EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX
ALTERNATIVES AUX POURSUITES
Article 1er
(Articles 41-1 à 41-3 du code de
procédure pénale)
Alternatives aux poursuites et compensation
judiciaire
L'article 1er du projet de loi tend à
insérer
trois nouveaux articles dans le code de procédure pénale,
numérotés 41-1 à 41-3.
• Le texte proposé pour l'
article 41-1
du code
de procédure pénale a pour objet d'inscrire dans la loi un
certain nombre de mesures utilisées par les procureurs comme
alternatives aux poursuites. La loi du 4 janvier 1993 a consacré la
pratique de la médiation pénale qui avait commencé
à se développer auparavant en l'absence de base légale et
le présent projet tend à dresser une liste des
possibilités offertes au procureur. Celui-ci pourrait,
préalablement à sa décision sur l'action publique,
directement ou par délégation :
- procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des
obligations résultant de la loi ;
- orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
- demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au
regard de la loi ou des règlements ;
- demander à l'auteur des faits de réparer le dommage
résultant de ceux-ci ;
- procéder, avec l'accord des parties, à une mission de
médiation entre l'auteur des faits et la victime.
On peut s'interroger sur l'intérêt d'inscrire dans la loi des
mesures qui paraissent relever d'instructions du garde des Sceaux. Certes,
l'inscription dans la loi des alternatives auxquelles peut recourir le
procureur permettrait de suspendre la prescription. Toutefois, ces mesures sont
destinées à accélérer les réponses aux
infractions et on ne voit guère dans quelles circonstances la
prescription pourrait être une gêne pour les procureurs qui
souhaiteraient utiliser ces mesures, en particulier en ce qui concerne les
délits qui se prescrivent par 3 ans.
Par ailleurs, la crainte que peut susciter un tel dispositif est qu'aucune
mesure ne figurant pas dans cette énumération ne puisse par la
suite être prise par les parquets. Il convient de
ménager la
possibilité que se développent de nouvelles alternatives
en
fonction de l'évolution du contentieux pénal.
Votre commission, consciente du fait que le Parlement se doit de veiller
à la qualité des textes législatifs, n'estime pas opportun
d'inscrire dans la loi qu'un procureur peut "
procéder au rappel
auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la
loi
"... Elle vous soumet donc un
amendement
tendant à
supprimer le texte proposé pour l'article 41-1 du code de
procédure pénale.
• Le texte proposé pour l'
article 41-2
du code
de procédure pénale tend à créer une nouvelle forme
d'alternative aux poursuites appelée compensation judiciaire. Celle-ci
se distinguerait des mesures présentées
précédemment en ce que son exécution éteindrait
l'action publique.
Le
dispositif présenté reprend en
fait celui de l'injonction pénale
adopté en 1995 par le
Parlement et déclaré non conforme à la Constitution.
Le tableau présenté ci-dessus dans l'exposé
général fait apparaître les différences entre la
procédure adoptée en 1995 et celle aujourd'hui proposée.
La compensation judiciaire, telle qu'elle est proposée, s'apparente
à une véritable transaction pénale puisqu'elle suppose
l'accord de l'auteur des faits. Votre commission souhaite donc que la
véritable nature de cette mesure apparaisse explicitement dans sa
dénomination et vous propose donc par
amendements
de la qualifier
de
composition pénale
. Cette appellation était
déjà celle qu'avait proposée le Sénat lors de
l'examen du texte adopté en 1994, avant que l'Assemblée nationale
retienne le terme d'injonction. Le terme de composition décrit
très bien le processus qui se déroulera entre le procureur,
l'auteur de faits et, le cas échéant, la victime. Il paraît
particulièrement intéressant que l'auteur des faits
répréhensibles participe à son propre rachat en
reconnaissant les faits qu'il a commis et en acceptant librement une mesure
proposée par le procureur.
Selon le texte présenté, le procureur ne pourrait proposer la
composition qu'à une personne majeure reconnaissant avoir commis
certains délits ou contraventions limitativement
énumérés (voir tableau ci-dessus). Les infractions en
cause concernent pour l'essentiel ce qu'on peut appeler la petite
délinquance de masse, souvent urbaine, parfois aussi qualifiée de
" délinquance de voie publique ". Votre rapporteur s'est
interrogé sur le point de savoir s'il ne serait pas opportun d'inscrire
certaines circonstances aggravantes d'infractions telles que le vol ou les
dégradations dans le champ d'application de la nouvelle
procédure. Bien souvent en effet, le vol avec effraction, le vol en
réunion ou les dégradations en réunion correspondent
parfaitement au contentieux qui pourrait donner lieu à composition
pénale. Toutefois, il suffira au procureur de ne pas retenir la
circonstance aggravante pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure
proposée par le projet de loi.
Afin que le dispositif revête la plus grande souplesse possible et qu'il
soit compatible avec le " traitement direct " des affaires, qui tend
à se généraliser, votre commission vous soumet un
amendement
tendant à permettre au procureur de proposer une
composition pénale directement ou par l'intermédiaire d'un
officier ou agent de police judiciaire ou d'une personne habilitée. La
proposition pourrait ainsi être présentée par un officier
de police judiciaire après un entretien téléphonique avec
le procureur. Le décret en Conseil d'Etat prévu par le texte
proposé déterminera les conditions de cette
délégation.
Dans le cadre du dispositif proposé, le procureur pourrait proposer
à l'auteur des faits une ou plusieurs des mesures suivantes :
- le versement d'une indemnité au Trésor public, dont le montant
ne pourrait être supérieur à 10 000 F et serait
fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources
et des charges de la personne ; le versement devrait être
effectué à l'intérieur d'une période qui ne
pourrait être supérieure à six mois. Votre commission
estime que le terme d'indemnité n'est pas le plus adapté pour
décrire la mesure proposée, qui revêt bien un
caractère de sanction, même s'il s'agit d'une sanction
acceptée. Elle vous propose donc par
amendement
de la qualifier
d'amende de composition
. Par ailleurs, afin de laisser une certaine
marge au procureur, votre commission vous propose par un
amendement
que
le montant maximal de cette amende ne puisse dépasser ni
50 000 F ni la moitié de la peine maximale d'amende encourue
pour l'infraction commise ;
- le dessaisissement au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou
était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le
produit ;
- la remise au greffe du tribunal de grande instance du permis de conduire ou
du permis de chasser pour une période maximale de quatre ans ;
- la réalisation au profit de la collectivité d'un travail non
rémunéré pour une durée maximale de 60 heures,
dans un délai ne pouvant dépasser six mois ;
- enfin, la réparation des dommages causés à la victime
lorsqu'elle est identifiée ; le procureur devrait
obligatoirement
proposer cette mesure et en informer la victime. Votre
commission vous propose par un
amendement
d'enfermer la
réparation des dommages dans un délai maximum de six mois comme
pour les autres mesures.
Le texte prévoit que la personne à qui est proposée une
composition pénale doit être informée qu'elle peut se faire
assister par un avocat avant de donner son accord.
Pour répondre aux critiques formulées par le Conseil
constitutionnel à l'encontre de l'injonction pénale,
déclarée contraire à la Constitution en 1995, le texte
proposé tend à imposer aux procureur de la République de
saisir le président du tribunal aux fins de validation de la
composition. L'auteur des faits et, le cas échéant, la victime
devraient être informés de cette saisine. Le président
pourrait procéder à l'audition des parties et serait tenu de le
faire si celles-ci en faisaient la demande. Si l'ordonnance du président
validait la composition, les mesures proposées seraient mises à
exécution. Dans le cas contraire, la proposition deviendrait caduque. La
décision du président ne serait pas susceptible de recours.
La seule crainte que peut inspirer ce dispositif est celle d'un alourdissement
de la procédure. On peut toutefois penser que ce contrôle, qui ne
devrait pas être d'une grande complexité à assurer, ne
retardera guère le processus.
Le texte proposé dispose par ailleurs qu'en cas de refus de la
composition par l'auteur des faits, en cas de non-exécution des mesures
prescrites ou lorsque la composition n'est pas validée, le procureur
apprécie la suite à donner à la procédure.
Votre commission estime que lorsqu'un tel processus a été
engagé, il ne peut plus être possible au procureur de la
République de classer une affaire. Elle vous soumet donc un
amendement
prévoyant que
le procureur de la République
exerce les poursuites, sauf élément nouveau.
Enfin, le texte prévoit que l'exécution des mesures
proposées éteint l'action publique et qu'elle ne fait pas
échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe
devant le tribunal correctionnel, qui ne statue alors que sur les seuls
intérêts civils. Cette disposition est identique à celle
qui figurait dans le dispositif concernant l'injonction pénale et
paraît indispensable pour assurer la protection des intérêts
de la victime.
• Le texte proposé pour l'
article 41-
3
du code de
procédure pénale tend à étendre la nouvelle
procédure que votre commission vous propose d'appeler composition
pénale aux violences et dégradations contraventionnelles.
La somme versée au Trésor public ne pourrait alors excéder
5 000 F, la durée de remise du permis de conduire ou de
chasser ne pourrait dépasser deux mois, et la durée du travail
non rémunéré ne pourrait être supérieure
à 30 heures, dans un délai maximal de trois mois.
D'une manière générale, votre commission estime que
les
compositions pénales doivent faire l'objet d'une inscription dans un
registre national
. Certes, il ne s'agit pas de condamnations pénales
au sens strict ; il s'agit néanmoins de sanctions, de peines
acceptées et la consultation du registre pourrait être un
élément d'appréciation précieux pour un procureur
avant de prendre sa décision quant à l'action publique lors de la
commission d'un délit. Votre commission vous soumet donc un
amendement
tendant à créer un registre national des
compositions pénales,
qui ne serait accessible qu'aux
autorités judiciaires
et contiendrait la mention de toutes les
compositions exécutées pendant une durée de cinq ans comme
le prévoyait le texte adopté en 1994.
Elle vous propose enfin de modifier la
numérotation
des articles
du code de procédure pénale proposée dans le projet de
loi. Elle estime en effet que le changement de numérotation d'un article
ne doit être fait que lorsqu'il s'impose réellement. En
l'espèce, le projet de loi tend à déplacer l'actuel
article 41-1 du code, relatif à la restitution des objets saisis, pour
le faire figurer immédiatement après les dispositions relatives
à la composition pénale. Cette modification n'améliore
guère la cohérence du code de procédure pénale, les
dispositions relatives aux objets n'ayant pas de rapport avec celles relatives
aux alternatives aux poursuites. Votre commission a donc estimé
préférable de conserver la numérotation actuelle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier
ainsi
modifié.