la limite de 1.730 francs par mois |
Le
coût de ce dispositif comme ses modalités de financement ont pu
être considérés comme des obstacles à sa mise en
oeuvre.
Ainsi, lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Martine
Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a fait état
d'une estimation qui chiffrait ce coût à 30 milliards par an, ce
qui, compte tenu des 40 milliards que coûte déjà la
ristourne dégressive, porterait à 70 milliards de francs le
coût des allégements de charges sur les bas salaires.
Il ne peut être question de s'engager ici dans une bataille de chiffres ;
les estimations sont très difficiles lorsque l'on cherche à
évaluer ce genre de dispositif. Il convient seulement de rappeler que M.
Yves Nicolin, rapporteur de l'Assemblée nationale estimait le coût
total de ce dispositif à 21 milliards de francs qu'il comparait au
coût estimé à 75 milliards de francs de la
généralisation de la réduction du temps de travail.
En fait, comme c'était le cas pour la réduction du temps de
travail dans le dispositif " de Robien ", ces allégements
généreront des recettes publiques grâce aux emplois
créés ; ils s'autofinanceront donc avec un léger
décalage nécessaire pour créer ces emplois, même si
l'exemple du textile montre que l'impact sur l'emploi peut être
immédiat et l'autofinancement largement assuré.
Cependant, et pour des raisons évidentes de recevabilité, la
proposition de loi est gagée par une taxe additionnelle aux taxes
prévues aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts (article 4). Il s'agit de la taxe sur les tabacs.
De toute façon, une réforme des différents dispositifs
d'aide à l'emploi permettrait d'éviter, le cas
échéant, que le coût lié à la montée
en puissance du dispositif ne se répercute sur les finances publiques.
Par ailleurs, on pourrait s'étonner que l'on mette en avant le seul
coût d'un dispositif de lutte contre le chômage pour justifier son
rejet. Lorsque plusieurs millions de personnes sont confrontées chaque
jour à la détresse de l'inactivité et de l'insuffisance de
revenu, lorsque le risque de l'exclusion pointe avec son cortège de
souffrances, seules l'efficacité des dispositifs créés et
l'utilité des activités aidées devraient être prises
en compte.
Baisse des charges : l'exemple de la région Auvergne
Partant
du constat que le montant des charges patronales constituait un
véritable " mur de l'emploi ", M. Valéry Giscard
d'Estaing, président de la région Auvergne, a initié un
dispositif d'exonération massive des cotisations sociales en
contrepartie de créations d'emplois.
L'objectif est de ramener à 10 % du SMIC brut payé, soit
666,36 francs le montant des charges patronales afin d'abaisser le
coût du travail.
La région Auvergne prend en charge la différence entre le total
des charges sociales patronales et l'objectif à atteindre, compte tenu
des abattements de droit commun.
Le calcul de la prime sur la base d'un SMIC
Les charges patronales SMIC brut 6.663,67 francs
charges nettes 2.976,00 francs
cas moyen 10 salariés CDI
soit un coût par salarié par mois de : 9.639,67 francs
La prime ramène ces charges à 10 % du salaire, soit
666,36 francs.
2.976,00 francs total des charges sociales patronales
- 666,36 francs objectif à atteindre
- 1.212,84 francs
d'abattement automatique de l'URSSAF
1.096,84 francs
Soit une prime de 1.100 francs par mois pour atteindre cet objectif,
c'est-à-dire 26.400 francs sur deux ans.
L'aide est versée sur deux ans pour insérer ce nouvel
employé dans l'entreprise (sa période d'essai étant
effectuée dans ce délai).
Cette aide concerne toutes les entreprises implantées en Auvergne de
moins de 500 salariés, pour toute signature de contrat à
durée indéterminée à temps plein dans la limite de
trois par entreprise, sans limite d'âge pour la personne
concernée. Les commerces sont également éligibles si leur
surface de vente est inférieure à 300 m
2
.
Elle n'est pas accordée si l'embauche est liée au licenciement ou
au départ d'un salarié. Il doit y avoir véritablement
création d'emploi.
Près de 2.500 emplois ont été créés ou
sont en cours de création, dans 1.619 entreprises au 1
er
juin 1998, essentiellement dans le domaine productif, car de nombreux artisans
ont bénéficié de cette mesure.
Devant le succès du dispositif, le conseil régional devrait
porter à 3.000 son objectif de créations d'emplois pour 1998.
Deux autres régions, Languedoc-Roussillon et Champagne-Ardenne ont
d'ores et déjà décidé d'adopter un dispositif
comparable, d'autres y réfléchissent.
Cette expérience démontre tout l'intérêt d'un
allégement massif des charges sociales pour favoriser l'emploi.
La présente proposition de loi étant centrée sur les bas
salaires et sur l'ensemble des salariés -et non seulement sur les
emplois créés- l'impact ne manquerait pas d'être d'autant
plus considérable en termes de création ou de sauvegarde
d'emplois.
Quels pourraient être les résultats en termes d'emplois d'un
allégement massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est
bien entendu très difficile de faire des estimations. L'exemple de la
région Auvergne qui a décidé de compléter les
dispositifs d'allégement existants pour ramener à 10 % du
coût du SMIC le total des cotisations sociales pour toute nouvelle
embauche de salariés, peu ou moyennement qualifiés dans les
entreprises de moins de 500 salariés, peut donner des indications
encourageantes. La mesure a permis la création de près de 2.500
emplois en huit mois.
Il est tout à fait envisageable que, dans ces conditions, une extension
massive de l'allégement des charges sociales à l'ensemble du pays
et à tous les salariés qui reçoivent une
rémunération inférieure ou égale à 1,4 SMIC,
et pas seulement aux nouveaux embauchés comme c'est le cas dans
l'exemple auvergnat, pourrait créer plusieurs centaines de milliers
d'emplois en peu de temps.
C'est pourquoi votre commission des affaires sociales a retenu pour ses
conclusions le texte initial de la proposition de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Conventions-cadres relatives à
l'emploi et allégements
supplémentaires de charges sociales
sur les bas salaires
La
présente proposition de loi tendant à abaisser les charges sur
les bas salaires reprend les termes de la proposition de loi n° 628
déposée et discutée à l'Assemblée nationale
en janvier 1998. Les signataires ont seulement modifié son calendrier
d'application d'un an afin d'en faciliter son application et d'en renforcer son
efficacité.
L'article premier de la proposition de loi prévoit qu'après avoir
conclu avec l'Etat une convention de branche relative au maintien et au
développement de l'emploi, les entreprises pourront
bénéficier d'un allégement de charges sociales
supplémentaire par rapport au droit commun. Le dispositif comporte donc
des garanties en termes d'emplois alors qu'il avait été souvent
reproché aux précédents dispositifs leur absence de
contrepartie chiffrée en termes de créations ou de sauvegardes
d'emplois.
La référence à une convention de branche signée
avec l'Etat ne signifie pas pour autant que l'aide peut être
considérée comme sectorielle. Les aides sectorielles sont
prohibées par la réglementation européenne au motif
qu'elles faussent la concurrence au sein du marché unique. La mention
d'une convention signifie simplement que l'aide ne constitue pas une subvention
à un secteur d'activité, puisque son produit
bénéficie à l'emploi plus qu'à l'entreprise, mais
la traduction d'un engagement de l'entreprise en faveur de l'emploi. Pour
simplifier on peut considérer que cette aide vise à modifier la
combinaison des facteurs de production au sein de l'entreprise au
bénéfice de l'emploi et non à améliorer la
compétitivité de ces entreprises au détriment de leurs
concurrents européens. Elle est donc tout à fait conforme
à la réglementation européenne.
Cet article définit les modalités de l'aide financière
dont pourront bénéficier les entreprises qui auront signé
une convention avec l'Etat entre le 1er janvier et le 31 décembre 1999.
Il prévoit que l'aide conventionnelle se présentera comme une
majoration de l'aide de droit commun prévue par l'article 113 de la loi
de finances pour 1996.
Le paragraphe III de l'article 113 de la loi de finances pour 1996
prévoit que " le montant de la réduction (de charges
sociales), qui ne peut excéder une limite fixée par
décret, est égal à la différence entre le plafond
défini ci-dessus et le montant des gains et rémunérations
effectivement versés au salarié, multipliée par un
coefficient fixé par décret lorsque ce montant est égal ou
supérieur à 169 fois le salaire minimum de croissance et à
ce montant multiplié par un autre coefficient fixé par
décret lorsqu'il est inférieur à 169 le salaire minimum de
croissance ".
On peut rappeler que suite à l'adoption de l'article 115-V de la loi de
finances pour 1998, l'exonération de charges sociales " de droit
commun " porte sur un plafond fixé à 169 fois le salaire
minimum de croissance majoré de 30 % au lieu de 33 % auparavant.
L'objectif de la proposition de loi est de faire porter l'allégement de
charges sociales sur les salaires dont le montant est inférieur ou
égal à 1,4 fois le SMIC. Pour ce faire, l'article premier
prévoit une montée en puissance progressive du dispositif afin
que son coût budgétaire puisse être maîtrisé.
Trois catégories d'entreprises sont distinguées selon leur
proportion de salariés disposant d'un revenu inférieur à
1,33 fois le SMIC et leur proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers. Le
calcul du produit de ces deux critères permet d'obtenir un indicateur
synthétique en fonction duquel est déterminée
l'exonération dont peut bénéficier chaque entreprise.
Les entreprises ayant un produit supérieur à 0,36
bénéficient d'une réduction de charges sociales sur les
salaires inférieurs ou égaux à 1,4 SMIC dès
l'entrée en vigueur du présent texte ceci dans la limite de 1.730
francs par mois. Celles qui ont un produit compris entre 0,20 et 0,36 peuvent
bénéficier de l'exonération sur les salaires dont le
montant est inférieur ou égal à 1,36 SMIC dans la
limite de 1.470 francs par mois. Les autres entreprises, c'est-à-dire
celles dont le produit est inférieur à 0,20
bénéficient d'une réduction sur les salaires
jusqu'à 1,33 SMIC dans la limite de 1.213 francs par mois.
Une entreprise qui a un produit de 0,36 peut être par exemple une
entreprise qui comprend 60 % de salariés percevant un salaire
inférieur ou égal à 1,33 fois le SMIC, ainsi que
60 % au moins de travailleurs manuels ou d'ouvriers (0,6 x 0,6 =
0,36). Une entreprise qui a un produit de 0,20 peut être, par exemple,
une entreprise qui comprend 50 % de salariés
rémunérés jusqu'à 1,33 fois le SMIC et 40 % de
travailleurs manuels (0,50 x 0,40 = 0,20).
L'allégement de charges sociales est massif dès la
première année, les années suivantes, la réduction
jusqu'à 1,4 fois le SMIC est étendue progressivement à
l'ensemble des entreprises.
Art. 2
Généralisation partielle du
nouveau régime d'exonération
de charges
sociales
L'article premier a prévu trois régimes d'aide
pour
1999 selon la proportion de bas salaires et de travailleurs manuels dans
l'entreprise.
L'article 2 réduit à deux les régimes d'aide pour
l'année 2000, il étend l'exonération jusqu'à 1,4
fois le SMIC aux entreprises qui ont un produit compris entre 0,20 et 0,36,
c'est-à-dire celles dont la situation peut être
considérée comme intermédiaire. Les autres entreprises,
celles qui ont le moins de salariés payés jusqu'à 1,33
fois le SMIC et le moins de travailleurs manuels se voient appliquer le
régime précédemment appliqué aux entreprises en
situation intermédiaire, c'est-à-dire une exonération de
charges sociales portant sur les salaires jusqu'à 1,36 fois le SMIC.
L'article 2 amorce une généralisation de l'exonération de
charges sociales sur les salaires jusqu'à 1,4 fois le SMIC.
Art. 3
Généralisation de l'extension de
l'allégement des charges sociales
sur les bas
salaires
L'article 3 unifie le régime de l'allégement des
charges sur les bas salaires à compter du 1er juillet 2001.
L'ensemble des entreprises qui relèvent d'une branche professionnelle
dans laquelle une convention-cadre a été signée avec
l'Etat afin de maintenir et de développer l'emploi, peut
bénéficier d'un allégement de charges sociales sur les
salaires jusqu'à 1,4 fois le SMIC.
Il n'est plus alors tenu compte de la proportion de salariés
payés jusqu'à 1,33 fois le SMIC ou de celle de travailleurs
manuels.
Le régime d'aide est pérennisé dans sa configuration la
plus avantageuse pour l'emploi.
Art. 4
Financement de l'extension de
l'allégement des charges sociales
sur les bas
salaires
Une
extension de l'allégement des charges sociales sur les bas salaires
devrait à terme se traduire par un supplément d'emplois et donc
de cotisations sociales. Par ailleurs, la baisse du chômage concomitante
permettra une baisse des dépenses d'indemnisation des régimes de
protection sociale. A terme, la mesure devrait donc être
autofinancée, le dispositif s'apparente à une activation des
dépenses passives.
Toutefois, à court terme, et pour " amorcer la pompe ", des
dépenses assimilables à un " déficit de
trésorerie " peuvent apparaître.
Les règles formelles de recevabilité financière conduisant
à devoir compenser une perte de recettes par une recette nouvelle par
dérogation au principe de la compensation intégrale pour la
sécurité sociale des exonérations de charges sociales. Le
principe de cette compensation auquel votre commission souscrit pleinement
conduirait en effet formellement à une argumentation de la
dépense publique, qui, elle, ne peut être compensée dans le
cadre des règles en vigueur de la recevabilité financière.
Cet article prévoit donc que les pertes de recettes pour le
régime général de la sécurité sociale
résultant de l'application de la présente loi sont
compensées par une taxe additionnelle aux taxes sur les tabacs.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI TENDANT A ALLÉGER LES CHARGES
SUR LES BAS SALAIRES
Article premier
L'Etat
peut, à compter du 1
er
janvier 1999, conclure avec toutes les
branches professionnelles des conventions-cadres relatives au maintien et au
développement de l'emploi.
A compter du premier jour du mois suivant la conclusion des conventions
susmentionnées, les dispositions de l'article 113 de la loi de finances
pour 1996 (n° 95-l346 du 30 décembre 1995) sont applicables dans
les conditions suivantes dans les branches concernées :
a)
La réduction mentionnée au III de cet article est
applicable pour les gains et rémunérations versés, au
cours d'un mois civil, inférieurs ou égaux à 169 fois le
salaire minimum de croissance majoré de 40 % dans les entreprises dont
le produit des deux proportions suivantes est supérieur à
0,36 :
- la proportion de salariés disposant d'un revenu mensuel
inférieur à 1,33 x 169 fois le SMIC par rapport au nombre total
de salariés,
- la proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers par rapport au
nombre total de salariés.
Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1.730 francs par
mois, est déterminé par un coefficient fixé par
décret ;
b)
La réduction mentionnée au III de cet article est
applicable pour les gains et rémunérations versés, au
cours d'un mois civil, inférieurs ou égaux à 169 fois le
salaire minimum de croissance majoré de 36 % dans les entreprises
dont le produit des deux proportions suivantes est compris entre 0,36 et
0,20 :
- la proportion de salariés disposant d'un revenu mensuel
inférieur à 1,33 x 169 fois le SMIC par rapport au nombre total
de salariés,
- la proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers par rapport au
nombre total de salariés.
Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1.470 francs par
mois, est déterminé par un coefficient fixé par
décret ;
c)
La réduction mentionnée au III de cet article est
applicable pour les gains et rémunérations versés, au
cours d'un mois civil, inférieurs ou égaux à 169 fois le
salaire minimum de croissance majoré de 33 % dans les entreprises
non mentionnées au
a)
et au
b).
Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1.213 francs par
mois, est déterminé par un coefficient fixé par
décret.
Art. 2.
A
compter du 1er janvier 2000, les dispositions de l'article 113 de la loi de
finances pour 1996 sont applicables dans les conditions suivantes :
a)
La réduction mentionnée au III de cet article est
applicable dans les branches mentionnées au
b)
de l'article
premier dans les conditions définies au
a)
de l'article premier ;
b)
La réduction mentionnée au III de cet article est
applicable dans les branches non mentionnées au
a)
et au
b)
de l'article premier dans les conditions définies au
b)
de l'article premier.
Art. 3.
A compter du 1er janvier 2001, la réduction mentionnée au III de l'article 113 de la loi de finances pour 1996 est applicable dans les branches non mentionnées à l'article premier a) et b) dans les conditions définies au a) de l'article premier.
Art. 4.
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les pertes de recettes résultant pour le régime général de la sécurité sociale de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence, par une taxe additionnelle aux taxes prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
1
Suivant les définitions
nationales du
chômage. Pour le chômage structurel, il s'agit des estimations du
taux de chômage non accélérateur des salaires (NAWRU)
effectuées par le secrétariat de l'OCDE pour le n° 60 des
Perspectives économiques de l'OCDE, 1996.
2
" La mise en oeuvre de la stratégie de l'OCDE pour
l'emploi " - OCDE, 1997.
3
" Perspectives de l'emploi ", OCDE, juin 1998.
4
Rapport sur la réforme des cotisations patronales remis le
16 juin 1997 par M. Jean-François Chadelat au Premier ministre,
documentation française.
5
Chambre de commerce et d'industrie de Paris, " Les projets de
réforme des cotisations patronales : un pari trop risqué pour
l'emploi, s'il ne se traduit pas par une réduction des
prélèvements sociaux ", rapport présenté par
M. Jean Courtière au nom de la Commission économique et
financière.
6
Patrick Artus, " Prélèvements obligatoires :
quels effets sur l'économie ? Quelles pistes de réforme ? ",
Etude n° 97.01, Service de la recherche, Caisse des dépôts et
consignations.
7
Voir notamment " loi quinquennale pour l'emploi :
évaluations à mi-parcours ", Travail et Emploi n°
734/97, DARES.
8
Les bas salaires en France : quels changements depuis quinze ans ?
DARES, Premières informations (97-11, n° 48-1)
9
Avis n° 89 présenté au nom de la commission des
Affaires sociales par MM. Louis Souvet et Jean Madelain, rapporteurs, sur les
crédits " travail emploi et formation professionnelle " du
projet de loi de finances pour 1998.
10
Avis n° 408 au nom de la commission des Affaires sociales du
Sénat sur le projet de loi portant DDOEF, M. André Jourdain,
rapporteur
11
Rapport n° 433 au nom de la commission des Affaires
sociales du Sénat sur le projet de loi relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes. M. Louis Souvet, rapporteur.
12
Rapport n° 306 fait au nom de la commission des
Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. M. Louis
Souvet, rapporteur.
13
Rapport n° 656 au nom de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale
sur la proposition de loi n° 628 tendant à alléger les
charges sur les bas salaires. M. Yves Nicolin, rapporteur, p. 15.
14
Rapport n° 656 au nom de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur la
proposition de loi n° 628 tendant à alléger les charges
sur les bas salaires. M. Yves Nicolin, rapporteur, p. 16.
15
Idem, p. 17.
16
JO Débats, AN - 1
ère
séance
du 30 janvier 1998, p. 825.
17
Idem - p. 826.
18
Idem - p. 841.
19
Proposition de loi n° 372 rectifiée tendant
à alléger les charges sur les bas salaires, déposée
le 7 avril 1998