B. L'OTAN DE 1998 EST PROFONDÉMENT RÉNOVÉE
Les développements que vient de décrire votre rapporteur concernant le vaste mouvement de coopération et de dialogue lancé entre l'OTAN et ses partenaires de l'Est européen, symbolisent la tentative de transformation progressive de l'OTAN d'une organisation essentiellement militaire en un outil de prévention plus politique . De fait l'OTAN d'aujourd'hui est éloignée du modèle qu'elle représentait au début des années 1980. C'est l'une des conséquences de "l'aggiornamento" atlantique initié dès 1990 au sommet de Londres et formalisé, un an plus tard à Rome, en novembre 1991, à travers "le nouveau concept stratégique" déjà appelé lui-même à être prochainement révisé.
1. L'OTAN à la recherche d'un nouveau concept stratégique
Immédiatement après les bouleversements
européens, l'Alliance a adapté ses missions et ses ambitions au
nouveau contexte. Tel a été l'origine du nouveau concept
stratégique, formalisé en
1991
, qui constatait que
désormais
"les risques pour l'Alliance tiennent (...) moins à
l'éventualité d'une agression calculée contre le
territoire des alliés qu'aux conséquences (...)
d'instabilité qui pourraient découler des graves
difficultés économiques, sociales et politiques, y compris les
rivalités ethniques et les litiges territoriaux que connaissent de
nombreux pays d'Europe centrale et orientale".
Les ministres de l'OTAN en
concluaient que ces tensions pouvaient
"aboutir à des crises mettant
en cause la stabilité en Europe, et même conduire à des
conflits armés susceptibles d'entraîner l'implication de
puissances extérieures ou de se répercuter sur des pays
alliés, ayant ainsi un effet direct sur la sécurité de
l'Alliance".
L'Alliance a donc, au cours des années qui ont suivi, adapté sa
façon de penser et d'agir à cette nouvelle donne. La
planification des forces a cessé d'être concentrée sur
cette menace et la "défense de l'avant", a fait place à une
"présence en avant" substantiellement réduite. Logiquement, le
délai antérieur d'intervention des forces -deux jours pour la
quasi-totalité des forces terrestres, 70 % pour l'aviation de combat et
75 % pour les principaux navires de guerre-, est passé désormais
à trente jours pour près de la moitié des forces de
l'OTAN. De même depuis 1990, l'OTAN a très substantiellement
réduit ses effectifs : de 24 % pour le personnel militaire, 35 % pour
les forces terrestres, 32 % pour les unités navales et 41 % pour
les avions de combat. Parallèlement, les pays de l'OTAN ont
réduit de quelque 22 % leurs dépenses de défense. Quant
aux armes nucléaires basées à terre -sur aéronefs
à double capacité- elles ne représentent plus que 20 % des
stocks détenus en 1990. En Allemagne, les deux tiers des forces
positionnées ont été rappelées et le nombre
d'avions de combat y a été réduit de 70 %. Enfin les
forces américaines stationnées en Europe sont passées de
300 000 à 100 000 hommes
5(
*
)
.
Progressivement, l'OTAN a commencé à réviser sa
priorité accordée à la notion de "défense
territoriale" visée à son article 5, pour prendre en compte une
conception plus large de la défense reposant sur une coopération
politique, appréhendant tous les thèmes qui, de près ou de
loin, risqueraient d'affecter la sécurité. C'est l'un des enjeux
de la négociation en cours destinée à donner à
l'Alliance un "nouveau concept stratégique" pour le siècle
à venir. La place respective accordée à la défense
collective et aux "nouvelles missions
non-article 5
", les rapports avec
l'ONU, la conception globale ou territoriale de la sécurité des
membres de l'Alliance seront les éléments essentiels que les
négociateurs auront à préciser.