2. Le contenu de l'Acte fondateur
L'Acte
fondateur va au-delà de la structure de coopération qu'il met en
place. Il comporte plusieurs dispositions qui précisent les limites que
l'OTAN a elle-même posées à son élargissement
à venir, dans son souci de ménager les réactions russes.
En premier lieu, l'OTAN y déclare, unilatéralement, n'avoir
"
aucune intention, aucun projet et aucune raison de déployer
les
armes nucléaires
sur le territoire de nouveaux membres
".
En second lieu, s'agissant des forces classiques, l'OTAN affirme
ne pas
viser une politique de stationnement permanent de forces
importantes
sur
les territoires des nouveaux membres, estimant "
préférer
l'interopérabilité, l'intégration et la capacité de
renforcement nécessaires
" à un "
stationnement permanent
supplémentaire de forces de combat
". La possibilité est donc
cependant reconnue d'un
stationnement temporaire
-pour le
déroulement d'exercices par exemple- ou pour le "
renforcement, en cas
de besoin, pour assurer la défense contre une menace d'agression et pour
les missions de soutien de la paix, en conformité avec la charte de
l'ONU et les principes directeurs de l'OSCE
".
L'Acte fondateur fait ainsi référence
à
l'adaptation
de certaines dispositions du
traité sur les forces
conventionnelles en Europe (FCE).
Conclu en 1990 entre les deux "blocs"
-l'OTAN et le Pacte de Varsovie- il a eu pour objet de définir des
plafonds et de réduire fortement, dans la zone d'appplication
(Atlantique à Oural) les équipements militaires
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installés en Centre-Europe.
Entre son entrée en vigueur en 1992 et la première
"conférence d'examen" du traité en 1996, ce sont quelque 58 000
pièces d'armement qui ont ainsi été
éliminées.
Une nouvelle configuration du Traité se dessine donc. Sa structure "bloc
à bloc" sera remplacée par un réseau de plafonds nationaux
et territoriaux ;
- les
plafonds nationaux
ont déjà fait l'objet, de la part
des membres de l'Alliance, de propositions de réductions, compte tenu de
l'écart séparant, dans de nombreux pays, le plafond
théorique autorisé du nombre réel, souvent
inférieur, d'équipements en dotation.
- les
plafonds territoriaux
, qui remplaceront les limites par zones du
traité originel incluront non seulement les équipements nationaux
mais aussi ceux d'éventuelles troupes stationnées. En effet, si
l'acte fondateur a été l'occasion pour l'Alliance d'affirmer son
intention de ne pas procéder à des stationnements permanents de
forces en nombre
important
, elle a préservé la
possibilité de stationnements permanents modérés sur les
territoires des nouveaux membres.
Des autorisations de dépassement de ces plafonds territoriaux seront
prévues pour faciliter soit des exercices, soit des mouvements
militaires liés au déroulement d'opérations de maintien de
la paix effectuées sur mandat de l'ONU ou de l'OSCE.
Deux points font l'objet de négociations délicates :
- Celui des déploiements temporaires de forces en cas de crise ne
relevant pas d'un des mandats précités. De fait, l'octroi d'une
telle facilité pour l'Alliance entraînerait la
réciprocité pour la Russie qui pourrait -par exemple- y recourir
en Belarus ou dans l'enclave de Kaliningrad.
- Celui du régime de la zone des "flancs" qui, notamment pour la Russie,
limite ses potentialités de déploiement d'équipements
militaires, en particulier sur son flanc sud (Sud-Caucase) dont
l'instabilité la préoccupe.
L'Acte fondateur et son Conseil permanent conjoint, le régime de
stationnement proposé pour les forces dans les nouveaux pays membres, le
non-stationnement de forces nucléaires, constituent globalement les
"ouvertures" ou les "concessions" faites à la Russie
pour tenter
de dissiper son hostilité initiale. La culture de coopération et
de dialogue ainsi mise en place avec la Russie est essentielle mais l'OTAN est
loin d'en constituer le cadre exclusif, singulièrement pour les Russes,
pour lesquels
"l'architecture de sécurité devrait s'appuyer
sur l'OSCE, seule organisation internationale du continent qui reflète
pleinement les intérêts de tous les pays participants à ses
activités et qui leur assure des droits égaux, qu'ils
appartiennent ou non à différentes unions ou alliances"
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