C. LE DÉFI NUCLÉAIRE
C'est
dans ce contexte de libéralisation progressive que la France abordera
une phase stratégique de sa politique énergétique,
à savoir la
décision concernant le renouvellement
éventuel de son parc nucléaire
à l'horizon 2020. D'ici
là, l'industrie nucléaire risque de vivre des années
difficiles que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de
véritable " traversée du désert ".
En dépit de cette période critique, si un certain nombre de
conditions sont réunies, l'énergie nucléaire continuera
d'apparaître comme une alternative incontournable aux énergies
fossiles.
1. La problématique du renouvellement du parc nucléaire français
Le parc
de 58 réacteurs nucléaires de la filière à eau
pressurisée (d'une capacité totale de
60.000 Mégawatts) permet de satisfaire 82 % de la consommation
française d'électricité.
Ce parc présente deux caractéristiques majeures (il est jeune et
largement dimensionné) qui emportent des conséquences quant
à la place future qu'occupera l'énergie d'origine
nucléaire dans le paysage énergétique français
à l'échéance de son renouvellement et à l'avenir de
l'industrie concernée.
a) Un parc relativement jeune et largement dimensionné
La
construction des centrales nucléaires françaises a
été engagée voici une vingtaine d'années sur la
base d'une hypothèse prudente d'une durée de vie de 25 ans.
La bonne tenue technique et la disponibilité du parc semblent permettre
désormais d'envisager la prolongation de sa durée de vie et de la
porter au minimum à 40 ans, sous réserve cependant que les
autorités de sûreté autorisent leur exploitation
au-delà de 30 ans, autorisation qui ne saurait être
donnée qu'au cas par cas, et de période en période. Cette
tendance est d'ailleurs partagée par d'autres pays : c'est ainsi que les
Etats-Unis viseraient une durée de vie de 40 à 60 ans
pour leurs centrales et le Japon, de 40 à 70 ans.
La date à laquelle les décisions lourdes concernant le
renouvellement ou le remplacement du parc électronucléaire risque
donc d'être repoussée. Mais,
il ne faut pas
pour autant
tarder à arrêter une décision de principe concernant ce
renouvellement.
Alors que viennent d'être couplées au réseau les centrales
de dernière génération de Chooz et de Civaux, les besoins
de nouveaux équipements lourds, en France, apparaissent pour le moment
inexistants jusqu'à cet horizon de 2020.
En effet, notre parc nucléaire est largement dimensionné. Cette
situation s'explique par deux raisons principales : d'une part, la
croissance de la consommation d'électricité s'est
avérée plus modeste que prévu et, d'autre part, la
disponibilité du parc a nettement dépassé les
prévisions (elle s'élève, en effet, à 82,6 %
en 1997, contre 73 % il y a 10 ans).
L'ouverture de la production d'électricité à la
concurrence, les perspectives de développement de la production par des
opérateurs autres qu'EDF, notamment par le biais de la
cogénération entraînera, en outre, l'installation de
nouvelles capacités de production.
Mais à l'inverse, elle renforcera les opportunités pour EDF
d'exporter son électricité chez nos partenaires européens.
Il faudra, pour ce faire, que des solutions soient trouvées afin que ses
exportations ne soient pas handicapées par la limitation des
capacités de transport.
L'horizon des premiers besoins de nouveaux équipements de production
d'électricité " en base " (plus
de 6.400 heures)
risque de
se trouver pratiquement
confondu avec celui du renouvellement du parc nucléaire existant,
à savoir probablement 2020
.
Il nous faut cependant assurer la continuité de la filière
nucléaire et ne pas laisser s'installer la " traversée du
désert " que les industries voient se profiler à
l'horizon.
b) Le risque d'une " traversée du désert "
A
l'échéance de 2020, un certain nombre d'incertitudes
obscurcissent l'horizon
:
-
Au plan économique,
l'énergie nucléaire
sera-t-elle toujours compétitive ? On peut le penser pour les
usages dits de " base ". Mais, qu'en sera-t-il pour les usages dits
de " semi-base " ? Tout dépendra de l'évolution
des coûts relatifs des différentes énergies et des tensions
éventuelles concernant les approvisionnements en énergies
fossiles.
-
Au plan politique et social,
la question suivante est
fondamentale : quel sera le degré d'acceptation sociale de
l'énergie nucléaire dans 20 ans ?
- Ceci est largement lié aux
questions environnementales
:
comment réduire les émissions des gaz provoquant l'effet de serre
? Saura-t-on poursuivre l'amélioration de la sûreté des
installations et gérer l'aval du cycle nucléaire, en particulier
les déchets ?
Toutes ces interrogations amènent à penser qu'à
défaut de pouvoir prévoir avec certitude les modalités du
renouvellement du parc nucléaire, nous devons préparer ce
dernier. Le préparer signifie nous donner les moyens d'être
prêts à apporter les solutions les plus crédibles aux
questions énergétiques qui se poseront dans les termes de demain.
Dans cette perspective, la prise en compte de l'enjeu industriel apparaît
fondamentale.
Recevant peu de commandes, les constructeurs ne risquent-ils pas, en effet,
d'éprouver de grandes difficultés à maintenir la
compétence de leurs chercheurs, de leurs bureaux d'études et de
l'ensemble de leurs équipes, ainsi que leurs moyens de production
spécifiques ?
Pendant cette période, l'enjeu sera donc de :
- préserver les compétences industrielles ;
- maintenir la sûreté des installations existantes ;
- préparer le réacteur du futur, qui doit être
à la fois compétitif et sûr ;
- améliorer la gestion des déchets nucléaires.
On étudiera, ci-après
57(
*
)
, comment on pourrait satisfaire
à ces objectifs essentiels.